Non-Violence XXI est une association, disposant d’un fond de dotation, qui collecte des dons, dans le but de financer des projets non-violents afin de développer et promouvoir la culture de la non-violence. Cette Fondation a soutenu financièrement la campagne “Paix en Pays Basque : Maintenant les Prisonniers” et la manifestation du 9 décembre à Paris. Alda! a interviewé son coprésident François Marchand pour faire connaître cet espace de “mutualisation des acteurs non-violents”.
Pouvez-vous nous présenter Non-Violence XXI ?
Non-Violence XXI, XXI pour une culture de non-violence au XXIe siècle, a été créée en 2002 par le rassemblement des organisations françaises qui se définissent explicitement non-violentes. Elle rassemble aujourd’hui tout le “gratin” de la non-violence en France, sept mouvements d’action non-violente(1), cinq organismes de formation et de recherche (2), deux revues (Silence et Alternatives non-violentes) et une ONG d’intervention civile de paix (Brigades de paix internationales). Elle rassemble également les personnalités de la non-violence les plus en vues en France comme Txetx Etcheverry, Jean-Marie Muller, Isabelle Filliozat, etc.
Elle a bénéficié pendant les premières années du soutien financier de la Fondation de France et elle continue depuis 15 ans son partenariat fructueux avec la fondation Un monde par tous.
Non-Violence XXI est devenu, de fait, un lieu de rencontre et de mutualisation des acteurs non-violents en France, alors que son objectif initial est essentiellement financier. Ce positionnement nous amène à impulser des démarches collectives comme ce fut le cas avec le manifeste d’appui à la journée du désarmement d’E.T.A. du 8 avril, signé par 15 mouvements et entités non-violentes françaises.
Notre premier objectif est de mettre en commun nos moyens pour trouver de l’argent (donateurs pour la non-violence) un peu comme le font les organisations humanitaires. Non-Violence XXI a pour objet principal la collecte de dons et de legs destinés au financement de projets à caractère non-violent. Elle veut ainsi promouvoir concrètement la culture de non-violence au XXIe siècle. Ses trois principaux domaines sont : l’éducation à la non-violence, l’intervention civile de paix et l’action non-violente. Elle dispose d’un fonds de dotation qui lui permet de recueillir les legs. Hors legs et dons exceptionnels elle recueille environ 120.000 € par an et finance 25/30 projets par an.
La non-violence est à la fois
une philosophie et une méthode d’action
visant à résoudre les conflits
sans porter atteinte à l’intégrité de l’adversaire,
ni atteinte physique, ni morale
Qu’entendez-vous par la non-violence ?
Les 15 organisations regroupées dans Non-Violence XXI recouvrent toute la variété des approches possibles de la non-violence. Depuis la sage Association pour la communication non-violente aux remuants et très militants “Désobéissants”.
Ces organisations non-violentes s’accordent pour considérer que la non-violence est à la fois une philosophie et une méthode d’action visant à résoudre les conflits sans porter atteinte à l’intégrité de l’adversaire, ni atteinte physique (pas d’armes blessantes ou tueuses), ni morale (pas d’injures, reconnaissance des adversaires en tant que personnes, etc.). Elle se décline dans tous les types de conflits humains : interpersonnels, familiaux, sociaux, politiques, internationaux.
Quel a été votre parcours personnel en faveur de la non-violence ?
Il a débuté dans les années 70, notamment avec mon engagement dans la création du mouvement pour une alternative non-violente qui demeure aujourd’hui le principal mouvement non-violent “généraliste” en France.
Pour moi la non-violence est un choix de vie et une attitude vis-à-vis d’autrui qui nécessitent un travail permanent sur soi. Le conflit est la matière première de la non-violence. Autrement dit : pas de conflit, pas de non-violence. Face à une injustice, le conflit est utile et nécessaire. C’est l’efficacité des méthodes non-violentes qui m’ont convaincu : on ne gagne pas à tous les coups en utilisant ces méthodes, mais on ne perd jamais définitivement car, le fait d’avoir agi avec non-violence face à mes adversaires fait que je ne suis jamais abattu et que je sais que le combat pourra reprendre quand les conditions s’amélioreront.
