Un militant de la langue occitane a répondu dans sa langue maternelle au tribunal qui a considéré qu’il « avait choisi de se taire ». D’après un article de Bruno Robaly paru dans le quotidien palois La République des Pyrénées.
Quand la juge lui demande son adresse, Julien Bordenave, 26 ans, répond en occitan. Il fait de même pour exprimer son droit à garder le silence. Le 17 octobre, le président de l’association « Information Sud-Ouest« , qui gère la Tor deu Borrèu, au Hédas, siège du mouvement Libertat !, revendique ainsi le droit de s’exprimer « dans sa langue maternelle » face à la juge Myriam Dasté, devant laquelle il comparaît pour des faits remontant à la dernière Fête de la musique, au mois de juin.
L’audience est suspendue pour étudier la question de la présence d’un interprète. Un quart d’heure plus tard, la juge tranche, code de procédure pénale en main : il n’y a selon elle pas lieu de faire appel à un interprète, puisque Julien Bordenave maîtrise parfaitement la langue française, qu’il a utilisée lors de ses auditions par les policiers. Si le prévenu fait « le choix de s’exprimer dans une langue que le tribunal ne comprend pas« , ses réponses seront considérées comme des silences…
Me Jean-François Blanco, l’avocat de Julien Bordenave, monte aussitôt au créneau : il indique qu’il va aussitôt faire appel de ce qu’il estime être une décision de la juge (de refuser la présence d’un interprète). L’avocat s’appuie sur la Convention européenne des droits de l’Homme et sur la Charte européenne des langues régionales ou minoritaires.
Nouvelle suspension de séance, le temps pour Me Blanco de préciser par écrit ses arguments. La joute reprend en même temps que l’audience : « Le prévenu revendique le droit de s’exprimer dans la langue de ce pays, la langue occitane« , martèle l’avocat. « C’est une question de principe pour ce militant : que ce soit l’occitan, le corse, le breton ou le basque, une langue qui ne peut être utilisée dans la vie courante est condamnée à mort« .
Me Blanco plaide l’annulation de la procédure. La juge reste ferme : le procès se tiendra ce vendredi sans interprète. Dénonçant « un passage en force« , Me Blanco et Julien Bordenave, qui contestent les faits, quittent la salle. Le militant adresse à la juge un dernier « Adishatz ! » un poil provocateur et rejoint les manifestants devant le tribunal.
La juge rappelle les faits à l’audience : ce qui est reproché au président d’Information Sud-Ouest (l’association fera l’objet d’une autre procédure), c’est le « manque de rigueur dans l’organisation de la soirée de la Fête de la musique au Hédas« , précise David Druet, qui représente le ministère public.
Il requiert au total 1 238 € d’amendes pour les quatre infractions retenues : ouverture d’un débit de boisson sans autorisation, non-respect des horaires de fermeture, tapage nocturne, et vente de boisson à une personne manifestement ivre. Vers 2 h 10, le 22 juin, alors que les autres scènes et comptoirs avaient fermé, la fête battait toujours son plein au Hédas quand la police est intervenue pour faire cesser la musique et fermer la buvette. Ont suivi de violents affrontements, quatre personnes ont d’ailleurs été condamnées le 23 juin pour s’en être pris aux policiers.
Le tribunal rendra sa décision le 19 décembre.