Le 30 novembre, l’Assemblée nationale débattait et approuvait partiellement une loi en faveur de la promotion des langues régionales. Son contenu apparaîtra bien faible à beaucoup d’euskaltzale. Mais que ce thème arrive à l’ordre du jour de l’assemblée nationale suffit par sa rareté à susciter notre intérêt. La teneur des débats, l’hypocrisie qui s’en dégage souvent, la pratique de l’outrance et de l’amalgame, mais aussi la ténacité de certains dans un contexte si défavorable, font que ce compte rendu mérite d’être porté à la connaissance des lecteurs d’Enbata.
Les interventions du député d’extrême droite Jacques Bompard ne manquent pas de sel, comme celles d’une opposante au texte, l’élue du Doubs Annie Génevard, promise à un bel avenir. Elle vient d’être nommée adjointe de François Fillon à la tête de son parti.
On notera la qualité des déclarations des deux députées socialistes du Pays Basque, Sylviane Alaux et surtout Colette Capdevielle, qui sont intervenues à plusieurs reprises et ont présenté des amendements. L’improvisation, voire la vacuité des propos du député Jean Lassalle n’en apparaît que plus criante.
Nous joignons à ce dossier quelques enregistrements audiovisuels de plusieurs élus à la tribune du parlement, ainsi que le point de vue critique du militant occitaniste David Grosclaude qui réagit aux débats du 30 novembre.
Voici ci-dessous 2 enregistrements filmés des interventions de plusieurs députés en commission préparatoire.
1/ Annie Le Houérou, rapporteure de la proposition de loi sur la promotion des langues régionales, a présenté mardi 22 novembre 2016 sa proposition de loi devant la Commission Culture de l’Assemblée nationale. Cette proposition de loi a été adopté en commission et a été examinée dans l’hémicycle le 30 novembre.
Intervention d’Annie Le Houérou en commission… par annielehouerou
2/ Commission des affaires culturelles du 22 novembre : Promotion des langues régionales. Intervention de François Pupponi :
Enfin, un enième débat a eu à l’Assemblée nationale sur cette proposition de loi visant à promouvoir les langues régionales. Les députés ayant à débattre d’une proposition en sept articles traitant de l’enseignement des langues régionales, de la presse, de la radio et de la signalétique bilingue. Cette proposition était signée par un peu plus de 130 députés de gauche et de droite comme Marc Le Fur (voir son intervention ci-dessous) . Très peu de députés étaient présents lors du débat.
Assemblée nationale : Marc Le Fur défend les… par marclefur
Assemblée nationale
XIVe législature
Session ordinaire de 2016-2017
Compte rendu intégral
Première séance du mercredi 30 novembre 2016
Promotion des langues régionales
Discussion d’une proposition de loi
Première partie
Mme la présidente. L’ordre du jour appelle la discussion de la proposition de loi de M. Bruno Le Roux et plusieurs de ses collègues relative à la promotion des langues régionales (nos 4096, 4238).
Présentation
Mme la présidente. La parole est à Mme Annie Le Houerou, rapporteure de la commission des affaires culturelles et de l’éducation.
Mme Annie Le Houerou (PS), rapporteure de la commission des affaires culturelles et de l’éducation. Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, nous examinons aujourd’hui une nouvelle proposition de loi relative à la promotion des langues régionales. Malheureusement, les conditions n’ont pas été réunies pour ratifier la charte européenne des langues régionales ou minoritaires signée par la France le 7 mai 1999, il y a plus de dix-sept ans. Pourtant, la proposition de loi constitutionnelle visant à ratifier la charte avait été adoptée en janvier 2014 par une belle majorité de députés de tous les bancs de notre hémicycle : 361 députés avaient voté pour et 149 contre. Notre optimisme a fait long feu lorsque le Sénat a rejeté ce texte, devenu un projet de loi constitutionnel, le 28 octobre 2015. Cette question reste sensible dans notre pays, alors que notre Constitution a consacré dans son article 75-1, le 23 juillet 2008 : « Les langues régionales appartiennent au patrimoine de la France ».
Si nous considérons dans notre Constitution que les langues régionales font partie de notre patrimoine, alors nous avons une responsabilité majeure pour créer les conditions de leur préservation. Les soixante-quinze langues parlées en France, concernées par ce texte, sont définies par le comité consultatif pour la promotion des langues régionales sur la base de la définition de la charte européenne. Elles sont en déclin, les statistiques le démontrent. Les trois quarts des adultes qui parlaient une langue régionale dans leur petite enfance à la maison n’utilisent aujourd’hui que le français. Et pour ne citer que mon cas particulier, qui illustre celui de plusieurs générations, j’ai appris à ne pas parler breton. Ma première langue maternelle et naturelle était pour ma famille un signe de manque d’éducation que nous nous attachions à enfouir au plus profond de nous-mêmes et à ne surtout pas exprimer. C’est une frustration majeure et une atteinte à la liberté d’expression, valeur chère à notre République. Cet interdit a fait peser la menace de la disparition pure et simple des langues régionales. Le nombre total de personnes capables de s’exprimer dans ces langues a été divisé, entre les générations nées dans les années 1930 et celles nées dans les années 1980, par deux pour le basque, par trois pour l’alsacien, par dix pour le breton.
Se priver de cet apprentissage, c’est se priver d’un potentiel de compétences. La compréhension d’une langue rend plus aisé l’apprentissage d’une deuxième, puis d’une troisième langue. Pour ce qui est de la maîtrise du français, toutes les études démontrent sans ambiguïté que l’apprentissage de la langue officielle de notre République est conforté par celui d’autres langues. Une politique volontariste pour l’enseignement des langues régionales est incontournable pour les sauvegarder, de même que le développement de leur usage dans notre vie de tous les jours. C’est pourquoi nous proposons avec ce texte de construire un socle juridique sans ambiguïté qui permette, à chacun dans son rôle, de promouvoir l’usage des langues régionales. Ce socle s’appuie sur le préalable de la maîtrise de la langue française, fixé par notre cadre constitutionnel et législatif.
Tout au long de cette législature, nous avons saisi plusieurs occasions de progresser. La loi du 8 juillet 2013 pour la refondation de l’école de la République, dite loi Peillon, et la loi du 7 août 2015 portant nouvelle organisation territoriale de la République – loi NOTRe – ont permis de poser des jalons. La loi proposée aujourd’hui permettra une nouvelle avancée pour donner aux langues régionales de notre pays les moyens de ne pas s’éteindre. Poursuivant les travaux engagés notamment par notre collègue Paul Molac qui avait présenté, en décembre 2015, une proposition de loi incluant des articles qui ne faisaient pas consensus, le texte que je rapporte aujourd’hui est un texte d’équilibre. Ainsi, avant d’entrer dans le détail, je veux souligner que son contenu a été travaillé en amont avec de nombreux députés du groupe socialiste, écologiste et républicain. Il a également été enrichi des travaux du groupe d’études transpartisan de l’Assemblée nationale sur les langues régionales. Beaucoup de députés ont aussi consulté les représentants des associations dans leurs circonscriptions. C’est à la lumière de ces contributions que nous avons préparé ce texte qui a, en amont, écarté les principaux points de blocage.
M. Marc Le Fur (LR). C’est vrai qu’il ne reste plus grand-chose !
Mme Annie Le Houerou (PS), rapporteure. Notre objectif partagé était d’aboutir à un texte d’équilibre, néanmoins ambitieux. Cette proposition de loi a fédéré près de 150 cosignataires ; je souhaite désormais qu’elle obtienne le soutien de la très large majorité de notre hémicycle et ce, au-delà des clivages politiques traditionnels. L’examen des amendements déposés démontre que les soutiens comme les oppositions émanent de familles politiques différentes.
Je veux souligner que l’éducation est le vecteur essentiel du développement des langues régionales. Des obstacles demeurent pourtant en matière d’enseignement, alors que les familles sont de plus en plus nombreuses à solliciter cet apprentissage. Les difficultés d’accès à cet enseignement ont d’ailleurs tendance à s’aggraver au fil de la scolarité, comme en témoigne la faible proportion d’élèves obtenant la mention « langue régionale » au diplôme national du brevet des collèges : 9 % des collégiens étudient le corse, 5 % l’occitan, 4 % le breton, 1 % l’alsacien !
Le deuxième obstacle est lié aux horaires actuels d’enseignement de l’option « langue régionale », qui ne permettent pas de fournir les deux heures trente à trois heures jugées comme le temps minimal pour une sensibilisation linguistique efficace. C’est pourquoi l’article 1er de la proposition de loi reprend la solution expérimentée avec succès en Corse depuis la loi du 22 janvier 2002. Amendé afin de maintenir la rédaction existante pour la Corse, l’article étend ce dispositif dans le cadre de conventions entre l’État et les régions, y compris bien évidemment les collectivités d’outre-mer visées à l’article 73 de la Constitution. Cette disposition permet d’intégrer les cours de langue régionale dans les horaires normaux, non seulement des écoles, comme c’est le cas en Corse, mais aussi des collèges et des lycées. Ces cours systématiquement proposés – je tiens à le souligner – demeureront bien sûr au libre choix des familles. Les conventions prévues entre les régions et l’État définiront d’une part, le territoire où cette offre d’enseignement pourra être intensifiée et, d’autre part, les modalités pratiques de cette action. C’est une solution de souplesse qui permettra d’adapter la cartographie de l’enseignement aux besoins, et laissera le temps à l’État de déployer les indispensables moyens nouveaux, notamment les enseignants.
Le troisième obstacle au niveau éducatif concerne un type d’enseignement d’une efficacité exceptionnelle, non seulement pour l’acquisition des langues régionales, mais aussi pour la maîtrise du français et du socle commun. Certains établissements proposent un enseignement bilingue, dit immersif. Le succès de ces établissements est remarquable tant pour la maîtrise d’un français irréprochable que pour celle des langues régionales. Les écoles Diwan en Bretagne, par exemple, alors que la composition sociologique y est proche de celle de la moyenne des établissements publics de leur région, affichent des résultats supérieurs de près de 10 % aux moyennes nationales, s’agissant tant de la maîtrise du français mesurée en CM2 que des taux de réussite au brevet et au baccalauréat. Le Conseil d’État a malheureusement freiné cette méthode en invoquant, en 2002, la nécessité de respecter une stricte parité entre le français et la langue régionale. Ce concept n’a aucun fondement pédagogique. Cette décision du Conseil d’État compromet l’enseignement immersif alors que celui-ci a fait ses preuves sans compromettre aucunement la bonne maîtrise de la langue française. Pour rassurer les uns et les autres, l’article 2 de notre proposition de loi rappelle que ce mode d’enseignement s’effectue dans le respect des objectifs de maîtrise du français fixés par le code de l’éducation.
S’agissant de la présence des langues régionales dans la vie quotidienne, l’article 4 permet aux régions volontaires d’homogénéiser des pratiques aujourd’hui très disparates. Il vise en effet à généraliser, dans leur bassin d’usage, les traductions en langue régionale des signalétiques des voies et des bâtiments publics, ainsi que des principaux supports de communication institutionnelle des services publics.
Enfin, les médias jouent un rôle incontournable dans la diffusion des pratiques linguistiques. Le dernier volet de cette proposition de loi leur est consacré. L’article 5 répare une injustice, qui fait que certaines publications ou sites internet d’information sont aujourd’hui exclus de certaines aides publiques au seul motif qu’ils sont rédigés en langue régionale, pourtant reconnue comme patrimoine de la France par la Constitution. Les articles 6 et 7 traitent de la présence des langues régionales dans l’audiovisuel. Nous proposons, à l’article 6, de confier au Conseil supérieur de l’audiovisuel, le CSA, une nouvelle mission : celle de veiller à la promotion des langues et cultures régionales. Quant à l’article 7, il donne une priorité dans l’attribution des fréquences radio locales aux éditeurs qui émettent en langue régionale. Participer à la sauvegarde d’un patrimoine protégé par la Constitution me semble justifier aisément l’attribution d’au moins une fréquence dans les bassins d’usage de ces langues.
Avant de conclure, je voulais saluer tous ceux qui, sur nos territoires, agissent au quotidien pour la promotion et la transmission des langues régionales, en particulier les enseignants et les professionnels qui assurent cette transmission des savoirs. Je pense notamment aux offices des langues régionales qui font ce travail de promotion indispensable. Je rends hommage également à Armand Jung, qui présidait le groupe d’études de l’Assemblée nationale, et à Jean-Jacques Urvoas, qui en 2012 écrivaient : « Les pouvoirs publics de notre pays sont redevables devant les générations futures de [la] préservation et de [la] pérennisation [des langues régionales]. Car elles contribuent à la richesse de notre Nation, et nul n’a le droit, par indifférence ou hostilité, de laisser se perdre tout ou partie de ce patrimoine inestimable. »
Pour terminer, je voudrais une nouvelle fois citer le chanteur breton Denez Prigent : « Les cultures, les langues, les traditions des peuples sont comme les plantes d’un même jardin, toutes différentes, mais poussant dans un même terreau, d’où l’importance pour chacun de défendre ses racines contre l’uniformisation grandissante du monde qui voudrait faire de ce jardin merveilleux un grand champ aux épis identiques. » (Applaudissements sur de très nombreux bancs du groupe socialiste, écologiste et républicain.)
Mme la présidente. La parole est à Mme la secrétaire d’État chargée des collectivités territoriales.
Mme Estelle Grelier (PS), secrétaire d’État chargée des collectivités territoriales. Madame la présidente, madame la rapporteure, mesdames et messieurs les députés, les langues régionales font partie de notre patrimoine. Comme vient de le souligner Mme la rapporteure, elles sont constitutives de la richesse culturelle de notre pays. C’est un héritage vivant et présent, et c’est bien ainsi qu’elles ont été envisagées dans notre politique, tant par le ministère de l’éducation nationale, de l’enseignement supérieur et de la recherche que par celui de la culture et de la communication. Je commencerai mon propos par les aspects de la proposition de loi relevant du ministère de la culture et de la communication : la presse et l’audiovisuel.
Pour ce qui est de la presse, la proposition de loi prévoit dans son article 5 que les aides directes et indirectes sont accordées par l’État aux publications et sites internet d’information rédigés en langue régionale au même titre qu’aux publications et sites rédigés en langue française. Je note que plusieurs amendements de suppression, venus de tous les bancs de l’Assemblée, ont été déposés, invoquant le caractère trop vague de cette disposition et son coût pour les finances publiques. Sans nécessairement partager ces arguments, je veux rappeler que le critère de la langue n’est pas un obstacle pour le bénéfice de toutes les aides indirectes à la presse, qu’il s’agisse de la TVA réduite ou du tarif postal réduit pour la presse imprimée. À titre d’exemple, on notera qu’à l’heure actuelle, quarante-cinq publications en langues régionales, imprimées ou numériques, bénéficient déjà de ces aides. S’agissant des aides directes, la plupart sont accordées aussi bien aux publications et sites de presse rédigés dans une langue régionale en usage en France qu’à ceux rédigés en français. La généralisation de l’octroi des aides directes aux publications et sites en langue régionale ne s’oppose à aucune règle de principe, et la mesure proposée, ainsi que je viens de l’indiquer, est déjà largement satisfaite. Il ne paraît donc pas nécessaire de l’inscrire dans la loi.
J’en viens à l’audiovisuel. Les sociétés nationales de programmes assurent la promotion de langues régionales. Dans son article 43-11, la loi du 30 septembre 1986 relative à la liberté de communication, qui fixe les missions générales des organismes de l’audiovisuel public, dispose en effet que ces derniers assurent la promotion de la langue française et, le cas échéant, des langues régionales, et mettent en valeur la diversité du patrimoine culturel et linguistique de la France. Le législateur a déjà assigné de manière spécifique des missions en ce domaine à France 3 et à Radio France. L’article 44 de la loi de 1986 prévoit en effet que France Télévisions conçoit et diffuse en régions, sur France 3, des programmes qui contribuent à la connaissance et au rayonnement de ces territoires et, le cas échéant, à l’expression des langues régionales. Il prévoit également que Radio France favorise l’expression régionale sur ses antennes décentralisées du réseau France Bleu. Par ailleurs, la ministre de la culture et de la communication, Audrey Azoulay, et le Gouvernement sont favorables à l’article 6 de la proposition de loi, qui élargit les compétences du CSA à la promotion des langues et des cultures régionales.
En revanche, l’article 7, qui vise à ce que, dans les territoires où sont pratiquées des langues régionales, le Conseil supérieur de l’audiovisuel veille à ce qu’une ou plusieurs fréquences soient attribuées à des candidats proposant la diffusion de services de radio en langue régionale, soulève une difficulté rédactionnelle. En effet, il pourrait être interprété comme imposant au CSA d’autoriser, lors de chaque appel à candidatures, des services de radio en langue régionale, indépendamment de la prise en compte de l’existence de tels services dans ces territoires. Le Gouvernement aurait privilégié un dispositif imposant au CSA de tenir compte, parmi les critères d’autorisation des services radiophoniques, des engagements des candidats en matière de diffusion de programmes en langues régionales. Il regrette que cette proposition n’ait pas été retenue.
J’en viens maintenant aux aspects relevant de notre politique éducative. Loin d’avoir été oubliées ou remises en cause par la carte de refondation de l’école, portée par le Gouvernement, les langues régionales ont reçu, avec celle-ci, une impulsion décisive. La refondation de l’école ne remet pas en cause les dispositions de la circulaire du 5 septembre 2001 relative au développement de l’enseignement des langues et cultures régionales à l’école, au collège et au lycée, pas plus que celles de l’arrêté du 12 avril 2013. Elle garantit donc l’existence des sections bilingues de langue régionale, des dispositifs bilangues de continuité en classe de sixième et, dans cette même classe, des enseignements d’initiation ou de sensibilisation. Enfin, elle étend aux enseignants du second degré la possibilité jusqu’alors réservée aux enseignants du primaire de recourir ponctuellement aux langues et aux cultures régionales dans leurs enseignements – une possibilité qui concerne, dans le second degré, l’ensemble des disciplines.
Mais le ministère de l’éducation nationale ne s’est pas contenté, ce qui était déjà important, de conserver ces acquis. La refondation de l’école offre aux langues régionales la possibilité de se développer encore davantage, et ce de façon très concrète. La refondation permet ainsi de recourir aux langues et aux cultures régionales pour l’acquisition du socle commun de connaissances, de compétences et de culture. Elle favorise l’apprentissage complémentaire d’une langue régionale à l’école primaire, en inscrivant l’enseignement bilingue dans la loi, et donne la possibilité d’y accéder dès la maternelle. Et parce qu’une langue n’est jamais indépendante de la culture dans laquelle elle s’inscrit, le Gouvernement, par la voix de sa ministre de l’éducation nationale, a tenu à ce que les collectivités territoriales puissent organiser des activités éducatives et culturelles complémentaires portant sur les langues et cultures régionales.
Avec la réforme des rythmes scolaires, le temps périscolaire offre ainsi un cadre propice au développement d’activités éducatives et culturelles complémentaires de sensibilisation aux langues et aux cultures régionales, en lien, par exemple, avec des associations locales bénéficiant d’un agrément pour intervenir en milieu scolaire. Ces actions, je tiens à le souligner, s’ajoutent à la place déjà occupée dans le temps scolaire par l’enseignement des langues régionales. Cette valorisation est aussi à l’œuvre dans la réforme du collège, et notamment dans le cadre des nouveaux programmes. Je sais que c’est un point sur lequel vous teniez à avoir des éclaircissements, que je suis heureuse de pouvoir vous fournir, au nom de la ministre de l’éducation. Le temps consacré à un enseignement est important pour l’efficacité de celui-ci. De fait, la réforme du collège prévoit une augmentation du nombre d’heures d’enseignement d’une langue régionale choisie comme deuxième langue vivante – LV2. En effet, son apprentissage débutera en cinquième, et non plus en quatrième, et il y aura, pour les professeurs, sept heures et demie d’enseignement, contre six actuellement.
