La leçon du 1er juin

Une des 8 compétences de la Collectivité Territoriale Pays Basque
Une des 8 compétences de la Collectivité Territoriale Pays Basque

La manifestation du 1er juin a laissé une impression étrange aux abertzale. La météo n’explique pas tout. Difficile de dire si ce ressenti ressemblait à de l’amertume, à de la déception, du doute ou a un sentiment d’échec.

Indépendamment de la taille de la mobilisation, et de la très forte proportion abertzale, le malaise qui a entouré cette manifestation est un signe révélateur, encore confus, d’une faute politique, une erreur d’aiguillage, dont l’origine est lointaine.

Une manifestation est le reflet visible d’un courant plus ancré dans la population
Finalement, la question qui se pose n’est pas celle du nombre des manifestants qui reste élevé ou du pourquoi de tant d’absences. Sans tomber dans une sinistrose défaitiste, il convient à présent de regarder les choses en face en allant au-delà des querelles de chiffres et en abordant le fond. Une manifestation est généralement le reflet visible d’un courant plus ancré dans la population. Les interrogations qu’elle suscite sont donc également des signes qui ont du sens.

Depuis une trentaine d’années, les racines du mouvement abertzale d’Iparralde se sont étendues dans le terreau de ses propres réalisations. L’abertzalisme du Nord, sous des appellations nombreuses et variées, a développé des structures culturelles, syndicales, économiques et politiques sans demander d’autorisation à personne et sans se soucier un instant de l’aspect raisonnable, ou majoritaire, de ses revendications et de ses réalisations.

Seaska, la Fédération des écoles immersives en langue basque, encore et toujours mobilisée depuis sa naissance en 1969
Seaska, la Fédération des écoles immersives en langue basque, encore et toujours mobilisée depuis sa naissance en 1969

Le chemin se fait en marchant
Quelques exemples peuvent illustrer cette histoire. Les ikastola n’ont pas été crées avec le pragmatisme d’un projet de convention avec l’Education Nationale, tout ça est venu bien après. Le syndicalisme agricole n’a pas attendu la création d’une Chambre d’Agriculture. Les initiatives prises depuis les G.F.A., Herrikoa jusqu’à l’Eusko, à des niveaux différents, sont porteuses d’un petit grain de folie utopiste qui leur a permis d’exister et de se faire admettre puis reconnaitre. Enfin, les mouvements politiques ont longtemps porté un message global, un peu flou et touffu mais finalement très cohérent avec des pratiques alternatives concrètes. Le chemin se fait en marchant.

C’est finalement avec la revendication institutionnelle que le mouvement abertzale s’est peu à peu intégré dans le camp de ceux qui demandent quelque chose à Paris. Il s’est ainsi éloigné progressivement de sa logique qui consistait à faire ce qu’il convenait de faire et de revendiquer après coup la reconnaissance et les moyens de la pérennisation des choses faites. Pour autant, cette revendication institutionnelle reste l’axe central de l’abertzalisme et il n’est évidemment pas question de l’interroger sur le fond.

C’est bien la façon dont elle a été portée, la forme, jusqu’à la manifestation du 1er juin, qui doit nous interpeller. Le fait que nous souhaitons un cadre institutionnel spécifique pour le Pays Basque ne fait pas débat. Mais faut-il pour autant le définir davantage ?

"Le syndicalisme agricole n’a pas attendu la création d’une Chambre d’Agriculture" (Photo : Mobilisation de soutien à EHLG (la Chambre d'Agriculture Alternative du Pays Basque))
« Le syndicalisme agricole n’a pas attendu la création d’une Chambre d’Agriculture » (Photo : Mobilisation de soutien à EHLG (la Chambre d’Agriculture Alternative du Pays Basque))

Une impasse entre le minimum consensuel d’ici et le refus systématique de Paris
Car il faut bien reconnaître aussi que les échanges sur l’institution n’ont pas été toujours très sereins dans la famille abertzale. Les uns ont rapidement avancé l’idée d’un département auquel d’autres ont répondu par un Biltzar d’un nouveau genre auquel d’autres encore ont préféré un statut d’autonomie auquel d’autres encore préféraient l’indépendance. Tout ça sous fond d’Euro région ici, de réunification ailleurs. Ces longs débats d’experts, qui ont souvent relevé de la cacophonie ont-ils abouti à un consensus ou à une saturation ? Le fait est qu’aujourd’hui la revendication est coincée dans une impasse entre le minimum consensuel d’ici et le refus systématique de Paris. Les abertzale s’y retrouvent-ils ? Ce n’est pas sûr.

Quel que soit le sujet, quand la grande majorité des élus d’un territoire est condamnée à descendre dans la rue pour se faire entendre, les dés sont forcément pipés. Surtout quand la réponse est annoncée à l’avance par le Ministre de l’Intérieur et qu’elle est fermement négative. Dans ces conditions pourquoi les abertzale fourniraient-ils le gros des troupes manifestantes ? Pour que Paris dise précisément ce que ces mêmes abertzale ne veulent pas entendre ?

