On prend les mêmes et on recommence. Cela devient lassant. Surtout pour une ville dont la sociologie penche à gauche. Depuis la deuxième guerre mondiale, la ville de Baiona est dirigée par la droite. Souvent par des maires de centre droit.
Il faut dire que l’abstention, déjà à 43% en 2008 et 2014, atteint aujourd’hui 56,6% (61,2% au premier tour). C’est énorme pour une élection de proximité où dès que nous sortons de chez nous, nous sommes confrontés, impactés par des décisions prises par la municipalité.
Une possibilité donc pour les habitant.es de côtoyer voire d’alpaguer leurs élu.e.s en direct dans la rue.
Certes, les listes électorales ne sont sûrement pas à jour mais force est de constater que l’abstention s’ancre aujourd’hui prioritairement dans les quartiers populaires et chez les jeunes. Par “jeunes” entendons les moins de 50 ans. Dont une partie ne croit plus en rien. Et surtout pas en l’action publique. Inéluctablement, la gauche ou plutôt les gauches, en sont les premières victimes. Voire responsables.
Ces gauches de moins en moins capables de parler à leur électorat traditionnel que sont les classes dites laborieuses des ouvriers, des employés ou des sans-emplois.
Et les droites en profitent. Comme à Bayonne.
Bayrou libre !
Car les conclusions à chaud de ces résultats municipaux voient EELV progresser et prendre des grandes villes en France, une droite “localiste” toujours aux commandes sur le BAB et des villes de moyenne importance chez nous qui accueillent dans leur gouvernance des abertzale comme à nouveau à Uztaritze, Baigorri, Hendaia ou Hiriburu mais aussi, depuis ce 28 juin 2020 et pour la première fois, à Urruña, Ziburu, Itsasu ou Senpere. Quelque chose de notable se déroule sous nos yeux avec des femmes et des hommes tenaces, engagé. e.s depuis longtemps et reconnu.e.s comme aptes à gérer des communes. L’épouvantail abertzale semble avoir vécu dans ces territoires. Par contre, on sent bien cette droite “localiste” toujours prête à s’adapter et à élargir son socle électoral pour rester au pouvoir. Bayrou en a donné une bonne définition : “s’adapter aux circonstances, pour adapter les circonstances à nos objectifs”. Un peu comme Mitterrand qui est allé chercher des personnalités de centre droit dans les années fin 80 pour se maintenir au pouvoir en élargissant sa base, sans perdre trop de plumes. Sans créer le feu dans son propre camp.
JR et sa cour
Et dans la cité du jambon, l’habile UDI J.R. Etchegarray singe l’ancien président – qui a validé l’exécution de 45 condamnés à mort pour “terrorisme” dans le cadre de la guerre d’Algérie en 1957 et tout en abolissant la peine de mort en 1981 –en se mettant à la poche une frange du mouvement abertzale la moins ancrée à gauche ou résolument anti-Etcheto primaire. Tout le savoir-faire politique du beskoiztar de souche, l’amène à éclipser du débat des municipales son bilan des six ans de sa mandature mais aussi les problématiques de la politique de la ville et de l’Agglo. C’est ce qu’il a appliqué pour permettre à la droite LR/LREM de rester aux commandes de la ville. Mieux, il focalise le débat sur le sentiment d’appartenance à ce Pays Basque que nous chérissons. Et il n’a pas besoin lui-même de forcer le trait. Il a tout autour de lui une cour prête à jouer les flingueurs de service. Et quelques relais dans le monde culturel, politique ou médiatique. Ce qui permet indirectement de faire rentrer dans le jeu électoral des personnalités comme Antoine Waechter, José Bové et François Alfonsi. “L’abertzale compatible” devient aussi par la grâce de communiqués de soutiens allogènes, un écolo compatible alors que son bilan sur ce sujet n’est pas du tout folichon. Jackpot !
