Comment expliquer le sentiment d’impunité totale que semblent avoir les propriétaires qui multiplient au grand jour les violations des lois et règlements régissant l’habitat et le logement, avec un coût humain souvent élevé pour ceux qui en sont victimes ?
Mardi 14 mai à 15h, en compagnie d’autres bénévoles d’Alda, je sonne à la porte d’une villa biarrote pour poser quelques questions à un multi-propriétaire que nous soupçonnons d’une série de fraudes. Au même moment, d’autres membres de l’association se présentent dans trois appartements lui appartenant pour connaître le statut de leurs occupants. Il y a bien fraude, et ce à tous les étages : deux logements sont loués l’été en meublés de tourisme, sans autorisation de changement d’usage, les locataires y sont soumis de manière tout à fait illégale à des baux mobilité, dont la durée est inférieure à douze mois et les obligent à quitter leur logement en juin. Pourtant, ils n’ont rien de travailleurs mobiles : d’un côté un jeune travailleur en CDI, de l’autre un couple de retraités ! Un troisième logement, minuscule studio, est loué depuis plus de cinq ans à une dame qui a la cinquantaine, sans bail ni quittance de loyer. Elle doit s’acquitter en espèces d’un loyer mensuel de 600 euros et n’a pas de boîte aux lettres à son nom. Elle aussi va se retrouver à la rue en juin, sans aucun préavis. Cerise sur le gâteau, deux des logements ne figurent pas au cadastre et semblent donc avoir été construits en toute illégalité.
Sentiment d’impunité
Loin de faire profil bas, le multi-propriétaire qui ouvre la porte se montre d’entrée arrogant et violent. Il nous menace, demande si nous voulons nous battre, tente une prise de krav maga sur ma personne. Je lui dis que nous avons constaté une série de violations particulièrement graves à la législation, et les énumère. Il me répond, haut et fort, devant la presse présente en nombre : « Mais qu’est-ce que j’en ai à foutre !? ». Je l’informe que nous allons signaler ces fraudes à la ville de Biarritz et au Comité de lutte contre les baux frauduleux, il me rétorque, démontrant la richesse et la diversité de son vocabulaire « J’en ai rien à foutre !« .
Ne doutant de rien, il appelle la police qui arrive très rapidement et en grand nombre. C’est quand même étonnant qu’un voyou qui multiplie les infractions ait comme premier réflexe d’appeler la police, quand une association vient lui poser des questions sur ses pratiques illégales. Il faut avoir un sacré sentiment d’impunité pour cela.
Mais que fait la police ?
Et on le comprend aisément. Depuis trois ans maintenant, l’action d’Alda révèle au grand jour l’existence de fraudes massives dans le domaine de l’habitat et des rapports locatifs. Des fraudes aux conséquences humaines graves, lourdes, alimentant la pénurie en logements, mettant des familles entières à la rue de manière illégale, précarisant des locataires et les obligeant à vivre dans le stress et l’angoisse du lendemain, les étranglant avec des loyers augmentés en toute illégalité. Il ne s’agit pas de quelques cas isolés, mais de milliers et de milliers de situations qui sont particulièrement violentes pour les familles qui les subissent.
Elles s’affichent parfois au grand jour, car il suffit souvent, comme Alda le fait avec sa cellule d’investigation, de surveiller les annonces sur les plateformes de location de type Airbnb ou sur des sites comme Leboncoin. Pourtant, qui en 3 ans a entendu parler d’une descente de police chez les multi-fraudeurs ou la mise en garde à vue de l’un d’entre eux ?
Deux poids et deux mesures, jusqu’à quand ?
Quand on voit la police débarquer à 6h00 du matin chez des membres d’Ostia accusés d’avoir déversé de la terre sur une maquette de Bouygues représentant le projet contesté de Marienia, les conduire en garde-à-vue, puis les déférer devant le tribunal, on se dit qu’il y a bien deux poids et deux mesures. Qu’est-ce qui trouble plus l’ordre public, qu’est-ce qui cause le plus de souffrances parmi la population, qu’est-ce qui est le plus violent pour les gens ? Déverser de la terre sur une maquette de promotion immobilière ou forcer des retraités à devenir SDF l’été, escroquer les impôts, enlever sans autorisation des logements du parc d’habitation à l’année, alors que tant de travailleurs vivent aujourd’hui dans leur voiture, condamner une dame de 50 ans à vivre sans adresse légale et à se retrouver à la rue du jour au lendemain au bon vouloir du propriétaire ? Il est temps que les autorités légales ou morales de ce territoire appellent à la fin de l’impunité.