Revenir aux fondamentaux abertzale : créer ses propres outils et les faire fonctionner…
Sur la revendication institutionnelle comme sur bien d’autres sujets, les abertzale doivent revenir à ce qu’ils savent faire le mieux, c’est-à-dire créer leurs propres outils et les faire fonctionner. L’idée d’Udal Biltza, structure associative disposant d’un budget alimenté par toutes les institutions où les abertzale sont en position de décisions, pour mettre en place des initiatives culturelles, sociales ou économiques adaptées aux besoins des habitants du Pays Basque, reste la meilleure idée des 15 dernières années. Sa première étape s’est terminée dans la douleur d’une surenchère dont tout le monde dit aujourd’hui qu’elle a été une erreur. Il faut donc repartir de l’idée de base. Il faut aussi, et surtout, éviter le piège d’une appropriation par une seule tendance et mobiliser la capacité des militantes et militants abertzale de toutes tendances à porter concrètement les projets les plus innovants.

Udalbiltza2012
L’idée d’Udal Biltza, structure associative disposant d’un budget alimenté par toutes les institutions où les abertzale sont en position de décisions, pour mettre en place des initiatives culturelles, sociales ou économiques adaptées aux besoins des habitants du Pays Basque, reste la meilleure idée des 15 dernières années.

…tout en participant à des démarches d’ouverture
Cela ne veut pas dire que la bonne méthode est celle qui consiste à choisir un repli sur soi. Les mois qui viennent donneront aux abertzale bien des occasions pour participer à des démarches d’ouverture. Rencontrer les autres sensibilités politiques est une démarche logique et normale. Comparer les projets, les critiquer, chercher le consensus ou parfois se combattre sont autant d’engagements politiques normaux.

Manifester pour un principe s’est bien, accompagner la manifestation de réalisations concrètes c’est mieux.
Manifester ensemble peut également s’envisager. Mais il ne faut pas oublier que, quand il y a eu en Iparralde de grandes manifestations en faveur de l’euskara les abertzale n’y étaient pas seuls. Mais ceux qui y étaient présents savaient qu’en matière de défense de la langue basque ils avaient quelques longueurs d’avance parce qu’ils avaient quelques réalisations concrètes à leur actif. Les autres en avaient moins. La même logique devra prévaloir dans la démarche de revendication d’une institution spécifique. Manifester pour un principe s’est bien, accompagner la manifestation de réalisations concrètes c’est mieux. Dans la démarche de revendication institutionnelle, la place des abertzale n’est pas derrière les élus des partis qui attendent le feu vert de Paris pour faire ceci ou ne pas faire cela. Ces élus trouveront bien une parade institutionnelle le jour où le projet des abertzale aura suffisamment avancé pour déranger les décideurs parisiens ou madrilènes.

En attendant leurs incertaines trouvailles l’avenir institutionnel du Pays Basque reste à inventer. L’unité des abertzale doit se faire autour d’un projet concret, rassembleur, alternatif et militant.

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2 réflexions sur « La leçon du 1er juin »

  1. La leçon du 1er juin
    L’analyse est très juste. Il faut continuer les réalisations concrètes de ces trente dernières années, en particulier dans le domaine économique, dont beaucoup ont été couronnées de succès, telle Herrikoa, et bien d’autres.
    Développer les relations avec le Sud.
    Et ne rien attendre d’un gouvernement jacobin depuis plus de 220 ans, ni de ses hérauts « succursalistes » sur le terrain…

  2. on est exactement à un point d’inflexion. L’état n’a rien donné que nous ne puissions construire dans la légalité française. Le Pays basque sera cité dans la loi au titre des métropoles ou pole métropolitains au même titre que des collectivités comme Mayotte Saint pierre et Miquelon ou l’Alsace Moselle etc…..Paris Marseille Lyon seront des métropoles qui prendront les compétences départementales et auront un statut particulier…. En attendant Bordeaux Toulouse etc….. L’espace rural aura aussi une forme d’organisation propre, restera au département le lieu des élections au Sénat et les arrondissements législatifs, plus les cantons. Mais les cantons font doublons avec les EPCI qui constituent des pôles ruraux ou métropolitains . L’etat en modernisant ses services va chercher un niveau d’intervention plus technique. Ces évolutions elles sont inscrites depuis longtemps depuis le rapport Pic au milieu des années 1990, peu a peu la haute administration impose le schéma prévu. La philosophie est simple les missions régaliennes à l’etat et plus d’autonomie aux territoires . Donc dans le nouveau « pole bidule » les abertzale chercheront plus d’autonomie, car ce nouveau bidule sera a terme la collectivité territoriale du 21 emme siécle. Que va t il rester aux régions l’exemple la plus intéressante est Rhone Alpe, face à Lyon Métropole européenne? Combien de département vont être utiles? Ca c’est le nouveau schéma français. Pour nous ce sera transfrontalier comme ils disent droit européen et autonomie, dans un schéma de construction nationale. La libre administrations collectivité locales l’autonomie financiére, le droit d’expérimentation, libre détermination des peuples tous inscrit dans la constitution marqueront la limite de l’affrontement avec l’état. Le sous préfet en a marqué une avec le financement de l’ikastola d’Hendaia. La pratique antérieure le code de l’éducation et les arrêts du conseil d’etat sont plus souple que le sous préfet qui commet un abus de pouvoir. Ce combat qu’il nous impose, est precurseur des luttes avenir pour notre émancipation.

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