C’est en 1972, sous la plume de Françoise d’Eaubonne, que l’on trouve la contraction de l’écologie et du féminisme dans le terme “écoféminisme”. Dans un livre, Le féminisme, elle développe l’idée que les femmes comme la nature sont victimes de la domination masculine et que la révolution écologique ne saurait faire l’économie d’une révolution féministe… Selon elle la matrice idéologique qui permet la domination des hommes sur les femmes est la même que celle qui conduit à la domination des hommes sur la nature.
Ce pouvoir destructeur s’inscrit, pour elle, dans l’émergence de cette société de surconsommation, d’agriculture industrielle, de déshumanisation, et de façon parallèle dans le pouvoir exercé sur le corps des femmes par un patriarcat omnipotent.
Le terme resurgit actuellement, sous une forme plus dogmatique, perdant un peu de ce côté subversif et dérangeant des écrits de Françoise d’Eaubonne qui impulsaient un vrai débat. Au-delà du mouvement féministe, les luttes de préservation de la planète ont été bien souvent portées par les femmes qui, par essence, sont celles qui donnent la vie ! En extrapolant un peu, on peut se souvenir de la chasse aux sorcières et des bûchers qui s’allumèrent dans une grande partie de l’Europe aux XVIe et XVIIe siècle et dont le Pays Basque ne fut pas épargné ! Ces femmes accusées de satanisme par l’Eglise catholique, représentées sur des balais, tenant sabbats, n’étaient le plus souvent que des sages-femmes, des guérisseuses utilisant plantes ou racines pour fabriquer onguents et infusions dont la partie la plus pauvre de la population avait besoin pour se soigner… Cette science naturelle ne pouvait résulter que d’un pacte avec le diable ! Il suffit de lire les délires de Pierre de Lancre pour en avoir un aperçu convaincant.
Selon Françoise d’Eaubonne,
la matrice idéologique
qui permet la domination des hommes sur les femmes
est la même que celle qui conduit
à la domination des hommes sur la nature.
Aujourd’hui, dans les domaines qui concernent l’écologie elles sont nombreuses voire majoritaires, et cela se traduit par une large présence dans les milieux professionnels… A chaque jury de recrutement, par exemple, on peut constater l’extraordinaire disparité entre le nombre de candidats et de candidates. On peut aussi faire un petit tour d’horizon dans le monde politique où les femmes de ministères en fonctions exécutives dans les collectivités, ont été largement représentées… car au moins jusqu’ici, il y avait un réel manque d’appétence des hommes pour ce sujet ! Sauf, bien entendu dans les démarches de représentation très institutionnalisées comme le Grenelle de l’environnement où 85% des personnes présentes étaient des hommes.
Par contre, de façon tout aussi intéressante, il faut relever que, dans les partis écologistes, la présence des femmes est importante et que leurs instances sont paritaires. Cela a permis aux écologistes, en France, de présenter à trois reprises une femme à l’élection présidentielle depuis 1995 et d’avoir trois secrétaires nationales pendant la même période. Suffisamment rare pour être souligné…
Actuellement, la presse fait des raccourcis saisissants sur le concept d’écoféminisme présenté un peu partout comme un concept rigide, symbole de radicalité, comme pour laisser planer une ombre inquiétante sur toutes celles qui pourraient s’en réclamer… La caricature pointe déjà son nez. Laissons à l’écoféminisme sa réelle dimension, celle d’un courant de pensée, qui de fait ne traverse pas forcément toutes les luttes environnementales menées par des femmes.
L’origine du mot écologie, issu du grec “oîkos” maison et logie, qui serait l’économie ou l’administration de la maison, est fatalement inspirante pour les femmes et pourrait justifier leur implication. Car c’est bien de cette maison qui brûle dont il est question, cette maison et ses ressources que nous découvrons à bout de souffle, cette maison dont les éléments se déchaînent, cette maison qu’un système hallucinant est en train de détruire !
En parallèle, dans cette maison commune, les femmes continuent à être discriminées, violentées, sous un joug patriarcal qui sous toutes les latitudes retrouve des couleurs. Il est là, simplement le lien et le temps est venu de comprendre que s’il faut tenter de réparer notre environnement, cela n’aura de sens que si l’on s’attaque aux discriminations les plus criantes, aux inégalités les plus aberrantes, que la justice sociale va de pair avec la lutte contre le changement climatique. Et, dans ce registre, d’évidence, la condition des femmes est un des sujets prépondérants…
Pour Françoise d’Eaubonne, il était nécessaire de créer un monde égalitaire, créatif et non violent. Ainsi disait-elle “la planète reverdirait pour tous” ! Nous en sommes loin, extraordinairement loin, et il faut une bonne dose d’imagination pour espérer que le siècle présent puisse commencer à en dessiner les contours !