Parallèlement, il est créé un enseignement de complément de langue et culture régionale, d’une heure en classe de cinquième et de deux heures en classe de quatrième et de troisième. Les collégiens peuvent ainsi toujours apprendre la langue avec une continuité réelle au sein du cycle. Et parce que les langues régionales sont une véritable richesse pour nos élèves, un thème « langues et cultures régionales » a été défini dans les enseignements pratiques interdisciplinaires, auquel la grande majorité des collégiens pourront avoir accès. La carte des langues, quant à elle, instaure une continuité de l’offre entre le primaire et le collège, qui faisait parfois défaut. Cette carte profite ainsi à l’apprentissage des langues régionales et permet de flécher un certain nombre de postes de professeurs, afin de mieux répartir l’offre au sein des académies. Nous avons aussi développé une communication à l’échelle nationale, pour mettre en valeur l’apprentissage et l’enseignement des langues et cultures régionales dans l’école de la République. Le ministère a réalisé et diffusé, à la fin de l’année 2013, une brochure d’information à destination du grand public pour expliquer et mettre en valeur les possibilités et l’intérêt d’apprendre à l’école les langues et cultures régionales.
Dans le cadre de la mise en place d’une politique linguistique cohérente et diversifiée, nos langues régionales, vous le voyez, ne sont pas oubliées, que ce soit au niveau national, bien sûr, ou au niveau académique. En effet, sur le plan académique, des politiques volontaristes de soutien, de valorisation, de développement de l’apprentissage des langues et cultures régionales sont mises en place. Les académies concernées, à partir de l’ensemble des dispositions récentes, et dans le cadre de la réflexion menée en Conseil académique des langues régionales, développent des politiques volontaristes de soutien. Ce sont, par exemple, des dispositions ayant pour objet de repérer et former des étudiants afin qu’ils puissent enseigner en langue régionale, des actions de formation continue, ou une prise en compte améliorée de la continuité des parcours des élèves dans l’offre de formation et la carte scolaire. Les académies, à l’appui de cette politique, renouvellent des conventionnements ou, selon les cas, s’engagent dans de nouveaux conventionnements avec les collectivités territoriales. Une convention est ainsi en cours d’élaboration en faveur de l’enseignement des langues et cultures occitanes entre l’État, les régions Nouvelle-Aquitaine et Occitanie, et le tout nouvel Office public de la langue occitane, qui est un groupement d’intérêt public réunissant l’État et les régions.
Je n’ignore pas, bien sûr, qu’il existe encore nombre de difficultés : des politiques académiques trop hétérogènes, des moyens, qui, pour être en progression, demeurent parfois limités, enfin, une formation que nous devons encore améliorer. Mais sur un tel sujet, si profondément lié à la diversité de nos régions et de nos territoires, il est important de partir du terrain. Nous n’avancerons pas en nous appuyant sur de grandes directives venues d’en haut, mais en fondant notre action sur le dialogue et la concertation avec l’ensemble des acteurs concernés. C’est d’ailleurs par le dialogue et la concertation que les services du ministère de l’éducation nationale travaillent actuellement sur une agrégation des langues de France, qui inclura différentes mentions. Ce travail, encore en cours, devrait aboutir pour une première session en 2018 ; il témoigne de la place et de l’importance que nous accordons aux langues régionales dans notre système éducatif. L’engagement de l’État dans son ensemble est donc entier en matière de promotion des langues régionales. En fait d’enseignement, la loi est allée jusqu’au bout de ce qu’il était permis de faire, notamment au regard de la Constitution.
Je veux en effet souligner qu’en l’état, la rédaction de l’article 2 fait encourir un risque d’inconstitutionnalité à cette proposition de loi. En allant au-delà de la parité horaire, le texte vise à reconnaître un enseignement dit « immersif » des langues régionales. Or, le Conseil constitutionnel a déjà eu l’occasion de se prononcer sur l’enseignement par immersion, en se fondant sur le premier alinéa de l’article 2 de la Constitution, qui proclame que « la langue de la République est le français ». Il a rappelé sa jurisprudence constante selon laquelle l’usage du français s’impose aux personnes morales de droit public et aux personnes de droit privé dans l’exercice d’une mission de service public ; les particuliers ne peuvent se prévaloir, dans leurs relations avec les administrations et les services publics, d’un droit à l’usage d’une langue autre que le français, ni être contraints à un tel usage. Le Conseil d’État a ainsi annulé l’arrêté du 31 juillet 2001 relatif à l’enseignement des langues régionales à parité horaire, en s’appuyant sur les conclusions du commissaire du Gouvernement, qui estimait que l’enseignement à parité horaire en langue française et en langue régionale était, je le cite, « la limite extrême de ce qui peut être fait dans le service public ». Le commissaire du Gouvernement soulignait aussi la « nécessaire primauté du français » qui doit, en tout état de cause, demeurer la langue de vie exclusive de l’établissement.
C’est en gardant cette décision en mémoire que le législateur a modifié l’article L. 312-10 du code de l’éducation par le I de l’article 40 de la loi du 8 juillet 2013, pour préciser que l’enseignement facultatif de langue et culture régionales peut être proposé sous la forme d’un « enseignement bilingue en langue française et en langue régionale ». C’est pourquoi il me semble qu’en matière législative, il faut s’en tenir là. Nous avons à notre disposition de nombreux leviers, aux niveaux local et national, pour développer encore l’enseignement des langues régionales, et un grand nombre de dispositifs existent déjà – je les ai rappelés – pour soutenir les publications rédigées dans ces langues. C’est à partir de ces dispositifs et de ces leviers qu’il faut agir, et c’est en nous appuyant sur l’existant que nous avons la possibilité de continuer à avancer dans ce domaine. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, écologiste et républicain et du groupe de la Gauche démocrate et républicaine.)
Motion de renvoi en commission
Mme la présidente. Monsieur Le Fur m’ayant prévenue que la motion de rejet préalable ne serait pas défendue, je vous informe que j’ai reçu de M. Christian Jacob et des membres du groupe Les Républicains une motion de renvoi en commission, déposée en application de l’article 91, alinéa 6, du règlement.
La parole est à M. Marc Le Fur.
M. Thierry Benoit (Radical centriste). Vive la Bretagne !
M. Marc Le Fur (LR). Madame la présidente, madame la secrétaire d’État, madame la rapporteure, mes chers collègues, toute avancée, fût-elle extrêmement limitée, comme c’est le cas en l’espèce, est bonne à prendre. Je voterai donc cette proposition de loi, mais avouez qu’elle se caractérise par son opportunisme et sa faiblesse. La faiblesse, vous en êtes les premiers conscients, et on aura l’occasion de le démontrer. Votre proposition de loi n’est pas à la hauteur des ambitions légitimes et désormais urgentes du monde des langues régionales. Admettons que ce texte soit adopté ; que les choses soient bien claires pour tous nos interlocuteurs : rien ne changera !
Mais la faiblesse de ce texte, c’est aussi son opportunisme. En effet, quel est le calendrier, mes chers collègues ? Nous sommes à quatre-vingt-dix jours de la fin de la session, et c’est le moment que vous choisissez pour aborder le sujet des langues régionales, en sachant pertinemment que le temps est très court…
M. Thierry Benoit (Radical centriste). Il est compté !
M. Marc Le Fur. …et que le texte qui nous est proposé a toutes chances de ne pas aller au terme de la navette parlementaire.
M. Thierry Benoit (Radical centriste). Le balancier est en marche !
M. Marc Le Fur (LR). Vous êtes dans la situation des élèves médiocres qui, à la veille des examens, se disent qu’il est temps de se mettre au travail. Ce choix du dernier moment pour relancer la question des langues régionales est la preuve implicite que vous avez compris que vous avez déçu. Ce constat, vous le faites implicitement mais clairement : durant ces cinq ans, vous n’avez rien fait, ou presque, pour améliorer la situation de nos langues régionales ; je le répète, vous avez déçu. La déception est d’autant plus forte qu’il vous suffisait de vous engager sur les pas qui avaient été empruntés lors la législature précédente. Permettez-moi de rappeler les choses, même si je suis convaincu que certains s’en souviennent.
M. Thierry Benoit. Tout à fait !
M. Marc Le Fur. Thierry Benoit en particulier !
M. Thierry Benoit (Radical centriste). Nous étions là !
M. Marc Le Fur (LR). Permettez-moi de vous rappeler que, lors de la précédente législature, nous avions introduit dans la Constitution une disposition reconnaissant les langues régionales : l’article 75-1 dispose en effet que « Les langues régionales appartiennent au patrimoine de la France. » Tout se présentait sous les meilleurs auspices. Forts de ce dispositif, on pouvait nourrir quelques espérances.
M. Thierry Benoit (Radical centriste). Oui !
M. Marc Le Fur (LR). Le candidat François Hollande s’était engagé – pour être tout à fait précis, c’était son engagement no 56 – à faire ratifier la charte européenne des langues régionales ou minoritaires.
M. Jean-Luc Laurent (PS). Hélas !
M. Marc Le Fur. Que ne l’avez-vous fait ? (Exclamations sur plusieurs bancs du groupe socialiste, écologiste et républicain.) Vous avez d’autant plus déçu que vous disposiez, au début de votre mandat, pendant trois ans, de la majorité à l’Assemblée nationale et au Sénat. Que ne l’avez-vous fait ?
M. François Pupponi (PS). Il faut nous réélire pour cinq ans afin que nous le fassions ! (Sourires.)
M. Marc Le Fur (LR). Sur ce sujet comme sur d’autres, une impression de gâchis domine le terme de ce mandat. Vous avez déçu sur le sujet linguistique, mais vous avez aussi déçu dans d’autres domaines qui comptent pour nos identités régionales. Je sais que le terme d’ « identité » est susceptible de vous effrayer, mais il n’en reste pas moins que vous avez déçu, en particulier en Bretagne et en Alsace, quant à la réorganisation de nos régions.
M. Frédéric Reiss (LR). Tout à fait !
M. Thierry Benoit (Radical centriste). Ah, cette nouvelle carte des régions !
M. Marc Le Fur (LR). L’Alsace, qui était naguère une région à part entière, chers amis alsaciens Sturni et Reiss, a été intégrée dans une vaste région, où elle ne se reconnaît pas. J’en viens à la Bretagne. Avec Thierry Benoit et bien d’autres, nous sommes allés à Nantes à plusieurs reprises pour dire notre attachement à la Bretagne à cinq. Là aussi, nous avions espéré, là aussi, nous avons été déçus.
Vous avez, j’y insiste, déçu sur les langues régionales. Soyez convaincus, mes chers collègues, que la question des langues régionales ne concerne pas que les locuteurs de ces langues, mais aussi beaucoup de gens qui ont oublié, perdu leur langue régionale, dont les parents parlaient ces langues, et qui gardent, à l’égard de celles-ci – cela vaut pour l’occitan, le breton et bien d’autres langues – un lien affectif. Ils ont des attentes sur ce sujet même si, de fait, ce ne sont pas des locuteurs quotidiens. Cela fait partie de leur identité, de leur personnalité, et cela compte pour eux. Ce n’est pas l’expression d’une quelconque nostalgie. Je pense à des jeunes Bretons qui, souvent, vont loin, aux États-Unis, au Canada, qui s’ouvrent au monde sans hésitation, et qui, dans le même temps, sont attachés aux langues régionales. Ceux-là étaient par exemple rassemblés en plein New York pour un festival des Vieilles Charrues, qui a habituellement lieu à Carhaix mais qui, en l’occurrence, était délocalisé, le temps de quelques jours, au centre de Manhattan. Tous ces gens sont parfaitement intégrés ; ce n’est pas de la nostalgie, c’est de l’attachement, c’est une forme de compensation à la mondialisation. Vous avez déçu ces nombreux publics, en métropole, mais aussi outre-mer. De fait, n’oublions pas l’outre-mer, déçu, également, par votre politique.
En ce qui concerne le fameux engagement no 56 du candidat Hollande sur la ratification de la charte, tout le monde attendait une initiative gouvernementale. Elle n’est pas venue. À défaut, nous avons eu une proposition de loi constitutionnelle Le Roux-Urvoas, déposée tardivement. Mais ce texte était un artifice de communication, mes chers collègues.
M. Thierry Benoit. Comme sur bien d’autres sujets !
M. Marc Le Fur (LR). Pourquoi ? Parce que l’alinéa 2 de l’article 89 de la Constitution, qui définit la procédure de révision constitutionnelle, dispose que, si l’initiative est parlementaire, elle ne peut aboutir qu’au terme d’un référendum, ce qui était évidemment impossible.
C’est pour cela qu’il fallait une initiative gouvernementale : afin que que nous nous réunissions en Congrès à Versailles pour adopter la charte et lever les obstacles constitutionnels éventuels.
Mme Martine Lignières-Cassou (PS). Eh oui, mais le Sénat n’en a pas voulu ainsi !
M. Marc Le Fur (LR). Il n’y a pas eu d’initiative gouvernementale. Vous avez fait semblant ! Et en faisant semblant, vous discréditez la politique ! (Protestations sur les bancs du groupe socialiste, écologiste et républicain.) Agissez, ne faites pas semblant !
Pour sauver les apparences, à défaut de l’adoption de cette charte, vous voulez une loi, mais là encore en utilisant la voie parlementaire car sur ces affaires, le Gouvernement est gêné. Il n’y a toujours pas d’initiative gouvernementale – j’ai bien noté votre propos très en retrait sur ce texte, madame la secrétaire d’État. Il n’y a pas eu une seule initiative gouvernementale en cinq ans.
Avec M. Peillon, nous avons connu un ministre de l’éducation nationale clairement hostile à tout texte concernant les langues régionales. Il le disait et la logique jacobine qui l’animait l’y poussait. Aujourd’hui, nous avons, avec Mme Vallaud-Belkacem, un ministre pour le coup indifférent à l’égard de tout cela.
Je suis d’ailleurs surpris que ni le ministre de l’éducation nationale ni celui de la culture ne soient présents cet après-midi alors qu’il s’agit essentiellement d’éducation et de culture. Quel que soit le respect et l’amitié que j’ai pour vous, madame la secrétaire d’État – j’ai eu l’occasion de vous apprécier lors d’un de vos déplacements en Bretagne – il n’en demeure pas moins que les deux ministres compétents ne sont pas là. Indifférence, une fois de plus !
Le ministère de la culture est comme toujours dominé par un parisianisme patent et fait preuve d’une indifférence à l’égard des langues régionales qui confine au mépris pour ces cultures provinciales et populaires. Cette indifférence s’est manifestée encore récemment, le 16 novembre, lors du rejet de l’amendement de mon collègue de Mazières qui proposait simplement de rendre publique la répartition des crédits de la culture entre Paris et la province. Cette répartition relève certainement du secret défense ! Le Président de la République a révélé d’autres informations classées secret défense mais pas celle-là, vous l’avez remarqué. En tout état de cause, cela est une marque de mépris à l’égard de notre culture. Comme je l’ai déjà dit, la province appréciera !
À défaut de ratification de la charte, vous voulez passer par la voie parlementaire. Une occasion s’est présentée au travers de la proposition de loi de notre collègue Molac, dont chacun se souvient. Il s’agissait de poursuivre la logique de la réforme constitutionnelle. Je ne suis pas dans la posture : quand une initiative pour les langues régionales va dans le bon sens, j’y souscris sans réserve. Si un texte est bon, je le vote, peu importe qui a en été à l’initiative.
Je constate que cela n’a pas été le cas de la gauche en 2008, lorsqu’il fallait voter le nouvel article 75-1 de la Constitution énonçant que « les langues régionales appartiennent au patrimoine de la France ». La gauche a voté contre, à l’exception de Jack Lang et je tiens à lui rendre hommage.
M. Thierry Benoit (Radical centriste). C’est vrai.
M. Marc Le Fur (LR). J’ai regretté qu’à l’époque nous ne votions pas collectivement cette disposition en faveur des langues régionales.
La proposition de loi de M. Molac était intéressante, je l’ai dit dès l’origine. Nous l’avions enrichie par le biais d’une série d’amendements qui avaient tous été adoptés – dont cinq à mon initiative. Tout se passait bien dans l’hémicycle.
M. Thierry Benoit. Trop bien !
M. Marc Le Fur. Trop bien en effet. C’était le 14 janvier 2016 : certains s’en souviennent, mon collègue Lurton était là également. Or voilà qu’à minuit, lors du vote final, le vote devient défavorable : vous avez utilisé un artifice de procédure en faisant voter sinon les morts, du moins les députés absents ce soir-là pour cause de maladie ou de mission à l’étranger ! Grâce à cela, vous avez évité – de votre point de vue – ou empêché – de notre point de vue – que la proposition Molac améliorée par Le Fur, si j’ose dire, ne soit adoptée.
Tout cela révèle l’hostilité d’une fraction de votre famille politique – je veux bien admettre que ce ne soit pas le cas de tous – qui obéit à une logique jacobine, uniformisante, où tout ce qui peut ressembler à une forme d’identité régionale doit être combattu.
Le 14 janvier 2016, cela s’est passé à quatorze voix contre treize. Je le rappelle pour que les choses soient bien claires. Nous comptons en Bretagne vingt et un députés socialistes : aucun n’était présent ce soir-là pour nous apporter sa voix. Pardonnez-moi, madame la rapporteure, mais vous n’étiez pas là. Si vous et une autre députée socialiste de Bretagne aviez été là, le texte passait.
M. Thierry Benoit. Eh oui !
M. Marc Le Fur. Ceux qui en douteraient peuvent se reporter à l’analyse du scrutin no 1211 de la séance du 14 janvier 2016. Tout cela est public, notamment les noms de ceux qui ont voté pour et de ceux qui ont voté contre. Il est temps, mes chers collègues, de tirer un bilan de ce mandat.
Exit donc le pauvre Molac qui, en dépit d’un réel travail, n’a pas pu faire passer sa proposition de loi !
Vous revenez aujourd’hui avec un texte a minima parce qu’il faut sauver les soldats Le Houerou et Le Loch. Que chacun défende ses intérêts n’a rien d’illégitime au demeurant mais vous cherchez à les sauver à coups de faux-semblants !
Sur le fond, je vote toutes les évolutions qui vont dans le bon sens, fussent-elles très limitées, et ce d’autant plus que sur les articles 3, 5, 6 et 7 de votre proposition de loi je pourrais exercer mon droit d’auteur puisqu’ils sont la reprise, à la virgule près, de certains articles de ma proposition de 2011. Je ne me plains pas d’être pillé : je constate simplement que c’est le cas, sans demander de droits d’auteur !
Seulement ma proposition de loi était autrement plus riche, comptant une cinquantaine d’articles qui abordaient tous les sujets. Vous avez retenu les dispositions minimales de ce texte dans le seul objectif de pouvoir afficher une loi. Quitte à faire du copier-coller de textes des autres, vous auriez pu prendre les articles les plus ambitieux !
J’espère que nous allons utiliser cette proposition pour enrichir le débat. Nous proposerons de nombreux amendements ambitieux pour donner un tour concret à ce texte.
