Exposition Hitzak lege ou quand l’euskara dit le droit

Gotzon Lobera, coordinateur de l’exposition, juriste et académicien-correspondant, présente le panneau de l’exposition Hitzak lege consacré aux travaux du notaire labourdin Martin Harriet.

 

Euskaltzaindia présente jusqu’au 6 décembre à Donibane Garazi une exposition sur la langue basque et le droit. Elle révèle des pans entiers de l’histoire culturelle et politique de notre peuple, des rapports entre sa langue minoritaire longtemps dépourvue d’institutions et les Etats qui font la loi.

En vingt cinq panneaux quadrilingues et deux bornes interactives, cette surprenante exposition brosse un tableau socio-linguistique du Pays Basque du XVe au XXe siècle. Sur un thème peu courant, là où l’on attendait le moins l’euskara, l’expression du droit. Chaque panneau présente en fac-similé un document significatif qui témoigne de la place occupée par la langue basque dans le droit écrit et dans les relations juridiques entre particuliers, mais aussi dans les rapports avec l’administration ou les autorités. Cela débute avec le for biscayen dont il ne reste que la version espagnole de 1452, mais qui comprend des éléments du texte originel délivré en euskara par l’assemblée provinciale. Nous découvrons ensuite une série d’actes rédigés par des juristes locaux dans un pays essentiellement bascophone : jugement sur une promesse de mariage non tenue en Navarre (1552), lexique juridique réalisé en 1741 par le notaire de Larressore Martin Harriet, texte sur l’exécution de conventions internationales ou faceries que les Basques passent en 1769 entre deux vallées transfrontalières, acte de mariage et partage de biens en Labourd (1774), ordonnance de 1783 sur les funérailles à Bergara (Gipuzkoa), cahier de doléances adressé au roi par le Labourd en avril 1789, « catéchisme constitutionnel » imprimé à Tolosa en 1820 pour faire connaître la Constitution espagnole de Cadix, contrat d’apprentissage d’un jeune forgeron biscayen en 1823, texte de la fameuse accolade-trahison de Bergara qui mit fin en 1839 à la première guerre carliste, ordonnance municipale de la ville d’Usurbil (Gipuzkoa), assurances mutuelles de bétail par le notaire senpertar Dominique Dufau (1930), etc. L’exposition s’achève sur la production importante de textes juridiques en euskara consécutive à la co-officialisation, à partir de la fin du franquisme, sur une partie seulement du Pays Basque.

Histoire de vies et porte d’entrée

Une frise chronologique resitue les faits évoqués par les textes et permet au visiteur peu au fait de l’histoire de notre pays, de se situer. Deux bornes interactives témoignent du souci pédagogique qui anime cette exposition réalisée par le juriste Gotzon Lobera. Un catalogue quadrilingue, très complet et gratuit, complète le tout. L’ensemble pourra tout particulièrement intéresser les scolaires, tant il constitue une large porte d’entrée à la culture et à l’histoire de notre pays.
Le thème de cette exposition pourrait sembler austère, mais il n’en est rien. La plupart des documents présentés font référence à des histoires de vie et aux efforts des habitants pour résister aux rouleaux compresseurs de deux Etats qui n’ont de cesse que de les assimiler. Autant d’actes émouvants de résistance individuelle ou collective dont nous avons une trace juridique, dans une nation qui au XVIe siècle, a perdu les derniers pans de sa souveraineté. Donc les moyens de se défendre, faute de pouvoir pleinement dire le droit qui est le sien. Certains documents montrent à l’inverse comment l’État central fait parfois l’effort de s’adresser en euskara aux habitants pour les convaincre.

Gotzon Lobera, coordinateur de l’exposition, juriste et académicien-correspondant, présente le panneau de l’exposition Hitzak lege consacré aux travaux du notaire labourdin Martin Harriet.


L’exposition survole ainsi, comme au travers d’un prisme, une série de pratiques ou d’épisodes qui nous ont marqués, nos efforts de survie envers et contre tout, nos défaites et nos avancées. Elle illustre l’aphorisme du linguiste yiddish Max Weinreich (1894-1969) : « Une langue est un dialecte avec une armée et une marine ». En d’autres termes, l‘avenir d’une langue ne peut être garanti que par un Etat souverain et déterminé.
Hitzak lege apporte une fois de plus la preuve que le poncif du «mystère basque » dont on nous rebat les oreilles, ne réside pas dans ses origines, mais bien dans sa capacité de résistance et de résilience.

+ Hitzak lege, textes juridiques en langue basque du XVIe au XXe siècle. Exposition à l’initiative de l’association Terres de Navarre, présentée à la mairie de Saint-Jean-Pied-de-Port jusqu’au 6 décembre. Ouverte du lundi au vendredi de 8h30 à 12h et de 14h à 17h30.

 

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