Henri Etcheto, une ligne rouge pour le monde abertzale

Résultats du Premier Tour des Elections Municipales 2020  à Bayonne.
Résultats du Premier Tour des Elections Municipales 2020 à Bayonne.

La discussion bat son plein dans le monde abertzale concernant les possibilités d’alliance électorale avec la liste Bayonne ville ouverte. Malgré les perspectives d’un report des élections, cette hypothèse contre-nature suscite un large refus parmi les militants.

Le choix de l’Assemblée générale de Bayonne verte et solidaire (BVS), au soir du premier tour des élections municipales, en faveur de négociations avec la liste Bayonne ville ouverte (BVO), provoque débats et réflexions au sein de la gauche écologiste, progressiste et notamment abertzale. La victoire possible de la mairie de Bayonne peut-elle passer par une alliance avec une liste jacobine ? Au-delà de l’émoi provoqué par cette perspective, le débat stratégique disparaît souvent sous des échanges virulents entre les défenseurs d’une solution victorieuse d’alliance et ceux ou celles qui en refusent le principe en avançant la personnalité de la tête de liste Henri Etcheto et de son équipe de Bayonne ville ouverte.

L’assemblée générale de Bayonne verte et solidaire est souveraine et a bien mandaté des représentants pour mener ces négociations. Ce n’est pas pour autant que les électeurs suivront cet attelage si un accord devait être validé par une nouvelle AG. C’est en tout cas ce qu’il ressort de témoignages recueillis dans ces conditions de confinement, qui montrent un désaccord profond dans le camp abertzale. Les abertzale peuvent-ils permettre l’élection d’Henri Etcheto au poste de maire ? Quelles en seraient les conséquences ?

Est-il donc nécessaire d’en rajouter, avec cette nouvelle interpellation publique autour de deux questions orientées, au moment où la perspective d’un nouveau premier tour semble se confirmer ?” répond Ibai Agirrebarrena, membre de la liste BVS. Ces questions “n’améliorent pas les conditions nécessaires pour mener à bien une réflexion partagée et sereine” renchérit son colistier, Peio Menta. Pour les deux candidats, il convient de “cultiver la cohésion du mouvement abertzale au-delà de cette divergence d’analyse”. Le problème est que cette “divergence d’analyse” n’est pas vraiment exprimée. Quelles seraient les conséquences d’une élection d’Henri Etcheto avec le soutien abertzale ?

Des avantages, pensent certains, en rappelant que cette alliance ne pourrait se faire que dans le cadre d’une “gouvernance partagée”. Ce que conteste déjà l’équipe d’Henri Etcheto lors d’un premier contact. Et qui n’empêche pas non plus un édile de gouverner, à l’exemple de Michel Veunac, maire de Biarritz privé de majorité en cours de mandat et qui, même freiné, reste aux manettes, parfois sauvé par son opposition. Sur ces avantages, on n’en connaîtra pas plus, si ce n’est cette perspective discutable d’intégrer une majorité incompatible. Pour le reste, c’est niet, dans les rangs même de BVS et au-delà de Bayonne. Lola Garcia, également sur la liste de BVS, estime qu’il “n’est pas envisageable” de faire élire Etcheto “qui est à l’opposé de tout ce qu’on défend”. Ni en tant que bayonnaise, ni en tant qu’abertzale. “Une gouvernance partagée resterait partagée avec quelqu’un qui est à l’opposé des valeurs de BVS. Est-ce que ce ne serait pas finalement un rôle d’opposition ?” Par ailleurs, “le mouvement abertzale perdrait beaucoup, sur des thème sociétaux, pour l’écologie, le féminisme ou la démocratie participative.” “Nous avons fait des alliances fortes au premier tour, ici nous sommes trop éloignés” pense t-elle. Et d’en conclure que les abertzale sont “assez forts pour rester indépendant” et attendre leur heure. Membre de BVS, David Lannes, s’attend d’abord à ce que la liste BVO se montre conciliante sur les aspects programmatiques pour arracher un accord et gagner la mairie. “Mais même si BVO devait tenir ses promesses —ce qui n’est quand même pas la marque de fabrique du PS—, cela irait à contre-courant du projet abertzale” soutient-il. Et de distinguer “une certaine partie de la gauche (qui) n’a pas encore intégré les enjeux environnementaux et sociétaux de notre époque et continue de soutenir les grands projets inutiles, de l’aéroport de Notre-Dame-des-Landes à la LGV, et de combattre les particularismes locaux en confondant plus ou moins honnêtement égalité et uniformité”. “D’autres à gauche ont au contraire décidé de s’appuyer sur la diversité et le dynamisme spécifique de chaque territoire pour construire des projets de société plus résilients et de nouvelles formes de solidarité” ajoute t-il. Si David Lannes se retrouve “parfaitement” à sa place dans cette dernière mouvance de la gauche, il considère que la première est “un adversaire politique, au même titre que la droite”. “Soutenir BVO serait à mon avis renforcer ce courant de la « gauche » qui nous emmène droit dans le mur et je ne pourrai pas m’y résoudre. Je préfèrerais de loin travailler aux côtés de Bihar Baiona, même si c’est dans l’opposition, pour construire ensemble un projet de gauche en phase avec nos engagements abertzale et les défis environnementaux et sociaux de notre époque.”

