Jon Palais, militant de Bizi!, d’Alternatiba et d’Action Non-Violente COP21, est très impliqué dans la dynamique Alternatiba depuis 2013. Alda! fait un point avec Jon (déjà à Paris avant et aussi pendant la COP21) sur l’importance de la mobilisation citoyenne malgré l’état d’urgence. Plus que jamais, il nous faut rester “Debout et déterminés pour le climat”.
Qu’est-ce qui a permis à Alternatiba, ces deux dernières années, et en vue de la COP21, de mobiliser plus d’un demi-million de personnes sur la thématique de la transition écologique et du changement climatique ?
Un des objectifs du premier village des alternatives, Alternatiba Baiona en 2013 était de montrer tout ce qu’on peut faire, dès aujourd’- hui, contre le changement climatique, sans attendre les solutions “d’en haut” (de nos gouvernants) ou technologiques (qu’on n’a pas encore inventées). Alternatiba a permis de casser la résignation en portant un message positif et concret, en montrant qu’on a déjà des solutions et en quoi elles sont porteuses d’une société plus désirable, plus conviviale, plus humaine, juste et solidaire. En deux ans on est passé d’un groupe organisateur à plus de 110 groupes organisant un Village des alternatives sur leurs territoires. A ceux-là s’ajoutent les participants aux 187 étapes du Tour Alternatiba. Durant la COP21 il y a une équipe
de 200 militants Alternatiba des quatre coins de l’Hexagone au QG (Quartier Génial) d’Alternatiba, prêts à participer à l’organisation des différentes mobilisations et notamment le Village Mondial des Alternatives du 5 et 6 décembre.
Alternatiba a permis de passer de la résignation climatique à la mobilisation climatique…
Le diagnostic que l’on a fait avant le premier Village des alternatives, c’est que le message sur le climat était porté de manière trop abstraite. En transformant le temps d’une journée tout un centre-ville en village des alternatives cela a permis de rendre la thématique climat palpable, concrète. Les gens pouvaient se promener, et non seulement découvrir toutes les alternatives déjà existantes, mais aussi sentir quel type de société elles permettent de construire. Alternatiba a mis les participants en confiance et a été déclencheur d’une dynamique collective qui permettait de sortir du sentiment d’isolement et de faible capacité d’action qu’on a l’impression d’avoir en se contentant des petits gestes du quotidien ou en attendant des solutions “d’en haut” sur lesquelles on n’a pas beaucoup de leviers d’action. En préparant un Village des alternatives (un processus long de 6 à 12 mois) par espaces thématiques, les acteurs du territoire participent directement à la construction de l’événement en intégrant la question climatique. Cela a permis de faire apparaître le climat comme le dénominateur commun de beaucoup d’autres luttes. Tant les acteurs que les visiteurs de ces villages on expérimenté les alternatives de façon concrète et pratique. Et cette pratique a créé la conscience (de l’urgence climatique et de l’espoir lié aux alternatives).
La bataille climatique apparaît ainsi comme la mère de toute les batailles…
En effet, si on n’arrive pas à relever le défi climatique, la question de l’agriculture par exemple est complètement changée puisqu’il y aura plein d’endroits qui ne seront plus propices à l’agriculture. Il en est de même avec la question de la démocratie ou de la paix qui seront conditionnées par la multiplication des événements climatiques extrêmes sur l’ensemble de la planète. On a dix ans pour gagner la bataille de la stabilisation du climat, qui conditionnera toutes les autres batailles.
Action Non-Violente-COP21 appelle à participer à la campagne de réquisition de 196 chaises dans les banques impliquées dans l’évasion fiscale avant et pendant la COP21 avec le message “L’argent pour le climat est dans les paradis fiscaux !”. Pourquoi cette campagne et où en êtes-vous ?
