Ce lundi 7 janvier, 25 activistes du mouvement Bizi ! ont occupé les locaux d’Isard COS à Pau pour interpeller publiquement sa direction ainsi que le Conseil Départemental 64. Ils entendent dénoncer certaines évaluations de mineurs isolés étrangers faites par Isard Cos pour le compte du département 64. Et plus particulièrement celles de 2 jeunes guinéens qui, alors qu’ils étaient placés sous la protection du département et de l’ASE 64, avaient été incarcérés à la prison pour majeurs de Bayonne, sans qu’aucune évaluation préalable ne soit ordonnée.
Incompétence ou manipulation ?
Les militants basques ont brandi plusieurs banderoles et ont tapissé les locaux d’agrandissements des 106 pages d’un rapport officiel sur le taux de scolarisation en Guinée Conakry, datant de 2001 et basé sur des statistiques datant de 1999, utilisé par Isard COS dans ses évaluations pour réfuter les récits de ces jeunes migrants, nés tous deux en 2001. Ils affirment en effet avoir été scolarisés à Conakry et être issus de milieux défavorisés. Pour Isard COS, cela « paraît peu compatible avec une scolarisation car seuls 14 % des enfants des ménages les plus aisés sont scolarisés » en Guinée.
En fait, Isard COS n’a rien compris au rapport qu’il cite ou l’a sciemment mal interprété et lui fait dire le contraire de tout son contenu. En lisant les 106 pages de ce vieux rapport, on lit qu’en 1999, « Le taux brut de fréquentation scolaire pour le niveau primaire s’établit à 61 % » et que « C’est à Conakry, où près de huit enfants de 7-12 ans sur dix fréquentent l’école primaire que le taux net de fréquentation est le plus élevé ». En fait, en 1999 déjà, seuls 23 % des enfants du quintile le plus élevé n’étaient pas scolarisés en primaire sur l’ensemble du pays et à Conakry beaucoup moins.
L’association Bizi a également tenu à offrir à la direction d’Isard Cos des statistiques de l’UNICEF concernant les années 2008-2011, quand les 2 jeunes guinéens avaient 7 ans, montrant qu’en fait, à cette époque là, le taux net de scolarisation des garçons en primaire était de 88,9 % et bien d’avantage dans la capitale Conakry où vivaient les 2 jeunes.
Questions à Isard COS et au Conseil départemental 64
Bizi a également distribué un dossier analysant les 2 rapports d’évaluation, pointant de nombreuses autres erreurs grossières, contre-vérités et violations des préconisations de l’arrêté interministériel du 17 novembre 2016 fixant les « modalités de l’évaluation des mineurs privés temporairement ou définitivement de la protection de leur famille ».
Un des portes-paroles du mouvement, Txetx Etcheverry, a tenu à interpeller la direction d’Isard COS et le Conseil Départemental 64 : « Incompétence ou manipulation ? Même dans le cas où l’on n’aurait affaire qu’à de l’incompétence, l’affaire serait particulièrement grave. Cela voudrait dire qu’Isard COS considère mensonger le récit des enfants guinéens qui disent à la fois être issus de milieux populaires et avoir été scolarisés en primaire. Et ce depuis 2001, année du rapport utilisé ? Combien d’enfants ont pu être victimes de cette pratique là ? »
Txetx Etcheverry ne s’arrête pas là : « Les nombreuses autres bizarreries de ces 2 rapports d’évaluation posent question, s’agissant ici d’une affaire bien particulière, marquée par de graves dysfonctionnements (incarcération injustifiée de deux mineurs suite à une plainte du département 64, finalement balayée par le Tribunal Correctionnel). La rédaction de ces 2 rapports était-elle guidée par une intention précise, celle qu’ils ne soient pas reconnus comme mineurs isolés, ce qui mettrait le Conseil Départemental 64 dans une mauvaise posture ?
Nous voulons savoir qui est la personne ayant rédigé ces 2 rapports d’évaluation, et avec quelles intentions réelles l’a-t-elle fait ? Quelles sont ses qualifications, formation, expérience ? Bref, ces rapports d’évaluation sont-ils sincères et loyaux, et dans ce cas là que nous disent-il sur la compétence d’Isard COS ? Ou ont-ils eu pour objectif de couvrir des personnes bien précises ou le Conseil départemental 64 lui-même ?».
Le Directeur d’Isard Cos situé à Bordeaux a téléphoné aux occupants de Bizi!. Ces derniers ont longuement pu lui expliquer leur griefs et poser leurs questions, tout en lui mettant à disposition dans les locaux de Pau les rapports et dossiers prouvant leurs dires. Suite à ces échanges, le Directeur a déclaré qu’il prendrait connaissance de ces dossiers et qu’il allait donner un rendez-vous à l’association Bizi! dans les jours à venir pour évoquer ces 2 cas mais également l’ensemble des procédures d’évaluation de mineurs isolés étrangers dans le Département 64.
Suite à cet engagement, les activistes de Bizi! ont décidé de lever l’occupation.
Félicitation pour votre combat pour la vérité. Quand la vie et l’avenir des jeunes migrants est en cause, le sérieux de vos actions donne à réfléchir et peut faire changer les choses … et peut-être les personnes !!
En Afrique de l’Ouest, la pratique des « Jugements supplétifs » (établissement d’une identité civile quand l’enfant n’a pas été déclaré à la naissance) est souvent une manière de « rajeunir » une personne et lui permettre d’accéder à un avantage auquel il n’a plus droit en tant que majeur. Cela peut compliquer le calcul de l’âge réel des personnes. Il n’est pas rare que des jeunes procèdent de cette manière, quitte à changer d’identité, changement de nom de famille et de prénom.
Aupa Bizi!