« Un requin fait des ronds dans l’eau devant la grande plage de Biarritz depuis la mi-janvier ! Les promeneurs ne sont pas impactés mais les surfeurs ne s’aventurent plus dans l’eau pour profiter des vagues pourtant belles à cette saison. L’Office de Tourisme s’inquiète d’une telle situation si elle devait perdurer jusqu’à l’été prochain… »
Plus de peur que de mal, ce scénario est de la science-fiction ! Ouf ! Oui mais…. lisons cet article du journal Sud-Ouest en date du 18/09/2018 qui relate : « Landes : un requin aperçu près des plages d’Hossegor ? Afin d’éviter tout risque, le drapeau rouge a été hissé durant environ une heure. Ce drapeau rouge, hissé aux alentours de 15 heures sur les deux postes de secours de la plage Sud et de la plage Centrale, fait suite à la possible présence d’un requin en train de nager dans les eaux proches. Outre cette évacuation des plages, des MNS ont effectué des patrouilles …… La vue de plusieurs thons, dont la taille peut parfois être comparable à celle d’un requin, a permis de rassurer les autorités sur la possible présence d’un squale ».
Réchauffement climatique aidant, ce scénario est aujourd’hui très probable, quand on sait qu’il y a déjà des requins dans la fosse marine de Capbreton toute proche par ailleurs. Mais c’est bien cela la défense de la biodiversité, et la nécessité de vivre avec les animaux qui nous entourent, en leur laissant une place : Il n’y aura plus qu’à construire des tours de vigie sur la plage, installer des filets de clôture dans l’eau de baignade, entretenir une escadrille de drones de surveillance côtière, et bien sûr dédommager les familles des quelques surfeurs téméraires qui se feront attaquer !
Pardonnez-moi cette entrée en matière quelque peu cavalière, mais je voulais tout de même introduire ce parallèle avec la situation des ours introduits en zones pastorales de nos montagnes pyrénéennes dont une partie déborde sur notre agglomération Pays Basque. Car de temps immémoriaux, l’ours et l’élevage ont fait mauvais ménage. Il n’y a pas d’ours là où il y a de l’élevage et vice versa. Et je m’arrêterai un moment sur cette réalité.
Le hasard a fait que j’ai passé quelques jours en Slovénie il y a 18 mois, et que ma voiture de location m’a emmenée dans les zones à ours du sud du pays. La Slovénie est le pays le plus forestier d’Europe et compte 1 000 ours à ce jour. Les ours se trouvent là, à 800 m d’altitude environ, sur des milliers et des milliers d’hectares de forêt, avec quelques clairières etc. et font l’objet de visites « touristiques ». Mais de pastoralisme et en particulier ovin, plus la laine d’une brebis à l’horizon. L’élevage y est traité principalement en activité secondaire là-bas, et les quelques troupeaux présents sont regroupés en plaine.
Ce même hasard des voyages m’a aussi fait arriver en Ariège. Et là aussi, un petit tour dans la zone à ours : il y a 50 ours en Ariège et la population augmente de 10 spécimens par an environ. Et ici aussi, presque plus de pastoralisme, et plus du tout dans quelques petites années, aux dires même du maire de Ercé, commune de montagne d’une des « vallée à ours » : « Bien sûr, il y a des mesures d’accompagnement, clôtures et gardiennage, mais ce n’est pas une vie d’être sur le qui-vive nuit et jour » comme il nous l’a dit. Et les paysages se sont tellement « fermés » suite à la débâcle de l’élevage, la forêt ayant pratiquement recouvert toutes les anciennes prairies naturelles, que les ours vont se rapprocher rapidement des villages maintenant.
A ce stade de mon cheminement, je suis allé visiter un troisième territoire avec la vallée de Somiedo dans les Asturies espagnoles, toujours présentée comme un exemple emblématique et réussi de cohabitation homme/ours par nos amis naturalistes. Somiedo, c’est une très belle vallée sauvage, ou les brochures touristiques nous parlent des 500 teitos, ou cayolar/olha pour nous, vestiges d’une activité pastorale passée et que le touriste doit absolument visiter. Mais plus personne n’y fait de fromage depuis longtemps puisque plus aucun berger ou vacher n’y passe la nuit non plus. Vraiment il faut aller voir.
Pour être exhaustif, à Somiedo, il n’y a plus aucun élevage ovin à ce jour puisque le dernier troupeau de brebis a disparu en 2010. Il reste des bovins viande, en petits troupeaux, principalement en activité secondaire et avec un taux de remplacement des départs à la retraite des exploitants très mauvais.
Mais Somideo c’est aussi une insatisfaction qui monte quant au développement local. Oui il y a des ours et le tourisme le valorise…comme il peut. Mais dans ce cas si souvent mis en avant, sachons que sur 1400 âmes que compte la vallée, nous trouvons 90 habitants de – de 20 ans contre 530 habitants de + de 60 ans. La vallée perd ainsi annuellement 2 à 3 % de sa population qui est un rythme considéré comme de non-retour.
Ainsi, dans chacun de ces 3 cas de territoires, Slovénie, Ariège et Asturies, que les naturalistes nous présentent comme des exemples de la cohabitation « ours/élevage » et dont on voit bien que la réalité de l’équation est « ours OU élevage », regardons les courbes démographiques respectives : Très sérieusement, on y comptera très bientôt plus d’ours que d’habitants.
