Si vous avez raté cette double émission diffusée début octobre par France 2, vous pouvez la revoir à la demande sur le site de cette chaîne de télévision, jusqu’au 5 décembre. Ce chapitre de l’histoire de l’État français est largement ignoré du grand public, volontairement oublié et bien peu enseigné, malgré les efforts récents de plusieurs historiens.
La France s’est acharnée à conserver ses colonies par tous les moyens, avec leur lot d’horreurs et d’atrocités. En exhumant de nombreuses images d’archives et en donnant la parole aux témoins, aux acteurs et aux victimes, l’historien Pascal Blanchard et le réalisateur David Korn-Brzoza présentent une synthèse remarquable de ces pages peu glorieuses, dont certaines, comme la guerre du Cameroun, sont totalement occultées. La décolonisation ne s’arrête pas aux années soixante et le néo-colonialisme se poursuit aujourd’hui. Le film le montre en partie et du point de vue du colonisé.
Rappelons qu’en mars 2019, suite au projet de publication d’un dossier sur le Mali, la revue académique Afrique contemporaine perdit sous la pression de la France, son indépendance éditoriale. Cela entraîna la démission de son directeur et une partie du comité de rédaction. Le fait révèle combien la présence de la France dans la région pose question, avec une dimension coloniale qui se prolonge au XXIe siècle.
Ces deux émissions télévisées (Décolonisations : du sang et des larmes La fracture (1931-1954) & La rupture (1954-2017)) rencontreront un singulier écho auprès du public abertzale, non seulement parce certains d’entre nous se souviennent ou ont participé à ces évènements, mais aussi parce que les questions de la mémoire et du récit sont posées. Le vaincu a du mal à parler, il lui est très difficile de transmettre le passé, tant est pesant le poids du mépris qui s’abat sur ceux qui se soulèvent et perdent la partie. Les débats sur l’histoire récente du Pays Basque ou les difficultés rencontrées pour connaître un évènement aussi ancien que la reddition du royaume de Navarre, nous font partager avec les autres peuples colonisés un même constat : «On n’écrit pas l’histoire avec une gomme. Comment tourner une page quand elle n’est pas écrite?». Ou rédigée seulement par les vainqueurs.
+ Décolonisations, du sang et des larmes, de Pascal Blanchard et David Korn-Brzoza (Fr., 2020, 2 × 80 min : Décolonisations : du sang et des larmes La fracture (1931-1954) & La rupture (1954-2017)), suivi d’un débat avec l’historien Benjamin Stora, la philosophe Nadia Yala Kisukidi, la comédienne Anaïs Pinay, l’ex-secrétaire d’Etat Kofi Yamgnane, les autrices Leïla Slimani et Léonora Miano.