Vade retro satanas
Il faut dire qu’il a un bon allié objectif. L’opposant officiel à gauche Henri Etcheto, fort de ses presque 30% du premier tour, sent venir l’heure de la revanche de 2014, perdue à 26 voix près sur plus de 17.000 votants. Hélas, il a accumulé ces dix dernières années un fort ressentiment à son encontre dans certains milieux bayonnais. Sur la “question basque”, bien sûr, où l’on devine un galimatias identitaire personnel qui bouscule ses origines. Mais aussi sur son manque d’entrain relatif aux thématiques écolos. Enfin, il supporte l’accusation d’autocrate alors que son concurrent direct —JRE— est tout aussi fâché avec les notions de gouvernance partagée. Non seulement ce dernier cumule avec la présidence de l’Agglo, mais il gère bien souvent directement avec les chefs de service sans passer par la case des élu.e.s. Car l’administration a “pris le pouvoir” sur les élus. Il n’est pas normal que l’Agglo soit devenue consommatrice de cabinets conseils bordelais, voire parisiens, en coupant les liens que les mairies avaient tissés avec les sociétés locales. Son éternel dauphin, chef du PS bayonnais et départemental, est victime d’une cabale bien orchestrée : c’est le diable jacobin réincarné. La démarche est basique mais elle fonctionne : en personnalisant les municipales, on fait fi des 44 autres colistiers. On se croirait dans une législative !
Impasse passe
Du coup, le débat sur tous les autres sujets prégnants municipaux passent à l’as. On agite le chiffon rouge, bien contents de ne pas trop avoir de comptes à rendre. Et on fait l’impasse sur un vrai débat autour des solidarités et de la situation déplorable des conditions d’accueil sur Bayonne des plus démunis. On développe l’urbanisation à outrance avec 33 projets immobiliers en cours ou à venir. Oui, 33 projets immobiliers, on se croirait à Bordeaux sous l’ère Jupé ! On bétonne à outrance en ignorant la végétalisation. On délaisse le foncier à caractère économique –peu d’actions dans le secteur de l’Economie Sociale et Solidaire– pendant que Bayonne a perdu, depuis les années début 2.000, 40% de sa surface agricole utile. Quand on gratte le vernis de la politique linguistique menée par le premier édile en personne, référent sur ce sujet, on s’aperçoit du retard enregistré par la ville en matière de développement de la langue basque qui n’a réalisé que 50 % des actions prévues dans le plan linguistique sur les trois dernières années. Mieux, le taux de scolarisation des élèves en classes bilingues et immersives est révélateur : Biarritz (25%), Anglet (20%) et Bayonne (seulement 15%). En matière de déplacement urbain, c’est la bérézina. Et malgré la bonne idée, l’implantation du trambus a été ratée. Enfin, ll y a une totale absence de commande politique municipale en direction du CCAS tout en ne réalisant pas l’Analyse des Besoins Sociaux pourtant obligatoire pour les villes de plus de 10.000 habitants…
Mesclagne
Au final, 1.000 voix d’écart en faveur de la liste de droite sur 13.477 suffrages exprimés dont un taux de bulletins blancs de 2,03 (283 voix) contre 0,87% (108 voix) pour le 1er tour. La liste gagnante se glorifiait dimanche soir d’avoir mis en place un système organisé de récolte de procurations –notamment auprès de personnes âgées– qui se chiffre à près de 800 ! De ces élections, un sentiment de gâchis prédomine avec le retrait de la liste abertzale-écolo- FI —et de son chef de file Jean-Claude Iriart pour deux voix sur 116 participants dont des très proches du maire, autorisés à voter. Deuxième réflexion: entre l’électorat traditionnel de gauche qui boude et une partie des abertzale de gauche bayonnais qui votent à droite, cela donne une incroyable mesclagne. Toute à la gloire du maire sortant et de ceux qui squattent la mairie depuis trois décennies comme les Durruty, Millet-Barbé, Lauque, Arcouet, Ugalde, … Comme dirait l’autre, “il y en a qui sont abertzale parce qu’ils sont de gauche et d’autres qui sont de gauche parce qu’ils sont abertzale !” Si le clivage gauche-droite n’est pas (n’est plus) le seul critère de démarcation, il demeure. Et malheureusement, certain.e.s n’en ont cure. Mais pas celles et ceux qui ont, ici comme ailleurs, une vraie construction éducative personnelle, de vraies fondations ancrées sur les valeurs de solidarités envers les publics fragiles, de répartition des richesses, de justice sociale, d’urgence écologique ou de gouvernance partagée. Putain… 6 ans !