Il y a en effet une demande qui se manifeste dans plusieurs régions – je pense à la Flandre, cher collègue Decool, qui se bat depuis plusieurs années pour que le flamand occidental soit reconnu et enseigné. Je pense à la Corse chère à nos collègues Marcangeli, de Rocca Serra et Gandolfi-Scheit, au Pays basque, à l’Alsace, à l’Occitanie et bien sur à la Bretagne, chère Isabelle Le Callennec, chers collègues Lurton et Benoit.
M. Jean-Louis Bricout (PS). Et la Picardie ?
M. Marc Le Fur (LR). En Bretagne, on parle le breton mais également le gallo de Haute Bretagne, qui est enseigné dans certains collèges et fait l’objet d’une épreuve facultative du baccalauréat. Considéré comme langue en danger par l’UNESCO, le gallo conserve néanmoins un dynamisme certain et reprend même du poil de la bête, par le biais en particulier de manifestations, de spectacles, par l’humour et la fête auxquels on a su l’associer.
M. Thierry Benoit (Radical centriste). Tout à fait.
M. Marc Le Fur (LR). Toutes ces régions dans leur diversité aspirent à voir leurs langues et leurs cultures reconnues, protégées et renforcées.
Ce qu’il faut bien comprendre, c’est que ces préoccupations s’expriment très sereinement, chère collègue Annie Genevard, dans un cadre on ne peut plus républicain ! On peut être un bon Basque et un bon Français ; on peut être un bon Flamand et un bon Français ; on peut être un bon Occitan et un bon Français ; on peut être un bon Breton et un bon Français. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe Les Républicains.) Tout cela est très cohérent. Il faut le dire pour convaincre ceux qui, sur tous nos bancs, n’en sont pas encore convaincus.
Il ne faut pas oublier la répression dont les langues régionales ont été victimes, dans un passé qui n’est pas si lointain, en particulier le breton. Sous la IIIe République on appliquait la funeste règle de l’abbé Grégoire qui écrivait en 1793 « la réaction parle bas-breton ». Le breton a été combattu, les enfants qui le parlaient à l’école étaient sanctionnés. Vous l’avez dit avec beaucoup d’honnêteté, madame la rapporteure, cette répression était tellement intégrée que c’était les familles elles-mêmes, dont la fonction est pourtant de transmettre, qui combattaient sa transmission.
Le mouvement culturel breton fut lui aussi combattu et objet d’accusations sans aucun fondement à la suite de la Seconde guerre mondiale. C’était oublier qu’en juin 1940, un quart des marins et des soldats français ayant rejoint le général de Gaulle venaient de l’île de Sein qui se trouve à l’extrémité de la pointe la plus occidentale du pays. Si ces hommes ne maîtrisaient pas parfaitement les subtilités de la langue française, il n’en demeure pas moins qu’ils se sont battus pour la France.
Il a fallu attendre les années soixante pour que les pouvoirs publics sortent de cette logique de culpabilisation et de sanction. Les choses ont évolué sensiblement à la suite du discours tenu par le général de Gaulle à Quimper le 2 février 1969. Permettez-moi de citer le général citant son oncle, qui s’appelait lui-même Charles de Gaulle, était un celtisant érudit, très lourdement handicapé par ailleurs, et a passé sa vie à étudier la grammaire bretonne : « Va c’horf zo dalc’het, med daved hoc’h nij va spered, vel al labous, a denn askel, nij da gaout e vreudeur a bell. » Je traduis pour ceux qui n’auraient pas compris – il y en a certainement quelques-uns dans cet hémicycle – : « Mon corps est retenu mais mon esprit vole vers vous comme l’oiseau à tire d’aile vole vers ses frères qui sont loin. »
Je voudrais aussi saluer l’action qui a suivi en Bretagne, portée par diverses sensibilités politiques. Raymond Marcellin puis Yvon Bourges avaient parfaitement compris la nécessité de faire en sorte que la région Bretagne s’investisse sur cette question. Ils l’avaient compris également pour des raisons politiques : le mouvement culturel ne devait pas être capté par des gens qui pour le coup auraient pu être hostiles à la République. Ils ont su faire des choses, se battre. Cette politique volontariste a été poursuivie par Josselin de Rohan et l’est aujourd’hui par Jean-Yves Le Drian.
Concrètement quels sont les projets indispensables ? Comme toujours en matière de langues régionales, il convient d’aborder trois chapitres : l’enseignement, la signalétique, les médias.
S’agissant de l’enseignement, la situation a bien évolué. En Corse – je parle sous le contrôle de mon ami de Rocca Serra – un enseignement en langue régionale est proposé à plus de la moitié des enfants et plus de la moitié des enseignants sont corsophones. Au Pays Basque également les choses ont très sensiblement évolué : 40% des enfants suivent un cursus bilingue et l’immersion est pratiquée dès l’école maternelle, dans l’enseignement catholique en particulier. L’enseignement public a su rattraper son retard grâce à l’accord intervenu en 1994 sous le gouvernement d’Édouard Balladur et grâce à l’action de l’Office public de la langue basque, dont la création a été rendue possible alors que Nicolas Sarkozy était ministre de l’intérieur – François Fillon étant alors, je le rappelle, chère Annie Genevard, ministre de l’éducation. Je souhaiterais saluer l’action remarquable en matière d’immersion menée au Pays basque par Patrick Gérard, alors recteur de Bordeaux, et le président fondateur de l’Office public de la langue basque, mon ami Max Brisson.
Si, comme Mme la rapporteure l’a mis en évidence, le nombre de locuteurs des langues régionales décline, le nombre d’enfants, d’adolescents et d’étudiants qui les apprennent ne cesse de croître. Naguère essentiellement familiale, la transmission se fait de plus en plus par le système scolaire, d’où l’importance de l’enjeu éducatif. Comme vous le soulignez, madame la rapporteure, la vitalité d’une langue repose sur son apprentissage par les plus jeunes : ceux-ci doivent pouvoir l’apprendre à l’école si leurs parents le souhaitent.
Je voudrais insister sur le travail accompli par les réseaux associatifs tels que l’ABCM en Alsace, la Bressola pour le catalan, la Calandreta pour l’occitan, Seaska pour le basque et bien sûr Diwan en Bretagne qui a été et demeure pionnier en la matière.
Permettez-moi de citer quelques chiffres concernant la Bretagne publiés par l’Office public de la langue bretonne à propos des trois réseaux Diwan, Divyez et Dihun. Ces derniers ont accueilli plus de 17 000 élèves, 16 000 en Bretagne administrative mais aussi, j’y insiste, 1 000 en Loire-Atlantique qui, comme chacun sait, appartient à la Bretagne historique. Pour l’année scolaire 2016-2017, 679 inscriptions supplémentaires ont été enregistrées dans les filières bilingues. C’est dire si la demande est forte mais encore faut-il la satisfaire, madame la secrétaire d’État !
Derrière ces chiffres se cache toutefois une réalité plus contrastée. Si la création de nouvelles filières progresse en maternelle et en primaire, la situation est plus difficile dans le secondaire. Peu d’élèves rejoignent les collèges et encore moins, ensuite, rejoignent les lycées. C’est pourquoi avec mon collègue David Robo, conseiller régional et maire de Vannes, nous avons proposé au conseil régional de Bretagne de soutenir le projet de création d’un second lycée Diwan à Vannes, lequel viendrait rejoindre celui de Carhaix. La région Bretagne où nous sommes minoritaires – mais présents – a bien voulu reprendre ce projet dont nous espérons une réalisation rapide.
Quelques actions à mener pour combler notre retard.
Tout d’abord, la reconnaissance de l’immersion. Si ce texte était une occasion de progresser sur ce plan-là, ce serait très bien. De quoi s’agit-il ? D’une technique pédagogique permettant à des jeunes d’apprendre non seulement le français – qu’ils pratiquent très bien, les résultats l’attestent en particulier au lycée Diwan de Carhaix, lequel bat des records avec 100 % de reçus au bac chaque année – mais également la langue régionale et de la pratiquer dans des disciplines tierces, c’est-à-dire d’apprendre les mathématiques, la physique, l’histoire… dans cette langue-là. C’est là que cela se passe !
La pratique de l’immersion exige également que la langue régionale puisse être utilisée dans la vie sociale du lycée c’est-à-dire que les enfants, par exemple, puissent continuer à la pratiquer à la cantine. Voilà des choses très concrètes et très simples ! Aujourd’hui, de fait, la technique pédagogique de l’immersion est utilisée mais elle est aussi freinée par un certain nombre d’obstacles, dont ceux que multiplie le Conseil d’État, comme sur d’autres sujets.
Autre difficulté : l’absence de reconnaissance législative de l’immersion. Vous l’évoquez dans l’article 2, madame la rapporteure, mais je souhaiterais quant à moi que cela soit très explicite.
Autre obstacle en matière d’enseignement : la formation des enseignants, des maîtres. Le problème est réel. Des jeunes apprennent les langues régionales mais l’enseignement de la physique, des mathématiques, de l’histoire, que sais-je encore, dans ces langues, vous le savez bien, cher collègue Herth, impliquent une double maîtrise, celle de la langue régionale et celle de la discipline enseignée.
Voilà autant de progrès possibles qui ne figurent absolument pas dans votre proposition de loi, ma chère collègue, mais j’espère que la discussion des amendements nous permettra d’avancer.
Après l’enseignement, la signalétique. Vous l’évoquez à demi-mot mais il faut que les choses soient très claires ! Nous avons beaucoup progressé sur ce plan-là, par exemple en Bretagne, où les noms français et breton figurent sur les panneaux. Dans toute la zone bretonnante, il n’y a pas beaucoup de problème de ce point de vue… sauf sur les routes nationales, où il n’est toujours pas possible de procéder ainsi. Or, dès que la région le demande, il conviendrait que ces routes, comme les autres – départementales ou communales – puissent bénéficier d’une signalétique dans la langue régionale du lieu.
Et enfin, les médias. Les associations de locuteurs nous demandent de faire des efforts dans ce domaine : sous-titrages, présence dans les radios et télévisions… Nous devons dire très clairement que le service public de l’audiovisuel doit exercer ses responsabilités au quotidien pour la promotion et la défense des langues régionales. Elles doivent être utilisées non de façon annexe mais dans des émissions d’information, culturelles, sportives, éducatives. Cela ne figure pas du tout dans votre texte mais il faut aussi que nous disions très clairement que l’une des missions du CSA est d’éviter toute discrimination à l’encontre des langues régionales.
Pourquoi donc défendre un renvoi en commission, mes chers collègues ? Parce que la commission doit améliorer très sensiblement ce texte. Parce que celui-ci ne va pas assez loin et que le président Le Roux – qui dispose encore aujourd’hui d’un poids politique réel – aurait pu faire en sorte qu’il soit plus riche en s’inspirant très clairement des dispositions de la proposition de loi Molac, si possible améliorées par les amendements que j’avais pu faire passer lors du débat sur ce texte. Cela constituait une base de travail intéressante et c’est ce que je vous propose de faire en renvoyant cette proposition en commission.
Vous auriez pu également apporter des garanties pour un certain nombre de secteurs dont il n’est pas du tout question dans cette proposition. Un certain nombre de réseaux, dont le réseau Divskouarn – « deux oreilles » –, en Bretagne, font en sorte que de très jeunes enfants, dès la crèche, puissent entendre la langue régionale. Il n’est pas question de la maîtriser à ce stade, bien sûr, mais ils doivent au moins pouvoir l’entendre de manière à ce qu’elle fasse partie de leur univers. De tels réseaux ont à un moment été gênés, embêtés par les caisses d’allocations familiales, lesquelles financent ces crèches. Aujourd’hui, soyons honnêtes, les choses s’améliorent un peu dans la pratique mais à une certaine époque il a fallu surmonter des difficultés. Là encore, nous aurions pu très clairement garantir un certain nombre de droits.
Enfin, vous auriez pu reconnaître la place et le rôle spécifiques des associations ayant pour objet la défense et la promotion des langues régionales, notamment en leur donnant la capacité d’ester en justice pour lutter contre les discriminations dont leurs locuteurs sont parfois victimes. Je suis très surpris, madame la rapporteure, qu’il n’y ait pas un mot dans cette proposition de loi sur tout ce réseau associatif extrêmement riche – et cela vaut pour toutes les régions dans lesquelles ces associations se battent, s’investissent, consacrent du temps aux langues régionales. Je crois que nous aurions pu tous ensemble progresser sereinement pour enrichir ce texte.
Pour toutes ces raisons, j’estime qu’un renvoi en commission est nécessaire. Sachez toutefois que je ne suis pas dans une logique de posture (Exclamations et rires sur les bancs du groupe socialiste, écologiste et républicain)…
M. Thierry Benoit (Radical centriste). Jamais !
M. Marc Le Fur (LR). …et si cette motion devait être rejetée, je voterais cette proposition de loi en dépit de son caractère opportuniste, limité et quelque peu hypocrite. Je considère en effet que ce débat doit permettre de saisir toutes les avancées, fussent-elles a minima, comme c’est le cas.
En tout cas, la France est fière de sa culture, de Paris, de son rayonnement international, mais elle doit l’être aussi de ses cultures, de ses racines, de sa diversité. En son cœur, au-delà du périphérique, se trouvent des régions, des cultures, des cultures populaires qui, longtemps, se sont senties méprisées et qui maintenant veulent prendre leur place. Sachons faire en sorte que cela soit le cas. Elles ne demandent pas une place excessive mais elles demandent une place malgré tout. C’est de cela dont il s’agit ! Sachons à notre façon les reconnaître et les reconnaître dans la loi ! (Applaudissements sur de très nombreuxbancs du groupe Les Républicains et du groupe de l’Union des démocrates et indépendants.)
M. Thierry Benoit. Très bien !
Mme la présidente. Je suis saisie de plusieurs demandes d’explication de vote sur cette motion de renvoi en commission.
La parole est à Mme Marie-George Buffet, pour le groupe de la Gauche démocrate et républicaine
Mme Marie-George Buffet (PCF). Nous ne comprenons pas très bien…
M. Thierry Benoit (Radical centriste). Mais si !
Mme Marie-George Buffet (PCF). …le sens de ce renvoi en commission. M. Le Fur nous parle de faux-semblants, d’une proposition de loi opportuniste, limitée, puis il nous dit ensuite qu’il la votera et il nous explique qu’on lui a volé ses idées. Est-ce donc une proposition de loi opportuniste, limitée, etc. ou est-ce une bonne base, équilibrée, pour discuter de la promotion des langues régionales ?
J’ai simplement envie de dire, chers collègues, qu’il faut nous mettre au travail. Vous allez faire des propositions, vous allez défendre des amendements, ne tardons plus ! Nous nous opposons donc à cette motion de renvoi en commission. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, écologiste et républicain.)
Mme la présidente. La parole est à M. Jacques Cresta, pour le groupe socialiste, écologiste et républicain.
M. Jacques Cresta (PS). M. Le Fur est monté à la tribune pour un renvoi en commission qui a finalement relevé aussi de la motion de rejet préalable et de la discussion générale…
M. Frédéric Reiss (LR). Il a surtout rappelé quelques vérités !
M. Jacques Cresta (PS). …et sa prestation fut surtout… séduisante.
M. Thierry Benoit (Radical centriste). C’est un excellent orateur !
M. Jacques Cresta (PS). Il a fait preuve de beaucoup de talent et de conviction mais nous nous demandons pourquoi tant de brio ce soir alors que nous aurions aimé, monsieur le Fur, que ce talent, cette force de conviction aient été employés à convaincre vos collègues du Sénat de ratifier la charte européenne des langues régionales.
M. Jean-Marc Fournel (PS). Eh oui !
M. Jacques Cresta. J’ai même cru comprendre à un moment votre regret que le Sénat ne soit pas resté à gauche. (Sourires.)
M. Marc Le Fur (LR). Il l’a été pendant trois ans !
M. Jacques Cresta (PS). Je connais votre force de conviction mais il serait schizophrénique, monsieur le Fur, qu’après avoir déposé quarante amendements vous œuvriez pour qu’ils ne soient pas discutés. Nous allons donc faire en sorte que vous les défendiez et lorsque cette proposition de loi sera adoptée, je sais que nous pourrons compter sur vos capacités et votre force de conviction pour convaincre vos collègues du Sénat de l’inscrire à l’ordre du jour.
Le groupe socialiste, écologiste et républicain votera contre cette motion.
(La motion de renvoi en commission, mise aux voix, n’est pas adoptée.)
Discussion générale
Mme la présidente. Dans la discussion générale, la parole est à Mme Marie-George Buffet.
Mme Marie-George Buffet (PCF). Madame la secrétaire d’État, madame la rapporteure, chers collègues, nous débattons à nouveau d’un texte sur la promotion des langues régionales. Ce n’est pas la première fois, en effet, que ce sujet important fait l’objet des travaux de notre Assemblée sans pour autant déboucher sur des décisions, il faut le reconnaître.
Le 14 janvier 2016, notre Assemblée n’avait pas adopté la proposition de loi déposée par notre collègue Molac, laquelle l’avait été par notre commission après avoir été amendée. Ce texte concernait essentiellement l’enseignement immersif et la promotion des langues régionales dans l’espace public. Nous avions émis des réserves sur cette proposition car elle était à la fois peu précise sur la question de la promotion des langues régionales dans les médias et contraignante pour les actes administratifs ; elle devait de surcroît être obligatoirement utilisée par les fonctionnaires dans l’exercice de leur fonction, mesure que nous ne pouvions approuver, attachés que nous sommes au statut et au rôle de la fonction publique au service de tous nos compatriotes.
En octobre 2015, le rejet par le Sénat du projet de loi gouvernemental autorisant la France, avec ses conditions, à ratifier la charte européenne des langues régionales a isolé notre pays. J’espère que le processus législatif conduisant à la ratification de cette charte sera un jour repris et qu’il ira au bout, témoignant ainsi de l’attachement de notre République à son patrimoine.
C’est le fondement de l’engagement de notre groupe des députés du Front de gauche en faveur de la promotion des langues régionales. La République française, en effet, est riche de son histoire et de sa diversité. Elle s’est construite en choisissant de faire de sa diversité un bien commun de la nation. Ni le français, ni la nation française ne sont donc menacés par les langues régionales et leur promotion.
La France, le peuple doivent avoir une langue commune pour permettre à chacun et à chacune d’accéder à égalité à tous les actes administratifs et politiques, à tous les débats et à toutes les prises de décision. Dans le passé, faute d’avoir eu accès au français pour lire et écrire, une partie de nos compatriotes a été dominée à la fois par l’État central mais aussi par le pouvoir des dominants lettrés dans leur territoire, seigneurs, nobles ou ecclésiastiques.
Il n’est pas anodin de noter qu’au moment où la République était fondée sur les ruines de cet « agrégat inconstitué de peuples désunis » décrié alors par Mirabeau, la République inscrivait son unité et indivisibilité dans la langue unissant le peuple de France.
Heureusement que notre commission n’a pas suivi l’amendement voulant remettre en cause le décret du 2 thermidor de l’an II instituant que « nul acte public ne pourra, dans quelque partie que ce soit du territoire de la République, être écrit qu’en langue française ». J’espère qu’il en sera de même ce soir à l’issue de nos travaux.