Ligne rouge

Les abertzale ont d’autres choses à faire et peuvent progresser sans aller vers des travers jacobins” abonde Daniel Olçomendy. Pour le maire d’Ostabat et conseiller délégué au tourisme, à la nature et au patrimoine au sein de la Communauté d’agglomération Pays Basque, ce serait “notre perte”. “Etcheto est la ligne rouge pour le monde abertzale”, ajoute t-il, en estimant que les “dossiers doivent avancer au Pays Basque et les jacobins sont nos premiers ennemis”.

Pas d’un Robespierre à la mairie de Baiona”, abonde pour sa part Mertxe Colina. C’est parce que Bayonne, “compte tenue de sa situation et de ce qu’elle représente est importante (qu’on) on est en droit de s’exprimer sur ce qui s’y fait et d’alerter” prévient cette figure de l’abertzalisme qui confie que cette situation a fait naître chez elle et dans son entourage, “un sentiment d’étonnement, passant par l’incompréhension et frôlant la consternation”. Elle estime que, sans avoir “tous les éléments pour pouvoir analyser pleinement la situation (…) il s’agit d’un choix compliqué et dangereux”. Et de rappeler “les conséquences dévastatrices” de choix politiques passés, en inscrivant Henri Etcheto au Panthéon des partenaires “impossibles” avec Michelle Alliot-Marie, Jean Grenet, Jean Espilondo.

Les abertzale ne peuvent en aucun cas soutenir Etcheto, ni avant ni après négociation, car Etcheto est un ennemi irréductible de tout ce en quoi nous autres abertzale croyons” estime pour sa part Mixel Bidegain. Le professeur et militant émérite l’assure : “il n’y aura pas de victoire d’Etcheto avec l’aide des abertzale” jure t-il, en gardant toutefois son inquiétude pour les conséquences de cette négociation. “Quel est ce message envoyé aux citoyens ? Que les abertzale ont les mêmes pratiques que les autres partis ?

Et en cas d’accord, quel bénéfice politique pour le mouvement abertzale ?  interroge le syndicaliste Jeronimo Prieto. A mon sens aucun, la liste BVO ne s’inscrit en rien sur les dernières évolutions sociétales de ce territoire menés par une multitude d’acteurs depuis des décennies. Le mouvement Abertzale est un rouage incontournable de cette transformation, et les dernières semaines nous le prouve. La liste Etcheto est unie par une union de gauche qui ressemble à une armée mexicaine mais qui est surtout fondamentalement liée par un Jacobinisme sans faille. Je n’ai aucune confiance dans cette liste. La confiance est une valeur qui se tisse au quotidien et réciproquement. Quelle garantie attendre alors d’un éventuel accord ?” La réponse est dans “les alternatives (qui) doivent se construire patiemment, ancrée dans notre action quotidienne, ouverte et en synergie avec le mouvement social de ce pays. La mairie peut, dans ce contexte ne pas connaitre d’alternance. Mais notre perspective reste éclairée par notre engagement. La patience est aussi une vertu”.

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7 réflexions sur « Henri Etcheto, une ligne rouge pour le monde abertzale »

  1. Etchegaray est de droite, mais au moins, c’est un compagnon de route et on sait qu’on peut compter sur lui. Etcheto est au PS (la gauche de Hollande et de Valls, franchement…) et il est notre adversaire sur tous les sujets qui touchent directement les combats abertzale. Je parie qu’il est prêt à signer tout et son contraire pour être élu maire de Bayonne, et qu’il est tout aussi prêt à s’assoir sur sa signature ensuite. Que la « gauche » bayonnaise propose quelqu’un d’autre ! Nous verrons alors ! Mais pour cette fois-ci, le choix est évident.
    De toute façon, les listes pour lesquelles on vote au premier tour ne sont pas propriétaires de nos voix pour le second. Je sens venir une chute brutale pour BVS…

  2. Un territoire, une langue unifiée, le Batua, au détriment des autres basques parlés dans les différentes provinces, un drapeau, une Patrie, une Nation à construire, des patriotes…..ça ne rappelle rien à personne? C’est très Jacobin tout ça!!