Quels sont les différents types d’interventions financières de Non-Violence XXI ?
Pour trouver des donateurs, Non-Violence XXI doit d’abord exercer une grande activité de communication. Ses “Mini-guides sur la non-violence” sont devenus des références : les “Formations à la non-violence en France”, “Non-violence et jeux vidéo”, “Comprendre l’intervention civile de paix”, etc. Ils sont édités et régulièrement remis à jour.
Mais l’activité marquante de Non-Violence XXI est la manière dont l’argent recueilli est redistribué à une trentaine de projets chaque année. Chaque demande d’aide financière est analysée par un instructeur, puis présentée devant le conseil d’administration. Les critères de sélection des projets font que ceux qui sont reconnus bénéficient bien sûr d’une subvention, mais aussi, de fait, d’un “label” de projet non-violent. Ce label est parfois la première motivation des demandeurs qui veulent agir avec non-violence, mais peinent parfois à convaincre leurs propres membres et acteurs de son efficacité à long terme.
Qu’est-ce que qui vous a amené à apporter votre soutien aux Artisans de la Paix et quelle forme a pris ce soutien ?
Le fait de voir une dynamique civile et non-violente travailler à permettre le désarmement d’une organisation clandestine et armée, oeuvrer à modifier la politique répressive des Etats qui combattaient cette dernière nous a paru un cas d’école intéressant et significatif.
Les organisations non-violentes avons donc apporté notre soutien moral, avec le manifeste de soutien à la journée du désarmement, puis Non-Violence XXI a également apporté une aide matérielle à la mobilisation du 9 décembre.
Nous avons soutenu financièrement les actions comme la grande manifestation à Paris le 9 décembre dernier, non pas en soutien à la cause indépendantiste basque (nos statuts ne nous permettraient d’ailleurs pas de prendre de telles positions politiques), mais pour que les actions des basques soient non-violentes ; l’une de nos devises est : “Face à une injustice, choisissez l’action non-violente.”
Quels sont les chantiers d’avenir ou en cours ?
Je citerai trois directions de travail essentielles :
- Les interventions non-violentes dans les conflits à caractères politiques sont en plein développement ; les luttes pour l’autonomie, voire l’indépendance de peuples font appel de plus en plus à la non-violence ; à Non-Violence XXI, en sus du processus de paix au Pays Basque, nous soutenons aussi la défense non-violente de la langue bretonne et travaillons avec AFC-Umani en Corse sur l’éducation à la non-violence. A l’étranger nous soutenons des interventions d’interposition (Sud-Soudan, Népal, Colombie, etc.) et des initiatives de commissions type “justice et réconciliation” (Burundi, RCA, Guatemala, etc.).
- La non-violence dans l’éducation est fondamentale ; la situation a bien évolué depuis 50 ans ; la non-violence est de plus en plus reconnue par de nombreux acteurs de la vie civile, politique et sociale ; elle pénètre partout, dans les entreprises, dans les combats politiques et, promesse pour l’avenir, dans l’éducation des enfants : la “régulation non-violente des conflits” à l’école est prônée par la loi française, dite de “refondation de l’école” où le mot “non-violent” a fait sa première apparition dans une loi de la République française (Art. L. 721-1, loi du 5 juin 2013).
- Observer la non-violence : Non-Violence XXI détient des archives sur les organisations non-violentes françaises depuis plus de 10 ans et fait une mise à jour annuelle grâce à son activité de financement. Elle est en mesure de concevoir un premier observatoire de la non-violence en France qui apporterait une note positive à la douzaine d’observatoires de la violence que nous avons recensés ! C’est un projet pour 2018 et une note d’espoir pour la prochaine décennie.