Parler, lire et écrire une langue commune a été un facteur d’égalité, de liberté et de souveraineté populaire mais cela ne s’oppose pas au rayonnement de notre patrimoine culturel dans sa diversité, dont les langues régionales font partie. Leur insertion dans le patrimoine constitutionnel est complémentaire de l’article 2 de la Constitution faisant du français la langue commune de la République. C’est sur ce fondement qu’a été rédigé l’article 40 de la loi pour la refondation de l’école de la République : « Les langues et cultures régionales appartenant au patrimoine de la France, leur enseignement est favorisé prioritairement dans les régions où elles sont en usage. Cet enseignement peut être dispensé tout au long de la scolarité selon des modalités définies par voie de convention entre l’État et les collectivités territoriales où ces langues sont en usage. »
Cet article permet d’assurer un équilibre entre, d’une part, l’exigence que le français soit la langue commune pour la démocratie et la souveraineté populaire et, d’autre part, le rayonnement des langues régionales. Cet équilibre, au-delà du seul domaine privé, permettra de les faire vivre dans le domaine public et dans le patrimoine culturel immatériel de notre République.
La proposition de loi qui nous est soumise aujourd’hui traite des conditions de l’enseignement non obligatoire des langues régionales, de la signalétique bilingue en région et de leur place dans les médias.
Nous conviennent les articles 1er, 2 et 3 concernant l’enseignement primaire, secondaire ou supérieur, l’article 4 sur la signalétique en régions – déjà présente dans nombre d’entre elles –, tout comme les articles 6, 7 et 8 concernant les médias même si on peut légitimement s’interroger, vous l’avez dit, madame la secrétaire d’État, sur le contenu contraignant de cette nouvelle responsabilité confiée au CSA, un CSA qui de surcroît sort de cette année parlementaire avec une charge de travail bien lourde.
Je me pose en revanche des questions au sujet de l’article 5, qui porte sur les aides à la presse. En effet, malgré les réponses que Mme la rapporteure m’a faites en commission, je conserve des doutes sur les conséquences que cet article pourrait avoir. S’il ne traite pas directement de la définition de la qualité d’information politique et générale – IPG – pour l’attribution des aides, il n’en reste pas moins que la volonté de traiter à égalité les publications en langue française et en langue régionale laisse planer un risque sur la spécificité de la qualité IPG, telle qu’elle est définie actuellement.
Je reste très attachée à certaines des obligations qu’elle impose aux publications, comme celle d’ « apporter de façon permanente sur l’actualité politique et générale, nationale ou internationale, des informations et des commentaires tendant à éclairer le jugement des citoyens » ou celle de « consacrer la majorité de leur surface rédactionnelle à cet objet » et de « présenter un intérêt dépassant de façon manifeste les préoccupations d’une catégorie de lecteurs ». Nous aimerions donc connaître le nombre de publications en langue régionale relevant de ces obligations IPG. Et nous ne vous cachons pas notre inquiétude : cette loi ne risque-t-elle pas d’ouvrir la porte à une remise en cause de la qualité IPG ?
Je dirai un mot sur les langues minoritaires, même si elles ne sont pas du tout concernées par cette loi. Mme la ministre de l’éducation nationale a pris de nouvelles dispositions pour leur apprentissage dans l’école de la République. C’est une bonne chose, et je m’en félicite, même si je regrette que la langue tamazight n’ait pas été retenue pour l’instant, alors qu’elle concerne un million de nos compatriotes.
Notre commission a adopté la proposition de loi telle que, globalement, elle avait été présentée par sa rapporteure. À condition que l’équilibre trouvé ne soit pas bouleversé par voie d’amendements, et malgré nos doutes sur l’article 5, que nous aimerions voir levés, nous voterons cette proposition de loi. Elle concerne en effet un sujet qui a du mal à faire son chemin législatif, mais qui mérite pourtant d’être traité par la loi.
Mme Annie Le Houerou (PS), rapporteure. Très bien !
Mme la présidente. La parole est à M. Jacques Cresta.
M. Jacques Cresta (PS). Madame la présidente, madame la secrétaire d’État, madame la rapporteure, mes chers collègues, nous vivons aujourd’hui un moment particulièrement important. Un an après le rejet par le Sénat de la charte européenne des langues régionales, notre assemblée examine à nouveau une proposition de loi qui vise à leur donner un statut protecteur. C’est la dernière occasion, sous cette législature, d’agir pour la promotion de ces langues, qui font la fierté de notre patrimoine et qui sont entrées dans notre Constitution depuis la révision de 2008.
Je voudrais tout d’abord dire à quel point je suis heureux que notre assemblée se saisisse de ce texte. Nous avons mené, depuis des mois, un long combat pour déposer cette proposition de loi et l’inscrire à l’ordre du jour. Aujourd’hui, nos efforts sont récompensés.
Après avoir participé à la genèse de ce texte aux côtés de la rapporteure, Annie Le Houerou, j’en ai été nommé responsable pour le groupe socialiste, écologiste et républicain. Mon attachement aux langues régionales, mon investissement sur ce sujet au sein de la commission des affaires culturelles, mon engagement sur le terrain dans les Pyrénées-Orientales, mon histoire personnelle, mes racines catalanes, tout me pousse à adhérer à ce texte.
En tant que responsable de cette proposition de loi, je tiens à saluer notre rapporteure pour son travail remarquable, qui a permis d’aboutir à un texte à la fois équilibré et ambitieux, qui a été capable de fédérer près de 150 députés de notre groupe. Je voudrais également remercier d’une manière toute particulière notre président, Bruno Le Roux, pour son engagement.
Cette proposition de loi est le fruit d’un travail collaboratif qui a été ouvert, très en amont, à l’ensemble des députés de notre groupe. Ces échanges ont permis de faire remonter les propositions issues des consultations locales menées dans les circonscriptions. Bien sûr, et c’est le jeu de toute négociation, ce texte ne peut pas répondre à toutes les préoccupations qui se sont exprimées pendant ces mois de travail. Certaines propositions, qui ne faisaient pas consensus, n’ont pas été retenues, et une très grande vigilance a été portée à la rédaction des différents articles. Mais le texte auquel nous avons abouti a permis de nous accorder sur plusieurs avancées majeures, sur les grands domaines qui peuvent concourir, dans la vie quotidienne, à la promotion des langues régionales : l’éducation, la signalétique et les médias.
Je précise néanmoins, car c’est aussi mon rôle en tant que responsable pour notre groupe, que cette proposition de loi n’a pas été déposée au nom du groupe socialiste, mais bien au nom de chaque député cosignataire.
M. Jean-Luc Laurent (PS). Très juste !
M. Jacques Cresta (PS). J’aimerais à présent revenir sur le contexte politique qui nous pousse à examiner aujourd’hui ce texte. Mes chers collègues, sans le refus obstiné du Sénat de ratifier la charte européenne des langues régionales et minoritaires, nous n’en serions pas là. Faut-il rappeler que notre assemblée, en janvier 2014, avait donné, à une très large majorité, le feu vert pour ratifier ce texte, et que la ratification de cette charte était un engagement du Président de la République ? Ce rejet n’a pas seulement mis la France en porte-à-faux vis-à-vis de ses partenaires européens ; il a également été néfaste pour nos langues régionales, qui accusent un déclin notoire.
C’est dans ce contexte très particulier que nous avons travaillé à la présente proposition de loi, afin de donner, malgré tout, un statut suffisamment protecteur aux langues régionales dans notre pays. Sans reprendre dans le détail le contenu des articles, j’aimerais souligner quelques avancées majeures contenues dans ce texte. L’article 1er vise à étendre aux territoires concernés, par le biais de conventions entre l’État et les régions, un dispositif qui a brillamment fait ses preuves en Corse. Cet article est très attendu par les associations qui sont engagées dans la promotion des langues régionales, comme me l’a indiqué le vice-président de l’Association pour l’enseignement du catalan.
En effet, le maillage des établissements publics proposant un enseignement en langue régionale est bien trop faible pour répondre aux attentes des familles. Dans un territoire frontalier comme le mien, la maîtrise du catalan donne pourtant un avantage considérable à nos jeunes, tant dans leurs études que sur le marché du travail. Plus généralement, le volet « éducation » de ce texte est capital, car la transmission des langues régionales aux jeunes générations est la condition première de la survie de ces langues.
Les deux autres volets comportent également des avancées importantes dans les domaines de la signalétique et des médias, notamment via l’élargissement des aides à la presse et le nouveau rôle donné au CSA pour la promotion des langues régionales dans l’audiovisuel.
Mes chers collègues, cette proposition de loi était attendue par tous ceux qui ont à cœur de défendre la richesse de nos territoires et la diversité de notre culture, aussi bien en métropole que dans les outre-mer. Pour l’ensemble de ces raisons, et à la condition que l’examen auquel nous allons procéder ne dénature pas l’équilibre de ce texte, je souhaite que notre assemblée puisse adopter cette proposition de loi. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, écologiste et républicain.)
Mme la présidente. La parole est à Mme Annie Genevard.
Mme Annie Genevard (LR du Doubs). Madame la présidente, madame la secrétaire d’État, madame la rapporteure, mesdames et messieurs les députés, chers collègues, l’arrivée impromptue de cette proposition de loi portée par nos collègues Bruno Le Roux et Annie Le Houerou ne laisse pas de surprendre. Pourquoi, en effet, entreprendre in extremis, en fin de législature, une démarche qui n’a que peu de chance d’aboutir, compte tenu de la position du Sénat sur ce sujet ?
Mme Annie Le Houerou, rapporteure. Position qui est aussi la vôtre !
Mme Annie Genevard (LR du Doubs). Je rappelle que la Haute assemblée a refusé, le 28 octobre 2015, de ratifier la charte européenne des langues régionales ou minoritaires. Je rappelle également qu’en janvier 2016, votre majorité a rejeté une proposition de loi sur l’enseignement immersif des langues régionales portée par le groupe écologiste.
Pourquoi, donc, engager une telle démarche ?
M. Jean-Luc Laurent (PS). On est en droit de se poser la question !
M. Éric Straumann (LR). Pour se faire pardonner la réforme territoriale !
Mme Annie Genevard (LR du Doubs). Son objet, la promotion des langues régionales, aurait besoin, selon l’exposé des motifs, d’un cadre juridique stable et renforcé. Or la défense des langues régionales fait l’objet d’une mention explicite dans notre Constitution – excusez du peu ! Existe-t-il un cadre juridique plus fort que celui-ci ? Son article 75-1 précise en effet que : « Les langues régionales appartiennent au patrimoine de la France. » Je rappelle que c’est la droite qui en a ainsi décidé en 2008 – n’est-ce pas, cher Marc Le Fur ?
M. Jean-Luc Laurent (PS). Pas tout à fait !
Mme Annie Genevard (LR du Doubs). Mais, selon vous, cela ne suffirait pas. Encore faudrait-il veiller à en assurer convenablement l’enseignement. Allons donc voir ce qui est écrit dans le code de l’éducation ! L’un de ses articles, modifié par la loi de refondation de l’école du 8 juillet 2013, dispose que l’enseignement des langues régionales « est favorisé prioritairement dans les régions où elles sont en usage » et que « cet enseignement peut être dispensé tout au long de la scolarité selon des modalités définies par voie de convention entre l’État et les collectivités territoriales où ces langues sont en usage ». L’enseignement facultatif est proposé ; il peut être bilingue.
Comme l’indique le rapport de la commission, dans le cadre de projets d’écoles ou d’établissements, des enseignements extensifs et facultatifs se sont développés. Les écoles peuvent aujourd’hui proposer une heure et demie de langue régionale par semaine, prise sur l’horaire de langue vivante. Au collège, elle peut être choisie comme langue vivante 2 ou 3. Dans tous ces établissements, privés ou publics, des enseignements bilingues sont possibles. Enfin, il existe, dans le primaire et le secondaire, des établissements proposant un enseignement immersif, ce qui signifie que la langue régionale est celle de la vie scolaire. La loi Fillon de 2005 et la loi de refondation de l’école de juillet 2013 ont encouragé le développement de ces formes d’enseignement, ainsi que l’information des familles. Aujourd’hui, 300 000 élèves suivent un enseignement en langue régionale, soit un élève sur 40. Ce n’est pas rien ! Voilà ce qui existe déjà, partout sur le territoire national !
Examinons les articles de cette proposition de loi qui concernent l’éducation. L’article 1er mentionne le cadre conventionnel entre l’État et les collectivités. Mais cela figure déjà, nous l’avons vu, dans le code de l’éducation ! On y ajoute explicitement les collèges et les lycées, mais le code indique déjà que l’enseignement des langues régionales peut être dispensé tout au long de la scolarité – ce qui signifie qu’il peut se prolonger au collège et au lycée ! Cette mention est donc parfaitement inutile.
Mme Annie Le Houerou, rapporteure. Il dit seulement qu’il « peut être » dispensé !
Mme Annie Genevard (LR du Doubs). Proposer des dispositions qui existent déjà, voilà qui est incompréhensible – sauf à faire une lecture politique de ce texte, j’y reviendrai. Combien de fois avons-nous entendu dans cet hémicycle, à propos d’un amendement de l’opposition : « Avis défavorable, votre amendement est satisfait ! ». Eh bien, madame la ministre, à mon tour, j’ai envie de vous dire : « Avis défavorable, votre loi est déjà satisfaite. » Et elle est bavarde !
M. Jean-Luc Laurent (PS). Très juste !
M. Marc Le Fur (LR). Il n’y a rien dans cette loi…
Mme Annie Genevard (LR du Doubs). Regardons à présent l’article 2, qui semble plus préoccupant. Le Conseil d’État a annulé des dispositions permettant que la langue régionale puisse être la langue principale d’enseignement, car cela contrevient à la loi Toubon. Celle-ci dispose en effet que la maîtrise de la langue française est l’un des objectifs fondamentaux de l’enseignement. Certes, l’article 2 réaffirme l’objectif de maîtrise de la langue française, mais il s’affranchit d’un horaire minimal. Ce point est problématique. Chacun comprend en effet qu’il n’est pas possible de maîtriser convenablement une langue aussi difficile que le français avec des horaires réduits.
Et puisque nous parlons de la maîtrise du français, j’en profite pour rappeler que les chiffres de l’illettrisme et de l’insuffisance de la maîtrise de la langue française sont accablants. Un jeune sur dix rencontre de grandes difficultés de lecture et, sur 770 000 personnes âgées de 15 à 25 ans, près de 10 % ont de très faibles capacités de lecture. Par ailleurs, la proportion de lecteurs médiocres augmente elle aussi, pour atteindre près de 10 %.
M. Paul Molac (PS). Ce n’est pas le cas des élèves bilingues !
Mme Annie Genevard. Je ne dis pas que les langues régionales sont un obstacle à l’apprentissage du français.
M. Pascal Deguilhem (PS). Heureusement !
M. Thierry Benoit (Radical centriste). C’est tout le contraire !
Mme Annie Genevard (LR du Doubs). Je dis simplement que l’apprentissage du français n’est pas chose aisée et que c’est sur cet enseignement qu’il faut « mettre le paquet », si vous me passez l’expression. Il faut, pour cela, un volume horaire suffisant, et cet article risque de le réduire, ce qui est préoccupant.
Enfin, que penser de la cohérence d’une politique scolaire qui affaiblit l’enseignement de l’allemand dans les classes bilangues – n’est-ce pas, chers collègues alsaciens ? – et qui veut renforcer les langues régionales dans les classes bilingues ? Allez chercher la cohérence d’une telle position !
La deuxième disposition contenue dans l’article 4 concerne l’usage des langues régionales sur la signalétique des bâtiments publics, les voies publiques de circulation, les voies navigables et les supports de communication institutionnelle. Que dire, sinon que cela a déjà cours, comme Marc Le Fur l’a rappelé, dans de nombreuses régions où il existe une langue régionale ?
Aujourd’hui, rien ne l’empêche et, dans cet article, rien n’y oblige. Donc, à quoi sert-il ? C’est la deuxième preuve qu’il s’agit d’une loi bavarde. Sur le fond, je note que cette double inscription donne lieu parfois à des dégradations de la mention française, comme on peut le voir au Pays basque, par exemple, où cette dernière est très souvent taguée, cachée…
Mme Colette Capdevielle (PS). Ce n’est pas vrai !
M. Paul Molac (PS). Il ne faut pas exagérer !
Mme Annie Genevard (LR du Doubs). J’y vais régulièrement et j’ai pu le constater par moi-même. Il y a là une forme de radicalité inacceptable de ceux qui tendent à considérer que la langue régionale serait plus légitime que la langue française.
De surcroît, tel que rédigé, l’article 4 prévoit que cela est laissé à la discrétion des régions par voie contractuelle ou conventionnelle. Je précise que cela modifie la loi NOTRe, laquelle, il n’y a pas si longtemps, a attribué aux communes, aux départements, aux régions et aux collectivités à statut particulier la compétence partagée en matière de promotion des langues régionales.
M. Frédéric Reiss (LR). C’est exact !
Mme Annie Genevard (LR du Doubs). Donc, si on comprend bien, la promotion des langues régionales par l’enseignement est une compétence partagée alors que la promotion par la signalétique deviendrait une compétence exclusive de la région. Tout cela introduit de la confusion, là où la loi NOTRe était censée introduire de la clarification.
Mme Isabelle Le Callennec (LR). La loi NOTRe ne clarifie rien du tout !
Mme Annie Genevard (LR du Doubs). Venons-en maintenant au titre III, qui a trait aux médias. Dans votre rapport, madame la rapporteure, vous indiquez que toutes les publications en langue régionale sont juridiquement éligibles aux mêmes aides que celles en langue française et qu’elles en bénéficient progressivement, pour autant qu’elles démontrent s’adresser à un nombre suffisant de lecteurs. Vous jugez cela trop restrictif. Il est pourtant normal, et moral, dès lors que l’on mobilise des fonds publics, de s’assurer qu’ils profitent au plus grand nombre.
Je souligne que Mme la ministre de l’éducation nationale a voulu supprimer les classes bilangues et sacrifier l’enseignement du latin, au motif précisément que cela ne s’adressait pas au plus grand nombre des élèves. Il y a là une différence de traitement qui pose un problème de cohérence. En outre, s’agissant des aides à la presse, dans une enveloppe normée, toute augmentation du nombre de bénéficiaires implique naturellement une diminution de l’aide reçue par chacun. Lorsque l’on connaît la fragilité économique de la presse en France, le sujet mérite réflexion !
L’article 6 assortit, je dirais même assujettit, la notion de liberté d’expression à la promotion des langues régionales. Autrement dit, il n’y aurait pas de définition complète de la liberté d’expression, sans la mention expresse des langues régionales. C’est tout de même très excessif !
M. Paul Molac (PS). Ce n’est pas excessif du tout !
Mme Annie Genevard (LR du Doubs). Enfin, l’article 7 pose un sérieux problème de constitutionnalité. Réserver des fréquences à des radios diffusant des programmes en langues régionales revient à accorder des droits spécifiques à des locuteurs en langues régionales, ce qui avait précisément motivé la censure du Conseil constitutionnel, au motif que la République est une et indivisible et que la langue de la République est le français. J’ajoute que la radio est ouverte largement aux langues régionales. J’y reviendrai lors de la défense de nos amendements.
On le voit, cette proposition de loi est inutile en ce qu’elle reprend des dispositions déjà existantes. C’est une loi d’affichage, dont certains articles sont de surcroît probablement inconstitutionnels. Que dire de ce qui l’a motivée ?
Mme la présidente. Merci de conclure, madame la députée !
Mme Annie Genevard. Je termine, madame la présidente !
Mme la présidente. D’un mot, s’il vous plaît !
Mme Annie Genevard. L’objectif est purement politique. À quelques mois d’une échéance que vous devinez catastrophique, vous appliquez, ou tentez d’appliquer, la méthode préconisée par Terra Nova. Vous segmentez l’électorat et proposez aux différents segments un programme ad hoc pour essayer de limiter la débâcle électorale.
