A chaque pas, l’on se heurte à la verticalité du pouvoir politique dominant et du système économique en vigueur. Le caractère olympien du pouvoir central tend à se renforcer de façon inquiétante à travers le monde, y compris dans des Etats en principe démocratiques : Russie, Turquie, Vénézuéla, Pologne, Hongrie, Espagne… Pour être moins brutale, cette tendance existe aussi dans la République Française, personnifiée par la figure du monarque républicain élu au suffrage universel direct, avec mandat impératif de faire des miracles dès les cent premiers jours de son règne.
En réponse, la tentation naturelle des citoyens non alignés est d’ériger de nouvelles verticalités en principe supérieures à l’actuelle par leurs valeurs et leurs objectifs, à la façon de ces tours à qui plus hautes que les bonnes familles des cités italiennes de la Renaissance construisaient face à celles de leurs voisines et rivales. Mais c’est un piège, car on ne dispose pas et de loin des mêmes atouts que le système, et l’on a toujours une guerre de retard : révolution de 1917 contre situation de 2017, nationalisme du XIXe siècle contre Europe libérale du XXIe, IIIe ou IVe République bis rebaptisée VIe contre la Ve…
Contre la verticalité, la solution n’est pas de lui opposer une autre verticalité, mais de passer à la transversalité.
Ne nous attardons pas trop sur des exemples finalement étrangers au Pays Basque : ici même l’organisation armée ETA avait cette double ambition nationale et sociale que je viens d’évoquer avec lesdits grands exemples, et sa lutte inégale a fini dans l’impasse que nous savons.
Mais autour de celle-ci se sont fait jour diverses initiatives culturelles et sociales non violentes qui ont pris de l’ampleur et de l’autonomie après la fin du franquisme.
Le même phénomène s’est produit an Pays Basque nord autour d’Enbata puis de IK : ikastola, cours du soir pour adultes, édition, théâtre, chant, danse, organisation de l’épargne populaire et création d’entreprises, vente directe des produits agricoles, AMAP, Euskal Herriko Laborantza Ganbara, Bizi, Iniziatiba… Le Pays Basque fourmille d’initiatives, il est bien engagé dans la voie des solutions alternatives.
Volonté, imagination, créativité, autogestion, solidarité au dedans et au dehors, voilà me semble-t-il des qualités porteuses d’avenir face aux verticalités dinausoriennes et autres tour de Babel rigides, peu adaptables, peu évolutives. Mais il ne faudrait pas mésestimer leur capacité de réaction négative : il n’est pas sûr que l’on puisse toujours les contourner comme autant de lignes Maginot.
Tôt ou tard risque de se poser le besoin d’une résistance politique active pour la souveraineté démocratique. Tout le problème est de trouver des formes de lutte efficaces sans tomber dans le piège de la violence pour laquelle la verticalité est par nature plus douée, mieux armée dans tous les sens du terme. La Catalogne est aujourd’hui confrontée à ce défi que lui impose le caractère absolutiste, ultra-vertical de l’Etat espagnol. Notre soutien risque d’être peu efficace, mais il va tout entier à ce peuple frère, à cette nation soeur.