Sans l’actuel dispositif d’encadrement des loyers à la relocation, la situation du logement en Pays Basque pourrait être bien pire aujourd’hui ! Et elle pourrait être meilleure demain avec l’encadrement renforcé des loyers.
Vendredi 3 février 2023, une vingtaine de membres d’Alda investissent l’agence immobilière Immo Consulting Services (ICS) à Bayonne et annoncent le début d’une occupation illimitée. Ils sont accompagnés d’un couple de locataires d’Anglet abusés par l’agence qui leur a demandé 12 mois de loyers d’avance pour pouvoir signer le bail, ce qui est tout à fait illégal. Mais, il y a pire : en étudiant leur dossier, Alda a constaté que l’agence ICS avait également violé le gel à la relocation des loyers, en vigueur dans cette commune. Suite au départ des anciens locataires qui payaient 900 euros par mois, le loyer du même appartement T3 est passé à 1300 euros par mois, auxquels s’ajoutent les charges.
Pour faire cesser l’occupation, la patronne de l’agence établit un chèque de remboursement des loyers payés d’avance et s’engage, devant la presse et la police présentes, à baisser le loyer à 900 euros, si on lui apporte la preuve que c’était bien le montant payé par les anciens locataires. Quelques jours plus tard, Alda fournit à l’agence ICS les quittances de loyers des anciens locataires dans ce même T3, à l’époque géré par une agence Orpi, prouvant que le loyer était bien de 900 euros. Trahissant sa parole, la patronne de l’agence refuse alors de baisser le loyer de 400 euros, et de rembourser le trop payé. Elle est donc assignée en justice qui la contraindra à respecter la loi.
Encadrement des loyers à la relocation
En effet, la zone tendue du Pays Basque(1) est soumise à l’encadrement simple des loyers, également appelé encadrement des loyers à la relocation. Dans les 24 communes concernées, qui concentrent une majorité de la population d’Iparralde, il est interdit d’augmenter le loyer, au renouvellement du bail ou quand il y a changement de locataire, au-delà de l’indice IRL. Cette mesure protège le parc ancien et y maintient les loyers à un niveau moins déraisonnable. Si ce dispositif n’existait pas, la situation actuelle du logement serait bien pire et aurait échappé à tout contrôle.
C’est pourquoi Alda veille à son respect et mène des actions ou fait assigner en justice les propriétaires et agences qui ne respectent pas ce dispositif. Comme dans le cas de cette maison d’Anglet, passée d’un loyer de 1670 euros à un loyer de 2300 euros. Ou ce T1 d’Anglet, passé de 450 à 700 euros. Ou encore ce T3 à Lahonce dont le loyer a été augmenté de pratiquement 600 euros, passant de 840 à 1420 euros ! Comme les agences et propriétaires exigent désormais d’avoir un revenu mensuel au moins égal à trois fois le montant du loyer, on voit bien avec ces exemples que, sans encadrement des loyers à la relocation, la plupart des logements du parc ancien seraient devenus hors d’atteinte pour la population locale.
Encadrement renforcé des loyers
C’est par contre le problème dans le parc neuf. Là, promoteurs, agences et propriétaires sont libres de fixer le loyer qu’ils souhaitent. Cela rend les nouveaux logements inaccessibles aux jeunes ou aux familles et personnes chassées du parc ancien par la multiplication des congés pour vente ou pour reprise. D’où la nécessité de passer à l’encadrement renforcé des loyers. Il s’agit de fixer, via un arrêté préfectoral, un prix au mètre carré de surface habitable, par catégorie de logement et par secteur géographique. Ainsi, les loyers ne peuvent plus être fixés en dehors de toute limite raisonnable, comme c’est trop souvent le cas aujourd’hui sur la côte basque et le rétro-littoral.
(1) Soit les 24 communes suivantes : Ahetze, Anglet, Arbonne, Arcangues, Ascain, Bassussarry, Bayonne, Biarritz, Bidart, Biriatou, Boucau, Ciboure, Guéthary, Hendaye, Jatxou, Lahonce, Larressore, Mouguerre, Saint-Jean-de-Luz, Saint-Pierre-d’Irube, Urcuit, Urrugne, Ustaritz, Villefranque.
Bientôt ici également ?
La Communauté d’agglomération du Pays Basque s’était engagée à déposer sa candidature à ce dispositif dès que l’adoption de la loi 3DS, en février 2022, le permettrait. Elle a tenu parole et cette candidature a été officiellement remise en novembre 2022. Reste à l’État à tenir ses propres engagements à ce sujet. Suite à la grande manifestation pour le logement du 20 novembre 2021 à Bayonne, le préfet Eric Spitz avait en effet déclaré au sujet de cette candidature : « Les services de l’État l’accompagneront dans cette démarche, que je soutiendrai auprès du ministère du Logement. » Le lundi suivant la seconde manifestation « Se loger au Pays – Herrian bizi », organisée le 1er avril 2023, le nouveau préfet des Pyrénées- Atlantiques, M. Julien Charles, a quant à lui promis une réponse de l’État pour « cet été, ou cet automne, dans les mois qui viennent ».63% de la population favorable
Si ces engagements sont respectés, vu le processus long et complexe de sur-collecte de données exigé par ce dispositif et confié à l’Audap dans le cadre de l’Observatoire local des loyers, on peut espérer l’arrêté préfectoral définissant les plafonds et loyers de référence par secteurs géographiques et types de logement vers la fin 2024. Ce dispositif, demandé par une nette majorité de 63% de la population du Pays Basque selon le sondage IFOP/ Sud-Ouest réalisé en mars dernier, pourrait alors se mettre en place en 2025 au plus tard. Cette nouvelle avancée viendra, après le gel à la relocation des loyers et la récente instauration de la mesure de compensation, ajouter un frein supplémentaire à l’actuelle spirale des prix qui remet en cause le droit de la population locale à vivre et se loger au Pays.