Par Peio JORAJURIA
En France, tous sont égaux, car c’est la loi. Abusivement, certains ont cru que du coup, tous étaient pareils, mais ce n’est pas le cas. Il existe en France, comme dans quasiment tous les Etats du monde, des gens de sexe différent, d’origine ethnique différente, d’orientation sexuelle différente, et parfois même des vieux, des handicapés ou des gens qui croient en un ou plusieurs dieux.
Conscient que malgré une volonté affichée d’uniformité, des différences subsistaient, le législateur a interdit d’en tenir compte et a doté l’arsenal juridique étatique de lois interdisant la «discrimination», une notion qu’il a définie dans l’article 1 de la loi n°2008-496 du 27 mai 2008. Le 18 novembre 2016, suite à un amendement du député breton Paul Molac, cet article a été modifié, et la loi précise désormais que «Constitue une discrimination directe la situation dans laquelle, sur le fondement […] de sa capacité à s’exprimer dans une langue autre que le français, […] une personne est traitée de manière moins favorable qu’une autre ne l’est, ne l’a été ou ne l’aura été dans une situation comparable.»
Avec cette formulation, vous pourrez continuer à refuser de louer votre appartement à quelqu’un qui ne parle pas français, mais vous ne pourrez pas le faire parce qu’il parle en plus le hongrois, l’arabe, ou le basque. C’est une bonne nouvelle.
Le risque existe par contre que, par extension, certains refusent de prendre en compte la «capacité à s ‘exprimer dans une autre langue» comme critère d’embauche, même si concernant la prise en compte de la langue basque à Pôle Emploi, par exemple, c’était déjà souvent le cas.
Concrètement, lorsque vous souhaitez diffuser une offre d’emploi ou votre curriculum vitae au travers du réseau de Pôle Emploi, celui-ci s’assure que vous n’y faite aucune mention de critères discriminants (âge, sexe, appartenance religieuse, origine, genre…), sauf dans le cas où ce critère constitue «une exigence essentielle et déterminante» pour le poste.
Les langues maîtrisées par les candidats et exigibles pour un emploi font partie depuis longtemps des «critères objectifs» d’employabilité. Sous réserve d’un minimum de justification, vous pouvez, en tant qu’employeur, cochez dans le formulaire dédié du site la langue dont vous exiger la maîtrise par votre futur employé sans que cela ne soit considéré comme une discrimination. L’interdiction implicite de la loi de faire mention sur son CV ou sur son offre du critère potentiellement discriminant qu’est désormais la ou les langues maîtrisées par le candidat ne devrait donc pas s’appliquer.
Le problème, c’est qu’à Pôle Emploi, la langue basque – de même que les autres langues régionales – n’apparaît pas sur les listes informatiques fermées de langues autorisées. Cette absence ne préjuge nullement du caractère «essentiel et déterminent» de la demande, mais ouvre la porte vers des interprétations erronées qui sont jusqu’à présent fréquents. Les cas de conseillers qui refusent de présélectionner des candidats bascophones pour travailler dans une ikastola, ou les refus de dérogations pour un contrat aidé sous prétexte de l’existence d’autres candidatures non-bascophones, mais répondant aux critères «objectifs» du poste, existent déjà.
Une mauvaise interprétation de la nouvelle loi pourrait renforcer ces comportements, tant qu’il ne sera pas dit clairement que dans certains cas, exiger la maîtrise de la langue basque pour un poste est un critère objectif.
Il y a donc urgence à exiger de Pôle Emploi, ainsi que des autres administrations, qu’ils mettent enfin à jour leurs listes informatiques de langues, afin d’éviter ce qui pourrait être une double-discrimination : une application différenciée en fonction de la langue de la nouvelle loi sur la discrimination linguistique.
Bonjour, je voudrais demander à l’auteur de cet article ce qu’il entend par des « refus de dérogation à des contrats aidés sous prétexte qu’il y a des candidatures non-bascophones » ? Les contrats aidés ne sont pas dérogatoires, il s’agit d’une aide financière de l’Etat pour des contrats souscrits avec des candidats répondant à certains critères précis, mesurables et objectifs (âge, chômage longue durée, qualification…) déterminés par arrêté préfectoral et applicables sur l’ensemble d’un territoire donné..