M. Éric Straumann (LR). Il n’y a plus grand-chose à segmenter !
Mme la présidente. Merci, madame Genevard !
Mme Annie Genevard. Est-ce une bonne façon de servir la cause des langues régionales que de les instrumentaliser ainsi dans une démarche que vous savez vouée à l’échec ? Je ne le crois pas.
Mme la présidente. La parole est à M. Thierry Benoit.
M. Thierry Benoit (Radical centriste). Madame la présidente, madame la secrétaire d’État, madame la rapporteure, mes chers collègues, pour la deuxième fois en moins d’un an, nous débattons du sujet, ô combien passionnant, des langues régionales et minoritaires. Comme l’a dit à l’instant Marc Le Fur, toutes les avancées, aussi minimes soient-elles, sont bonnes à prendre. Tel est l’état d’esprit de mon intervention de ce soir, au nom du groupe de l’Union des démocrates et indépendants.
M. Éric Straumann (LR). Bravo !
M. Thierry Benoit (Radical centriste). Les députés du groupe UDI, comme avant eux ceux de l’UDF, sont depuis longtemps favorables à la ratification de la charte européenne des langues régionales et à la construction d’une Europe des peuples, dans laquelle le dialogue, les échanges et la communication auraient toute leur importance.
M. Marc Le Fur et M. Éric Straumann. Très bien !
M. Thierry Benoit (Radical centriste). Avec plusieurs collègues du groupe UDI, j’avais d’ailleurs déposé une proposition de loi visant à ratifier la charte européenne des langues régionales ou minoritaires, comme d’ailleurs beaucoup de mes collègues qui partagent le même objectif – Marc Le Fur, Paul Molac et certainement des députés d’autres groupes. Notre objectif est de protéger les langues régionales et minoritaires, ainsi que de favoriser le droit pour chacun de les pratiquer.
Nous le réaffirmons avec force : faire prospérer les langues régionales ne menace en rien l’unité républicaine. Au contraire, la diversité régionale s’affirme dans l’unité républicaine. Par le biais de ses langues régionales, la France a la chance de posséder un patrimoine linguistique d’une richesse inégalée en Europe. Malheureusement, aujourd’hui, si les collectivités territoriales volontaires tentent de remédier aux carences de l’État, elles le font, comme chacun sait, dans un contexte juridique précaire, qu’il convient d’améliorer et surtout de sécuriser.
Mme Annie Le Houerou, rapporteure. Tout à fait !
M. Thierry Benoit (Radical centriste). Ce texte propose ainsi des mesures concrètes dans le domaine de l’éducation, en prévoyant notamment la possibilité de proposer systématiquement un enseignement facultatif en langue régionale aux élèves des territoires concernés et en donnant une reconnaissance juridique à l’enseignement bilingue français/langue régionale, quelle que soit la durée d’enseignement dans les deux langues. Ce texte œuvre également au développement de la signalétique bilingue. Il soutient la presse publiant en langue régionale et offre au CSA de nouvelles missions pour la promotion des langues régionales et l’attribution de fréquences aux radios diffusant en langue régionale.
Mes chers collègues, permettez-moi de poursuivre mon intervention en évoquant l’apprentissage de ces langues à l’école, mère de longues batailles. Les chiffres sont sévères : Mme Le Houerou et Mme Genevard l’ont évoqué, nous assistons à un fort recul de l’usage des langues régionales.
Entre les générations nées dans les années trente et celles nées dans les années quatre-vingts, le nombre de personnes capables de s’exprimer dans la langue régionale a été divisé par deux pour le basque, par trois pour l’alsacien, et par dix pour le breton, même si la Bretagne compte deux langues, le breton et le gallo – n’est-ce pas, mes chers collègues bretons ?
M. Marc Le Fur (LR). C’est juste.
M. Thierry Benoit (Radical centriste). Ainsi la langue bretonne n’est plus parlée que par 3 % des jeunes de 20 ans. Si nous n’agissons pas, cette culture va disparaître et il sera trop tard pour nous en alarmer.
Sur ces territoires, la transmission intergénérationnelle des savoirs et des pratiques est affaiblie. Or, pour prospérer, une langue doit être apprise et accompagner la vie quotidienne de ses locuteurs. La récente réforme du collège a suscité et suscite toujours beaucoup de protestations chez les défenseurs des langues régionales.
M. Marc Le Fur. Tout à fait !
M. Thierry Benoit. L’autonomie laissée aux chefs d’établissements et le flou de certains textes font que, d’une part, la concurrence est souvent rude entre les matières et que, d’autre part, il existe des inégalités flagrantes entre les académies, voire parfois au sein d’une même académie.
M. Paul Molac et M. Marc Le Fur. C’est vrai.
M. Thierry Benoit (Radical centriste). Le nouveau module « langues et cultures régionales » ne permet pas toujours d’enseigner également l’histoire régionale et de donner aux élèves une meilleure connaissance de leur environnement régional, grâce une dynamique qui puisse embrasser l’histoire européenne, nationale mais aussi régionale. Les langues régionales, comme les langues étrangères, sont pourtant une richesse, une ouverture d’esprit, une nouvelle façon de penser et de s’exprimer. Il est important de développer l’apprentissage des langues dans les écoles et de former de nouvelles générations de locuteurs.
Si nous soutenons cet apprentissage, nous insistons également sur le fait que l’étude des langues régionales ne doit pas se faire au détriment de l’acquisition des savoirs fondamentaux.
M. Jacques Krabal (Radical de gauche). Très bien !
M. Thierry Benoit. Certains collègues l’ont rappelé, le classement désastreux des élèves français pour la maîtrise des mathématiques, publié hier, doit nous alerter une nouvelle fois sur l’urgence de donner à chaque élève les moyens de maîtriser le français et les mathématiques.
M. Paul Molac (PS). C’est le résultat de la réforme Fillon !
M. Thierry Benoit. Concernant la visibilité des langues locales dans l’espace public, il est important qu’elles irriguent le territoire. Certains panneaux indicateurs ou d’information à l’entrée et à la sortie des agglomérations proposent ainsi une signalétique en français et en langue régionale. Cette pratique permet à la population, comme aux touristes d’ailleurs, de s’identifier fortement à une région. Le plus bel exemple se trouve dans le département d’Ille-et-Vilaine, où le Stade Rennais n’évolue plus au Stade de la route de Lorient mais au Roazhon Park. Notre seul regret concernant cette disposition, madame la secrétaire d’État, madame la rapporteure, est l’absence de moyens supplémentaires alloués aux collectivités. Or, vous le savez bien, les dotations de l’État diminuent et les budgets locaux sont de plus en plus contraints.
Mme Annie Le Houerou, rapporteure. Ne mélangez pas tout !
M. Thierry Benoit. En ce qui concerne la diffusion des médias en langue régionale, France Télévisions a déjà prévu un renforcement de l’offre régionale dans son contrat d’objectifs et de moyens pour la période 2016-2020. À l’horizon 2020, les programmes régionaux proposés par France 3 devront constituer en moyenne 35 % de l’offre. Le renforcement des missions du CSA nous laisse toujours quelque peu dubitatif, mais nous ne nous y opposerons pas.
Nous sommes plus réservés sur l’article 7, qui prévoit l’attribution d’une ou plusieurs fréquences à des candidats prévoyant la diffusion de services de radio en langues régionales. Les fréquences de la TNT sont des biens rares et le législateur doit veiller à la pertinence de leur utilisation.
Mme Annie Le Houerou, rapporteure. Les langues régionales, c’est pertinent !
M. Thierry Benoit (Radical centriste). Faute de modèle économique solide et par manque criant de moyens, les télévisions locales peinent aujourd’hui à trouver leur place face aux médias concurrents. Contrairement au Canada, aux États-Unis ou à l’Espagne, la France ne parvient pas à faire émerger un solide réseau de chaînes locales sur son territoire. Les télévisions locales souffrent du caractère aléatoire de leurs revenus publicitaires et de celui, fluctuant, des aides des collectivités. Nous avons appris il y a quelques jours que les recettes publicitaires des médias étaient déjà en baisse. Si cette proposition de loi va au bout du processus parlementaire, il conviendra impérativement de réétudier le fonctionnement de ces structures, voire d’encourager le rapprochement entre différentes chaînes locales, afin de renforcer leur poids et leur budget, souvent modestes.
Mes chers collègues, nos langues régionales constituent un patrimoine culturel vivant. C’est bien la beauté de la langue provençale qui avait valu à Frédéric Mistral le prix Nobel de littérature en 1904, pour son poème Mirèio. Il faut que la pluralité linguistique et culturelle retrouve droit de cité dans notre pays, après des siècles de relégation dans les catacombes de la marginalité et du mépris.
M. Marc Le Fur et M. Éric Straumann. Très bien !
M. Thierry Benoit. Nous devons agir pour une France enfin réconciliée avec la multiplicité de ses racines, de ses modes d’expression et de ses génies, qui s’enrichit de ces divers apports au lieu de les combattre au nom de la suprématie d’une norme uniforme s’imposant à chacun.
Je tiens à replacer ce débat sur les langues régionales dans le contexte d’une réforme importante de ce quinquennat : celle de la carte des régions. Je redis ici ma grande désillusion à ce sujet. Promouvoir les langues régionales est une chose, développer des bassins de vie et réconcilier l’histoire et la culture avec la modernité en est une autre. Je pense notamment à la carte des régions et à l’échec de notre projet de réunifier les cinq départements bretons. Il était possible de créer une belle région du Val de Loire, s’appuyant sur les grandes villes que sont Le Mans, Tours et Orléans, et une belle région de Bretagne réunifiée. (« Bravo ! » sur plusieurs bancs du groupe Les Républicains.)
M. Éric Straumann (LR). L’Alsace a été sacrifiée !
M. Thierry Benoit. Puisque la Bretagne compte deux langues, le breton et le gallo, et étant un citoyen des Marches de Bretagne, je tiens à faire une citation en gallo (l’orateur s’exprime en gallo), qui se traduit ainsi en français : « Il est temps maintenant de mettre tout le monde à prêcher et à parler le gallo, ou toute autre langue. Je veux, nous voulons sauver notre manière de causer en Bretagne, pour transmettre la langue aux plus jeunes d’entre nous et aux générations qui nous succéderont. » (Applaudissements sur de nombreux bancs du groupe Les Républicains.)
Mme la présidente. La parole est à M. Jacques Krabal.
M. Jacques Krabal (Radical de gauche). Madame la présidente, madame la secrétaire d’État, madame la rapporteure, mes chers collègues, nous sommes aujourd’hui appelés à nous exprimer sur une proposition de loi relative à la promotion des langues régionales. Ce texte a été déposé à l’initiative de notre collègue Bruno Le Roux et d’une partie du groupe socialiste, mais pas de sa totalité, comme l’a rappelé Mme la rapporteure. Le groupe Les Républicains a, lui aussi, indiqué qu’il n’avait pas de position unanime sur la proposition de loi. Le groupe radical, républicain, démocrate et progressiste n’échappe pas à cette tendance, ce qui montre bien que le sujet ne fait pas consensus : il suffit de regarder nos difficultés à nous accorder lors des six propositions de loi qui ont été déposées sur le sujet depuis le début de la législature.
C’est, somme toute, compréhensible car, si parler une seule et même langue, pouvoir la lire et l’écrire et posséder une législation et une Constitution rédigées dans une langue commune sont des biens inestimables – c’est cette langue commune qui fait nation –, en sens inverse, pouvoir acquérir une ou plusieurs autres langues est une richesse et une chance, qu’il nous faut évidemment encourager. Que la France soit une République une et indivisible, dont la seule langue est le français, n’interdit nullement d’accorder une place aux langues régionales, d’autant que l’article 75-1 de la Constitution dispose qu’elles « appartiennent au patrimoine de la France ».
Je n’oublie pas non plus qu’un pays trouve sa force également dans l’histoire de ses régions et de ses langues. La France, c’est la diversité, et la diversité c’est ma culture, comme disait Jean de La Fontaine, né à Château-Thierry. (« Ah, nous l’attendions ! » sur divers bancs.)
Aujourd’hui, près de 300 000 élèves pratiquent une langue régionale. Pourtant, la diminution du patrimoine linguistique s’accélère depuis les années 1990 : 50 % des quelque 6 000 langues parlées risquent de disparaître avant la fin du siècle. C’est pourquoi l’UNESCO a été à l’initiative, en 2005, de la convention sur la protection et la promotion de la diversité des expressions culturelles, dont fait partie la diversité linguistique. C’est cet aspect essentiel qui doit, par-delà les aspects politiciens, nous amener à débattre de ce texte.
L’article 1er pose le principe de la reconnaissance de l’enseignement des langues régionales comme matière facultative. Cet article va même plus loin encore, en établissant que, lorsqu’il existe un besoin reconnu sur un territoire, l’enseignement de la langue régionale devra être proposé aux élèves de maternelle, du primaire et du secondaire, sans toutefois que cet enseignement ait un caractère obligatoire. Cet article encourage l’apprentissage des langues et cultures régionales, sans l’imposer aux élèves. Il ne remet donc nullement en cause notre langue commune ni les principes de la République. Il n’enlève rien à personne et n’impose rien à tout le monde.
En revanche, l’article 2 laisse une grande partie du groupe RRDP sceptique. Pourquoi ? Le XVIe sommet de la francophonie, qui avait pour thème « la croissance partagée et le développement responsable », s’est achevé à Madagascar le 27 novembre. Des positions ont été prises, qu’il s’agisse de la lutte contre la radicalisation dans l’espace francophone ou de l’orientation en faveur d’une place plus importante pour les femmes et les jeunes. Ces valeurs sont les nôtres.
Année après année, les sommets de la francophonie montrent que la France a un rôle central à jouer. C’est d’abord à la France de réaffirmer que l’espace francophone est porteur des valeurs de notre pays. Oui, la francophonie est un atout pour le rayonnement et le développement de notre pays dans le monde. Or l’article 2 nous semble porter atteinte à la position que la France doit avoir sur la scène de la francophonie. Il est en effet excessif et inacceptable de permettre aux langues régionales de supplanter le français à l’école. Nous soutiendrons les amendements de suppression de cet article 2, comme ceux de nos collègues Jean-Luc Laurent ou Marie-Françoise Bechtel.
L’article 3, quant à lui, concerne l’enseignement des langues régionales dans l’enseignement supérieur. Il aurait été opportun que la proposition de loi comporte davantage de dispositions visant à favoriser l’enseignement des langues et cultures régionales dans les écoles supérieures du professorat et de l’éducation, les ESPE. Contraints par l’article 40, nous n’avons pas pu déposer, à l’initiative de notre collègue Ary Chalus, un amendement proposant un module obligatoire d’initiation aux langues et cultures régionales dans les ESPE. La Constitution vous autorise, madame la secrétaire d’État, à déposer un tel amendement.
Le titre II de la proposition de loi, qui vise à généraliser, à la demande de la région concernée, sur tout ou partie de son territoire, la signalétique bilingue dans les services publics ou sur les voies publiques de circulation, nous semble disproportionné.
Enfin, le titre III concerne la place des langues régionales dans les médias. Je reprendrai ici à mon compte les réserves émises par notre collègue Marie-George Buffet tant en commission qu’en séance publique. Pour leur part, les articles 6 et 7 traitent de la présence des langues et cultures régionales dans l’espace audiovisuel et radiophonique français. Avec ces deux articles, la présente proposition de loi répond à son principal objectif : donner aux langues et cultures régionales un rayonnement plus important dans notre pays.
Comme je l’ai souligné au début de mon intervention, les députés du groupe RRDP sont partagés sur les différentes dispositions du texte qui nous est aujourd’hui présenté. Le groupe RDP laisse donc la liberté de vote à chacun de ses membres.
Je voudrais terminer cette intervention en soulignant le fait que nous ne sommes pas opposés, en dépit de ces réserves, aux langues régionales. Je tiens à vous parler de la francophonie, dont le développement doit également s’accompagner de la promotion de notre langue, le français, dans notre pays et dans le monde. Car, si le français, nous le savons tous, est menacé à l’extérieur, il est également fragilisé chez nous non seulement avec la montée du franglais et des anglicismes mais surtout avec ce mal endémique qu’est l’illettrisme. Nous ne devons jamais perdre de vue l’enjeu fondamental de la francophonie à l’international, parce c’est notre langue, le français, qui est le symbole de l’universalisme. Nous ne devons pas l’affaiblir.
Ne perdons jamais une occasion de renforcer l’espace francophone regroupé au sein de l’Organisation internationale de la francophonie, l’OIF, qui représente quatre-vingt-quatre États ou gouvernements, soit près de 900 millions d’habitants. Ce n’est pas rien ! Je suis député de l’Aisne : si le picard est voisin, aucune langue régionale n’est parlée dans ma circonscription, où, en revanche, est située la ville de Villers-Cotterêts. C’est là qu’en 1539 fut signée l’ordonnance de François Ier : cet acte fondateur a fait du français la langue officielle du droit et de l’administration, à la place du latin.
M. Jean-Luc Laurent (PS). Un grand progrès !
M. Jacques Krabal (Radical de gauche). Ce berceau de notre langue et de la culture française est situé à quelques kilomètres seulement de Roissy-Charles-de-Gaulle. Or le château de Villers-Cotterêts, dernier château royal de François Ier, inoccupé, est aujourd’hui menacé. Je vous demande, madame la secrétaire d’État, de bien vouloir transmettre mes remerciements à Mme la ministre de la culture et de la communication qui, dans un courrier du 15 novembre 2016, nous a informé du déblocage d’une enveloppe de 200 000 euros pour, d’ici à la fin de l’année, réaliser des études et identifier les travaux permettant en toute urgence de préserver ce château.
Les collectivités territoriales, l’agence de développement touristique de l’Aisne et l’association historique de Villers-Cotterêts ont proposé au secrétariat d’État chargé du budget le lancement d’un appel à idées international. Ce n’est donc pas de l’argent qui est demandé à Bercy, mais simplement l’autorisation de solliciter des investisseurs étrangers. Le site internet, ouvert à cet effet, laisse paraître des propositions prometteuses. Comme l’écrivait Alexandre Dumas dans Le Vicomte de Bragelonne : « La nécessité est la mère de l’invention ». Seule la signature de M. le secrétaire d’État chargé du budget manque. Si vous pouviez intervenir, madame la secrétaire d’État, pour l’obtenir, l’État, en signant, favoriserait non seulement un sauvetage patrimonial, mais aussi les fondements d’une action de développement économique autour de la promotion de notre langue et de son histoire, afin de porter encore plus haut les valeurs de notre langue, le français.
La France posséderait ainsi un espace dédié à sa langue et à son histoire. Le château de François Ier à Villers-Côtterets s’impose naturellement pour être ce site. Ce serait également un formidable outil de promotion des langues régionales et de la langue française, car la francophonie est un combat de tous les jours. N’oublions jamais que c’est notre langue, le français, qui porte l’expression des Lumières, la valeur du vivre-ensemble et l’esprit de fraternité entre les peuples.
Vous l’avez compris : si nous ne sommes pas opposés à la promotion des langues régionales, notre priorité, c’est de renforcer notre langue, le français, et de promouvoir la francophonie.
M. Jean-Luc Laurent. Très bien !
M. Jacques Krabal (Radical de gauche). Promouvoir la francophonie, c’est soutenir aussi les langues régionales. Inversement, soutenir les langues régionales ne doit pas affaiblir le français mais au contraire, le renforcer. Voilà ce que le groupe RRDP souhaite défendre en priorité.
