Depuis plusieurs mois, la maison que nous avons voulue commune et solidaire connaît des incertitudes qui peuvent si l’on n’y prend garde menacer grandement ses fondations… Les peintures sont encore fraiches que des initiatives surprenantes tendent à en bouleverser les couleurs ! Et, pourtant, cet édifice remarquable s’est déjà inscrit dans le paysage Néo-Aquitain et on ne compte plus les remarques plutôt admiratives qu’il suscite pour peu que l’on quitte les bords de Nive et Adour. Mais les réputations sont ainsi faites qu’elles peuvent se défaire en moins de temps qu’elles n’ont pris à se constituer.
Lors de sa longue gestation, la Communauté Pays Basque avait bien pris soin de privilégier tout ce qui pourrait unir ses habitant·es, et elle fait du dialogue et du consensus l’Alpha et l’Omega de son fonctionnement.
Son défi premier était bien de fondre dix intercommunalités de taille extraordinairement différentes dans une entité commune ambitieuse, destinée à lutter contre les vents mauvais qui de toutes parts nous assaillent, à permettre qu’une véritable résilience soit à l’oeuvre sur ce territoire.
Par une étrange initiative, des forces contraires ont réussi à mettre en oeuvre une sorte de détricotage minutieux qui, de coup de boutoir en coup de boutoir, a ressuscité des formes d’appartenance infra territoriale !
Faire communauté, disions-nous, aujourd’hui la maison est plutôt en indivision et l’on sait les problèmes chroniques que cela peut amener…
Depuis le nouveau mandat, la visibilité de cette indivision prend des proportions inquiétantes et si on n’y prend pas garde elle pourra nous mener à une sorte de vente à la découpe ou par appartement !
Le paroxysme a bien eu lieu lors du dernier Conseil Communautaire quand, nouveauté, des locataires ont soutenu l’idée que les règles de vie commune soient assujetties à des constitutions de groupes qui de facto rechercheront à faire triompher des chapelles, plutôt que de favoriser des majorités de projets…
Alors que les élu·es que nous sommes sont issu·es d’une élection indirecte, émanant de listes qui pour la plupart ont rivalisé sur leur capacité d’ouverture à ce que l’on nomme “la société civile”, voilà qu’il serait maintenant judicieux de créer des groupes politiques au sein de l’assemblée !
Je sais bien qu’actuellement on avance par la force des choses “masqués” mais quand les masques tombent, on mesure sa propre naïveté ! J’ai souvent, dans ces mêmes pages, affirmé qu’à l’instar de ce qu’a été l’esprit de Batera dans la longue route vers la reconnaissance juridique du Pays Basque, notre fonctionnement reposerait sur une véritable communauté de projets !
La prudence est une qualité de l’esprit, écrivait Rousseau, j’aurais dû m’en souvenir ! Il ne s’agit bien évidemment pas de contester le rôle des partis politiques dans une démocratie mais bien de pointer le fait qu’au cas présent les électeurs et électrices ne leur ont délégué aucune représentativité clairement exprimée. Pointer le fait aussi, que ce serait encore une nouvelle légitimité que l’on tente de mettre en place, là où déjà, la résurgence des appartenances territoriales est un large sujet de préoccupations…
Que l’on se rassure, je n’endosse pas ici le dossard de gardienne du temple mais dans les moments où les navires sont susceptibles de tanguer, il est bon de se poser et d’en revenir aux origines.
Ce discours je l’ai maintes fois tenu en interne, alertant sur le danger que pouvait constituer une concurrence territoriale à l’intérieur même de la Communauté. En y rajoutant une concurrence partisane, on créera —c’est absolument certain— des confrontations inutiles qui obéreront fortement notre capacité à prendre des décisions dans le seul intérêt du territoire.
Le débat est nécessaire, mais s’il peut s’affranchir d’arrière-pensée, par essence jamais dicible, il gagnera en qualité !
Notre construction est récente, encore fragile et cela même si le travail accompli en trois ans est considérable. La démonstration que ce choix était le bon n’est plus à faire et tout le territoire y a considérablement gagné. Nous avons partout vu surgir des dispositifs et des réalisations qui n’auraient pas existé sans la puissance de la Communauté à financer, mais aussi à apporter aux communes de l’aide et des conseils dans tous les domaines ! Nous avons collectivement décidé de prendre un grand nombre de compétences non-obligatoires car elles permettent de répondre à l’ambition que nous voulons pour le Pays Basque et à mieux servir ses habitant·es ! Cette ambition, elle nous honore collectivement car nous étions conscients des difficultés qu’elle générerait et ce pari nous l’avons fait ensemble ! Nous avons fondé cette maison commune sur la solidarité et la cohésion avec une insolente confiance dans notre capacité à réussir… Cela nous oblige, car cette collectivité des plus particulières ne peut se concevoir que si justement elle n’est pas confrontée à ce qui est le commun des autres!