“On ne va pas créer une révolution pour le Pays basque ». Bien entendu, tel qu’il est écrit avec la minuscule pour l’adjectif basque, ce serait une véritable révolution que de l’écrire avec une majuscule Pays Basque. Il semblerait que le dit pays ne soit pas en odeur de sainteté dans les hautes sphères de cet Etat-nation qu’est la République française.
Quel était ce territoire formé de trois provinces historiques -Labourd, Basse-Navarre et Soule- avant la révolution française? Une simple collectivité qui, depuis Henri IV de France et III de Navarre jouissait d’une autonomie dont il ne faut pas exagérer les pouvoirs puisqu’ils se bornaient à la possibilité de répartir l’impôt fixé par le roi, privilège aboli au cours de la fameuse nuit du 4 août 1789. Dès lors, commence la détestation. On connaît les étapes:
En 1790, par pure méfiance envers le peuple basque, les trois provinces ne peuvent constituer un département, car «le fanatisme parle basque» et que pour mieux assimiler les Basques, il convient de les mélanger avec les Béarnais qui, eux au moins, parlent un dialecte néo-latin et non point une langue barbare comme l’euskara.
Un genre d’euskaraphobie va naître sous la Convention avec la proclamation de traîtrise pour certains villages frontaliers et l’envoi en exil dans les Landes et autres départements d’une partie de la population de ces villages.
Autre symbole : le roi Louis-Philippe n’est plus roi de France et de Navarre, mais roi des Français, de même que Napoléon III sera aussi empereur des Français. Toutefois lesdits Français n’ayant pas la mémoire courte continuent à employer l’expression « de France et de Navarre » et toujours à bon escient.
Par la suite se succèdent les républiques et leurs ministères de l’Instruction publique devenus plus tard Education nationale, symboles eux aussi dans leur appellation, celui d’instruire la société et celui d’éduquer la nation avec tout l’aspect progressiste que cela suppose, mais avec l’imposition d’une seule langue, celle de la République, consacrée en outre dans l’article II de la constitution. Pour la grande «convivencia» entre les peuples de France, il s’agit d’éradiquer les autres langues qui se parlent sur le territoire, la langue basque entre autres.
Mais cette euskaraphobie (j’utilise ce terme dans mon ressenti basque) a ses limites. Puisque, selon la formule connue, on ne va pas faire la révolution pour le seul Pays Basque, c’est le Pays Basque lui-même qui mène la Révolution.
- Il crée grâce aux ikastola son propre système éducatif, l’euskara devenant langue d’enseignement. « Niet » au début de la part des pouvoirs publics, puis acceptation.
- Est créé, grâce et sous l’égide de l’Université Michel de Montaigne (Bordeaux III), le cursus universitaire de Basque à Bayonne. «Niet» au début pour les programmes, puis acceptation de diplômes et concours nationaux.
- A leur tour, un certain nombre d’agriculteurs basques, fatigués de ne pas être entendus par la Chambre d’agriculture départementale décide de créer Euskal Herriko Laborantza Ganbara. Procès gagné en correctionnelle, procès gagné en appel, victoire donc devant deux «niet» implicites et cessation des poursuites.
- La revendication du département Pays Basque date de 1836, puis de 1963 avec Enbata et enfin de 1981 avec son inscription dans le programme de François Mitterrand le renégat (veuillez ne pas m’accuser de lèse-majesté comme on le fait actuellement pour le juge Gentil), celle de la collectivité territoriale à statut particulier, récente celle-ci, toutes deux ont droit au «niet». A quand l’acceptation?
Les régimes passent, les politiques aussi, le Pays Basque demeure, toujours ferme et solide. Gauden gu.