
Alors que la FNSEA-JA et la CR veulent restreindre le débat sur les questions agricoles aux seuls agriculteurs, l’ensemble des forces paysannes alternatives du Pays Basque (ELB, EHLG, Arrapitz) milite pour que l’ensemble des acteurs du territoire, réunis dans un Office de l’agriculture et de l’alimentation, se donne l’ambition collective de se réapproprier notre alimentation.
Depuis un an, la révolte gronde dans les campagnes car les paysans ne sont pas rémunérés à la hauteur du travail fourni. Après le déclenchement de l’invasion de l’Ukraine par les Russes, l’inflation générée sur les tarifs de l’énergie et autres matières premières a mis à mal les trésoreries des fermes, et l’approche des élections professionnelles agricoles a encouragé des prises de position simplistes et populistes, sans remettre au coeur du débat le rôle des paysans dans notre société.
Pas de remise en cause du système productiviste
On a beaucoup entendu le mécontentement vis-à-vis des normes environnementales et administratives ainsi que sur la marge faite par les distributeurs, un peu moins sur celle faite par les industries agroalimentaires. On a surtout eu droit à des démonstrations de force avec des gros tracteurs plus rutilants les uns que les autres, ce qui est aussi une façon pour les agriculteurs d’affirmer leur existence. Dans cette escalade à qui fait le plus de bruit pour montrer qu’il est là, il faut reconnaître que la Coordination Rurale (CR) a été la plus efficace et a remporté sur le territoire français une quinzaine de Chambres départementales, en particulier en Nouvelle-Aquitaine. Elle a aussi permis à ce syndicat de sortir de l’anonymat au Pays Basque. Cependant, ni la FNSEA-JA ni la CR ne remettent en cause le système productiviste, bien au contraire, et elles veulent restreindre les problématiques agricoles à un cercle très corporatiste à travers un slogan : l’agriculture aux agriculteurs.
Développer des filières locales de qualité
Si pour nous, paysans d’ELB, les paysans ont un rôle majeur puisqu’ils assurent l’acte de production alimentaire, c’est avec les autres concitoyens du territoire et les élus qu’il convient de définir les priorités et les orientations locales. Plutôt que d’être pris dans un engrenage de production en quantité toujours au plus bas coût, qui in fine provoque l’élimination des voisins, il serait plus judicieux de répondre aux besoins alimentaires locaux en priorité, dans un cadre plus qualitatif et plus rémunérateur, qui laisse aussi la place aux plus petits paysans. A l’image des filières Herriko ogia, qui assure des baguettes locales par le biais de plus de cinquante boulangers, et Herriko aragia, la viande locale distribuée dans des boucheries et des GMS (grandes et moyennes surfaces) locales, il y a des possibilités de développement : ce qui est l’exception devrait devenir la règle. Les collectivités territoriales aussi, dans le cadre de la restauration collective, doivent pouvoir développer leur approvisionnement à travers des appels d’offres locaux adaptés.
« Il est plus pertinent de s’organiser entre acteurs locaux
que de faire confiance à des multinationales,
qui servent d’abord leurs intérêts au détriment des paysans. »
Enfin, les paysans ont tout intérêt à s’organiser entre eux, pour développer des contrats d’approvisionnement pluriannuels entre ceux qui produisent des céréales pour l’alimentation animale et les éleveurs, plutôt que de dépendre de la bourse de Chicago. Il est plus pertinent de s’organiser entre acteurs locaux que de faire confiance à des multinationales, qui servent d’abord leurs intérêts au détriment des paysans.
La nécessité d’un Office de l’agriculture et de l’alimentation
Pour cela, on a besoin d’un lieu de décision, où toutes les composantes de la société soient représentées, et qui permette de coordonner les différentes politiques publiques sur le territoire du Pays Basque. Se donner collectivement l’ambition de se réapproprier notre alimentation et confier cette mission aux paysans me semble un objectif louable, fédérateur et inclusif, qui redonnera de la fierté à une profession qui a tendance à être montrée du doigt. Plus que jamais, la mise en place d’un Office de l’agriculture et de l’alimentation au Pays Basque devient une nécessité, pour que l’agriculture devienne enfin l’affaire de TOUS !!