Anai Artea joue un rôle précieux à l’heure où la lutte armée prend fin. Cette association détient une part de la mémoire abertzale tant par son action de solidarité auprès des réfugiés que par la dimension politique de son cofondateur, Telesforo de Monzon. Jeudi dernier 3 no-vembre, Anai Artea présentait à l’hôtel Chiberta d’Anglet un livre retraçant les entretiens qui eurent lieu dans cet hôtel en 1977. Il s’agit là d’un acte marqueur de la division abertzale de l’après-franquisme à la veille des premières élections législatives de l’Espagne en marche vers la démocratie.
L’hôtel Chiberta était à l’époque tenu par des personnes proches de l’abertzalisme, MM. Barriola, Burguete et Irigoyen. Telesforo de Monzon réussit à réunir toutes les composantes du camp basque, du PNV à ETA “mili” et “poli-mili” en passant par toutes les tendances intermédiaires. “Le but était de structurer un projet politique minimum face au nouveau pouvoir de Madrid directement issu du franquisme”. La rencontre se tenait du 24 avril au 17 mai et il fallait trouver une position commune aux abertzale pour l’élection législative espagnole du 15 juin 1977. Le PNV avait déjà annoncé son intention de se présenter sous ses couleurs, comme il venait de le faire aux premières élections municipales de l’après Franco. Il fit même liste commune pour le Sénat avec le PSOE dans le prolongement de son alliance du gouvernement de J. A. Agirre de 1936 et de son exil durant la dictature. ETA et toute sa mouvance prônait la non-participation à des élections qu’il ne considérait pas encore suffisamment dé-mocratiques. Il avançait comme préalable l’amnistie totale et la libre expression du peuple basque allant jusqu’à la défense de l’indépendance. Monzon ne put réaliser son rêve d’unité et avoua n’avoir pu empêcher cette cassure historique qui se perpétue jusqu’à nos jours.
Anai Artea a tenu à publier les actes de cette rencontre fondatrice du mouvement bas-que de l’après-fascisme à l’occasion du 30ème anniversaire de la mort de son fondateur, personnage exceptionnel, acteur de la prise de pouvoir autonomique du PNV en 1936 puis basculant vers le soutien à la lutte armée d’ETA pour l’indépendance dans les dernières années de la dictature. Anai Artea a reçu pour ce travail le soutien inestimable de la journaliste Mirentxu Purroy témoin direct des entretiens de Chiberta. Elle ne cache pas avoir été difficilement admise à ces rencontres clandestines et dangereuses où l’on travaillait de 12h à 17h.
Anai Artea pense que les ambitions des rencontres de Chiberta perdurent aujourd’hui. Il est vrai que l’accord Lizarra-Garazi, dont l’échec nous laisse un goût amer, se fondait lui aussi sur une alliance nationale du PNV à ETA. La lecture du livre “Les actes de Txiberta” s’impose à tous les abertzale.