Dans l’imaginaire collectif, la France apparaît toujours comme la patrie des droits de l’homme. Beaucoup de réfugiés politiques chiliens, argentins, kurdes et bien d’autres s’y sont réfugiés, pensant y être à l’abri de leurs tortionnaires. Juliette Bergouignan rappelle une vérité plus crue.
Il y a un an disparaissaient trois militantes kurdes de la direction du PKK, en plein centre de Paris, dans l’indifférence générale. L’histoire montre que loin d’être à l’abri en France, les ressortissants étrangers y sont en danger.C’est bien grâce aux renseignements fournis par les services secrets français que des dissidents politiques kurdes, basques, marocains ou chiliens ont été froidement abattus ou ont disparu soit sur le sol français soit à leur arrivée d’avion, à l’étranger : assassinat à Paris des dirigeantes du PKK, d’Anaya Zenteno, ambassadeur d’Allende en 1976, assassinats perpétrés par les guerillero del Cristo rey ou du Gal, disparition de Popo, de Jon Ansa…
Ce qui frappe, c’est l’indifférence de l’opinion publique, restant convaincue du rôle de la France dans la défense des droits humains. Il faut dire que les media préfèrent nous abreuver d’affaires Dieudonné ou d’histoires d’alcôve du président Hollande.
Le citoyen lambda n’est donc pas au courant du rôle passé et présent des services secrets français, droite et gauche confondues, au nom de la raison d’état ou de la guerre anti-subversive.
La plupart de ces assassinats ne sont pas élucidés, les responsabilités pas vraiment établies et dans le cas contraire, les coupables de meurtres coulent des jours tranquilles à l’étranger.
Pour ceux qui souhaitent en savoir plus
Je vous recommande l’excellent documentaire de Marie Monique Robin « Escadrons de la mort : L’école française« . Se faisant passer pour une historienne spécialiste de la droite anti-communiste, elle obtient des aveux édifiants de plusieurs militaires sud américains responsables de milliers de disparitions. Tous affirment, sans ambages, avoir reçu une formation de l’école française, spécialisée dans la guerre anti-subversive.
Cette influence française en Amérique Latine a d’ailleurs rendu les Nord américains très jaloux : de 1959 à 1976 les militaires français séjournent en Argentine, à Buenos Aires.
Fort des méthodes employées en Algérie pour réduire le FLN, le général français Bentresque commande la formation des jeunes militaires argentins, Uruguayens, Chiliens… issus de 14 pays d’Amérique Latine de 1962 à 1965. Projection du film « la bataille d’Alger » à l’appui.
Puis, Pierre Mesmer, ministre français des armées envoie aux USA des militaires spécialistes de méthodes efficaces, tels que le général Aussaresse, comme formateur des militaires américains combattant au Vietnam .
Ces méthodes sont d’une brutalité édifiante et on se demande toujours au nom de quelle conviction (anti-communisme ou unité de l’état), des êtres humains, peuvent en arriver là, avec la bénédiction de l’église locale.
La méthode argentine
Alors que les généraux français, souvent anciens OAS, très gênés, nient tout en bloc ou se dérobent aux interviews, leurs homologues chiliens ou argentins donnent les noms de leurs instructeurs français et résument la méthode française en la justifiant.
Puisqu’il est impossible de fusiller les opposants sans attirer les foudres de Rome ou de l’opinion publique internationale, alors, c’est avec une grande efficacité (expérimentée en Algérie) que fut liquidée en trois ans « la subversion argentine« , selon le général argentin Harguindéguy.
Cette méthode, basée sur une vision paranoïaque (l’ennemi est diffus, présent dans toute la population) a causé 30.000 morts en Argentine selon les ONG . Elle se résume en trois points :
• Quadrillage par quartier et enlèvement de présumés dissidents enfermés à L’ESMA (école de mécanique militaire)
• Torture systématique pour recueillir des informations.
• Organisation de la disparition des torturés, jetés vivants dans la mer (vols de la mort pour vider les prisons tous les mercredis, prenant le nom pudique de transferts).
Protéger la démocratie de ces démons
Les optimistes pourraient penser que la collaboration de la DST et des différents gouvernements français avec les dictatures sanglantes relève de l’histoire. Il n’en est rien et le Pays Basque est bien une terre d’expérimentation en matière de répression et de surveillance où tous les dérapages sont encore possibles .
Seule l’opinion publique et la solidarité peuvent protéger la démocratie de ces démons. Chacun doit exprimer son indignation chaque fois que les droits de l’homme sont bafoués, que ce soit à l’encontre de militants basques ou d’ étrangers.
La création, au Pays Basque d’une association France /Kurdistan fut l’occasion d’une soirée débat fort intéressante à l’Atalante, où nous avons eu des informations récentes sur la dure réalité vécue par le peuple Kurde de Turquie.
Si la négation du peuple Kurde est d’une violence inouïe et reconnue par tous, un certain public refuse encore de voir qu’au Pays Basque, la reconnaissance de notre langue, de notre culture demande une lutte quotidienne, que la loi française n’est pas appliquée pour les prisonniers politiques basques dans les prisons françaises (malades, éloignement des familles…)
Comment faire évoluer l’opinion publique ? Dure tâche qui nous revient chaque fois que possible . Conseiller le documentaire « Escadrons de la mort: l’école française » de Marie Monique Robin à tous vos contacts, ainsi que le film « la bataille d’Alger« .
Les petits ruisseaux font les grandes rivières !…