Enbata: Une assemblée de Batera, samedi 8 janvier à Hasparren, a validé le projet d’institution propre à Iparralde. Le large débat a révélé un consensus sur le travail que le groupe moteur a élaboré ces derniers mois. En tant que rapporteur peux-tu expliquer ce qu’est ce projet?
Nikolas Blain: Ce projet n’a rien de définitif, Batera n’impose pas une solution “clé en main“. L’assemblée générale du 17 avril 2010 avait donné au groupe moteur la responsabilité d’impulser le débat de la Collectivité territoriale au sein de la société d’Iparralde, notamment au-près des élus. Après avoir rencontré l’ensemble des conseillers généraux du Pays Basque Nord, le Biltzar des communes ainsi que les Conseils des élus et de développement nous nous sommes rendu compte que la question n’avançait pas comme nous l’avions imaginé. C’est pourquoi nous avons voulu commencer à dessiner les contours de la future Collectivité territoriale Pays Basque. Ce projet en est donc à une première étape, toutes les questions n’ont pas été tranchées pour le moment, c’est d’ailleurs à ça que nous devrons nous atteler dans les prochains mois en faisant participer toutes les forces d’Iparralde. Pour l’instant nous avons privilégié le cadre institutionnel plutôt que de nous atteler aux compétences et fiscalité. L’assemblée générale de Batera devra décider de la suite à donner pour le deuxième semestre 2011 et 2012. Avant cela, notre rôle sera de faire vivre cette revendication au sein de la campagne des cantonales. De plus, des juristes travailleront autour de ce projet.
Enb.: Depuis la révolution française, jusqu’à nos jours, la création d’un département Pays Basque a répondu à notre aspiration institutionnelle. Que propose aujourd’hui Batera?
N. B.: Quand nous parlions du département les citoyens visualisaient bien ce que nous demandions. L’année 2010 aura été celle de la transition vers la revendication d’une collectivité territoriale spécifique. Cette demande correspond bien plus à la situation que nous connaissons sur ce territoire mais nous étions alors conscients qu’un travail de sociabilisation serait nécessaire.
Une Collectivité territoriale spécifique c’est d’abord une assemblée élue au suffrage universel direct. Dans le cas d’Iparralde, prenant en compte la population et le nombre d’électrices et électeurs il nous semble que le nombre de 41 conseiller(e)s du Pays Basque serait un bon compromis entre une représentation efficace et la rationalisation des dépenses pu-bliques. Nous proposons un scrutin de liste à la proportionnelle et à deux tours, au niveau d’une circonscription électorale unique. Afin d’assurer la représentation des trois provinces historiques, il peut être envisagé un fléchage des candidat(e)s. Autrement dit, les listes candidates devront s’assurer de comporter 41 noms ainsi répartis: 9 issus de la Soule, 9 de la Basse-Navarre et 9 personnes issues du La-bourd; pour les 14 places restantes libre choix est laissé au parti qui présente sa liste de les répartir comme il le souhaite.
L’assemblée est organisée en commissions permanentes pour gérer les affaires de la collectivité.
Ensuite il faut mettre en place un pouvoir exécutif. Deux possibilités existent et ne sont pas encore tranchées. Soit un conseil exécutif de 8 membres, séparé du pouvoir législatif qui applique les décisions de l’assemblée soit un pouvoir exécutif qui fait partie intégrante de l’assemblée territoriale.
Le but majeur de la Collectivité territoriale est d’organiser et gérer le territoire en créant un guichet unique permettant de contractualiser avec les partenaires. Ainsi les relations avec les au-tres institutions sont à travailler. Au niveau du territoire une coordination territoriale impliquera les présidents de communautés de communes. Ceci a pour but de coordonner l’action politique afin d’assurer une cohésion globale. Par ailleurs, les relations avec la région Aquitaine et l’Europe sont à étudier.
Pour le chapitre des compétences, nous partirons des besoins et enjeux du territoire pour étudier lesquelles sont nécessaires. Nous avons déjà fixé une limite: les compétences devront être au moins celles du département actuel.
Enb.: Le mouvement abertzale a porté ces dernières décennies, comme voie de passage vers la souveraineté basque des revendications institutionnelles éclatées. Le projet Batera, qui a le mérite d’entraîner une partie de la société basque, peut-il rassembler les abertzale?
N. B.: La force de Batera est de réunir les abertzale mais bien au-delà également. Au travers des quatre revendications —co-officialisation de l’euskara, université, chambre d’agriculture et institution— chacun œuvre en faveur de la construction du Pays Basque Nord. Au sein même de Batera, certains défendent la collectivité territoriale en tant que but ultime d’un long processus revendicatif alors que d’autres y voient une étape intermédiaire mais réaliste dans un cheminement qui, selon eux, doit mener plus loin. Toujours est-il que l’intérêt est de faire ensemble le bout de chemin commun et que chacun y apporte ses propres réflexions.
L’expérience du Pays Pays Basque a démontré que nous savons travailler ensemble dans l’intérêt du territoire. Ceci prouve notre maturité pour accéder à une Collectivité territoriale Pays Basque qui nous permettrait de prendre notre destin en main.
Enb.: La revendication du département Pays Basque a mobilisé une majorité de maires à l’occasion de deux votes, a été inscrite au programme d’un Président de la République, a reçu l’adhésion populaire par le biais d’instituts de sondage et de manifestations de masse et 35.000 voix de la consultation citoyenne de Batera. Alors que la réforme des collectivités territoriales vient de laisser le Pays Basque sur le bord du chemin, la conjoncture française peut-elle accepter le nouveau projet en préparation?
N. B.: La réforme territoriale a mis fin au maigre dispositif qui existait et qui court actuellement jusqu’en 2013 à savoir le Conseil des élus et Conseil de développement. Qu’aurons-nous après? Rien n’est prévu. Et si d’un côté Iparralde reste l’orphelin de la nouvelle loi, cette dernière permet aussi d’entrouvrir une brèche. En effet, ceux qui étaient satisfaits avec le Pays sont obligés de reconnaître aujourd’hui le vide juridique devant lequel on se trouve. Ainsi, on voit intervenir dans le débat des élus locaux qui s’inquiètent et s’interrogent. De plus, l’existence même de cette loi montre que nous pouvons obtenir ce que nous revendiquons. Car ce projet n’a rien d’irréaliste, il répond simplement à une réalité locale. Comment peut-on encore la renier alors que l’on accorde à des territoires comme l’Alsace une réorganisation institutionnelle en cohésion avec la réalité culturelle?