Voilà cinq siècles que Zan Pantzar n’échappe pas à sa sentence. Mais depuis les temps où les bûchers étaient une réalité du quotidien, à notre époque où cette violence nous échappe, il serait bon de questionner le rite du carnaval pour lui redonner sens, en substituant par exemple la violence du pouvoir à celle de l’Eglise.
Faut-il vraiment brûler Zan Pantzar ? Voici une question que peu de personnes se posent, visiblement. Car à chaque fin de carnaval, Zan Pantzar est jugé et sa sentence est connue d’avance : il sera brûlé. A ceux qui seraient tentés de trouver futile la question de la pertinence de son exécution puisque, après tout, il ne s’agit que d’une marionnette, on peut rétorquer que cet acte de mise à mort est bien évidemment un symbole et que c’est pour cela qu’il n’est pas anodin.
Mais que représente donc Zan Pantzar ?
On ne peut pas parler de Zan Pantzar sans parler du carnaval. Carnaval, la fête de tous les excès, où la vie doit se régénérer pour que le printemps arrive et, avec lui, la fécondité et la promesse de redémarrage du cycle de la végétation et des récoltes. C’est la période où tout s’inverse, où les règles et les tabous de la vie habituelle sont suspendus.
Carnaval est une fête aux origines très lointaines. Sous l’Antiquité, les Saturnales romaines se fêtent au solstice d’hiver pour célébrer Saturne, dieu de l’agriculture et du temps. Les rôles sont inversés, les esclaves devenant les maîtres, et la fête donne lieu à toutes sortes de réjouissances et d’orgies.
Ces fêtes d’hiver perdurent au Moyen-Age. C’est là que l’Eglise intervient. Car cette licence de mœurs ne lui convient guère et qu’il lui faut reprendre les choses en main. Dans un premier temps, elle condamne ces fêtes issues des Saturnales avant de se les approprier pour mieux les contrôler. Elles sont alors placées juste avant la période de jeûne du carême, “carnaval”, issu de l’italien “carnevale”, signifiant alors “enlever la viande”. Et voici donc notre Saint-Pansart, le bien nommé avec sa panse dodue, qui apparaît au XVIe siècle, représentant tous les excès du carnaval. Il sera jugé pour son comportement outrancier et condamné au bûcher le dernier jour de la fête. L’Eglise peut alors reprendre la main.
De nos jours, les rites religieux de l’Eglise ont perdu leur importance, le carême n’est plus respecté par grand monde. Carnaval a aussi évolué. La débauche a largement disparu. Les masques et les déguisements ne sont plus là pour masquer sa véritable identité en vue d’éviter des représailles, ce sont surtout les enfants qui se déguisent pour ressembler à leurs héros préférés. Le procès de Zan Pantzar a également évolué. Il peut être accusé d’être responsable de tous les maux de l’année passée qui ont pu s’abattre sur le village, et il est alors le bouc émissaire de tous les malheurs. Mais bien souvent, il n’est accusé que de quelques larcins ou d’actes d’ivrognerie. Ce qui n’a pas changé pourtant, c’est la sentence. Et dans beaucoup de carnavals, nous montrons à nos enfants déguisés en princesse ou en superman un pauvre bonhomme être brûlé pour avoir volé leur goûter et s’être empiffré de bonbons.
Quelle est alors la valeur de ce symbole ? Que voulons- nous ainsi transmettre à ces enfants ?
Message effrayant
Le symbole de Zan Pantzar brûlé pour ses excès avant le carême portait en partie un message effrayant car la sentence du bûcher avait une crédibilité réelle, pour qui contestait l’autorité de l’Eglise. Aujourd’hui, il y a toujours une violence de l’Etat à l’encontre de ceux qui ne respectent pas ses règles. Devons-nous applaudir et accepter que la sentence soit une peine de mort ?
C’est déjà une première question à se poser. Pour ma part, la réponse est clairement négative. Et si en plus, le jugement porte sur des faits si peu graves comme on peut l’entendre dans des procès de Zan Pantzar, essentiellement tournés vers les enfants, on s’éloigne encore plus de ce que représentait initialement Zan Pantzar. La sentence est alors incompréhensible.
Elle peut paraître d’autant plus terrifiante. Thierry Truffaut rapporte en détails un jugement récent de Zan Pantzar très intéressant dans la fiche d’inventaire du patrimoine culturel immatériel sur la tradition carnavalesque de Zan Pantzar.
Après la mise en scène de moultes péripéties issues de la vie locale, nationale et internationale, c’est finalement la CIA et le président des Etats-Unis Trump (présent pour le G7 de Biarritz) qui tuent Zan Pantzar, qui sera ensuite jeté au feu. C’est donc bien le pouvoir en place qui reprend la main en brûlant Zan Pantzar, sans que la foule ne soit vindicative ou complice. Cela fait une énorme différence.
Brûler Zan Pantzar sous les applaudissements du public pour le vol de quelques bonbons est le symbole d’une violence gratuite qui fait froid dans le dos et nous fait perdre notre humanité. Faire au contraire de Zan Pantzar la victime de la violence du pouvoir (et de lui seulement) redonne tout son sens au symbole et rend moderne et vivante la tradition qui retrouve alors toute sa valeur.
Faut-il donc brûler Zan Pantzar ? Chaque carnaval devrait être l’occasion de se poser la question.
J’ai trouvé votre article très intéressant, mais la mise en cause de la culpabilité de San Pantzar peut aller très loin, plus loin que le personnage d’un Trump qui après tout (il me semble) avait comme but principal de remettre les usa au premier rang mondial. Mais après, il y a le rôle du capitalisme mondialisé, et là, c’est une toute autre histoire… cordialement
merci Martine
Effectivement les traditions ultra folklorisés perdent tout intérêt…voir propagent des discours bien pensant !
Vous avez parfaitement compris le sens du choix de la Fiche d’Inventaire sur Zan Pantzart. Nous avons essayé avec Terexa Lekumberri d’ICB de concevoir des fiches qui permettent une transmission ouverte car la Tradition est conjointement :conservation et invention. Il s’agit d’une fiche du Patrimoine Culturel Immatériel de l’Humanité ce qui fait parfaitement écho à votre analyse que je partage. Je pense aussi qu’il faut être prudent dans l’adaptation des pratiques d’ adultes pour les enfants . Par contre les enfants et les adolescents sont capables de trouver, si ont leur en laisse la possibilité, d’autres choses à condamner que le vol de bonbons….