Acteur essentiel de notre combat en faveur de l’euskara depuis le dernier quart du XXe siècle et sociolinguiste de haut vol, Erramun Bachoc nous a quitté le 4 juin à l’âge de 95 ans. Par son expertise et sa détermination, il fut l’initiateur de la politique linguistique actuellement en œuvre en Iparralde.
Né en 1928 à Suhuskune en Basse-Navarre, Erramun Bachoc embrasse la prêtrise jusqu’aux années soixante. Licencié en philosophie, il enseignera aux quatre coins de France et en Côte d’Ivoire. A partir de 1968, son séjour d’une décennie au Québec le met en contact avec deux autres exilés abertzale qui marqueront leur époque : Claude Harlouchet et Piarres Charritton. Est alors fondatrice sa rencontre avec les spécialistes mondiaux du bilinguisme et de la sauvegarde des langues en péril, William Mackey, Jean-Denis Gendron et Richard Bourhis. Il soutiendra auprès d’eux un doctorat de sociolinguistique. C’était le temps où la Belle province en plein renouveau se dotait de la fameuse loi 101, un modèle de démarche politique en faveur des langues minoritaires dont la Communauté autonome basque s’inspirera en 1982.
Avec femme et enfants, Erramun Bachoc rentre au pays en 1978. Via les Assises de la langue et de la culture basques et le lancement de la fédération Pizkundea, il déploiera une intense activité en faveur de l’euskara.
Avec une humeur égale, une détermination, une discrétion et un sens du dialogue qui siéent à tout « honnête homme », à une époque où la démarche consensuelle et la convergence n’étaient pas des vertus si répandues que cela en nos rangs et au-delà. Sa méthode Euskaraz bizi, la présidence de la radio d’expression basque Gure Irratia et d’Euskal kultur erakundea (EKE) pendant dix ans, son enseignement de linguistique appliquée à l’Université du Pays basque Sud, figurent parmi quelques-uns de ses multiples engagements.
A son actif également, le lancement de quatre enquêtes sociolinguistiques dans nos trois provinces. Elles serviront de base pour la mise en œuvre d’un Schéma d’aménagement linguistique, projet et outil majeur en Iparralde. Il jette alors les bases de ce qui deviendra ensuite l’Office public de la langue basque.
Collaborateur régulier du journal Enbata, Erramun Bachoc présentera en détail dans nos colonnes les démarches qu’il a initiées.
Sa modestie dut-elle en souffrir, disons qu’il alliait deux qualités rares, celle de l’homme d’action et celle de l’intellectuel organique, au sens gramscien du terme. Rappelons qu’il nourrissait en outre des affinités philosophiques avec le personnalisme communautaire d’Emmanuel Mounier et la revue Esprit. Sa vie durant, Erramun Bachoc fit sienne la formule d’Albert Einstein: «Le monde ne sera pas détruit par ceux qui font le mal, mais par ceux qui le regardent sans rien faire».
Aux côtés de Jakes Aurnague, Popaul Arrambide, Michel Berger, Claude Harlouchet, Jean-Michel Larrasquet, Michel Bidegain et Jakes Abeberry, Erramun Bachoc fut aussi membre du parti politique Euskal Batasuna. La dette que nous avons à son égard est immense.
Lau bideo: https://www.mintzoak.eus/eu/lekukoak/bachoc-erramun/