M. Jean-Luc Laurent (PS). Il a raison !
Mme la présidente. La parole est à M. Pascal Deguilhem.
M. Pascal Deguilhem (PS). Madame la présidente, madame la secrétaire d’État, madame la rapporteure, chers collègues, je me tourne vers Marc Le Fur, auquel, assurément, nous ne saurions reprocher d’avoir des convictions. Je tiens cependant à lui dire qu’il a fait preuve de mauvaise foi en rappelant que vingt et un députés socialistes bretons étaient absents de l’hémicycle lors de l’examen de la proposition de loi de M. Molac, puisqu’il fut le seul député du groupe Les Républicains à voter ce texte.
M. Marc Le Fur (LR). Mais j’y étais !
M. Pascal Deguilhem PS). Je partage en revanche avec lui la conviction selon laquelle il est nécessaire de préserver la diversité linguistique et culturelle. C’est un enjeu majeur car c’est une question de dignité. Les langues régionales contribuent au développement personnel et collectif en même temps qu’elles favorisent la diversité de la pensée et de l’expression.
La France, du reste, a, en la matière, une responsabilité particulière au plan international : si la moitié des langues régionales européennes est appelée à disparaître d’ici à la fin du XXIe siècle, la France est très concernée, en raison de la grande diversité et de la richesse de son patrimoine linguistique. Or ce patrimoine est aujourd’hui menacé, sans doute – ce n’est pas la seule raison – parce que le cadre légal demeure trop contraignant pour assurer sa sauvegarde.
Mes collègues l’ont rappelé à plusieurs reprises : la reconnaissance constitutionnelle des langues régionales consécutive à la révision constitutionnelle du 23 juillet 2008 témoigne de l’intérêt de la nation pour ce patrimoine immatériel. Par le nouvel article 75-1, le constituant a reconnu que la sauvegarde des langues régionales n’était pas seulement l’affaire de leurs locuteurs, qui sont de moins en moins nombreux – entre 1 % et 5 % entre les régions : elle concerne au contraire la nation tout entière. Ces langues constituent le patrimoine commun des Français et non pas de la seule catégorie des citoyens qui les parlent. Le libre accès de chaque Français à ce patrimoine immatériel doit désormais être garanti par la loi et le cadre législatif doit donc être complété.
L’actuel code de l’éducation, en dépit d’avancées certaines, n’autorise pas le développement des langues régionales sur l’ensemble du territoire : ici ou là, seules des conventions régionales permettent la mise en œuvre de leur enseignement. En dépit de la demande, certaines académies et certains départements ne sont pas à même de respecter cet engagement. Tel est également l’objectif de cette proposition de loi.
La réalité, c’est que les langues régionales de France sont, très souvent, moins bien traitées que les langues étrangères,…
M. Paul Molac (PS). C’est vrai.
M. Pascal Deguilhem. …qu’il s’agisse, dans l’enseignement, des concours de recrutement des professeurs des écoles, de la gestion de la ressource humaine ou des coefficients au baccalauréat et au brevet, ou encore de la programmation musicale des stations de radio ou de la diffusion artistique sur les différents médias. La loi n’assure une présence significative des langues régionales ni à l’école ni dans l’audiovisuel.
Il ne fait aucun doute que les langues régionales ont besoin d’une protection juridique différente de celle dont bénéficie la langue française, puisque leur position n’est évidemment pas la même. Comme cela a été relevé dans un grand nombre de pays étrangers pour des langues comparables, il ne suffit pas d’autoriser leur usage ou de supprimer les discriminations dont elles font l’objet pour éviter leur disparition.
Il est donc nécessaire de construire une véritable politique de soutien à ces langues, qui combine les outils juridiques et institutionnels. Sans porter atteinte au statut constitutionnel de la langue française, un tel régime de promotion peut être développé par le législateur – c’est l’objet du texte –, en offrant comme garantie à ces langues et cultures régionales d’être l’objet de l’ensemble de la communauté nationale.
C’est le sens de cette proposition de loi, qui vise à organiser une politique de protection publique. Le soutien que les pouvoirs publics accorderont aux différentes langues de France constituera le meilleur argument en faveur de la politique de pluralisme linguistique que notre pays entend promouvoir bien au-delà de nos frontières.
Je suis profondément attaché à l’école publique, qui me semble le lieu le plus approprié pour la prise en charge de ce patrimoine national. C’est là que j’ai appris l’occitan, que je pratique malheureusement très mal aujourd’hui. La présente proposition de loi, adoptée et appliquée, pourrait au moins corriger la situation actuelle, qui présente certains manques. Si la loi d’orientation et de programmation pour la refondation de l’école de la République a permis quelques avancées, nous devons aller encore plus loin.
Je suis donc convaincu de la nécessité de faire toute sa place à l’enseignement des langues régionales – de l’occitan en ce qui me concerne – dans l’école de la République, sans préjudice aucun pour les autres filières existant à l’heure actuelle, et tout au long de la scolarité. C’est une des solutions qui permettront de promouvoir les langues régionales. Certains exemples locaux attestent de l’efficacité de cette politique et de l’intérêt réel que nos concitoyens portent à leur patrimoine.
Mme la présidente. Merci de conclure, monsieur le député.
M. Pascal Deguilhem (PS). Si cette proposition de loi était adoptée, elle serait aussi pour nous, députés de la majorité, une façon de réaliser la promesse de François Hollande de ratifier la charte européenne des langues régionales ou minoritaires,…
M. Marc Le Fur. Ah !
M. Pascal Deguilhem. …promesse qui a été entendue dans l’ensemble de nos régions mais pas dans l’ensemble du Parlement.
Tels sont les objectifs de la présente proposition de loi, que je vous invite à adopter. (Applaudissements sur de nombreux bancs du groupe socialiste, écologiste et républicain.)
Mme la présidente. La suite de la discussion est renvoyée à la prochaine séance.
Promotion des langues régionales
Suite de la discussion d’une proposition de loi
Mme la présidente. L’ordre du jour appelle la suite de la discussion de la proposition de loi de M. Bruno Le Roux et plusieurs de ses collègues relative à la promotion des langues régionales (nos 4096, 4238).
Mme la présidente. Cet après-midi, l’Assemblée a commencé d’entendre les orateurs inscrits dans la discussion générale. La parole est à M. Frédéric Reiss.
M. Frédéric Reiss (LR). Madame la présidente, madame la secrétaire d’État chargée des collectivités territoriales, madame la rapporteure de la commission des affaires culturelles et de l’éducation, mes chers collègues, voilà une proposition de loi qui semble venir à point nommé pour pallier la non-ratification de la charte européenne des langues régionales ou minoritaires – c’était la proposition 56 du candidat Hollande. J’ai le sentiment que cette proposition de loi, cosignée par une grande majorité de députés socialistes, écologistes et républicains, relève plus d’une démarche politicienne, à quelques mois de l’élection présidentielle, que d’un engouement soudain de parlementaires devenus de véritables don Quichotte des langues régionales.
M. Marc Le Fur (LR). Très juste !
M. Frédéric Reiss (LR). Sans doute est-ce une façon d’édulcorer une fin de mandat bien triste, avec l’objectif de recoller les morceaux d’une majorité éclatée.
Cela dit, en tant qu’Alsacien, je suis favorable à toutes les mesures permettant de promouvoir les langues régionales, réelle richesse de la diversité culturelle de notre pays.
D’autant plus que le taux de locuteurs dialectophones est encore de 42 % en Alsace : 74 % des plus de soixante ans et seulement 12 % des dix-huit à trente ans. L’alsacien est pratiqué en famille, entre amis ou dans le milieu professionnel. La loi constitutionnelle du 23 juillet 2008 donne un fondement solide aux dispositions législatives et réglementaires en faveur de la promotion des langues régionales. Et il ne s’agit pas, comme d’aucuns le redoutent, de faire disparaître l’horaire minimal d’enseignement du français, qui est et doit rester la langue de la République. S’il s’agissait, je cite, « d’un acharnement pour éradiquer la langue française », je voterai résolument contre.
Bien au contraire – sur ce point, je partage les arguments de Mme la rapporteure –, l’apprentissage précoce d’une langue vivante étrangère ou d’une langue régionale, concomitamment à la maîtrise du français, peut donner des résultats remarquables. J’en veux pour preuve les efforts accomplis dans l’académie de Strasbourg pour développer la voie bilingue paritaire, dès l’école maternelle, avec une continuité pédagogique au collège et au lycée : les élèves qui réussissent le brevet mention bilingue français-langue régionale en fin de troisième sont au moins aussi bons sinon meilleurs en français que leurs camarades de la filière traditionnelle.
M. Marc Le Fur. Tout à fait !
M. Frédéric Reiss (LR). S’ouvre alors pour eux le cursus abibac ou les sections européennes. Savez-vous que 27 % des lauréats de l’abibac sont alsaciens, alors que la population scolaire de l’académie de Strasbourg ne pèse que 3 % au plan national ? Il faut bien préciser qu’en Alsace, l’allemand est considéré comme la forme écrite de l’alsacien : c’est au travers de cet enseignement bilingue qu’est stimulée la pratique de cette langue.
Et il ne s’agit surtout pas de confondre bilingue et bilangue. L’enseignement bilingue repose sur la parité horaire : 12 heures en français et 12 heures en allemand, qui est à la fois langue enseignée et langue d’enseignement. Cela justifie un certain nombre d’amendements que nous défendrons tout à l’heure, lors de l’examen des articles. Je tiens à préciser qu’en Alsace, nous n’avons pas 1 % des élèves pratiquant l’alsacien, mais 14 % des élèves du premier degré en classe bilingue.
La grande difficulté à laquelle nous nous heurtons est celle du recrutement des professeurs des écoles disposant de véritables compétences linguistiques et pédagogiques pour assurer cet enseignement. Il semble stabilisé en primaire mais ne l’est pas au lycée et au collège. Le vivier d’étudiants bons germanophones est insuffisant et des efforts de formation sont nécessaires dans les ESPE, les écoles supérieures du professorat et de l’éducation. Si des professeurs des écoles sont effectivement affectés à des classes bilingues, les arrêtés de titularisation ne reconnaissent pas leur spécificité, favorisant ainsi les mutations hors de la voie bilingue, ce qui est bien dommage. Une réforme du concours permettant de l’ouvrir davantage à des germanophones de langue maternelle pourrait contribuer agrandir les viviers de recrutement.
Le parcours bilingue est généralement assuré par deux enseignants, chargés respectivement de l’enseignement en français et en allemand. Il est facilité par un contact régulier avec l’environnement dialectal et germanophone, par le théâtre, les médias ou la signalétique dans les espaces publics. C’est également ce qu’encourage l’OLCA – l’Office pour la langue et la culture d’Alsace –, qui réalise un travail remarquable, avec le soutien des familles et des collectivités locales, départementales et régionales.
Il faut préciser que la réforme des régions, chers collègues de la majorité, est devenue un frein plutôt qu’un aiguillon pour la promotion des langues régionales.
M. Marc Le Fur et M. Claude Sturni. En effet !
M. Thierry Benoit (radical centriste). Il a raison !
Mme la présidente. Merci de conclure, monsieur Reiss.
M. Frédéric Reiss (LR). Aujourd’hui, l’allemand n’ayant plus d’existence dans la vie sociale, il ne peut pas être la langue régionale à lui seul, sans les dialectes. Une politique scolaire en faveur des dialectes est donc aussi un enjeu des classes bilingues.
Mme la présidente. Je vous remercie, mon cher collègue.
M. Frédéric Reiss. Je conclus, madame la présidente.
Mme la présidente. D’un mot, s’il vous plaît.
M. Frédéric Reiss. Trop longtemps considérées comme potentiellement incompatibles avec la langue française et donc avec l’unité de la République, les langues régionales de France sont indéniablement une richesse du patrimoine national et européen.
M. Thierry Benoit. Tout à fait !
M. Frédéric Reiss (LR). Malheureusement, il y a contradiction entre, d’une part, leur transmission et leur usage, et, d’autre part, le capital sympathie qu’elles suscitent.
C’est pourquoi je voterai en faveur d’un texte que je ne considère pas comme une avancée majeure mais comme un progrès pour la sauvegarde de la diversité linguistique, consacrée par la Constitution comme patrimoine de la France. (Applaudissements sur les bancs du groupe Les Républicains et du groupe de l’Union des démocrates et indépendants.)
Mme la présidente. Mes chers collègues, je serai beaucoup plus stricte pour faire respecter le temps de parole des orateurs suivants ; compte tenu du nombre important d’amendements qui nous attendent, je pense que vous ne me reprocherez pas de faire régner un peu de discipline.
La parole est à M. Jacques Bompard.
M. Jacques Bompard (extrême droite). Madame la présidente, madame la secrétaire d’État, madame la rapporteure, voilà ce que Frédéric Mistral disait à Saint-Rémy-de-Provence, en 1886, devant les poètes catalans :
« Voulèn que nàsti drôle, au-lià d’èstre éleva dins lou mesprés de nosto lengo (ço que fai que, plus tard, mespresaran la terro, la vièio terro maire ounte Dieu lis a fa naisse), voulèn que nàsti drôle countùnion de parla la lengo de la terro, la lengo ounte soun mèstre, la lengo ounte sounfièr, ounte soun fort, ounte soun libre.
Voulèn que nàsti chato, au-lià d’èstre elevado dins lou desden de nàsti causo de Prouvènço, au-lià d’ambiciouna li fanfarlucho de Paris o de Madrid, countùnion de parla la lengo de soun brès, la douço lengo de si maire, e que demoron, simplo, dins lou mas ounte nasquèron, e que porton longo-mai lou riban arlaten coume un diadèmo de rèino. »
Mme la présidente. Monsieur le député, permettez-moi de vous interrompre un instant pour vous rappeler que, dans l’hémicycle, vous devez vous exprimer en français.
Mme Annie Genevard (LR). Exactement !
M. Marc Le Fur (L R). Frédéric Mistral fut prix Nobel de littérature !
M. Jacques Bompard (extrême droite). Je vous en donne la traduction, parce que je comprends que vous soyez un peu perturbés :
« Nous voulons que nos fils, au lieu d’être élevés dans le mépris de notre langue (ce qui fait que, plus tard, ils mépriseront la terre, la vieille terre maternelle sur laquelle Dieu les a fait naître), nous voulons que nos fils continuent à parler la langue de la terre, la langue dans laquelle ils sont fiers, par laquelle ils sont forts, par laquelle ils sont libres.
Nous voulons que nos filles, au lieu d’être élevées dans le dédain de nos coutumes de Provence, au lieu d’envier les fanfreluches de Paris ou de Madrid, continuent à parler la langue de leur berceau, la douce langue de leurs mères, et qu’elles demeurent, simples, dans les fermes où elles naquirent, et qu’elles portent à jamais le ruban d’Arles comme un diadème de reine. »
Je dois bien vous dire que l’enfant de Buis-les-Baronnies que je suis est très fier de vous faire entendre ce beau provençal, même s’il choque certains, au cœur d’une assemblée qui se distingue trop souvent par son centralisme et son jacobinisme. Au début du XXe siècle et à la fin du XIXe siècle, le Félibrige joua d’ailleurs à plein contre ces vieilles traces de radicalisme cherchant à énerver les familles bretonnes, corses ou basques. Je pense que, devant l’échec complet du projet d’arasement de nos singularités locales, il est grand temps de rappeler que la France est composée de peuples et de provinces, dont la richesse n’a d’égale que la diversité.
Allons plus loin : je dois bien vous avouer que devant l’accroissement des langues des minorités et allogènes sur notre territoire, nous nous trouvons face à un défi identitaire. Ce défi est très simple : voulons-nous que demain un Président provençal puisse chanter Mireille à l’Élysée ou que l’algérien soit la seule langue à laquelle nous laissons cet espoir ? (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste, écologiste et républicain.)
M. Alain Ballay. Oh !
M. Éric Elkouby. N’importe quoi !
M. Jacques Bompard. Mon choix est très vite fait, et il n’est certainement pas contradictoire avec la parfaite maîtrise du Français. Au contraire, chacun sait que la force de notre langue nationale demeure évidemment dans son enrichissement, par la rencontre, la relation aux langues vernaculaires. Elles sont l’odeur de la terre, l’odeur dont parle par exemple Pierre Bourdan : ce journaliste, qui accompagna la division Leclerc en France, parle, dans son Carnet de retour, de l’odeur et de la langue de Normandie, qui furent pour lui le signe de l’émotion de la Libération.
Je suis donc en complet accord avec l’intégralité des articles de votre proposition de loi et suis ravi de voir que des socialistes puissent enfin en venir à ces idées. Elle rompt avec le projet de la Terreur et de la Convention nationale, dont mon excellent collègue Yannick Moreau, avec beaucoup de talent et d’émotion, vous décrivait hier après-midi les crimes.
J’ajoute que je souhaiterais porter un amendement, afin que nous puissions utiliser quelquefois – rarement, bien sûr – les langues de nos pères et de nos provinces. Vouloir les interdire me paraît extrêmement totalitaire.
Mme la présidente. La parole est à Mme Chantal Berthelot.
Mme Chantal Berthelot (PS). Madame la présidente, madame la secrétaire d’État, madame la rapporteure, mes chers collègues, alors que la ratification tant attendue de la charte européenne des langues régionales ou minoritaires a échoué, au Sénat, il y a un peu plus d’un an, nous voilà aujourd’hui réunis pour offrir à nos langues régionales le cadre juridique indispensable à leur promotion et à leur inscription dans notre patrimoine commun.
Cet appui juridique se décline dans trois domaines où des mesures de promotion et de protection des langues régionales peuvent être apportées : l’enseignement, la signalétique et les médias.
À l’heure où près de la moitié des 6 000 langues parlées dans le monde sont menacées d’extinction, l’enjeu est majeur pour nos territoires respectifs et la préservation de la pluralité de nos cultures et de nos identités, dont nos patrimoines linguistiques sont l’une des expressions.
La diversité des langues parlées sur nos territoires constitue un patrimoine d’une richesse exceptionnelle et d’une réalité vivante. Outre-mer, en particulier, cinquante-cinq langues sont reconnues comme langues de France, parmi les soixante-quinze recensées au niveau national. En Guyane, douze langues bénéficient de ce statut, j’y reviendrai dans un instant.
La reconnaissance juridique de ce patrimoine et sa promotion sont indispensables à sa préservation et à sa transmission. C’est pourquoi je salue la consécration, prévue à l’article 1er de la présente proposition de loi, de l’enseignement des langues régionales comme matière inscrite dans le cadre de l’horaire normal d’enseignement, à partir de la maternelle.
Ce nouveau pas vers la reconnaissance du bilinguisme est complété par l’article 2, qui pose le principe de la reconnaissance de l’enseignement bilingue français-langues régionales, quelle que soit la durée des enseignements dispensés dans ces deux langues.
Mes chers collègues, reconnaître le bilinguisme dans l’enseignement, c’est avant tout accepter qu’une société se bâtisse sur d’autres fondements que l’imposition d’une prétendue identité unique. Au travers du bilinguisme et du plurilinguisme, la question posée est celle de l’acceptation du multiculturalisme, qui est un fait de société, probablement plus fort en Guyane que partout ailleurs en France.
La place du français dans l’édification de cette société qui s’invente au quotidien n’est plus celle de la substitution progressive aux langues régionales, mais bien celle d’une plus-value linguistique concourant à renforcer le caractère international de notre langue commune. En d’autres termes c’est en reconnaissant le plurilinguisme que nous favorisons l’accès de la langue française à un statut plus en phase avec le monde auquel nous aspirons et l’ensemble des valeurs que nous souhaitons la voir porter.