    1. dongoxenia semble ignorer les fondements (il est vrai un peu vieillis parfois) du nationalisme basque, bien éloignés des principes jacobins qu’il rappelle: une langue unifiée, un drapeau national, un projet institutionnel de type unifié, et des citoyens patriotes.
      Contrairement aux idées reçues en la matière, le nationalisme basque historique, jusqu’à une date relativement récente, a été plutôt hostile au basque unifié. Beaucoup de Basques, un peu cultivés en la matière, ont gardé en leur mémoire les incroyables et surréalistes procès faits à l’usage du graphème ‘h’ dans l’orthographe du batua. Au demeurant, même les promoteurs du batua n’ont jamais adopté à l’égard des parlers dialectaux basques, l’attitude méprisante, et dédaigneuse, dont les arrogants jacobins hexagonaux ont toujours fait preuve depuis plus de deux siècles, tant à l’égard des parlers populaires d’oil, que des divers dialectes occitans (ramenés, bien sûr, au statut de mauvais parlers français), ou des langues étrangères, quelles fussent germaniques, italique, ibérique, , celtique, ou basque.
      Même le drapeau national, l’ikurriña, n’a pas été conçu comme un emblême national, mais comme un symbole provincial, en fait, comme le drapeau de la Biscaye. Cette province ayant eu un poids fort important lors de la naissance du nationalisme basque, et l’écho de ses symboles tel que l’arbre de Gernika dans les autres provinces basques (y compris en Iparralde) étant plus que notable (que l’on songe à la place prise par le chant Gernikako arbola dans la culture traditionnelle moderne), le drapeau fut très tôt adopté comme drapeau de tous les Basques dans les autres provinces (et pas seulement par les nationalistes basques). Cette appropriation ne fut ensuite que renforcée quand l’ikurriña devint le drapeau du gouvernement autonome républicain durant la guerre civile, puis celui de la résistance, y compris d’ETA, pendant le franquisme. Que l’ikurriña soit le drapeau adopté par les nationalistes basques est une chose, que ce soit le drapeau des seuls nationalistes, une toute autre chose.
      Quant à la nation à construire, il est encore inexact, effet peut être d’une paresse intellectuelle, de croireou de considérer que le nationalisme basque a adopté le modèle jacobin français dans sa projection d’une entité nationale basque, car le projet initial, dans une certaine mesure encore défendu par le PNV dans la Communauté autonome basque, et par tout le monde au niveau des provinces du sud (question navarraise), ou des sept provinces. L’idée de départ est que le Pays Basque se devait être construit par la libre adhésion des provinces historiques à un en semble commun de type fédéral ou confédéral (pour le dire en termes actuels). Pas très jacobin, tout ça !

  3. Il me paraît compréhensible que beaucoup d Abertzale ne veuillent pas voter pour Etcheto vu ses prises de position sur des sujets qui les touchent.
    Ceci dit, à droite il y a un humaniste en tête de liste et une sacré brochette d’ ultra réacs, je ne les cite pas, tout le monde les connaît. On se demande d’ailleurs ce que certaines personnes proches des Abertzale vont faire dans cette galère.
    En tout cas, bel effort d’Enbata: un article par semaine pour dénoncer les projets d’alliance avec l’infâme Etcheto, sans que pour l’instant on ait entendu ceux qui pensent le contraire, Enbata commence à ressembler à l’Humanité de Marchais.
    Il serait également intéressant de savoir ce que pense la 3ème liste, où se trouvent pas mal d’abertzale, elle a fait quasiment autant que celle de Jean Claude Hiriart.
    Pas simple la politique.

    1. Au contraire, un grand merci à Enbata de nous avoir tenu au courant de ce qui se passait sur Bayonne. Qui s’étonnera qu’un journal militant abertzale combatte de toutes ses forces l’élection du pire ennemi déclaré de la cause basque ? J’ai personnellement beaucoup appris, semaine après semaine, sur les positions d’Henri Etcheto et de ses colistiers. Et également sur ce qui se jouait autour de ces élections bayonnaises. Sans la lecture d’Enbata, je ne sais pas où j’aurai découvert toutes ces informations pourtant capitales. Enfin, je vous trouve un peu injuste M. Garo, car j’ai également lu sur ce même site d’Enbata les thèses de ceux qui défendent l’alliance avec Henri Etcheto, comme l’article de Jean-Claude Iriart par exemple. Et même dans l’article objet de votre commentaire, Enbata prend le soin de donner la parole à 2 partisans de cette position, qui…la déclinent ! Je lis régulièrement dans Enbata les réflexions de Jean-Marc Abadie, candidat sur la liste Demain Bayonne et Jakes Bortayrou, candidat sur la liste Baiona Verte & Solidaire. Bref, c’est loin de ressembler à un journal monolithique. Et je le répète : que sa ligne éditoriale combatte ouvertement Henri Etcheto n’a rien pour nous surprendre, et ne fait que correspondre au sentiment profond de l’immense majorité des abertzale.

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