Le président ERC Pere Aragonés sort affaibli d’une grave crise entre les formations indépendantistes
Le parti Junts per Cat dont fait partie Carles Puigdemont toujours exilé à Bruxelles, n’admet pas les choix d’ERC qui souhaite négocier avec Madrid et refuse le renouvellement d’une démarche souverainiste unilatérale du type de 2017. Les Républicains préfèrent la formule du référendum négocié avec Madrid, or ses chances d’aboutir sont quasiment nulles. La fracture traverse les rangs de Junts per Catatunya (JxCat) qui redoute une scission. Ses dirigeants très partagés face à une décision aussi difficile, ont décidé de consulter, via un vote électronique, l’ensemble de membres du parti. Le vote a eu lieu pendant deux jours, les 6 et 7 octobre : le oui au départ recueille 55,73 % des voix, 42,39 % des adhérents ont voté contre, 1,88 % ont voté blanc. 79,18 % des 6465 membres de Junts ont participé au vote.
La crise entre les deux partenaires que nous avons évoqué dans un article précédent, couvait depuis longtemps : non participation du président Pere Aragonés à la Diada du 11 septembre, grave conflit avec la présidente Junts du parlement, Laura Borras, à qui il était demandé de démissionner pour une affaire d’attribution illégale de marché, récente éviction du vice-président du gouvernement, membre du Junts. Le vote des 6-7 octobre a été précédé pendant des semaines de nombreux contacts et négociations entre Junts et ERC pour trouver un terrain d’entente. En vain. La crise affecte largement la société civile dont on connaît le poids dans le souverainisme catalan. Ómnium cultural est favorable aux thèses de Junts.
Le chef du gouvernement comme le leader d’ERC Oriol Junqueras, pensent gouverner seuls le pays pour l’instant, en essayant de rassembler des majorités ponctuelles selon les textes votés. L’exercice sera difficile dans la durée. Rappelons ici l’état des forces en présence au parlement : ERC (33 députés), JxCat (32 élus) qui gouvernaient ensemble, CUP (9) qui soutient sans participer ; dans l’opposition, PSOE-PSC (33), En Comù (8), Vox (11), Ciudadanos (6), PP (3) ; majorité absolue à 68.
Les postes ministériels abandonnés par Junts seront occupés plutôt par des techniciens-experts dépourvus d’étiquette politique. Quant au prochain budget, ERC opte pour la formule de la prorogation du budget précédent. Aux dires de Pere Aragonés, ni la question de confiance, ni des élections anticipées ne sont à l’ordre du jour. Au nom de la stabilité institutionnelle, le PSOE a réitéré son offre de soutien en faveur du futur gouvernement catalan, de son côté Pedro Sanchez, suite à un accord avec ERC, est assuré de bénéficier du soutien de ce parti à Madrid.
Le souverainisme catalan sort affaibli de cette crise, d’une part en raison de la division, mais aussi du fait du coût politique du référendum d’autodétermination et de la déclaration d’indépendance. La dureté de la répression espagnole a été telle que, hormis Oriol Junqueras, aucun dirigeant souverainiste n’est aujourd’hui actif dans le combat historique catalan. D’autant que la répression judiciaire se poursuit et que plusieurs leaders demeurent en exil. Après l’absence de résultat tangible suite à la déclaration d’indépendance, puis l’incarcération et l’exil de toute une génération de dirigeants indépendantistes, enfin l’absence de soutien des institutions européennes, piloter efficacement la suite et durer dans l’unité d’action est devenu mission impossible.
Chacun sait que la route d’un peuple en faveur de son émancipation est aussi âpre que longue. Au-delà des péripéties actuelles, gageons que les Catalans trouveront en eux les ressources pour franchir les obstacles présents et à venir.