L’évasion fiscale assèche les finances publiques au moment où on doit organiser et financer la transition sociale et écologique. On voit qu’on a du mal à le faire par exemple sur le Fonds vert pour le climat, qui doit être financé à hauteur de 100 milliards d’euros d’ici 2020 par les pays les plus riches – et les plus responsables du dérèglement climatique – pour permettre aux pays du Sud les plus impactés – et les moins responsables du dérèglement climatique – de s’adapter. Pourtant, chaque année ce sont 1.000 milliards d’euros qui, selon la Commission Européenne, échappent, via les paradis fiscaux, aux recettes publiques des Etats européens, sans qu’on mette les moyens nécessaires pour changer la donne. Il y a là un réel manque d’ambition politique, alors que l’urgence climatique nous met au pied du mur.Pour réagir à cette injustice, l’Appel à réquisitionner 196 chaises a été lancé par des dizaines de personnalités. Depuis 36 actions de réquisitions ont permis de collecter plus de 215 chaises. Les gens sont prêts à passer à l’action et à faire de la désobéissance civile quand ils ont compris l’enjeu du climat, et le lien avec l’évasion fiscale. Avec ces chaises, le dimanche 6 décembre, on va organiser un Sommet des 196 chaises (en référence aux 196 parties (Etats) qui négocient pour le climat (qui ont du mal à financer le Fonds Vert)) pour mettre en lumière les enjeux de la lutte contre l’évasion fiscale et du financement de la transition sociale et écologique. Ainsi une Grande Assemblée des peuples se tiendra pour donner un écho international à ces questions, en pleine COP21. Pour gagner la bataille climatique il faut avoir le réflexe permanent de créer des liens entre le climat et toutes les problématiques sociales, économiques, démocratiques, de sécurité, de paix… Notre rôle est de rendre ces liens visibles et proposer des moyens d’agir aux gens, aux non initiés, etc. car on n’a pas encore la force sociale écologiste capable de relever ce défi climatique, mais on sent qu’on peut la faire émerger et la mettre en mouvement.
Suite aux attentats du 13 novembre, et dans un contexte d’état d’urgence, le gouvernement interdit les mobilisations citoyennes prévues les 29 novembre et 12 décembre, restreignant les libertés d’expression et de manifestation. Quelles actions et quelles campagnes sur le climat peuvent rester pertinentes, audibles, mobilisatrices rassembleuses dans ce contexte qui risque d’être de moins en moins extra-ordinaire dans les années à venir ?
Les questions à se poser sont : qu’est-ce qui doit être interdit… C’est de franchir le seuil d’impact majeur du changement climatique lié à l’augmentation des 2 degrés. La responsabilité historique de notre génération c’est de trouver une manière de mettre en marche un mouvement social large pour le climat afin d’éviter le chaos climatique. Accepter une augmentation de température moyenne du globe de + de 2 ° (comme s’apprête à faire la COP21) serait accepter un crime contre l’humanité. Le gouvernement pose des questions de sécurité à court terme et de façon sélective : le Marché de Noël est autorisé mais pas les mobilisations sur la question climatique qui concerne aussi la sécurité. La menace climatique est très grave pour l’humanité et la réponse sécuritaire n’apportera rien face aux inondations, à la montée des océans, aux tempêtes, etc. La responsabilité de la société civile c’est de continuer les mobilisations : on ne lâche rien ! Cette interdiction est peut être légale, mais cela ne veut pas dire que la chose juste à faire en ce moment historique soit de rester chez soi et de ne pas questionner le bien-fondé de cette interdiction. Dès le 29 novembre une première alternative a été trouvée : la “Chaîne humaine”, qui a rassemblé 10.000 personnes à Paris, et des milliers d’autres dans d’autres villes. On appelle au maintien de l’ensemble des temps de mobilisations prévus pour que la société civile puisse faire entendre sa voix pendant le sommet des chefs d’État, et agir elle-même pour impulser le mouvement citoyen dont nous avons besoin. Car la mobilisation de la société civile apportera une part de la solution au problème climatique, que la COP21 et les gouvernants ne peuvent apporter.
La Coalition Climat 21 (dont font partie Bizi! et Alternatiba) maintient entre autres, l’appel à une mobilisation internationale le 12 décembre. Quel en est l’objectif et quelles sont les formes que risque de prendre ces mobilisations ?
La COP se terminera le 11 ou le 12 décembre, or pour le moment tout concourt à ce que l’accord ne permette pas de nous maintenir sous les 2 degrés d’augmentation. Bien sûr il n’est pas encore signé. Mais l’addition des contributions volontaires des États nous orientent vers 3°C d’augmentation. Notre responsabilité historique c’est de ne pas laisser les gens croire qu’un tel accord permettrait de régler le problème. Ce jour-là, il faut traduire les conditions d’anormalité, faire comprendre qu’il y a quelque chose de très grave en cours et qu’on n’est pas en train de résoudre. Bien sûr, il faut aussi porter le message des alternatives, mais le 12 décembre, si c’est un accord à +3°C qui sort de la COP21, il faut avoir la possibilité d’exprimer notre désaccord et de
le faire savoir à l’opinion publique mondiale. Il est crucial que la société civile ait le dernier mot et puisse faire entendre une lecture critique de l’accord.