Et voici le troisième tour des présidentielles! Structurellement rien ne change en France dans l’organisation de ces législatives : mêmes circonscriptions, pas de proportionnelle, système uninominal à deux tours où très majoritairement ne se retrouvent que deux candidats sauf à terminer troisième avec au moins 12,5% des inscrits. Avec une moyenne de 52% d’abstention, une seule triangulaire avait pu se tenir en 2017 sur 577 circonscriptions. Ce qui se renforce par contre, c’est un fonctionnement complètement centralisé dans le choix des candidatures au niveau des partis politiques français : c’est Paris qui décide et parfois un seul homme est aux manettes, comme Emmanuel Macron qui a pris de son temps pour valider les candidatures de Ensemble !, la nouvelle étiquette de la majorité présidentielle. Sans parler du Pays Basque Nord, les spécificités dans les territoires n’existent pas, avec des rapports de force sensiblement différents et des personnalités connues qui peuvent rassembler au-delà de leur camp… Nous sommes dans un Etat jacobin, pyramidal, qui nie la diversité et la proximité.
Alliance de dupes !
Même EELV s’est laissé embarquer dans la démarche hégémonique de la France Insoumise, mais très soumise à Paris. Le résultat, ce sont des candidatures imposées et pas souvent fédératrices qui peuvent en supplanter d’autres bien moins clivantes. Et qui plus est, avec son lot de parachutages. Cela s’explique aussi parce que LFI n’a globalement que peu d’emprise dans les territoires, surfant sur le score du grand timonier au premier tour des présidentielles. Ainsi le PS, le PC et EELV ont fait, contre mauvaise fortune bon coeur, en trouvant un accord, en peu de temps, plus électoral que programmatique, plus financier que politique. On appelle cela sauver les meubles. Du coup, pour certains, cette nouvelle configuration à gauche ressemble plus à une alliance de dupes, où un gloubi-boulga un peu tiède le dispute à des positionnements territoriaux hors sol. D’où des candidatures dissidentes. Dont notamment une douzaine du NPA, qui s’est fait bringuebaler dans les négociations. Au final, 6293 candidatures seront présentées contre 7877 en 2017. Cette baisse s’explique essentiellement par les coalitions de NUPES à gauche et de Ensemble ! au centre droit.
50 millions d’Amishs !
Pour autant, il existe toujours des incongruités. Telles celles de candidatures parfaitement inconnues à l’instar du Mouvement pour les animaux et présentes dans la plupart des circonscriptions. Peu le savent mais il y a un intérêt financier à se présenter: une première aide est versée aux partis qui ont présenté des candidats ayant obtenu au moins 1% des voix dans au moins 50 circonscriptions. Chaque voix rapporte 1,64€ par an. Une seconde est versée aux partis auxquels s’est rattaché au moins un député ou sénateur. Chaque parlementaire rapporte ainsi 37.200 euros par an(1). Autre excentricité du système électoral français : son injustice. Ainsi un sondage du 23 mai pour le Monde confère 28% pour Ensemble !, 27% pour NUPES et 21% pour le RN. Et la répartition des sièges attribue une fourchette de 290 à 330 édiles (la majorité de l’assemblée est à 289) pour les premiers, contre 165 à 195 élu.e.s pour les seconds! Ainsi le différentiel de 1% est complètement exponentiel ! L’extrême droite, elle, récolterait entre 35 et 65 sièges(2). Et après on s’étonne du niveau de l’abstention !
ELBtise !
Le Pays Basque Nord n’est pas épargné par ces contingences. L’abstention y est un poil inférieure à la moyenne hexagonale et il n’est plus question de retrouver le score cumulé des forces de gauche du premier tour de 2012 à 51% pour la première fois en Iparralde. Ici comme ailleurs, le nombre de postulants est en baisse sur les trois circonscriptions, passant de 44 en 2017 à 32 en 2022. Soit une moyenne de 11 contre 15 précédemment. Ce qui permet mathématiquement à chaque candidature ou tendance politique de voir son score augmenter en pourcentage. Par ailleurs, plus personne ne s’émeut du caractère abracadabrantesque de la quatrième circonscription, qui réunit dans un méli-mélo des cantons basques et béarnais ne laissant aucune chance à une candidature abertzale d’émerger au second tour sauf alliance avec une candidature probante du voisin béarnais. Ce ne sera pas pour aujourd’hui, d’autant que le fait de ne pas présenter un.e militant.e de l’agriculture raisonnée face à un Lassalle paysan n’est pas annonciateur d’un score mirobolant.
Terre de mission impossible !
Sur la cinquième circonscription (Anglet, Bayonne et cantons de Hiriburu et Bidache), la candidature dissidente de Thibaut Pathias aura peut-être du mal à rééditer son score de 4,22% de 2017 sous l’étiquette EELV. Le soutien de Laurence Hardouin et Martine Bisauta de la majorité bayonnaise LR/UDI n’y suffira apparemment pas, à moins que le rejet de la candidature LFI —et de sa candidate— absolument anti-basque, soit de nature à faire refluer un nombre conséquent de votes vers lui et EHBai qui n’a, par ailleurs, pas peur de présenter des profils inconnus du grand public. C’est à croire qu’un peu de notoriété nuit et que le seul objectif est de proposer une candidature de témoignage. La fifille de Jean- Jacques a encore un boulevard devant elle!
Le marteau et la Dufau-cille !
Dans la sixième circonscription, s’étalant de Biarritz à Hendaye via le Labourd intérieur, la bataille paraît plus âpre au premier tour du fait notamment de la concurrence à droite et au centre droit : pas moins de six propositions sur 12, en incluant celle du député sortant Vincent Bru (hors RN et Reconquête). Pour autant, la cause semble entendue dans ce territoire fortement ancré à droite et pour le supporteur de Macron qui avait frôlé les 40% au premier tour de 2017. Reste à scruter le score à venir de Peio Dufau au nom d’EHBai, militant abertzale de gauche, syndicaliste engagé à la SNCF et investi dans le monde du handicap. Il pourrait —avec le rejet putatif du candidat inconnu de la LFI— dépasser les 12% réalisés par la précédente candidature abertzale de Peio Etcheverry-Ainchart. Alors, même si les supputations pré-électorales peuvent s’avérer in fine inexactes, il serait quand même superfétatoire de miser un eusko sur de grands chamboulements électoraux locaux avec l’avènement d’un.e député.e basque un tantinet progressiste. Comme dirait le camarade Jean-Pierre, “La route est droite, mais la pente est forte” !
(1) En 2021, le parti présidentiel a par exemple récolté un peu plus de 10 millions d’euros pour la première fraction et près de 11 millions pour la seconde. Loin devant LR, deuxième parti à récolter le plus d’aides publiques, avec un total de 14,7 millions d’euros.
(2) Sondage réalisé du 16 au 19 mai sur un échantillon de 11 247 personnes. Marge d’erreur entre 0,3 et 0,9%.