Le 1er octobre 17 restera dans l’histoire de la Catalogne à la fois comme un dimanche noir, mais aussi comme un extraordinaire moment d’unité ! Sans revenir sur les évènements qui l’ont marqué et dont les images ont fait le tour du monde, il convient de s’interroger sur les motivations des parties prenantes du conflit.
Autant on peut comprendre l’intérêt de la Generalidad de Catalunya de pousser l’avantage jusqu’au bout, autant on est saisi par le bras de fer initié par le pouvoir central arc-bouté sur un texte constitutionnel qui par essence est contesté par ceux qui maintenant choisissent la rupture. Le 1er octobre n’aurait jamais dû avoir lieu car un gouvernement éclairé aurait dû tenter par tous les moyens d’ouvrir un dialogue de nature à ôter bien des arguments aux forces les plus radicales.
Le non-recevoir à toutes les demandes de la Catalogne, l’attitude pathétiquement rigide de Rajoy ont créé les conditions d’une exaspération de nature à multiplier les soutiens au Président de Région. Enfermé dans un discours qui se voulait de fermeté, n’épargnant personne par des propos méprisants le chef du gouvernement espagnol a juste réussi à liguer une majorité de Catalans contre lui et contre le reste de l’état espagnol !
Quand la maison brûle faut-il attiser les flammes ? Incapable de prendre la mesure de la situation, le gouvernement s’est contenté de montrer les muscles sans moindre capacité d’anticiper ce qui ne manquerait pas de se passer. Menaces, perquisitions, arrestations, tout ce qu’il ne fallait pas faire a été fait entraînant des réactions les plus vives, suscitant solidarité et révolte devant de tels agissements. Le point d’orgue fut atteint le dimanche 1er octobre avec la saisie des urnes, l’envahissement des lieux de vote, la violence de la troupe sur une population brandissant des bulletins pour seules armes ! Les observateurs internationaux ont dans leurs rapports indiqué ce dont ils avaient été les témoins et pour ceux que l’on a pu entendre, comme Gérard Onesta vice-président d’Occitanie, ancien député européen, dénonçant avec la plus grande force, les exactions de la Guardia Civil… A tel point que le 3 octobre le Haut-Commissaire aux Droits de l’Homme des Nations-Unies est intervenu pour demander au Gouvernement espagnol de s’expliquer sur ces violences, disant «avoir été choqué par l’entrée de la police armée et masquée dans des lieux de vote afin d’empêcher un processus démocratique et pacifique».
En réponse, l’inénarrable Rajoy affirmait que le référendum n’avait pas eu lieu, que tout cela n’était qu’une farce organisée par des factieux ! Le Roi d’Espagne tenait à lui emboiter le pas sur la même ligne, sans tenter le moins du monde d’utiliser sa position pour se hisser au-dessus des belligérants, pour essayer de calmer le jeu et d’exhorter au dialogue !
Au milieu de ce chaos, qui peut amener l’Espagne dans une période de tension qui ne pourra que rappeler des heures sombres personne à l’instant ne semble en mesure de parler un langage de raison, et d’ouvrir des perspectives à ce qui semble une impasse redoutable au cœur même de l’Europe !
En 1978, l’Espagne s’est dotée d’une Constitution dont mon prof de droit disait qu’elle était contradictoire puisque son article 1 proclame qu’elle est «fondée sur l’unité indissoluble de la nation espagnole, patrie commune et indivisible de tous les espagnols. Elle reconnaît et garantit le droit à l’autonomie « des nationalités et des régions » qui la composent et la solidarité entre elles.». Paradoxal en effet cette reconnaissance de l’autonomie des nationalités et des régions au regard de l’affirmation de la nation espagnole !
Faut-il y lire, que dans la période post franquiste, il a fallu donner des gages à la partie la plus opposée à la démocratie et ne reconnaître que du bout des lèvres la nécessité des autonomies pour répondre à une autre partie de la population ?
Et, si c’était là que le bât blessait sérieusement, dans la loi fondamentale elle-même ! En n’allant pas jusqu’au choix du fédéralisme en consacrant de larges droits aux autonomies, en fondant une supposée nation unique et espagnole, le constituant n’a-t-il pas mis en germe tout ce qui encore aujourd’hui mine gravement l’Etat espagnol ?
A ce jour, plutôt que de jouer au jeu de la roulette, en provoquant des risques considérables la solution ne serait-elle pas une redistribution des cartes, une modification constitutionnelle qui permettrait une donne nouvelle pour répondre aux aspirations des diverses « nationalités et régions » en Espagne ?
Ce débat aurait du sens, il ouvrirait la voie à des solutions constructives, serait de nature à répondre à bien des revendications et éloignerait peut-être les vieux démons dont on pressent le retour… Reste à savoir s’il en est encore temps !