Les travaux pratiques type Batera en Alsace. Nous rapportons ici, pour nourrir le débat public engagé par Batera sur l’ensemble d’Iparralde, le temps fort politique que vivent présentement les deux départements alsaciens dans la perspective d’une collectivité à statut particulier. Vraisemblablement, le président Emmanuel Macron devrait venir sur place, le 4 novembre prochain pour expliquer les raisons de son choix entre fusion des deux départements actuels ou création d’une collectivité à statut particulier. La limite de l’exercice a déjà été actée le 17 juillet 2017 lors de la première conférence des territoires où l’exécutif n’entendait pas remettre en cause le tracé des nouvelles régions héritées de François Hollande. C’est donc à l’intérieur de la nouvelle région “Grand Est” qu’est envisagée cette nouvelle institution propre à l’Alsace. Les 14 et 15 septembre derniers, la ministre auprès du ministre de l’Intérieur, Jacqueline Gourault, qui a déjà officié en Corse pour une mission similaire, est venue rencontrer l’ensemble des interlocuteurs, élus et associations, avec pour objectif la mise en oeuvre de cette réforme territoriale alsacienne. “On est en train de cheminer vers ça” dit-elle à la presse à l’issue de ces premiers entretiens. Le processus est bien lancé.
Le 22 janvier 2018, le Premier ministre Edouard Philippe charge le préfet de Région d’une mission sur les évolutions institutionnelles possibles. Dans son rapport remis le 15 juin, celui-ci écarte l’idée d’un “Brexit alsacien” —sortie de la région Grand Est— mais propose quatre hypothèses dont celle de la fusion des départements Bas et Haut-Rhin et création d’une collectivité à statut particulier plaidant cependant pour la fusion. Le risque d’un statut particulier, dit le préfet, “serait une prolifération de demandes émanent d’autres territoires, ce qui pourrait mettre à mal les principes fondamentaux de la république”. Voilà l’Alsace revenue, sous un autre quinquennat, à la piteuse situation de son propre refus, par référendum le 7 avril 2013, à la création d’une région homogène, comme aujourd’hui en Corse, par la fusion des deux conseils généraux et de l’assemblée régionale alsacienne qui existaient alors. Refus démocratique quelque peu honteux car si le “oui” l’avait emporté à 57,65%, les conditions requises pour sa validation n’avaient pas été réunies car dans le Bas-Rhin, seul 22,90% des inscrits avaient voté. Heureusement que la conscience identitaire s’est depuis réveillée, grâce à l’ardeur d’une militance exemplaire ayant peu à peu remobilisé citoyens et élus et enclenché aujourd’hui un compte à rebours, espérons positif.
Parmi les pionniers, Pierre Klein, ancien enseignant défenseur du bilinguisme, fondateur en 2008 “d’Initiative Citoyenne Alsacienne”, sorte de Batera alsacien, qui réunit aujourd’hui des centaines de membres. Depuis des mois, il sillonne les routes d’Alsace pour animer les débats, souvent devant de larges auditoires, sur l’avenir de son pays. De plus en plus d’élus et de responsables socio-économiques y participent, “le droit à la différenciation, évoqué par le président de la République, on l’a pris au mot… pour cela rien n’est possible si on ne passe pas par une collectivité à statut particulier avec des compétences transférées par l’Etat et la Région.”
D’autres éveilleurs de conscience alsacienne, Jacques Schleef et son “Club Perspectives Alsaciennes”. Ancien officier de police, il est à l’initiative de “l’appel des 100” pour une nouvelle région Alsace, porté par des universitaires, des leaders du monde culturel et économique.
Le projet “d’eurocollectivité d’Alsace” est désormais mis en avant par les deux présidents des Conseils départementaux. C’est une collectivité à statut particulier, avec notamment l’enseignement bilingue et une dimension transfrontalière avec l’Allemagne et la Suisse.
Après la Corse et son statut particulier actuellement géré par les nationalistes corses, c’est donc l’Alsace qui se met en route en utilisant les voies offertes, même étroites, par la République. La nouvelle gouvernance d’Emmanuel Macron, si elle emporte davantage l’opposition des élus locaux, offre cependant une instance spécifique où peuvent se construire de nouvelles politiques territoriales, la Conférence nationale des territoires. Iparralde et ses élus favorables aux thèses de Batera doivent s’y intéresser davantage.
En n’oubliant pas d’entraîner, ou pour le moins neutraliser, notre voisin béarnais, premier allier de Macron et à ce titre vice-roi de France et de Navarre. Malgré une sainte colère contre Seaska venu perturber l’inauguration de la foire de Pau, François Bayrou, il est vrai, fut le seul ministre de la République à avoir pris une mesure historique dans la reconnaissance et le financement de l’enseignement des langues dites “régionales”. Au titre de récent séparatiste béarnais, il est indispensable que nous l’intégrions dans notre émancipation basque inspirée de celle actuellement en marche en Alsace.