A l’occasion du Festival et Forum public « Peuple(s) en lutte(s) » à Baigorri (Bil etxea) du 30 juin au 7 juillet organisé par l’institut francophone pour la justice et la démocratie (IFJD), Enbata.Info a posé quelques questions à cet Institut spécialisé dans la Justice Transitionnelle. La brève présentation de l’IFJD sera suivie par un éclairage sur le Forum qui abordera des questions d’environnement, de genre, de culture et de langue…
Qu’est-ce que l’institut francophone pour la justice et la démocratie ?
L’Institut Francophone pour la Justice et la Démocratie (IFJD), héritière de l’Institut universitaire Varenne, est une association spécialisée dans la recherche-action relative à la Justice et la démocratie, tout particulièrement en matière de transition démocratique et de justice transitionnelle. A ce titre, il développe des activités académiques et opérationnelles.
Ses travaux et réflexions sont publiés et diffusés à destination d’un large public au travers de l’édition d’ouvrages et de revues, la réalisation d’études et de rapports, l’organisation de séminaires de formation, de tables rondes, de colloques ou de toutes autres manifestations à caractère scientifique ou d’éducation populaire.
L’IFJD œuvre ensuite tout particulièrement dans le domaine de la Justice transitionnelle, afin que les victimes de violations de droits de l’Homme commises lors de conflits ou de dictatures voient leurs droits à la vérité, à la justice, à la réparation et aux garanties de non-répétition respectés. Il mène ce travail par des publications et recherches, l’organisation de formations et d’événements en France et à l’étranger, dont notamment son université d’été annuelle, ainsi que le festival du film documentaire et le forum public qui lui sont associés. Il agit également par l’expertise, tout particulièrement concernant les Commissions Vérité et Réconciliation, ainsi que par le développement d’un axe important consacré aux violences sexuelles et notamment au modèle holistique d’assistance aux victimes initié à Panzi par le Dr Mukwege. Il promeut notamment sa diffusion dans le cadre de projet en Centrafrique et en République démocratique du Congo.
Vous organisez votre Festival et Forum public « Peuple(s) en lutte(s)» à Baigorri en parallèle de l’université d’été « Peuples autochtones et Justice transitionnelle ». Pourriez-vous nous en dire plus sur cet université d’été ?
C’est désormais la quatrième fois que nous organisons une telle université d’été. En 2019, la question des peuples autochtones sera abordée autour des quatre grands piliers de la Justice transitionnelle : les droits à la vérité, à la Justice, à la réparation et aux garanties de non-répétition.
Les matinées seront organisées autour de cours dispensés par des experts, chercheurs ou praticiens. Chaque après-midi sera quant à elle consacrée à des analyses et des témoignages autour d’un groupe spécifique. Ainsi, les Touaregs, les amérindiens du Canada, les Herero-Namas, les Ouïghours et les autochtones de Guyane seront chacun le cœur d’un atelier.
Le Festival et Forum Public « Peuple(s) en lutte(s) » permettra selon vous de montrer comment la lutte de ces peuples nous parle de démocratie, de capacité de vivre ensemble dans la paix et le respect y compris de la vraie place de l’humain au sein de la nature… Pouvez-vous nous donner quelques exemples ou un avant goût ?
C’est sans doute un des paradoxes de cette semaine consacrée aux peuples autochtones. La confrontation de leur extrême diversité et de la grande modernité de leur action. Leurs combats s’articulent autour de ces deux notions.
Diversité d’abord des histoires et des lieux qui participent de la réalité universelle de ces minorités menacées. Diversité, ensuite, des menaces, économiques, culturelles ou politiques qui encore aujourd’hui, frappent les peuples autochtones. Diversité, enfin, des luttes et des moyens mobilisés par ces peuples pour résister. Moyens parfois dérisoires, tant le déséquilibre est grand et la cause a priori désespérée, mais souvent décisifs et toujours essentiels car, sans ce combat-là, il n’y aurait plus de traces de ces peuples sur cette terre.
Modernité aussi car ces peuples nous interpellent sur des questions fondamentales pour notre avenir. En effet, ils nous renvoient à notre mémoire coloniale, à nos responsabilités historiques face à leur destruction et – plus fondamentalement encore – à notre capacité à accepter, dans nos sociétés modernes, l’autre avec toutes ses différences dans son regard au monde.
Ils nous parlent enfin du droit a la différence.
Différence d’abord linguiste, mais aussi culturelle et religieuse et de la capacité de faire vivre en paix et respect, les unes envers les autres, toutes ces cosmogonies qui témoignent du rapport complexe des individus et des groupes à l’humanité toute entière.
