Les habitants de Nouvelle-Calédonie (ou Kanaky) auront l’occasion de mettre un terme à la colonisation française commencée en 1853 sous Napoléon III. Conformément aux accords de Matignon, avec Michel Rocard, en 1988, puis de Nouméa, en 1998, un référendum d’autodétermination devrait être convoqué sur l’île d’ici un an. En deux chroniques, dont voici la première, nous ferons un retour sur la complexité des accords politiques menant à ce scrutin.
Pour les camps indépendantiste et anti-indépendantiste de Kanaky, l’année à venir est lourde d’enjeux. Pour l’Etat français aussi puisqu’il n’a pas été confronté à l’indépendance de l’un de ses territoires depuis que le condominium franco-britannique des Nouvelles-Hébrides est devenu le Vanuatu en 1980.
La consultation qui devrait se tenir l’an prochain serait l’aboutissement d’une odyssée politique de 35 ans, commencée en 1983 à Nainville-les-Roches, petite bourgade près de Chartres, où le ministre des DOM-TOM Georges Lemoine avait réuni une délégation indépendantiste menée par Jean-Marie Djibaou et une représentation loyaliste dirigée par le leader du RPCR, Jacques Lafleur.
C’est au cours de cette réunion que le gouvernement français a reconnu aux Kanak un “droit à l’indépendance”. Mais cette perspective fut jugée “inacceptable” par Jacques Lafleur qui refusa de signer tout accord…
Tardive prise de conscience
Le blocage qui s’ensuivit poussa les indépendantistes à se rassembler sous la bannière du Front de Libération National Kanak et Socialiste (FLNKS) qui boycotta les élections territoriales et proclama un “Gouvernement provisoire de Kanaky” présidé par Jean-Marie Djibaou.
Ce défi lancé aux autorités coloniales fut très mal reçu par le camp anti-indépendantiste et, pendant quatre ans, l’île fut déchirée par de violents conflits qui firent des dizaines de morts.
On se souvient en particulier du massacre de la grotte d’Ouvéa en mai 1988, où dix-neuf Kanak et deux militaires trouvèrent la mort; cet épisode fut un véritable traumatisme qui eut cependant le mérite de ramener les différentes parties à la table des négociations.
Deux mois plus tard à peine, Jacques Lafleur et Jean-Marie Djibaou se serraient la main après avoir signé les “Accords de Matignon- Oudinot”. Il s’agit d’un projet de loi “portant dispositions statutaires et préparatoires à l’autodétermination de la Nouvelle- Calédonie en 1998”. Cinq ans après les négociations de Nainville Les Roches, le “droit a l’indépendance” n’était donc plus « inacceptable” pour le RPCR. Mais combien de souffrances inutiles aura nécessité cette tardive prise de conscience?
Après approbation par référendum sur l’ensemble du territoire français en novembre 1988 (80% de oui, mais participation de 37% seulement), les Calédoniens avaient donc dix ans pour décider de l’avenir de l’archipel. Un délai qui s’avéra bien trop court si bien qu’en 1998, un nouvel accord fut signé sous l’égide du gouvernement Jospin: “l’accord de Nouméa”. Ce dernier rend le “droit à l’indépendance” plus concret puisqu’il prévoit le transfert de toutes les compétences non régaliennes vers la Nouvelle-Calédonie, reconnaît certaines institutions coutumières Kanak, et préconise un rééquilibrage économique entre les différentes ethnies et provinces. Et bien sûr, l’accord prévoit la tenue avant novembre 2018 d’une consultation qui “portera sur le transfert à la Nouvelle-Calédonie des compétences régaliennes, l’accès à un statut international de pleine responsabilité et l’organisation de la citoyenneté en nationalité”.
Liste électorale spéciale
C’est évidemment ce dernier point qui focalise l’attention aujourd’hui, mais l’accord de Nouméa aborde aussi des questions plus symboliques, mais néanmoins cruciales.
Tout d’abord, quels sont les habitants “légitimes” de l’île? Le texte reconnaît la légitimité des Kanak, en temps que peuple autochtone, ainsi que celle de leur “civilisation propre, avec ses traditions, ses langues, la coutume qui organisait le champ social et politique”.
Mais la légitimité des “nouvelles populations” issues de la colonisation est également reconnue.
Cette problématique de la légitimité est très intimement liée à une question bien concrète: qui aura le droit de voter lors de la consultation de 2018? Il n’est qu’à entendre le leader indépendantiste Rock Wamytan dénoncer la poursuite d’une “politique de colonie de peuplement” pour comprendre que la légitimité des “nouvelles populations” est un sujet sensible pour les Kanak.
Et on peut les comprendre!
Rappelons par exemple les propos du Premier ministre français Messmer en 1972, alors que la “ruée vers le nickel” venait d’attirer 35.000 immigrants sur l’île: “il faut saisir cette chance ultime de créer un pays francophone supplémentaire […] La revendication nationaliste autochtone ne sera évitée que si les communautés non originaires du Pacifique représentent une masse démographique majoritaire”.
Aujourd’hui, les Kanaks
ne représentent plus que 40%
des 275.000 habitants de l’archipel…
Ils veillent donc de très près
à la constitution de la “liste électorale spéciale”
qui définit les personnes
autorisées à voter lors du référendum.
Aujourd’hui, les Kanaks ne représentent plus que 40% des 275.000 habitants de l’archipel… Ils veillent donc de très près à la constitution de la “liste électorale spéciale” qui définit les personnes autorisées à voter lors du référendum.
L’inscription automatique des natifs de l’archipel sur cette “liste spéciale” est à lui seul un sujet de crispation majeur.
Lors d’une réunion du “comité des signataires” de l’accord de Nouméa le 2 novembre dernier, le Premier ministre Edouard Philippe est parvenu à construire un consensus avec les deux parties, mais il est bien trop tôt pour crier victoire.
Un parti indépendantiste, le parti travailliste Kanaky, mécontent de cet accord politique, menace ainsi de boycotter le référendum.
Je reviendrai dans ma prochaine chronique sur cette question, ainsi que sur certains des autres points de crispation qui surgissent à l’approche du référendum.
35 ans d’attente : on croît rêver!
ça laisse le temps de peupler l’île avec des « hors-sol » en état de vote…. d’où la pseudo-démocratie de nos dirigeants actuels, forts de leurs chances de garder la Nouvelle-Calédonie!