Mes chers collègues, dans les outre-mer, la langue française n’est pas toujours la langue maternelle de la majorité des citoyens mais souvent une langue acquise dans la vie sociale et par l’école, au terme d’un long processus d’apprentissage. En Guyane, par exemple, dans la plupart des villages du Maroni et de l’Oyapock, ainsi que sur le littoral, qu’ils soient amérindiens ou bushinengués, nos enfants n’ont pas le français comme langue maternelle. La reconnaissance de l’identité de ces peuples nous impose le respect et la défense de la spécificité de chacune de leurs langues, reconnues comme langues de France.
L’échec scolaire de nos enfants est dû en grande partie à leur difficulté à entrer dans les processus d’apprentissage de la lecture et de l’écriture du français. L’adaptation du système scolaire à nos particularités linguistiques est donc indispensable pour garantir à nos enfants les mêmes chances de réussite. C’est la raison pour laquelle je proposerai des amendements visant à préciser les termes des différents articles de cette proposition de loi.
En effet, l’expression « langues régionales » comporte déjà en elle-même une ambiguïté juridique et ne permet pas de prendre en compte l’ensemble des langues de France, qui comprennent non seulement les langues régionales mais aussi les langues minoritaires. En Guyane, je vous le disais, douze langues sont reconnues comme langues de France mais seul le créole guyanais bénéficie du statut de langue régionale. Les onze autres langues de Guyane reconnues comme langues de France, à savoir le saramaka, l’aluku, le ndjuka, le paramaka, le kali’na, le wayana, le palikur, l’arawak, le wayampi, le teko et le hmong, sont donc de facto exclues des articles que nous allons examiner.
Mes chers collègues, du fait de sa formidable diversité, la Guyane est le laboratoire de l’identité multiple de chacun de ses hommes et de chacun de ses peuples, avant d’être l’identité multiple d’un peuple guyanais qui s’invente au quotidien et se projette dans le cadre d’un nouveau contrat social et d’une nouvelle communauté de destin au sein du peuple français. C’est le sens de cette nation arc-en-ciel qui est en train de se bâtir pour tous les enfants de Guyane et tous les enfants de France. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, écologiste et républicain.)
M. Éric Straumann (LR). Bravo !
Mme la présidente. La parole est à M. Éric Elkouby.
M. Éric Elkouby (PS). Madame la présidente, madame la secrétaire d’État, madame la rapporteure, mes chers collègues, à de nombreuses reprises déjà, le Parlement s’est saisi de textes de loi relatifs aux langues régionales de France. C’est donc avec une certaine émotion que je prends la parole devant vous aujourd’hui, dans le sillage de mon ami Armand Jung, mon prédécesseur à l’Assemblée nationale, auteur, en décembre 2010, d’une proposition de loi relative au développement des langues et cultures régionales. Je souhaite lui rendre hommage, ainsi qu’à sa persévérance pour défendre les langues régionales – car il en faut, de la persévérance, lorsqu’on s’intéresse à ce sujet.
En 1999 déjà, Alsacien et attaché à ma région, j’ai suivi avec intérêt le débat sur la charte européenne des langues régionales ou minoritaires du Conseil de l’Europe. Je me souviens avec précision du moment où le gouvernement de Lionel Jospin venait de signer la charte : nous en étions à l’étape décisive de la ratification de ce texte, lorsque est tombé le couperet du Conseil constitutionnel, saisi par le Président de la République de l’époque, Jacques Chirac, mettant temporairement un terme malheureux au débat.
Il aura fallu attendre une quinzaine d’années pour que notre assemblée examine à nouveau ce dossier, par le biais, cette fois, de la proposition de loi constitutionnelle visant à ratifier la charte européenne des langues régionales ou minoritaires, portée par Jean-Jacques Urvoas. Ce texte, je tiens à le souligner, a été adopté à une très large majorité qualifiée, en janvier 2014, avec 361 voix pour. Il s’agissait d’une étape essentielle pour parvenir enfin à cette ratification tant attendue, mais c’était compter sans la volonté clairement affichée du Sénat de saboter ce travail de longue haleine, en déclarant abruptement qu’il n’y avait pas lieu de délibérer.
Mme Annie Le Houerou, rapporteure de la commission des affaires culturelles et de l’éducation. Eh oui !
M. Éric Elkouby (PS). Quelle honte ! Il n’existe, en somme, aucun statut légal pour les langues régionales, mais seulement une politique de tolérance, parfois bienveillante, parfois hostile.
Toujours à force de persévérance, nous abordons ce thème une nouvelle fois, aujourd’hui, par le biais concret d’une proposition de loi sur la promotion des langues régionales. Le texte qui nous est soumis est sans doute l’une de nos dernières chances de reconnaître, enfin, une grande partie de la charte européenne des langues régionales ou minoritaires. Je salue du reste la détermination et les progrès dont témoigne ce texte orienté vers l’enseignement, la signalétique et la diffusion médiatique de nos langues régionales.
Est-il nécessaire de rappeler les principes qui guident la charte européenne du Conseil de l’Europe, dont le siège, je tiens à le rappeler, est situé à Strasbourg, dans ma circonscription ? Premièrement, la langue française est notre langue officielle. Deuxièmement, la République française reconnaît les langues et cultures régionales sur son territoire.
M. Éric Straumann (LR). Elle ne reconnaît même pas l’Alsace ! Il n’y a plus de régions !
M. Éric Elkouby (PS). Troisièmement, la politique en matière de langues et cultures régionales doit s’inscrire davantage dans le cadre de la décentralisation. Quatrièmement, apprendre une langue régionale est un acte volontaire dont la possibilité doit être offerte à tous.
Est-il vraiment nécessaire de rappeler, à ce stade du débat, que les langues régionales ne menacent pas l’unicité de notre République et que la France n’est pas une citadelle assiégée ? Reconnaître les langues régionales ne signifie pas que l’on cède à des pressions communautaristes. Au contraire : c’est reconnaître notre patrimoine et notre richesse culturelle. La France a la chance de compter sur son territoire, en métropole et en outre-mer, soixante-quinze langues différentes. Toutes ont leur histoire. Toutes ont généré une culture spécifique et une littérature souvent brillante. Toutes ont servi de vecteur à une pensée, à des croyances, à des sentiments précieux dans leur singularité.
Nos voisins européens, qui, pour la plupart, ont engagé depuis longtemps des politiques très généreuses en vue de promouvoir leurs propres langues régionales, attendent de nous un geste fort en la matière. La France se doit de participer à ce large mouvement international de reconnaissance de la pluralité linguistique, en soi salutaire, parce qu’il est l’un des truchements par lesquels sa voix est appelée à gagner encore en influence.
M. Éric Straumann. Et, en même temps, vous piétinez l’Alsace !
M. Éric Elkouby. Non, monsieur Straumann, la République n’a rien à craindre des langues régionales. Elle a précisément besoin, aux côtés d’une langue française forte, de langues et cultures régionales qui font toute la grandeur de notre pays, aux identités marquées.
M. Éric Straumann (LR). C’est trop tard !
M. Éric Elkouby (PS). Chers collègues, aux frileux qui considèrent que les langues régionales peuvent être un danger pour le socle républicain, je veux dire qu’elles sont une partie intégrante de notre édifice linguistique, qu’elles sont la reconnaissance de nos traditions. À travers les huit articles de cette proposition de loi, ce sont l’enseignement des langues régionales de la maternelle à l’université, la généralisation de la signalétique ou la diffusion médiatique paritaire qui sont reconnus. C’est un signe d’espoir et d’avenir pour l’alsacien,…
M. Éric Straumann. Vous avez tué l’Alsace !
M. Éric Elkouby. …pour le mosellan, pour l’occitan, pour le basque, pour le corse, pour le breton, pour le catalan, en somme, un espoir et une espérance pour notre pays : la France ! (Applaudissements sur lesbancs du groupe socialiste, écologiste et républicain.)
Mme la présidente. La parole est à M. Claude Sturni.
M. Thierry Benoit (radical centriste). Allez, l’Alsace !
M. Claude Sturni (LR). Madame la présidente, madame la secrétaire d’État, madame la rapporteure, chers collègues, cette énième initiative parlementaire concernant les langues régionales m’inspire plusieurs réflexions et inquiétudes. J’espère, comme nombre de mes collègues siégeant à mes côtés, que cette proposition de loi, déposée à quelques semaines de la fin de la législature, n’a pas été guidée par une démarche opportuniste et électoraliste, car une telle position partisane pourrait nuire au rassemblement qu’exige le déclin partout constaté de la pratique de ces langues.
Député d’un territoire, l’Alsace, où l’atout culturel et économique que constitue la pratique de la langue régionale est en train de perdre de sa vigueur, je crois important de soutenir une proposition qui pourrait, a priori, aller dans la bonne direction, si toutefois l’on y ajoutait un peu plus de bon sens.
C’est en vertu de ce bon sens que je proposerai ici plusieurs amendements, reposant sur trois axes principaux : veiller à ce que l’enseignement puisse s’effectuer en langue régionale ; permettre à toutes les collectivités, et pas seulement à la région, d’être parties prenantes à la promotion des langues régionales ;…
M. Marc Le Fur. Très bien !
M. Claude Sturni.(LR) …assurer un bon équilibre entre la langue française, qui est notre patrimoine commun, et le renforcement de la pratique des langues régionales – chez nous l’alsacien, qui ouvre la porte vers notre voisin allemand. C’est donc dans un esprit de recherche de consensus que j’ai abordé l’examen de ce texte, en commission la semaine dernière et en séance aujourd’hui.
Concernant l’enseignement en langues régionales, mes collègues et moi-même avons souhaité apporter des modifications, au titre Ier ainsi qu’à l’article 2, portant sur les modalités d’enseignement des langues et cultures régionales. Cette approche me semble cohérente et peut être satisfaite sans nuire à la priorité de la langue française, rappelée à plusieurs reprises dans mes amendements.
Concernant la participation de l’ensemble des collectivités à la promotion des langues et cultures régionales ainsi qu’à l’information de la représentation nationale sur la place des langues régionales dans les médias bénéficiant d’aides publiques, les choses se sont corsées, madame la secrétaire d’État, lors des échanges en commission, la semaine dernière.
Le code de l’éducation précise dans plusieurs de ses articles que l’État et les collectivités territoriales s’accordent par voie de convention sur les modalités de l’enseignement des langues et cultures régionales. Dans les faits, des collectivités de différents niveaux peuvent être impliquées dans l’organisation de ces enseignements, en fonction notamment des établissements concernés.
La loi NOTRe – portant nouvelle organisation territoriale de la République – dispose, dans son article 104, que la promotion des langues régionales est une compétence partagée entre les différentes collectivités territoriales. Il s’agit là d’une disposition issue de longues discussions mais relevant du bon sens. Or l’article 1er de la proposition de loi que nous examinons aujourd’hui mentionne des « conventions entre l’État et les régions ou les collectivités territoriales régies par l’article 73 de la Constitution », revenant ainsi sur la loi NOTRe.
Mes amendements tendent à modifier cette définition en se référant simplement, de manière générique, aux collectivités territoriales. Cela me paraît en effet correspondre davantage à l’esprit des textes adoptés antérieurement, mais aussi et surtout au droit existant. De fait, madame la secrétaire d’État, vous avez vous-même relevé tout à l’heure que cette proposition de loi vise à conforter les nombreuses initiatives qui existent au niveau local.
J’espère que ces arguments de bon sens pourront être entendus, car il ne s’agit nullement de réécrire la loi NOTRe ou de reporter à plus tard la définition des collectivités concernées, alors que tous les textes nécessaires existent déjà. Le simple fait de mentionner les collectivités territoriales plutôt que les régions donnerait à cette proposition de loi une portée générale, satisfaisante pour tous les députés car conforme à des lois votées récemment et applicable tout de suite.
J’ai enfin proposé d’ajouter aux articles de cette proposition de loi la remise au Parlement d’un rapport annuel sur la place des langues régionales dans les médias bénéficiant d’aides publiques directes et indirectes.
M. Marc Le Fur. Bonne idée !
M. Claude Sturni (LR). Nous avons eu la chance d’auditionner à ce propos, la semaine dernière, le président de Radio France, que j’ai notamment interrogé sur l’arrêt de la diffusion par ondes hertziennes de France Bleu Elsass, station qui émettait en langue régionale. L’arrêt de cette diffusion, désormais renvoyée sur le web, n’a pas suscité de réaction de sa part ni même de remarques dans le rapport d’exécution du contrat d’objectifs et de moyens, ce qui prouve bien qu’en l’état actuel, nous ne disposons pas d’éléments synthétiques nous permettant d’évaluer la place accordée par les grands médias aux langues et aux cultures régionales.
En conclusion, je dois avouer une certaine déception à la suite de l’examen de ce texte en commission, alors qu’il aurait pu susciter une adhésion de l’ensemble des députés. J’attends donc de nos débats plus d’apaisement et des échanges plus constructifs. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe Les Républicains.)
Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Luc Laurent.
M. Jean-Luc Laurent (PS). Madame la présidente, madame la secrétaire d’État, madame la rapporteure, mes chers collègues, je sais que mon intervention a déclenché beaucoup d’angoisse mais, pour ma part, j’aborde cette discussion avec beaucoup de sérénité. En matière de langues régionales, en effet, le bilan du quinquennat est excellent…
Mme la présidente. Monsieur Bompard, je vous prie de sortir de l’hémicycle pour téléphoner ; il y a tout de même des limites à respecter.
Vous pouvez reprendre, monsieur Laurent.
M. Jean-Luc Laurent (PS). Le bilan est excellent, disais-je, et l’essentiel a été fait : l’enterrement par nos collègues sénateurs – comme le demandaient les députés du Mouvement républicain et citoyen – de la ratification de la charte européenne des langues régionales ou minoritaires.
Chassés par la porte, les promoteurs des langues régionales ont saisi chaque occasion de revenir par la fenêtre, qu’il s’agisse de la loi d’orientation et de programmation pour la refondation de l’école de la République, de la loi NOTRe ou de la loi sur l’enseignement supérieur et la recherche.
Après avoir examiné minutieusement la proposition de loi de nos collègues socialistes et écologistes, et pris connaissance des travaux de la commission, je suis prêt à convenir avec eux qu’il s’agit d’un texte de très faible portée législative – presque infralégislative.
Mme Annie Genevard (LR). Nous sommes d’accord !
M. Jean-Luc Laurent (PS). Mais je refuse qu’on le présente comme un texte de consensus et d’équilibre. Je refuse cette approche consistant à enregistrer une pression sociale et politique locale, et à canaliser celle-ci avec des arrangements et des compromis, en cherchant des points d’équilibre. La recherche de l’intérêt général, ce n’est pas cela, mes chers collègues.
La question de la langue est une question politique majeure, qu’il faut aborder avec des principes et une ligne politique. Les principes sont simples : ils sont inscrits dans les articles de la Constitution. Article 2 : « La langue de la République est le français. » Article 75-1 : « Les langues régionales appartiennent au patrimoine de la France. » La ligne politique doit être déduite de ces principes : rien à l’école, rien dans les services publics, aucune forme de co-officialité, mais un soutien franc aux langues régionales en danger de disparition, par une politique culturelle, nationale et régionale. C’est sur cette base que nous devrions nous rassembler.
Plutôt que cette clarté, les promoteurs des langues régionales – pour reprendre le titre de la proposition de loi – n’ont pour seul souci que de franchir la ligne jaune, de violer les principes, de jouer avec la Constitution.
Quel projet politique portent les promoteurs des langues régionales ? Ils nous proposent non pas de les sauver, de les promouvoir, de les préserver, de les développer – ces objectifs, quoique discutables, sont légitimes, et, sans les partager, je les admets –, mais de les faire entrer à l’école et dans la sphère publique. Ils nous proposent de construire pour demain une France balkanisée et fragmentée, en commençant par ses marges géographiques et linguistiques, une France dans laquelle les étudiants, les écoliers, les fonctionnaires ne circuleront plus facilement au cours de leur vie, parce qu’ils se poseront la question de leur identité, de leur appartenance. Non, mes chers collègues, je ne rêve pas de cette France régionalisée et enracinée, car un Français est partout chez lui sur le territoire national.
La promotion forcée des langues régionales est un projet d’enfermement pour les uns et de limitation pour les autres. Même s’ils s’en défendent, ce projet valorise l’entre-soi et – disons-le puisque, tout à l’heure, sera évoqué le souvenir des Conventionnels –, le projet d’une France fédérale avec plusieurs langues et plusieurs législations. Nous en sommes loin mais aucun pas ne doit être fait dans cette direction. La revendication linguistique a été conçue dans les années 1970 ; la France de mai 1968 avait besoin de respirer, mais de l’eau a coulé sous les ponts.
La langue est un objet sérieux. On répète trop souvent, avec Renan, que la nation est un projet. Or la nation est aussi une langue, une langue commune, une langue vivante. L’ordonnance de Villers-Cotterêts a lancé l’unification linguistique. Cette proposition de loi est une proposition de détricotage : quelques mailles, rien de méchant. On devrait laisser passer mais je suis convaincu que le législateur, par respect pour cette entreprise pluriséculaire, doit refuser toutes les mesures qui, prétendument, « ne mangent pas de pain » ; elles ne seront du reste probablement jamais examinées par le Sénat – c’est un détail.
Le législateur doit se montrer extrêmement prudent, précautionneux, prendre le plus grand soin de l’héritage républicain et refuser tous ces accommodements déraisonnables affaiblissant la langue commune, notre langue commune, qui nous permet de faire nation et de regarder sereinement vers l’avenir.
M. Marc Le Fur (LR). L’abbé Grégoire n’est pas mort !
Mme la présidente. La parole est à M. Paul Molac.
M. Paul Molac (PS). Madame la présidente, mes chers collègues, nous sommes réunis aujourd’hui pour parler d’un sujet sulfureux – sulfureux ici, pas forcément en région car il remet en cause non pas la République mais la conception toute ethnique et nationaliste que certains s’en font.
Ethnique, disais-je. Quel besoin a-t-on d’accoler à l’idée de République ce marqueur ethnique qu’est la langue française ? En son temps, le regretté Guy Carcassonne avait ainsi souligné ce paradoxe : « La République a-t-elle besoin d’une langue ? » Si la République a besoin d’une langue pour que nous puissions nous comprendre, elle ne doit en aucun cas en faire la langue unique et utiliser les moyens dont elle dispose pour éradiquer toutes les autres.
C’est pourtant ce qu’elle a fait pendant des années, développant une politique d’éradication en s’appuyant en particulier sur l’école et sur l’administration. On pense bien sûr à ces préfets qui, recevant les promus au concours d’instituteur, leur disaient : « Souvenez-vous, messieurs, que vous n’êtes en place que pour tuer la langue bretonne ! »
La République s’est encore pervertie dans cette politique ethnique en inscrivant à l’article 2 de la Constitution : « La langue de la République est le français. » Cette mention pourrait prêter à sourire : c’est un peu comme si un État laïc inscrivait dans sa Constitution qu’il a une religion unique, comme si la République reposait sur la langue et sur une culture unique.
Mme Annie Genevard (LR). Comment peut-on dire cela ? C’est incroyable !
M. Paul Molac (PS). Reléguer la République à la langue, c’est finalement l’enfermer dans l’ethnisme.
Mme Annie Genevard (LR). La référence au français figure dans la Constitution !