Quelles sont les thèmes marquants du Forum des « Peuple(s) en lutte(s) » à Baigorri et pourriez-vous nous présenter deux ou trois intervenant·e·s qui y participeront?
Ce sont d’abord les questions d’environnement qui seront abordées. En effet, ces peuples combattent la déforestation et les extractions pétrolières.
Les enjeux de ce combat seront présentés par Alexis Tiouka. Fondateur de l’Association des Amérindiens de Guyane française, il œuvre en faveur de l’environnement et de la reconnaissance des peuples autochtones d’Amérique du sud et a représenté les Amérindiens de Guyane française aux Nations Unies. Il sera accompagné de Karine Vanthuyne, Professeure et chercheuse dans le domaine de la justice transitionnelle et des droits des peuples autochtones notamment au Guatemala et au Canada. Elle documente désormais l’impact des processus de décolonisation dans ce domaine.
Seront ensuite abordées les questions liées au genre. Les femmes autochtones semblent plus victimes encore que les autres, en raison de leur double statut. Les viols, les stérilisations forcées, les meurtres sont très fréquents. Le rapport de l’Enquête nationale sur les femmes et les filles autochtones disparues et assassinées au Canada, rendu en juin 2019, en est l’illustration. Pour cela nous recevrons notamment Rocio Silva Santisteban, journaliste péruvienne, écrivaine, poétesse, professeur d’université et, surtout, témoin autochtone. Elle dirige la coordination nationale des droits de l’homme pour les peuples autochtones, et a été l’une des principaux promoteurs des décrets législatifs concernant l’Amazonie péruvienne.
Elle sera accompagnée par Emmanuelle Walter. Journaliste, elle est l’auteure d’un ouvrage intitulé Soeurs volées – Enquête sur un féminicide au Canada. Elle souligne ainsi, que depuis 1980, près de 1 200 Amérindiennes canadiennes ont été assassinées ou ont disparu dans l’indifférence quasi totale. C’est l’angle mort d’un pays réputé paisible.
C’est enfin la question des cultures et des langues qui va être discutée. La survie d’un peuple autochtone dépend de la survie de son genre de vie. Ce combat a obtenu consécration et reconnaissance : d’abord par l’Assemblée générale de l’ONU en 2018 puis grâce à l’Unesco, qui a proclamé l’année 2019 année des langues autochtones.
Pour évoquer cette question de nombreux intervenants vont venir partager leur expérience. Fiore Longo, d’abord, chercheuse universitaire en anthropologie et Directrice France de l’ONG Survival International, qui vise à défendre les peuples autochtones du monde entier, et à empêcher leur anéantissement. La préservation de leurs langues et de leurs cultures est donc au cœur de son combat. Elle sera notamment accompagnée de Moana Sinclair, avocate, et productrice- réalisatrice, dont l’activité est orientée vers la reconnaissance de la culture maori. Compte tenu de l’importance de ce combat au pays basque nous avons également invité des représentants de l’association Garabide qui participe à la coopération linguistique et au partage d’expérience avec les populations autochtones à participer à ce débat.
Enfin un dernier film, « Sami – une jeunesse en Laponie » consacré à l’assimilation forcée des jeunes Lapons, clora le Forum et le Festival. Il sera présenté et commenté par T. Aslak Juuso vice-président du Parlement Sami de Finlande
Baigorri – Bil etxea – Entrée libre et gratuite
Festival du Film documentaire :
– dimanche 30 juin à 18h30 : Sauvages – Au coeur des zoos humains (film-débat)
– lundi 1er juillet à 20h30 : Indiens d’Amazonie – Le dernier combat (film-débat)
– mardi 2 juillet à 20h30 : Le peuple invisible (film-débat)
– mercredi 3 juillet à 20h30 : Nous sommes l’humanité (film-débat)
– jeudi 4 juillet à 20h30 : Le sang des femmes (film-débat)
– vendredi 5 juillet à 21h : The price of peace (film-débat)
Forum public – samedi 6 juillet :
– 10h : Conférence introductive : Les Peuples d’Amazonie face à Jair Bolsonaro
– 10h30 : Table ronde : L’exploitation des ressources naturelles
– 12h : Déjeuner – Animations – Rencontres avec des ONG
– 14h : Table ronde : Les violences faites aux femmes
– 16h : Table ronde : Les langues et cultures
– 18h : Film : Sami – Une jeunesse en Laponie