L’Edito du mensuel Enbata
Quelques craquements se font jour dans la citadelle jacobine et super unitaire qu’est la République française. Le 14 juin, le Conseil des ministres a transmis au Conseil d’Etat un projet de loi “proximité et engagement” pour être traduit en texte législatif courant juillet à l’Assemblée nationale et en septembre au Sénat. Il touche au pouvoir des maires et à l’intercommunalité. Le mercredi 25 juin, l’Assemblée nationale a voté, à une très large majorité, la création de la “Collectivité européenne d’Alsace” que différents éditos d’Enbata avaient anticipée. Cela ne sera pas sans conséquence sur la préparation des élections municipales de mars prochain. Les abertzale y seront d’autant plus attentifs qu’ils associent, à juste titre, l’enjeu municipal à celui de la récente intercommunalité regroupant l’ensemble de nos 158 communes dans une Communauté Pays Basque, qu’ils considèrent comme la reconnaissance de la personnalité juridique d’Iparralde pour laquelle ils ont tant oeuvré.
La crise des “Gilets jaunes” qui ébranla les certitudes jupitériennes d’Emmanuel Macron et le contraignit à mouiller la chemise lors du grand débat, a ramené le pouvoir à plus de considération envers les élus locaux et les collectivités territoriales. Cela semble se traduire par quelques initiatives institutionnelles.
Le projet de loi “proximité et engagement” ouvre une nouvelle approche de l’intercommunalité bâtie à la hussarde par la loi NOTRe de Hollande – Lebranchu. On pourra introduire dans les communautés de communes, et celles dites “XXL”, dont relève celle du Pays Basque, plus de “souplesse”, assure le Premier ministre Edouard Philippe. Il nous faut donc demeurer vigilant car cela permettra de les améliorer ou de les réduire selon la volonté des basquistes pour le meilleur ou de les anéantir par ceux qui, dès l’origine, en sont les adversaires, s’ils venaient à y conquérir la majorité. En effet, le titre 1 prévoit de renforcer le rôle des maires par un pacte de gouvernance élaboré en début de mandat, instaurant un “Conseil des maires”. C’est dire l’importance de l’élection d’un président de la Communauté capable ou non de neutraliser la possible fronde d’un cartel de maires. Le projet de loi prévoit aussi l’évolution du périmètre des EPCI à des communes extérieures car une procédure dérogatoire pourra permettre le retrait de l’Agglo à chaque commune qui la compose. Par ailleurs les communautés dites “XXL” pourront se scinder en deux ou plusieurs autres établissements dès lors qu’une majorité de communes en est d’accord. Bref, cette “souplesse”, le Premier ministre l’a traduite ainsi : “peut-être faudra-t-il ajuster certains périmètres ou réaménager des ensembles tellement vastes qu’ils en sont devenus flous, avec une infinie précaution”.
Avançons donc nous aussi vers cet avenir qui nous est promis, avec une infinie responsabilité. Attention à nos pulsions de re-décentralisation d’Iparralde ou de présidence aventureuse. Les abertzale ont de quoi alimenter positivement la campagne municipale qui s’ouvre.
Par 441 voix pour, 30 contre et 61 abstentions, l’Assemblée nationale, après 35 heures de débat, le 26 juin, a donc créé la “Collectivité européenne d’Alsace” par la fusion des départements Bas et Haut-Rhin. Cette nouvelle communauté d’Alsace restant rattachée à la région Grand-Est mais devenant Collectivité territoriale élue au suffrage universel, aura des compétences particulières en matière de tourisme, du transfrontalier, des fonds européens, de la gestion des routes nationales et du bilinguisme français-allemand. La commission paritaire Assemblée-Sénat du 11 juillet devra entériner définitivement cette loi. La Communauté européenne d’Alsace naîtra le 1er janvier 2020.
Les députés breton et corse, Paul Molac et Jean-Félix Acquaviva, membres du R&PS, au nom du groupe parlementaire “Liberté et territoires”, ayant passionnément ferraillé avec le gouvernement, ont déclaré : “Ces deux jours de débats ont démontré l’importance de la solidarité entre les peuples de l’Hexagone pour la reconnaissance de leurs droits. Cette coopération est appelée à se poursuivre et à se renforcer”.
La gauche française reproche au texte de fragmenter l’unité de la République et d’installer une inégalité au sein d’une même région. La France insoumise a voté contre et les socialistes se sont abstenus. La majorité présidentielle voit dans cette initiative alsacienne une préfiguration du “droit à la différenciation” des collectivités territoriales, prévu dans la modification constitutionnelle à venir.
Notre longue marche vers la reconnaissance institutionnelle du Pays Basque nous a instruit de la volonté hégémonique des Etats espagnol et français. Leur bonne conscience à dire le Droit en Euskal Herria n’a d’égale que leur tranquille assurance à l’écarteler par une frontière que l’Union européenne estompe quelque peu. Le réveil catalan d’un côté et la nécessité d’ajuster le centralisme jacobin à l’irrédentisme corse et alsacien de l’autre, offre à l’aspiration nationale basque des opportunités démocratiques qu’il nous faut saisir. L’abertzalisme se conforte en s’adaptant.