Je vous rejoins sur l’ajout de langues minoritaires dans le panel qui doit être proposé par Pôle emploi. D’ailleurs il est tout à fait possible au recruteur de déterminer dans le descriptif de poste la nécessité de maîtriser une langue, tant que cela est justifié par l’exercice même de l’activité (pour un poste d’enseignant, par exemple, c’est bien évident ou pour un poste de commercial à l’international). Mais il serait discriminant de ne pas retenir un(e) candidat(e) pour un poste d’agent d’entretien dans une ikastola, sous le motif que la personne ne maîtrise pas l’euskara.
Egun on,
– Concernant les contrats aidés, le critères sont définies par décrets. ceux-ci précisent quels sont les publics-cibles, distinguant souvent les bénéficiaires des prioritaires. Sur un poste nécessitant un diplôme spécifique, un compétence particulière, ou l’anglais, en l’absence de candidat disposant des compétences requises dans les profils dit prioritaires, l’aide peut être accordée pour l’emploi d’une personne bénéficiaire, mais non prioritaire. Vous n’aurez aucun mal à le faire avec l’anglais. Avec le basque, c’est au bon vouloir du conseiller et de sa hiérarchie directe.
– « il serait discriminant de ne pas retenir un(e) candidat(e) pour un poste d’agent d’entretien dans une ikastola, sous le motif que la personne ne maîtrise pas l’euskara. » Vous êtes bien prompt à voir de la discrimination quand on parle d’euskara, seriez-vous aussi rapide s’il s’agissait de l’anglais ou de l’espagnol ? Et si ce n’est vous, ne connaissez vous pas – malheureusement – beaucoup de monde prêt à condamner l’un sans être choquer par l’autre ?
Effectivement un(e) agent d’entretien qui travaille en dehors des heures d’ouvertures de l’établissement et dont la fiche de poste prévoit qu’il ne sera jamais en contact avec les enfants n’a pas de langue spécifique à maitriser. Par contre si il travaille également à la cantine, et peut être amené à effectuer le service, et donc à parler aux élèves, la langue basque est indispensable, car cela fait partie du projet d’établissement.
Quiksilver, Renault.. de nombreuses entreprises françaises ont décidé que sur tel site ou tel niveau de hiérarchie, la langue de travail serait l’anglais. Ce qui leur permet d’exiger de tous la maitrise de l’anglais, quel que soit la fiche de poste. Amusez-vous à faire ça avec le basque ou le catalan, vous ne tiendrez pas 10 jours sans accusation de nationalisme, de « repli sur soi » et des procès pour discrimination.
Gau on,
Je réponds de suite à votre interrogation du deuxième paragraphe : oui, je réagirai de la même façon, il se trouve que mon travail m’amène quotidiennement à lutter contre la discrimination. La maîtrise de l’euskara, ou de toute autre langue, est un plus dans le profil d’un candidat, mais cela ne constitue en rien un critère déterminant pour un emploi lambda, et je pense que c’est heureux. Ce n’est peut-être pas politiquement correct de l’écrire ici, mais on enseigne aussi le français dans les ikastola d’Iparralde, une langue que comprend l’immense majorité des agent(e)s de cantine inscrits à Pôle emploi ! Par contre je pense, mais c’est certainement déjà le cas, que l’enseignement de l’euskara à des personnels non-bascophones doit faire partie des actions de formation interne au sein de Seaska.
Pour répondre à votre article, ce n’est pas parce qu’un recruteur coche « maîtrise de l’anglais obligatoire » dans un descriptif de poste que ce critère est légal ! Il faut qu’il puisse justifier que les actes métiers ne peuvent être accomplis sans la pratique impérieuse de cette langue, sinon l’offre tombe sous le coup de la loi contre les discriminations .Exactement comme les annonces exigeant la possession d’un permis de conduire pour un poste de secrétaire…
Concernant Pole emploi, sachez qu’il est possible que des offres soient publiées par cet organisme sur le mode bilingue français/langue minoritaire pour des postes requerrant la maîtrise de cette langue (animateur de radio, par exemple) : les informations doivent être identiques dans les deux langues. Une charte interne acte d’ailleurs ce modus operandi.
Enfin, je n’ai toujours pas compris votre propos sur les contrats aidés, Pour ces derniers, il y a des publics « éligibles », mais aucun distingo n’est faite entre certains, « bénéficiaires », et d’autres, « prioritaires » : l’aide est par contre différente selon les critères de ce que vous désignez comme les « publics cibles » et la mise en route de ces aides est conditionnée à la mise en oeuvre d’actions de formation à l’attention du futur salarié : des cours d’euskara, beharbada?