Dans l’affaire catalane, comment rester fier de sa citoyenneté française et européenne devant le comportement de nos dirigeants ? Les Français, jacobins indécrottables, soutiennent à fond le gouvernement espagnol qui, par son incompétence, a laissé pourrir la situation. L’Union européenne se comporte à peine un peu mieux en conseillant aux deux parties la voie du dialogue, mais en refusant de s’y impliquer de façon constructive. L’une et l’autre considèrent que c’est une affaire intérieure de l’Espagne, mais en fait elles pèsent de tout leur poids en faveur du royaume en exigeant de la Catalogne une entière soumission à la constitution espagnole, qui est effectivement une affaire intérieure espagnole.
Dans une Europe en principe unie, la constitution de chaque Etat serait-elle la loi suprême, intangible, indépassable ? Et que deviennent les Droits de l’Homme ? Cesseraient-ils d’être universels, incontournables dès qu’ils se heurtent à la raison d’Etat, à son unité, à ses frontières ?
Dans l’émission C dans l’air de la 5ème chaîne le samedi 7 octobre, puis le mardi 10, un des participants aux deux tables rondes déclarait que le droit des peuples à disposer d’eux-mêmes ne s’appliquait qu’aux anciennes colonies et aux populations opprimées par des Etats non démocratiques.
L’oppression d’une “minorité nationale” ne pourrait donc pas exister dans un Etat démocratique ?
La République Française n’était-elle pas une démocratie en 1954, lorsque des patriotes algériens commencèrent à se soulever pour exiger l’indépendance de leur pays, pourtant formé de départements français selon la constitution de l’époque, et encore sous la suivante ?
Les trois Etats baltes
et les anciens membres de la Yougoslavie
se sont détachés de façon unilatérale,
à la faveur de crises géopolitiques.
Les dirigeants français et européens admettent cependant du bout des lèvres qu’une “région” d’un “pays” puisse faire sécession, à condition que ce soit avec l’accord de l’Etat central.
Pour ce qui est de la Catalogne, il faudrait que la majorité des sujets du roi d’Espagne soit une communauté de saints pour accepter la séparation de la Generalitat : hypothèse hautement improbable…
Cependant les faits sont plus têtus que toutes les affirmations légalistes : même l’Europe ne manque pas d’Etats relativement nouveaux qui se sont séparés unilatéralement et constitués de façon “illégale”, contre la volonté de leur ancienne métropole :
– En 1991 les trois pays baltes (Estonie, Lettonie, Lituanie) quittent l’URSS de façon unilatérale malgré la présence de l’armée soviétique.
– La même année la Slovénie et la Macédoine quittent de la même façon la République fédérative de Yougoslavie. Elles seront suivies de la Croatie et de la Bosnie grâce à une atroce guerre civile qui les oppose à la Serbie, et parfois même entre elles. Seul le Monténégro fera accepter son indépendance par la Serbie en 2006 de façon pacifique.
– Autre exception heureuse : en 1993 la Tchécoslovaquie se scinde à l’amiable en deux Etats distincts (République Tchèque et Slovaquie).
– En 2008 la province serbe du Kosovo est arrachée à la Serbie par les forces de l’OTAN alliées des patriotes kosovars : le Kosovo se constitue unilatéralement en République indépendante.
Les Etats européens et leur Union se sont empressés de reconnaître à mesure ces indépendances, pour la plupart “illégales”. Toutefois le Kosovo n’est pas reconnu par l’Espagne et par la Russie. Constatation générale, ces nouveaux Etats ont gagné leur souveraineté à la faveur de crises géopolitiques majeures : effondrement de l’Union Soviétique, explosion de la République fédérative de Yougoslavie.
A méditer.
vous ne voudriez pas réfléchir avec d’autres concepts que « frontières » et « états-nations » ? On s’en fout un peu de la position de l’Europe et de la reconnaissance des uns et des autres. De toute façon la Catalogne c’est le pays de Uber et AirbnB, s’ils veulent leur indépendance tant mieux mais l’argent de ces multinationales n’aura pas de frontières….
Excellent article, cher ami basque!
Quand en 1944 l’Islande a déclaré son indépendance du Danemark, le premier-ministre danois disait à son nouveau collègue islandais: « Mais pourquoi vous ne nous l’avez pas demandé? On vou l’aurez bien concédé. » A quoi l’islandais a repondu: « Parceque l’indépendance, cela ne se demande pas, ça se prend! »
Cordialement,
Luc Pauwels (flamand)