80 ans ont passé depuis le bombardement de Gernika par des escadrons de la Légion Condor allemande et de l’Aviation légionnaire italienne, venues à la rescousse des troupes franquistes du général Franco. Osons croire que l’anniversaire célébré ce 26 avril 2017 signifiera la fin du cycle infernal de violences qui aura été la marque sanglante du XXe siècle en Pays Basque , durant la guerre civile espagnole et la dictature totalitaire franquiste bien sûr, mais bien au-delà de la Transition qui permit à l’Espagne de faire l’apprentissage de la démocratie, aussi imparfaite fut-elle.
Entre le funeste 26 avril 1937 et le 26 avril 2017, le massacre de la population civile de Gernika (illustré par le «Guernica» de Picasso) est devenu l’un des symboles planétaires des horreurs de la guerre. Mais il aura fallu attendre le 26 avril 1997 (60e anniversaire) pour que le président allemand Roman Herzog, adresse un message de condoléances et de pardon aux survivants et à tout Gernika.
Message (lu sur place par son ambassadeur en Espagne) dans lequel l’État allemand assumait sa pleine responsabilité et «tendait une main ouverte en signe de volonté de réconciliation». Geste de réparation historique d’autant plus remarquable qu’à ce jour aucun gouvernement espagnol n’a eu le courage d’esquisser le moindre pas en cette direction, malgré les demandes réitérées des autorités basques et les attentes d’une population meurtrie.
30 mars 1975
Gernika fut aussi le théâtre du dernier Aberri Eguna de la dictature, célébré le 30 mars 1975, précédant de peu la mort du général Franco survenue le 20 novembre 1975. Aberri Eguna interdit, convoqué de façon unitaire par ETA p.m. et un ensemble de partis nationalistes et de gauche, tels que PNV, parti carliste, PSOE, Organisation révolutionnaire des travailleurs, Ligue communiste révolutionnaire, Mouvement communiste d’Espagne… Journée contrôlée d’un bout à l’autre par une police en alerte permanente. Tension extrême. La veille, ETA avait en effet revendiqué l’assassinat à Saint-Sébastien, d’un policier impliqué dans la lutte anti-etarra. Barrages, contrôles d’identité, filatures, matraques, mitraillettes… Tout attroupement interdit il fallait circuler. Les gens circulèrent donc. Mais à la fin de la messe dominicale le porche et le parvis de l’église étaient pleins. Deux députés Flamands trouvèrent le moyen d’y déployer un petit drapeau basque. Quelques applaudissements, puis dispersion rapide de la foule. La police ne tarda pas à s’emparer de l’ikurriña avant d’arrêter les parlementaires. Transférés à Bilbao Willy Kuijpers et Walter Luyten furent au bout du compte expulsés manu militari, à la frontière française d’Hendaye. C’est dans ces circonstances que, jeune journaliste professionnelle (accompagnée d’un photographe de presse expérimenté) je fis pour ma part, connaissance avec Gernika…
8 avril 2017
C’est ce Gernika de 1975 qui m’est revenu à l’esprit lors de la journée du désarmement du 8 avril à Bayonne dans le cadre du groupe des «Artisans de Paix» (constitué en mars dernier en vue de ce jour d’exception) comme «observatrice» sur l’un des huit sites contenant une partie de l’arsenal d’ETA devant être «remis» aux autorités judiciaires françaises. Expérience saisissante que d’avoir pu vivre et partager ce moment-là, dans ce bois des coteaux béarnais de Lahontan-Caresse où les volontaires présents sur les lieux étaient saisis d’émotion, même si personne n’en laissait rien paraître. En 1975, ETA p.m. était considéré comme une organisation de résistance au franquisme. Dans les années 80 elle entrait dans le registre des organisations terroristes. En avril 2017 plus de cinq après son cessez-le-feu unilatéral, définitif, la voilà désarmée dans des circonstances inédites. En janvier 2016 Gernika avait accueilli un premier forum consacré au désarmement, avec la participation du mouvement civil Bake Bidea (Chemin de la paix). Ce 29 avril, la cité accueille un nouveau forum consacré à «la construction du vivre-ensemble» dans une perspective de réconciliation. La donne a changé, un long chemin a été parcouru, beaucoup reste à faire.