L’Edito du mensuel Enbata
La gauche abertzale dispute son hégémonie au PNV dans la Communauté autonome basque (CAV) où elle réalise un score historique de plus de 29%. Elle franchit la barre des 1000 élus hier seulement atteinte par le parti jeltzale. En tête à Gasteiz, EH Bildu est à un cheveu de devancer son rival à Donostia et il il peut ravir au PNV la députation de Gipuzkoa. En Navarre, l’ancien maire souverainiste Joseba Asiron gagne son pari en arrivant en seconde position derrière la droite régionaliste, il pourrait retrouver son fauteuil de maire. Avec une baisse de participation d’environ 5 points par rapport à 2019, le total des voix des abertzale se maintient à 60% de l’électorat de la CAV.
Mais rien n’est joué pour autant. Dès le lundi 29 mai, les partis entament des négociations pour élire les maires de chaque cité. Si tel n’est pas le cas, le premier magistrat sera élu à une majorité relative et restera affaibli, à la merci des majorités de circonstance. EH Bildu est en bonne position pour conquérir deux capitales sur quatre, toutefois des surprises sont toujours possibles. Le gouvernement navarrais devrait demeurer entre les mains du PSOE, mais le soutien d’EH Bildu s’avérera plus décisif qu’en 2019, du fait de l’affaiblissement de Geroa Bai.
Le PP augmente légèrement son score comme dans le reste de la Péninsule. Le Pays Basque demeure rebelle à l’extrême droite, Vox n’obtient que deux députés au parlement foral navarrais. Ciudadanos est inexistant. L’affaiblissement du PSOE au profit des forces de droite, inquiète bien sûr, tant il est préférable pour les abertzale du Pays Basque et de Catalogne de s’allier à une gauche qui a impérativement besoin d’eux pour gouverner. Les socialistes espagnols sont pris en étau, ils seront d’autant moins enclins à faire des concessions aux Basques et aux Catalans, cela leur est vertement reproché par la droite et par une partie de leurs électeurs. Tout ce jeu-là ne tient qu’à un fil. Pedro Sanchez sent passer le vent du boulet au soir du 28 mai, son échec électoral est patent, l’avenir risqué. Le PSOE a perdu six des dix Communautés autonomes en jeu. Vox a triplé sa représentation. Le leader socialiste fait hordago, il dissout les Cortes et avance les élections législatives au 23 juillet.
La montée en puissance d’EH Bildu ne touche pas que les capitales ou les députations, elle est forte dans plusieurs villes importantes. Cette évolution qui donne des frayeurs au PNV, rend demain crédible un basculement de la Communauté autonome basque entre les mains d’une coalition de gauche dirigée par les indépendantistes, alliés au PSOE et à Podemos. L’avancée d’EH Bildu convaincra-t-elle le PNV de prendre quelque risque sur le plan souverainiste ? Il n’évoluera en ce sens que s’il constate que tel est son intérêt, comme ce fut le cas pour CiU en Catalogne. Cela demeure pour l’instant de la politique-fiction.
La ligne d’Arnaldo Otegi est largement confortée. La lutte armée ne structure plus la vie politique du pays, elle ne joue pas le rôle de repoussoir, malgré les efforts du PP. La disparition d’ETA et l’investissement d’EH Bildu dans les institutions régionales et à Madrid apportent de la crédibilité et du poids à la gauche abertzale. Plus que jamais, elle « fait de la politique » et c’est heureux, alors que nous sommes à quelques semaines des élections législatives et à un an des autonomiques dans la Communauté autonome basque.
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Les abertzale sont le sel de cette terre. En Iparralde, nous avons franchi plusieurs étapes, souvent contre vents et marées, elles sont irréversibles. Mais notre construction nationale doit aller plus avant. Elle passe par l’élaboration d’outils nouveaux. Pleinement conscients des réalités, nous sommes aussi portés par la part du rêve et nos convictions. Pour cela, Bagira ouvre un temps de diagnostic, de réflexion et de débat. Le processus durera près d’un an. Anita Lopepe et Pantxika Ibarboure présentent dans ce numéro d’Enbata le coup d’envoi de cette démarche. Sa première étape est une grande enquête. Chaque abertzale d’Iparralde se doit d’y prendre part, quelle que soit sa sensibilité, qu’il soit encarté ou non, quelles que soient la nature ou l’ampleur de ses engagements. Atouts et faiblesses, objectifs et stratégies, organisation et moyens, ensemble passons tout au crible, sans tabou, avec sérieux et enthousiasme. L’enjeu est d’importance, il s’agit dans nos trois provinces de construire l’abertzalisme, le Pays Basque de demain. Ce projet, cet avenir sont d’abord entre nos mains.