On ne peut pas dire que la France mérite son titre, par trop honorifique et obsolète, de “Pays des droits de l’Homme” dans la lignée des Philosophes des Lumières. Il y a belle lurette qu’elle n’illumine que celles et ceux qui cherchent à être ébloui(e)s. “France terre d’asile” c’était sûrement hier ! Bien d’autres pays du monde fabriquent de nouvelles solidarités, instaurent une meilleure justice sociale ou innovent dans les rapports humains. Certains refondent la représentation électorale en ré-insufflant leur démocratie. Il n’y a pas d’aboutissement démocratique, de panacée dans ce domaine. Il y a juste des avancées, des expérimentations, des volontés collectives de développer du mieux vivre ensemble en luttant contre nos propensions individuelles et naturelles au repli sur soi. Notamment par le biais de l’éducation. Et là, les dernières enquêtes européennes comparatives sont sans pitié pour le système éducatif français : ghettoïsation sociale, retard dans l’apprentissage de la lecture et écriture, classes surchargées, profs très mal payés, jeunes enseignants frais émoulus balancés dans des territoires défavorisés alors qu’il faudrait au contraire des profs expérimentés avec une forte reconnaissance financière…
Au piquet !
Non seulement l’école aggrave les inégalités sociales, mais elle ne permet plus à une grande majorité d’élèves de devenir des citoyens éclairés, de développer leur sens critique, de leur donner les clefs d’une réflexion nourrie, de les inviter à “interroger l’évidence”. L’éducation nationale n’est plus en capacité de s’occuper réellement des élèves les plus fragiles. A ce tableau peu réjouissant, vient se greffer, dans biens d’endroits, une espèce de neutralité éducative qui annihile l’expression, le débat, au travers d’arguments et contre arguments.
Non seulement
l’école aggrave les inégalités sociales,
mais elle ne permet plus
à une grande majorité d’élèves
de devenir des citoyens éclairés,
de développer leur sens critique,
de leur donner les clefs d’une réflexion nourrie,
de les inviter à “interroger l’évidence”.
Le manichéisme, la culture d’instantanés des réseaux sociaux et leur lot de “fake news”, les raccourcis en tout genre viennent conforter un raisonnement simpliste qui fait émerger de façon très dangereuse l’extrême droite. In fine, la complexité du monde et de ses systèmes économiques, politiques, diplomatiques, ne semble être appréhendée que par une minorité : celle qui décide. La solidarité, le partage, l’apprentissage des projets collectifs et désintéressés ne sont que quantité négligeable dans ce système éducatif. Le changement climatique et toutes ses conséquences viennent bousculer encore un peu plus ce grand chambardement.
De l’espoir en l’humain
La migration/expatriation à grande échelle sur la planète vient à peine de débuter(1). Tel un boomerang, notre égoïsme de pays riches du Nord est en train de nous péter à la figure. La France n’est pas en reste. Selon des chiffres de l’Ofpra, le cap des 100.000 demandes d’asile a été franchi en France en 2017. Mais seules 36% d’entre elles ont abouti. Car la question de l’accueil des migrants en France reste complexe et clivante. Ils seraient plus de 60.000 à être logés dans différents centres d’accueil(2). On pourrait rester fatalistes devant la relative passivité des pouvoirs publics français. Pourtant, des solidarités citoyennes voient le jour un peu partout. Les ONG se sont relayées pour venir en aide aux réfugiés partout en France, et notamment dans la jungle de Calais, démantelée depuis. Des associations se sont par ailleurs créées et organisées pour proposer aux personnes volontaires d’accueillir chez elles des demandeurs d’asile.
Gora gu ta gutarrak !
En Pays Basque Nord, des initiatives, plus ou moins soutenues par l’État, émergent ici ou là. Parfois dans une grande discrétion. Notamment dans l’accueil individualisé. On a bien sûr en mémoire l’accueil magnifique organisé par la municipalité de Baigorri avec le concours, notamment, du centre Atherbea où habitants, bénévoles, et travailleurs sociaux ont oeuvré ensemble entre novembre 2015 et février 2016 pour accueillir 49 migrants essentiellement des afghans, érythréens ou soudanais(3). Ce village, réputé pour être un fief abertzale, avait déjà une histoire avec les réfugiés, notamment avec l’accueil de plus de 120 Bosniaques dans les années 90. Sur la côte, des accueils ont été effectifs sur Hendaye, Saint-Jean-de-Luz ou Guethary fin 2016. Et puis, bien sûr, à Bayonne, via le CAO installé sur les hauteurs de la ville au sein de l’AFPA, pour un premier accueil, d’octobre à fin décembre 2017, de 25 migrants demandeurs d’asile, essentiellement soudanais(4). Là, plus d’une centaine de bénévoles, en semaine ou en week-end, entourés d’une équipe de salariés, ont accompagné, nuit et jour, ces jeunes déracinés, fuyant la guerre et la famine. Depuis, un second groupe d’expatriés est venu les remplacer pour trois mois. Comme à son habitude, la France avait annoncé, en 2016 et à grande pompe à la Commission Européenne, l’accueil de 30.000 réfugiés. Près de deux ans après, l’effectif se situe à moins de 4.000 réfugiés relocalisés ! Heureusement, il y a les initiatives territoriales, initiés par des bénévoles et des salariés, mobilisés par cette question éminemment humaniste, éthique, philosophique et politique de l’accueil de l’étranger, quelles qu’en soient les raisons. Txaloak haieri! Et continuons les missions Oeuf Tapenade à la Cedric Hérrou. Chez nous cela sera xingar eta arroltze!
(1) On compte aujourd’hui 21 millions de personnes réfugiées dans le monde, dont 86 % sont accueillies par des pays en développement. Alors qu’en Allemagne on dénombre 74 réfugiés pour 10.000 habitants, en France on n’en compte que 1,51.
(2) Un CAO est un centre d’accueil, d’hébergement et d’orientation dans lequel chaque migrant bénéficie d’un accompagnement social. Les personnes accueillies sont invitées avec l’aide de l’OFII (Office Français de l’Immigration et de l’Intégration) à faire le point sur leur situation et à envisager les solutions de droit qui leur sont accessibles et notamment la demande d’asile en France. Cette mise à l’abri temporaire doit permettre au migrant de bénéficier d’un temps de répit, de reconsidérer son projet migratoire et de bénéficier rapidement de toutes les informations et de l’accompagnement administratif nécessaires au dépôt d’une demande d’asile s’il souhaite s’inscrire dans cette démarche.
(3) A découvrir le documentaire d’Alain Benesty intitulé “La Jungle et la République”.
(4) Voir sur enbata.info la première partie de cet article.
Une réflexion sur « La stratégie du voleur chinois (2/2) »
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