Ce qui s’est passé à Hasparren le 11 novembre est proprement scandaleux. C’est une honte ! A grands renforts de gendarmerie, venus de je ne sais où, à quel prix (déplacement, travail de nuit, le dimanche !), ont été arrêtés comme de vulgaires malfaiteurs, deux émigrants Ivoiriens, Mamadou et El Hassan qui vivaient depuis près d’un an à Izturitz, sans poser le moindre problème à qui que ce soit. Des « sans papiers » !
Et quel jour a-t-on choisi pour accomplir la besogne ? Le jour où tout le monde remémorait le centenaire de la fin de la terrible guerre de 14 : le 11 novembre. Le jour où l’on avait invité à Paris 80 chefs d’états étrangers dont des nègres. Mais les nègres d’Izturitz ne sont pas des présidents. Ce ne sont que de vulgaires étrangers. Du sang impur, juste bon à abreuver les sillons de France.
« Morts pour la France » a-t-on entendu devant les monuments aux morts. Je ne sais quel est « l’éminent » énarque qui a donné cet ordre. Excusez-moi, mais je ne trouve pas de qualificatif plus approprié : c’est un petit con. Aurait-on oublié à l’ENA de lui dire que dans les batailles les plus sanglantes il y avait 200.000 nègres qui n’avaient rien à voir avec cette guerre? Des « sans papiers » eux aussi ! Inaptes pour les bureaux, car analphabètes comme les paysans Basques de l’époque, ils étaient des batailles les plus sanglantes. Le « sang impur » de 30.000 nègres a « abreuvé les sillons » français. 15 % des soldats nègres ont été de la vulgaire chair à canons. 30.000 ont été massacrés dans ces boucheries. Un des anciens combattants basques que j’ai interviewés me disait : « Dites, mais, les noirs ce sont des humains eux aussi. » 60 ans après, il n’avait pas digéré le comportement inhumain des généraux [*].
Ils étaient 17.000 nègres en première ligne, à la bataille du Chemin des Dames, sous la neige et la pluie glaciale : 1.400 furent massacrés dès le premier jour. 7.500 au total, à la Caverne du Dragon, à Hurtebise etc… 45 % de l’effectif ! « C’est vers un véritable massacre, sans utilité hélas, qu’ils ont été voués par l’inimaginable légèreté de certains généraux, tel du bétail mené vers une mort certaine par l’inconscience de deux hommes, Mangin et Nivelle» déclarait à l’époque le député Blaise Diagne. Ybarnégaray disait : « La bataille a été livrée à six heures. A sept heures elle était perdue. » La France avait forcé ces hommes à quitter leur pays, « sans papiers », pour mourir ici. Le jour où nous célébrions la paix, reconnaissante, elle s’est permise d’interdire à leurs enfants de vivre ici !
Au « Chemin des Dames » vous verrez deux monuments : « Le mémorial des Sénégalais » et à quelques centaines de mètres « Le monument des Basques ». Basques et noirs étaient côte à côte dans le massacre. Peut-être que les arrières grands pères de Mamadou et El Hassan se trouvent dans ces charniers où ont été inhumés les morts, tout autour du Chemin des Dames : certains cimetières comptent plusieurs milliers de cadavres !!! Et c’est le jour où nous commémorions ces milliers de morts, Basques et Africains, qu’un petit quidam a choisi pour arrêter, au Pays Basque précisément, deux Africains qui sont peut-être les arrières petits fils de ces victimes. N’ont-ils pas honte ?
On a forcé des noirs « sans papiers » à s’expatrier pour se faire massacrer et on veut interdire à leur descendance de vivre ici !
En voyant à Bayonne, quai de Lesseps, des mamans un bébé dans les bras, je ne puis ne pas penser à Marie et Joseph errant à Béthleem, puis émigrant eux aussi vers l’Egypte, « sans papiers ».
Je félicite toutes ces âmes généreuses, qui, de nuit, se sont réunies devant la gendarmerie de Hasparren ainsi que toutes ces bonnes volontés, bien des jeunes parmi eux, qui passent heures et journées à réconforter ces émigrants à Bayonne.
Je ne sais si elles étaient à la messe dimanche, mais ce sont des pratiquants, car elles pratiquent l’amour du prochain et l’accueil de l’étranger. Elles ne laissent pas ces Lazare à la porte, comme le riche de la parabole à qui ressemblent ces repus qui veulent s’enfermer dans leur somptueux ghetto européen, sous la protection des « forces de l’ordre ».
Lorsque le Pape a été à Lampedusa, il n’a pas parlé de papiers des émigrés.
[*] Hamalaueko gerlako hamalau lekuko, Maiatz, p.217