Pour terminer avec ce petit tour d’Europe, il faut savoir que le problème actuel de la Slovénie, c’est que les ours entrent maintenant dans les villages et que quand on parle de problèmes avec les ours là-bas, on parle d’attaques d’ours sur les personnes et non plus sur les brebis… Ce n’est plus le gentil ourson de la fable ! La conséquence, c’est que chaque année, et de manière officielle, ce sont 200 ours qui sont abattus par les autorités, pour contenir cette population et sa pression, quand ils ne sont pas exportés… vers la France.
Concernant la France et comme j’ai pu le constater en Ariège, je conclurai en disant qu’il est manifeste que l’Etat déploie une stratégie non écrite qui fait que les zones à ours sont sacrifiées…. aux ours….. au détriment du pastoralisme et de la population résidente. Ici aussi, il faut aller voir pour vraiment être objectif : Listons les communes de la zone à ours ariègeoise et regardons leur évolution économique et démographique.
Tout ceci étant dit, il reste la question du Pays Basque puisque c’est le périmètre qui nous intéresse : Le silence est assourdissant concernant l’ours et l’inquiétude du monde pastoral est de plus en plus vive. Et on parle là du pilier de notre économie de montagne, agricole, mais aussi touristique : Plus d’éleveurs et alors tous les paysages se referment aux visiteurs !
Les communes de montagne du Pays Basque se sentent esseulées sur cette question de biodiversité c’est un fait…. que je relie à la stratégie de l’Etat en Ariège. Pourtant 60 d’entre elles ont signé les manifestes anti-ours et autres marques de réprobation d’une politique gouvernementale qui à pour conséquence de remplacer l’homme par l’animal.
Nous, élus du Pays Basque, devons dénoncer ces réintroductions forcées qui se font sans aucune concertation et qui, avec une stratégie en 2 étapes, préparent l’arrivée du loup autrement plus féroce que l’ours car exclusivement carnassier lui.
Car plus personne ne peut dire, s’il veut être objectif, que ours et activité pastorale peuvent cohabiter : Il n’y a aucun exemple en Europe de ce type de cohabitation vertueuse. Plus personne ne peut le soutenir, sauf ceux qui vivent une écologie théorique, par procuration, chez les autres…
Laissons donc arriver les prédateurs et partir les hommes. Et arriveront les requins sur nos côtes aussi bien sûr ! Car c’est bien cela la biodiversité non ?
Mais je gagerai gros que l’intérêt supérieur de l’économie résidentielle côtière justifiera des mesures bien plus radicales pour répondre à la menace venant de la mer. Et qu’il ne fera pas bon s’aventurer dans les eaux de nos belles baies et plages avec un aileron sur le dos. 2 poids 2 mesures alors ?
Je suis bayonnais d’origine, ossalois d’adoption. J’ai grandi avec l’Artzamendi en toile de fond. Montagne de l’Ours, donc. Je suis le premier voisin du dernier berger ossalois qui a pratiqué la grande transhumance hivernale dans les vignobles girondins, avec femme et enfants. Bref, le dernier berger nomade. Il a donc connu la période de co-existence avec les ours « de chez nous ». C’était bien une co-existence : l’ours savait quelle bête prendre et à quel moment. Jeannot m’a dit un jour qu’il n’avait jamais songé à faire du mal à l’ours. Il faisait parti du cadre, de la montagne, de sa vie de berger. Il n’a jamais connu d’attaques massives. L’ours connaissait les règles. Ce ne sont pas les bergers qui ont provoqué sa disparition. Il est démontré que ce sont les prélèvements d’oursons par les montreurs d’ours à la fin du 19è siècle qui ont provoqué une rupture de leur démographie : pour prendre les oursons, il fallait tuer les mères. Le braconnage a fait le reste. La disparition de l’ours au Pays Basque est plus ancienne et tient sans doute à la plus forte pression humaine dans un milieu plus accessible. L’auteur a raison de dénoncer le passage en force de l’Etat sur la ré-introduction de l’ours. Mais, on voit bien que son propos cloche quelque part. Qu’on le veuille ou non la disparition de l’ours de souche pyrénéenne d’abord sur les hauteurs d’Artzamendi, puis plus récemment en vallée d’Aspe avec la mort de Cannelle résulte bien de l’action de l’homme. La phrase « Laissons donc arriver les prédateurs et partir les hommes » est absurde au regard de l’effondrement du vivant dont nous sommes responsables et dont nous serons victimes en fin de compte. La question est bien de limiter la destruction de la nature. L’auteur de la Tribune ne se la pose pas. Seuls compteraient les hommes. Il en oublie le reste, c’est pas mince. Ayant eu le privilège rare et l’émotion immense de voir en vallées d’Ossau et d’Aspe successivement, des loups, l’un des derniers ours pyrénéen et le lynx, je témoigne ici de la nécessité de leur existence à nos côtés. Le loup n’a jamais disparu totalement. Il va, il vient depuis les Cantabriques. Le lynx se fait discrêt : on ne va pas lui donner tord. Si la société décide de recourir à la ré-introduction pour l’ours, elle doit s’en donner les moyens par exemple en finançant durablement des emplois permettant une garde permanente en estive ou sur les secteurs les plus sensibles. Mais ceci suppose la pleine adhésion des éleveurs qui sont en première ligne. Condition sine qua non !
Egün hon
Ma réponse…
http://trionyx.free.fr/oursetchebest.pdf
Izan untsa
Laurent
Comment parler de l’économie de nos montagnes en plaçant le berger, le touriste, et en oubliant une fois de plus le forestier ?