Terrorisme et ultragauche par Michaël Alcibar

Le 4 novembre 2010, le ministre de l’Intérieur de l’époque Brice Hortefeux dévoilait aux caméras de France 2 les trois formes de terrorisme qui menacent la France. Dans l’ordre, il cite d’abord l’«organisation séparatiste basque ETA», puis les actions venant de l’ultragauche: «regardez ce qui s’est passé à Athènes avec le colis destiné au président de la République» et enfin il finit par «l’islamisme radical, une menace forte». En se référant aux paroles du ministre, on laissera pour une fois de côté ETA et les islamistes pour se pencher plus particulièrement sur le cas de l’ultragauche.

Qu’est-ce que l’ultragauche?
Objet de quelques travaux, le phénomène ou concept d’ultragauche demeure flou dans sa définition. Il est souvent utilisé dans un sens proche du conseillisme ou rapproché de l’extrême gauche et parfois de certains courants de l’anarchisme, notamment les courants communistes libertaires, ou les anarchistes privilégiant l’action directe. Personne ne s’en réclame vraiment et officiellement aucune organisation ne se dit de l’ultragauche.
Pour Hortefeux, l’ultragauche se résume à un mélange d’anarchistes, d’antifascistes, de libertaires et d’autonomes. Lorsqu’il fait allusion au colis piégé destiné à Sarkozy, il parle évidemment des tentatives d’attentat au moyen de colis piégés adressés au président français ainsi qu’à trois ambassades à Athènes qui avaient eu lieu le 1er novembre 2010. Dans cette affaire, quatre suspects avaient été arrêtés: l’un d’entre eux était recherché pour extrémisme anarchiste.
On peut dès lors se demander comment des courants qui étaient marginalisés jusqu’à aujourd’hui sont aujourd’hui associés au terrorisme? Comment l’ultragauche est devenue une des trois principales menaces terroristes pour la France?

La comparaison avec Action Directe
Dans un rapport de la Direction centrale des renseignements généraux intitulé “Du conflit anti-CPE à la constitution d’un réseau pré terroriste international: regards sur l’ultragauche française et européenne” apparaît une formule qui va influencer la pensée des différent(e)s ministres de l’Intérieur successifs tels que MAM, Hortefeux et Guéant. Il y est écrit que: «les faits et comportements observés sur notre territoire sont similaires à ceux recensés à la fin des années 1970 qui avaient été précurseurs de la constitution du groupe Action Directe».
Pour rappel, Action Directe était un groupe armé anarcho-communiste, issu du mouvement autonome et anti-franquiste. Historiquement, il doit être replacé dans le cadre de ce que l’on a appelé les années de plomb qui ont vu l’apparition de mouvements comme la Fraction armée rouge en Allemagne ou les Brigades rouges en Italie. Il emprunte son nom à la théorie anarchiste de l’action directe. Ses membres ont revendiqué plus de 80 attentats ou assassinats sur le territoire français entre 1979 et 1987. Action directe a été interdite pour apologie de la lutte armée par un décret de 1982. L’organisation est, depuis, officiellement considérée comme terroriste par les autorités françaises.
On comprend bien que personne ne souhaite endosser la responsabilité d’un nouveau groupe équivalent à Action Directe. Ainsi en 2007, le directeur de cabinet de MAM au ministère de l’Intérieur justifiait cette position par une lecture politique: «La ministre de l’Intérieur a très tôt fait l’analyse suivante: la quasi-disparition du parti communiste, les états d’âmes du parti socialiste et les faiblesses de la LCR ont ouvert un espace de contestation qui n’est plus encadré par un parti démocratique. Dans ce contexte, des mouvements peuvent développer des contestations allant bien au-delà de la rhétorique. Aussi, a-t-elle demandé à la DST de travailler sur ce nouveau phénomène». Et c’est à partir de ce moment là que l’ultragauche est devenue une menace terroriste.

L’affaire de Tarnac,
l’exemple le plus flagrant de cette dérive
Depuis, on a suivi l’affaire de Tarnac et toutes les contradictions policières liées à cette affaire. Les avocats des mis en examen ont relevé les nombreuses incohérences de l’enquête policière: er-reurs notamment dans le relevé des horaires et des traces de pas. Les ultragauchistes de Tarnac s’éloignent chaque jour davantage de l’image et de la fonction de terroriste que l’on veut leur donner. Mais l’affaire de Tarnac n’est que la partie émergente de l’iceberg. En effet, maintenant de plus en plus de rafles et d’arrestations ont lieu dans
les milieux anarchistes, autonomes, libertaires,… Sous couvert de l’anti-terrorisme, des militant(e)s sont arrêté(e)s, fiché(e)s (ADN) et jugés pour des petits délits comme la détérioration de distributeurs de banque, peintures, bombages et poses d’autocollants. On est bien loin de la menace terroriste annoncée par Hortefeux mais les moyens répressifs et financiers y sont. Le seul bilan positif que le gouvernement peut proposer concerne le sécuritaire. On essaye donc de donner l’impression à la population que l’on matte ces combattant(e)s venu(e)s de l’extrême gauche et surtout on essaye de capitaliser politiquement ce nettoyage et cette mise au pas de la France afin de sauver les meu-bles en 2012.

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