Lancé il y a deux ans, l’eusko est un véritable succès. Voici quelques idées pour ancrer l’usage de la monnaie alternative dans des entreprises du Pays Basque.
L’eusko ne se développera qu’avec une vaste adhésion des entreprises d’Iparralde, maillon économique incontournable. Le prix à payer pour ces dernières est actuellement trop élevé.
Dans le numéro 2259 d’Enbata de décembre 2012, j’avais avancé une opinion sur l’Eusko. Il peut être utile de vérifier, deux ans plus tard, si des éléments ont été modifiés et si d’autres considérations peuvent être développées.
Je ne souhaiterais pas ici me positionner en censeur, je n’en ai ni la compétence ni l’envie. Et je souhaite que cette initiative volontariste progresse dans toutes ces caractéristiques
(personnes physiques et entreprises adhérentes, flux monétaires changés, impact sur les associations qui opèrent sur le territoire).
Le démarrage est un succès
Pourquoi ne pas le dire ? Lancé le 31 janvier 2013, ce démarrage est un succès : les flux monétaires échangés, le nombre d’entreprises adhérentes placent l’eusko à la première place
de la vingtaine de monnaies locales de l’Hexagone.
En onze mois, au 31décembre, on comptait 2.700 adhérents particuliers et 493 associations et entreprises. La synergie Eusko/Herrikoa est une vraie bonne initiative. Herrikoa participe en parité des transactions euros vers eusko pour la constitution d’un fond pour projets structurants. Au 1er janvier 2014, ce fond s’élevait à 240.000 €: autant de fonds dédiés à un développement responsable du territoire.
L’impact sur l’aide aux associations est de plus de 10.000€ à 30 associations en 2013.
Comment démultiplier ?
Je vais maintenant oser quelques propositions.
L’eusko ne se développera qu’avec une vaste adhésion des entreprises d’Iparralde, maillon économique incontournable. Le prix à payer pour ces dernières est trop élevé. Dans cette phase de montée en puissance, les masses annuelles d’eusko se trouvant dans le tiroir-caisse d’une entreprise lambda variant de 20.000 à 200.000 sont encore actuellement trop difficiles à recycler auprès d’autres entreprises. Il faut donc que l’entreprise convertisse les eusko qu’elle a la souplesse d’accepter en euros, de façon massive. La perte de 5% dans la conversion me paraît trop chère. De plus, cette dépense ne tient pas compte de l’effort fait par l’entreprise pour le mécénat territorial (Seaska, Herri Urrats, Ehlg, Hemen, assistance preso, ou autres), qui est le lot du premier cercle des entreprises à viser pour passer à 2.000 adhérentes. Je proposerais une décote inférieure ou égale à 2%. Ce prix à payer est d’autant plus cher qu’il intervient en sus de manipulations comptables pas simples dès que l’on rentre dans les détails et dès que l’on veut raisonner à une plus grande échelle que celle du démarrage. En effet, les paiements ne se font pas en liquide dans les sociétés et ces dernières sont confrontées à la nécessité de séparer les flux par espèce euro/eusko pour peu qu’elles aient trouvé les fournisseurs-recycleurs…
A l’autre bout de la chaîne, je trouve que l’acheteur d’eusko “ne paye, ni ne risque, pas assez”, mis à part l’achat de sa carte annuelle d’adhésion. Il me paraîtrait plus libérateur de supprimer cette carte (dont la gestion administrative ne semble pas apporter beaucoup) pour appliquer un droit de change systématique : par exemple 21€ pour 20 eusko à l’achat. En effet, sur le plan du risque, l’acheteur d’une vingtaine d’eusko trouvera toujours l’occasion de les dépenser (la convivialité des stands, buvettes et autres rassemblements facilitant l’occasion de recyclage). Ce droit de change apporterait aussi une “valeur” à l’eusko.
Enfin il donnerait au particulier un réel levier de participation à cette grande initiative économico-sociale. Un cumul annuel de 200€ changés ne lui ferait “perdre” que 10€, ce qui semble tout à fait modique mais important dès lors que l’on touche 5.000 à 10.000 participants.
Une partie du salaire en eusko ?
Cette idée est à creuser. Elle n’est pas simple à mettre en place, car elle doit intégrer le mode de paiement. Elle soulève donc des questions à résoudre (peut être certaines sont déjà résolues…). Peut-on rédiger des chèques en eusko, peut-on faire des virements en eusko ? Dans tous les cas, il faudra que l’entreprise fasse une écriture et une transaction supplémentaires.
Par ailleurs, il faudra l’accord du salarié et vérifier auparavant la légitimité d’un tel paiement. J’avais, je crois, soulevé ce problème dans mon article précédent. La loi prévoit-elle qu’une partie d’un salaire, à parité eusko/euro égale, puisse être payée en eusko, puisque manifestement, sa liquidité d’écoulement étant plus faible, elle a moins de valeur marchande ? Une réponse doit aussi être trouvée à cette question. En attendant quelle est la position des syndicats proches de nous : LAB, CFDT… ?
La présence d’entreprises dans le comité de gestion de l’eusko me parait aussi une nécessité si on veut faire adhérer de façon significative. Pour sa part, Lantegiak peut y prendre sa place et je ne vois pas actuellement quel pourrait être l’obstacle à cet engagement économico-social.
L’étape actuelle est capitale pour l’eusko. Elle doit le faire sortir de son carcan actuel pour le faire rentrer de plain-pied dans le monde économique.
Une conversation avec un tenant autorisé de l’eusko m’a fait constater qu’au moins une CCI, Nord Isère, s’intéresse aux monnaies locales pour booster le commerce local. L’expert de cette
CCI m’a fait parvenir des documents intéressants sur ce thème. Qu’il en soit par ces lignes remercié, même s’il y a peu de chance qu’il tombe sur ce numéro d’Enbata.
Les années 2015-2017 seront importantes. Faisons réussir cette initiative, ensemble, c’est-à-dire, avec les entreprises !