L’histoire se répète : Les enfants exilés de la guerre d’Espagne étaient au coeur d’un hommage à Saint-Sébastien ce mois de mars alors que la Russie a organisé la déportation d’enfants ukrainiens.
Un hommage aux « enfants de la guerre » (gerrako umeak) a été rendu le 23 mars dernier à Saint Sébastien, lors d’un rendez-vous exceptionnel placé sous l’égide de la Diputacion du Gipuzkoa.
Celle-ci avait convié ces « enfants », désormais nonagénaires, à se retrouver au terme d’une étude patiente, menée par l’association mémorialiste Intxorta 1937, parvenue à recenser 144 survivants parmi quelques 10 232 enfants gipuzkoans eux-aussi répertoriés, qui durent s’exiler dans les années 37. Selon les précisions recueillies par la Diputacion du Gipuzkoa et par Intxorta 1937, la plupart de ces enfants abandonnèrent Donostia (3.681 enfants), puis Irun (1 590), Hondarribia (609), Pasaia (57)… La plupart d’entre eux furent accueillis en France. La Belgique en reçut également plusieurs centaines (580), de même que l’URSS (465) et la Grande Bretagne (312)…
Nombre d’entre eux purent retrouver leur bercail, mais d’autres prirent racine dans leur pays d’accueil, soit que leur famille avait disparu, soit qu’ils avaient rencontré un lieu de vie plus sûr en terre d’accueil. Après les affres de la guerre et les routes de l’exil, une autre vie les attendait à l’étranger… Ils y grandirent. Quelques plaques et autres monuments commémoratifs témoignent de ces départs contraints organisés par les familles et le gouvernement basque de l’époque, désireux de les mettre en sécurité. C’est à partir de Santurtzi que le fameux Habana assura le transport de près de 4 000 enfants jusqu’au port de Southampton en Grande Bretagne.
Deux enfants et une valise
Ces épisodes douloureux aux accents tragiques, se déroulèrent en Biscaye, sur les quais du port de Santurtzi près de Bilbao notamment. Ils sont immortalisés par deux statues et une valise. Celles de deux gamins coulés dans le bronze, le regard fixé sur un horizon inconnu. Tous deux attendent le moment du départ qui, pour nombre d’entre eux, allait définitivement changer le cours de leur vie. Leur fuite avait été organisée par les familles et les autorités basques désireuses de les éloigner de la guerre civile. La Croix Rouge espagnole avait sollicité le CICR (Comité International de la Croix Rouge) afin de faciliter leur exil en principe provisoire. Le bateau le plus connu à bord duquel ils allaient prendre la mer, s’appelait Habana. Il transporta plusieurs milliers d’enfants jusqu’à Southampton, avant que certains d’entre eux soient évacués vers l’URSS. Certains en revinrent. Mais d’autres y prirent définitivement racine. Certains ne revirent jamais leur terre natale. La France vit débarquer un contingent de quelque 20 000 enfants (orientés vers Bordeaux), le plus souvent originaires du Pays Basque, des Asturies et de Cantabrie…
Vladimir Poutine et « ses » enfants
Mais l’heure n’est plus à la guerre d’Espagne. 86 ans après, surgit le temps de la guerre d’Ukraine. Elle aussi chargée de ses cohortes d’enfants de la guerre, ceux-là même que Vladimir Poutine avait envisagé de « ramener à lui », dans son empire russe. Le fait est que ce fauteur de guerre a, selon les autorités de Kiev, déplacé de force, on dira plutôt déporté sans hésitation, plus de 16 000 enfants d’Ukraine vers le sol russe. Un droit qu’il s’est arrogé sans le moindre scrupule, sous les yeux de la communauté internationale, au titre de belligérant ayant allumé la mèche…
Que sont devenus ces enfants enlevés sur les territoires ukrainiens désormais occupés par l’armée russe ? Qui le sait ? Vladimir Poutine se retrouve depuis le 17 mars, sous le coup d’un mandat d’arrêt de la Cour Pénale Internationale (CPI). La Russie ne faisant plus partie du cercle des pays signataires du Statut de Rome (celui-ci est à l’origine de la création de la Cour Pénale Internationale et par conséquent du mandat d’arrêt), il est peu probable que le président russe se retrouve un jour derrière des barreaux. La CPI a certes voulu lancer un signal fort. Mais selon les spécialistes de la question, la Cour n’arrivera sans doute pas à ses fins. D’autant moins qu’elle ne saurait juger en l’absence de l’accusé, celui-là même que l’Ukraine accuse de plusieurs dizaines de milliers de crimes de guerre de toutes sortes. De Gernika à Kiev en somme, il n’y avait qu’un pas. Poutine l’aura franchi sous nos yeux, sans regrets, ni remords.