Dans le calendrier républicain, thermidor correspondait au mois de juillet ; difficile de savoir si l’excellent Plenel a poussé le luxe du détail jusque-là… mais il est patent aussi que “thermidor” et “couper des têtes”, ça le fait aussi si l’on s’en réfère au fameux 9 du même mois qui a vu le chute de Robespierre…
Dans la tourmente récente, les faits sont bien moins graves mais on peut s’étonner tout de même de notre capacité moderne à enfourcher les oripeaux de parangons de vertu, de hurler avec les loups par internet interposé, de commenter avec beaucoup de violence et de condamner sans autre forme de procès !
Le syndrome a atteint même certaines personnalités locales, qui, sans beaucoup de prudence d’ailleurs, ont cédé à la condamnation “faceboukienne”.
Car dans cette Ve république, aux règles peu ou mal établies, il est difficile de trouver un parti qui n’a pas, à un moment donné, franchi telle ou telle ligne, un parlementaire qui n’a pas usé de telle ou telle facilité !
“C’est ou c’était légal mais pas moral” ; voilà que la morale devient la pierre angulaire du débat politique, c’est-à-dire qu’elle prend le primat sur tout, elle qui est relative à la notion de bien et de mal et qui s’imposerait de facto à notre conscience collective ! La morale est absolument liée à un contexte social, temporel, ou religieux et se différencie selon les latitudes ou les époques ! J’ai dans le temps ramassé un zéro en philo pour avoir osé m’attaquer au concept de “morale” notion qui, du haut de mes 17 ans, provoquait déjà, chez moi, un certain malaise ! “Quand on se fout de la morale, le moral est meilleur !” souriait Albert Willemetz. Un nouveau journalisme “d’investigation”, centré sur la notion de morale et adepte des poubelles, les déversent sur les réseaux sociaux en pariant sur cette réalité : du vrai et du faux rien ne sera démêlé et il en restera toujours quelque chose !
Héritiers d’un discours “révolutionnaire” et de la nébuleuse gauchiste, certains parmi eux oublient que leur mentor, thuriféraire de la vertu et de l’Etre suprême a fort mal fini… Le journalisme d’investigation a ses lettres de noblesse, du Watergate au scandale de l’amiante, l’affaire du sang contaminé et beaucoup plus récemment celle des Panama Papers. Des enquêtes sérieuses et documentées ont mis en lumière des pratiques gravissimes des cercles de pouvoirs politiques et économiques ! On est loin d’un sèche-cheveux à 200 balles ou d’une rénovation d’un des ministères de la république…
Là réside le danger, car à tout mettre sur un pied d’égalité, c’est bien la nécessité d’enquêtes croisant différentes sources, résistant à la course à l’exclusivité et garantissant une déontologie journalistique qui peut être paradoxalement attaquée ! Il n’y a pas ici de plaidoirie pour un ministre en particulier, ou un avis sur des actes dont on ignore à cette heure la totale véracité, le contexte, et dont il est difficile d’estimer encore la gravité. Mais il s’agit bien de refuser l’idée que l’on peut, a priori, condamner ce qui ne serait pas moral à partir d’un cercle vertueux tracé par de redoutables censeurs !
Plus largement, cela se veut une réflexion sur les chemins hasardeux sur lesquels nous sommes engagés et sur ces procès populaires qui ne laissent jamais la parole à la défense ! Cela me paraît bien plus effrayant que le court-bouillon dans lequel ont fini quelques malheureux crustacés…
Refuser l’idée que l’on peut a priori condamner ce qui ne serait pas moral à partir d’un cercle vertueux tracé par de redoutables censeurs ! Ces procès populaires qui ne laissent jamais la parole à la défense ! Cela me parait bien plus effrayant que le court-bouillon dans lequel, ont fini quelques malheureux crustacés…
Le risque est grand de mouliner à contrecourant, tant on se sent prié de suivre la meute ou de se taire mais si nous devons être inexorablement entraînés vers ces abysses, autant prendre un peu conscience des risques encourus.
Les “tabloïds” britanniques en sont un exemple brûlant, eux dont certains ont sombré dans des affaires de pirateries de messageries de portables ou en utilisant des photos volées ! “La liberté d’informer ne s’use que si l’on ne s’en sert pas” : cette maxime est inscrite depuis plus d’un siècle en page 8 du Canard enchainé et il se pourrait aussi qu’elle s’use si on s’en sert mal ! Dans l’incertitude de ces transitions qui nous assaillent, dans ces moments particulièrement redoutables, peuvent surgir les monstres du passé ; de la dénonciation à la délation tous les repères d’une société organisée peuvent s’effacer. Prenons garde de ne pas ouvrir la voie à un totalitarisme qui s’appuiera avec bonheur sur tous les moyens modernes de communication et sur les jugements à l’emporte-pièce de tous les corbeaux de la toile !
Bonne fin de thermidor dans la chaleur toute caniculaire de nos contrées !