M. Paul Molac (PS). On peut la changer !
Cela pourrait prêter à sourire, disais-je, si nos langues n’étaient pas menacées de disparition à brève échéance, selon les études de l’UNESCO : une perte culturelle irremplaçable. Cela pourrait prêter à sourire si le candidat désigné à la primaire de droite ne s’était félicité, en 2012, de l’effacement des langues régionales. S’il était élu – mais il ne le sera pas –, il ajouterait à la régression sociale et environnementale la régression culturelle.
Mme Annie Genevard (LR). Rien que ça !
M. Paul Molac (PS). Si la République est laïque, c’est pour être juste envers toutes les religions. La République se doit d’être diverse pour tenir compte des langues, des cultures et des peuples qui la composent. C’est justement le sens de cette proposition de loi que de donner une assise juridique à l’usage des langues régionales. Je pense bien sûr à Pierre Joxe, qui avait inscrit dans sa loi le principe selon lequel le peuple corse est partie intégrante du peuple français – c’est la preuve que nos grands hommes peuvent se montrer ouverts, même des ministres de l’intérieur…
M. Éric Staumann (LR). Ça a changé depuis !
M. Paul Molac (PS). Il faut bien le dire, le corpus législatif sur les langues régionales est des plus restreints : quelques mentions dans la loi Peillon – c’est un progrès – et pratiquement rien dans les autres textes. On ne peut s’empêcher de songer à l’article 21 de la loi Toubon sur l’usage du français : « Les dispositions de la présente loi s’appliquent sans préjudice de la législation et de la réglementation relatives aux langues régionales de France et ne s’opposent pas à leur usage. » Encore faudrait-il qu’il existât une législation et une réglementation positives sur les langues régionales. Tel est le but de la présente proposition de loi. Je ne trouve donc pas que cela soit anodin, notamment pour les raisons idéologiques que je viens d’expliquer. Barère est loin d’être mort.
Je souligne également que, durant cette législature, les langues régionales sont sorties de leur anonymat. J’ai parlé de la loi Peillon. J’ajouterai que, depuis la loi Deixonne de 1951, une cinquantaine de propositions de loi sur les langues régionales ont été déposées sur le bureau de l’Assemblée, sans qu’aucune ne soit discutée. Au cours de cette législature, il en a été question dans plusieurs textes. Nous avons discuté, en janvier dernier, d’une proposition de loi – la mienne, en l’occurrence – sur les langues régionales ; rejetée par un artifice de procédure,…
M. Marc Le Fur (LR). Un scandale !
M. Paul Molac (PS). …elle a finalement provoqué le sursaut qui nous permet de rediscuter du sujet aujourd’hui. Alors je ne vais pas bouder mon plaisir, pour une fois – c’est si rare – que l’on se penche sur nos langues.
Cette proposition de loi concerne les trois domaines essentiels à la mise en œuvre d’une réelle politique de sauvegarde des langues régionales : l’enseignement, les médias et la signalétique.
Concernant l’enseignement, je salue la volonté d’appliquer aux régions le désirant, sur tout ou partie de leur territoire, le modèle corse d’une langue régionale enseignée dans le cadre de l’horaire normal. De surcroît, l’article 1er dispose que la langue régionale « est une matière enseignée » et non « une matière qui peut être enseignée » – si elle n’est enseignée que lorsque c’est possible, on trouve malheureusement beaucoup de recteurs pour s’y opposer… Nous inversons ainsi l’ordre des choses pour que, sur ces territoires, la langue régionale soit enseignée par défaut à tous, à l’exception de ceux en exprimant le refus.
Je ne peux toutefois que regretter l’absence de dispositions créant une possibilité de financement des écoles associatives de langues régionales, gratuites et ouvertes à tous – diwan en Bretagne, ikastolak au Pays basque, calandretas en Occitanie. Celles-ci ont pourtant fait la preuve de la qualité supérieure à la moyenne française de l’enseignement qu’elles délivrent : leurs résultats en français sont excellents. Il est temps de leur rendre justice.
M. Marc Le Fur. Eh oui !
M. Paul Molac (PS). Concernant la signalétique et les médias, les dispositions contenues dans cette proposition de loi, qui rejoignent en partie celles contenues dans la mienne, sont de nature à renforcer la présence des langues régionales dans l’espace public mais aussi privé, par le biais de la radio et de la télévision. Une langue qui ne se lit pas et ne s’entend pas est une langue en péril. Beaucoup d’autres avancées importantes pourraient être réalisées par le biais d’une telle proposition de loi ; nous en discuterons tout à l’heure.
Mes chers collègues, même si je regrette les soubresauts que l’on fait souvent subir aux initiatives législatives sur les langues régionales, je suis donc plus que favorable à cette proposition de loi. J’espère qu’elle pourra suivre son cheminement jusqu’au bout, afin de créer un véritable droit positif pour nos langues, qui en ont grandement besoin. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe socialiste, écologiste et républicain.)
Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Pierre Decool.
M. Jean-Pierre Decool (LR). Madame la présidente, madame la secrétaire d’État, madame la rapporteure, mes chers collègues, comme le dispose l’article 2 de la Constitution : « La langue de la République est le français. » Toutefois, l’article 75-1 de cette même Constitution précise : « Les langues régionales appartiennent au patrimoine de la France. » Cette reconnaissance constitutionnelle nous oblige à trouver un juste équilibre entre protection du français et promotion de nos langues régionales.
Je me réjouis de l’inscription à l’ordre du jour de notre assemblée d’une proposition de loi relative à la promotion des langues régionales. Alors que nous attendons encore la ratification de la charte européenne des langues régionales ou minoritaires, ce texte marque un progrès sur un sujet occulté depuis bien trop longtemps. Il franchit en effet une nouvelle étape, en présentant des mesures de promotion et de protection des langues régionales dans trois domaines : l’enseignement, la signalétique et les médias.
Son examen me permet de revenir sur un sujet qui me tient particulièrement à cœur : la reconnaissance du flamand occidental en tant que langue régionale, dont j’ai eu l’occasion de parler à de très nombreuses reprises dans cet hémicycle, car je mène ce combat depuis 2002.
Le flamand occidental fait partie intégrante du patrimoine culturel du département du Nord. Pourtant, à ce jour, il n’est pas inscrit au Bulletin officiel de l’éducation nationale no 33 du 13 septembre 2001, qui dresse la liste officielle des langues régionales françaises. De cette non-reconnaissance par les pouvoirs publics découlent de sévères difficultés pour les défenseurs du flamand occidental, lesquels tentent de sauvegarder cette langue qualifiée de « sérieusement en danger » par l’UNESCO.
L’enseignement du flamand occidental n’est permis que dans quelques écoles primaires, depuis 2007. Il demeure, à ce jour, à l’état embryonnaire, sans aucune formation des maîtres et sans continuité pédagogique au collège et au lycée. Pourtant, l’enseignement associatif est vivace, encouragé comme il est par 1,5 million de locuteurs, des deux côtés de la frontière.
Le flamand occidental présente des intérêts indéniables. Au-delà de l’outil culturel et éducatif, sa connaissance est en effet un outil de développement économique. Il permet aux habitants du territoire d’accéder à de nombreux emplois dans les secteurs du tourisme et du commerce transfrontalier ainsi que dans les entreprises implantées en Flandre belge. C’est une véritable passerelle vers l’apprentissage de toutes les langues qui entourent le Nord : l’anglais, le néerlandais et l’allemand.
Interrogé sur le sujet à plusieurs reprises, le Gouvernement a préféré botter en touche, prétextant que l’enseignement du flamand occidental pouvait créer un impact concurrentiel négatif avec le néerlandais. Autrement dit, le Gouvernement préfère défendre et promouvoir une langue étrangère plutôt qu’une langue régionale française.
Alors que le conseil régional des Hauts-de-France travaille à la création d’un office public du flamand occidental, la France ne peut continuer plus longtemps à donner l’image d’un pays qui discrimine ses cultures les unes par rapport aux autres.
Par conséquent, mes chers collègues, je proposerai tout à l’heure un amendement pour que le flamand occidental soit reconnu en tant que langue régionale officielle de France. Je vous invite à le voter pour préserver cette langue, emblème de notre patrimoine culturel local et à laquelle est profondément attachée la Flandre française.
Je précise néanmoins que je voterai pour cette proposition de loi, qui, bien qu’incomplète, permettra d’acter les volontés. (Applaudissements sur les bancs du groupe Les Républicains et sur plusieurs bancs du groupe socialiste, écologiste et républicain.)
Mme la présidente. La discussion générale est close.
Discussion des articles
Mme la présidente. J’appelle maintenant, dans le texte de la commission, les articles de la proposition de loi.
Avant l’article 1er
Mme la présidente. La parole est à M. Frédéric Reiss, pour soutenir l’amendement no 54.
M. Frédéric Reiss (LR). Cet amendement évoque la possibilité d’enseigner en langue régionale, sachant que l’article 2 de la proposition de loi rappelle que les apprentissages du français sont la priorité, conformément aux articles L. 111-1 et L. 121-3 du code de l’éducation. L’intérêt de la présente proposition de loi est de permettre aussi l’enseignement en langue régionale. Il s’agira évidemment de former des enseignants pour cela. L’ISLRF – Institut supérieur des langues de la République française –, qui regroupe cinq réseaux associatifs de langues régionales, fait des efforts en matière de formation des maîtres pour l’enseignement en langue régionale.
Mme la présidente. La parole est à Mme Annie Le Houerou, rapporteure de la commission des affaires culturelles et de l’éducation, pour donner l’avis de la commission.
Mme Annie Le Houerou, rapporteure de la commission des affaires culturelles et de l’éducation. Par souci de clarté et dans la mesure où les articles se concentrent sur le développement de l’enseignement des langues régionales et de leur promotion, la commission a décidé d’en rester à la formulation initiale et a rejeté cet amendement. Son avis est donc défavorable.
Mme la présidente. La parole est à Mme la secrétaire d’État chargée des collectivités territoriales, pour donner l’avis du Gouvernement.
Mme Estelle Grelier, secrétaire d’État chargée des collectivités territoriales. La loi prévoit déjà la possibilité de dispenser des enseignements en langue régionale puisque l’article L. 312-10 du code de l’éducation permet que l’enseignement facultatif de langue et culture régionales soit proposé sous la forme d’un enseignement bilingue en langue française et en langue régionale. Par conséquent, le Gouvernement est défavorable à votre amendement.
Mme la présidente. La parole est à M. Marc Le Fur.
M. Marc Le Fur (LR). Je trouve excellent l’amendement de nos collègues Frédéric Reiss et Claude Sturni parce qu’il valorise la méthode de l’immersion, laquelle ne consiste pas seulement à apprendre la langue régionale mais également à l’utiliser comme moyen d’étude d’autres disciplines – l’histoire, la physique, etc. Le but n’est pas uniquement d’enseigner la langue en question mais de parvenir à ce qu’elle devienne une langue de vie dans nos réseaux scolaires. C’est ainsi que nous gagnerons la bataille qui devrait nous rassembler.
Mme la présidente. La parole est à M. Paul Molac.
M. Paul Molac (PS). Je rappelle à mes collègues que l’enseignement des langues régionales comprend aussi celui des enseignants eux-mêmes, la secrétaire d’État aurait pu le préciser. Écrire « enseignement en langues régionales » dans le titre, cela viserait uniquement la matière enseignée, alors que l’expression « enseignement des langues régionales » inclut l’enseignement bilingue. (Exclamations sur plusieurs bancs du groupe Les Républicains.)
M. Richard Ferrand (PS). Il a raison !
M. Claude Sturni (LR). Mais non !
M. Marc Le Fur (LR). C’est tout le contraire !
M. Paul Molac (PS). Je me tourne vers la secrétaire d’État car ce serait encore mieux si elle pouvait confirmer mon interprétation.
Mme la présidente. La parole est à Mme la secrétaire d’État.
Mme Estelle Grelier, secrétaire d’État. J’ai l’ai bien indiqué en disant que l’amendement était satisfait, monsieur Molac.
M. Marc Le Fur (LR). Ce n’est pas ce qu’on a entendu !
M. Richard Ferrand. Il faut écouter !
(L’amendement no 54 n’est pas adopté.)
Article 1er
Mme la présidente. Plusieurs orateurs sont inscrits sur l’article 1er.
La parole est à M. Jean-Pierre Allossery.
M. Jean-Pierre Allossery (PS). Madame la présidente, madame la secrétaire d’État, chers collègues, l’article 1er de cette proposition de loi prévoit d’étendre au cas par cas le dispositif actuellement appliqué en Corse en vertu de l’article L. 312-11-1 du code de l’éducation, sur les territoires où il existe un besoin en la matière. Demain, chaque région pourra passer une convention avec l’État pour proposer un enseignement non obligatoire de langue régionale, de la maternelle au secondaire, sur tout ou partie du territoire régional, même pour des langues régionales jusqu’ici délaissées, comme le flamand occidental, dont il vient d’être question.
Jusqu’à présent, une circulaire de septembre 2001, paru au no 33 du Bulletin officiel de l’éducation nationale, conduisait à une véritable discrimination entre les langues régionales. Mais elle concerne l’article L. 312-10 et non l’article L. 312-11-1. Il faudra donc une nouvelle circulaire, madame la secrétaire d’État, et je vous invite vivement à réparer un oubli vieux de quinze ans en y mentionnant le flamand occidental. L’article 1er permettra ainsi de lever les discriminations dont sont victimes plusieurs langues régionales françaises et de les voir enfin traitées sur un pied d’égalité ; voilà pourquoi je le soutiens.
Mme la présidente. La parole est à M. Jacques Bompard.
M. Jacques Bompard (extrême droite). Je trouve très heureux que la charte européenne des langues régionales ou minoritaires ait été rejetée.
Il faudrait d’ailleurs soulever la question des ELCO – les enseignements de langue et de culture d’origine –, toujours aussi scandaleuse. J’ai déposé une proposition de loi à ce sujet, qui a évidemment suscité l’opposition des médias. Pourtant, la disparition des ELCO aurait permis de donner davantage de place à l’enseignement des langues régionales dans l’ensemble des milieux scolaires, notamment dans les écoles élémentaires, où l’on sait que peut être maîtrisée la majorité de l’intelligence d’une langue.
J’espère que l’État sera particulièrement attentif à faciliter les échanges entre les milieux scolaires et les régions, pour que des conceptions surannées qui existent encore dans certains ministères ne servent pas de prétexte à ralentir ces mises en place. J’espère par ailleurs que les initiatives locales seront soutenues et intégrées au plan régional.
Mme la présidente. La parole est à M. Éric Straumann.
M. Éric Straumann (LR). Tout le monde aura bien compris que la majorité présente ce texte pour se faire pardonner la funeste réforme territoriale qui a piétiné le fait régional. Comme on dit en alsacien : s’esch a grimbel, c’est de la verroterie.
Et les envolées lyriques de notre collègue Éric Elkouby ne peuvent masquer un fait que d’aucuns ont qualifié du plus grave depuis la fin de la Seconde Guerre mondiale : la disparition de l’Alsace comme collectivité. Jamais elle n’aura été autant mal traitée par un Premier ministre, qui a affirmé que le peuple alsacien n’existait pas, ou par un Président de la République, qui a déclaré devant des jeunes qu’elle n’existait plus. Personne n’est donc dupe de la manœuvre grossière que constitue ce texte, même s’il présente deux avancées minuscules.
Enfin, je voudrais dire à notre collègue Jean-Luc Laurent, dont je respecte la position, que, quand la dernière langue régionale aura disparu, le compte à rebours commencera pour le français. (Applaudissements sur les bancs du groupe Les Républicains.)
Mme Marie-Hélène Fabre. C’est vrai !
Mme la présidente. La parole est à M. Philippe Folliot.
M. Philippe Folliot (UDI). Kaoha ! Cela signifie bonjour en marquisien. Quand on parle des langues régionales, même si nous avons tous en tête celles parlées en métropole, il est essentiel de ne pas oublier que beaucoup d’entre elles sont ultramarines, avec tout ce que cela représente en termes de diversité et de richesse pour notre pays, à bien des égards. Lou biais, c’est le bon sens paysan : je pense que nous devrions aborder ce texte ainsi, avec bon sens, avec biais. Certes, il ne fera pas bouger fondamentalement les choses mais il est important de reconnaître à leur juste place les langues régionales, de les protéger et, plus encore, de faire en sorte qu’elles soient mieux parlées. Je voudrais rendre hommage à tous ceux qui travaillent en ce sens, dans les calandretas, et à tous les acteurs du tissu associatif qui agissent bénévolement pour que continue à exister cette richesse de notre pays.
Il me paraît aussi essentiel de souligner que défendre les langues régionales est aussi une façon de défendre le français. Nous voulons tous que la langue de la République continue à être parlée et la francophonie est, à cet égard, un élément essentiel. Il n’y a pas opposition en ce domaine, bien au contraire. Comme vient de l’expliquer notre collègue Straumann, si un jour on ne parlait plus aucune langue régionale, le français serait alors menacé.
Avec ce texte, nous allons essayer d’être les aka hiki de la République, c’est-à-dire ses modestes serviteurs, pour assurer la défense nécessaire de cette diversité, de cette pluralité qui fait la richesse de notre beau et grand pays.
Mme la présidente. La parole est à M. Marc Le Fur.
M. Marc Le Fur (LR). Je souhaite simplement rectifier quelques erreurs historiques qui se sont parfois glissées dans notre débat.
Premièrement, certains prétendent que les langues régionales n’existent plus juridiquement depuis l’ordonnance de Villers-Cotterêts. C’est complètement faux : cet acte de 1539 ne manifestait pas une quelconque hostilité envers nos langues mais marquait une rupture avec le latin, pas autre chose.
M. Paul Molac (PS). C’est vrai !
M. Marc Le Fur (LR). Par conséquent, ceux qui utilisent cet argument pour combattre, réduire, cantonner les langues régionales, non seulement se trompent mais nous trompent.
Deuxièmement, il est vrai que la loi Toubon a parfois été utilisée pour lutter contre les langues régionales, mais ce n’était pas du tout son objet : il s’agissait de lutter contre les excès de l’usage de l’anglais et du franglais. Notre collègue Paul Molac a rappelé qu’un article 21 avait d’ailleurs été introduit dans le but d’éviter ce malentendu.
Reconnaissons donc que certains détournent abusivement des dispositions traditionnelles qui n’étaient pas du tout conçues pour s’opposer aux langues régionales. Mais ces dispositions ont été dévoyées par les éternels jacobins. C’est l’avantage de M. Laurent : il est chimiquement pur,…
M. Jean-Luc Laurent (PS). Je suis constant ! Pas comme vous !
M. Marc Le Fur. …jacobin, intolérant, chevènementiste – mais c’est maintenant plus compliqué parce qu’il y a des chevènementistes à l’extrême droite. En tout état de cause, pour notre part, nous ne voulons pas cela mais la France de la diversité. Car la diversité est une richesse, une chance, pas un problème. Et c’est pourquoi l’expression « langues de France » est belle. (Applaudissements sur les bancs du groupe Les Républicains.)
Mme la présidente. La parole est à Mme Marie-Françoise Bechtel.
Mme Marie-Françoise Bechtel (PS). J’ai un peu hésité à intervenir dans ce débat récurrent, qui m’a rappelé en particulier les longues nuits que nous avons passées ici lors de l’examen de la loi Peillon, mais je pense aussi aux discussions sur la proposition de loi de notre collègue Molac.
Je suis tout de même frappée par la confusion qui règne dans ce débat. J’ai entendu des défenseurs comme des pourfendeurs de la proposition de loi se tromper en affirmant que l’on n’a pas ratifié la charte européenne des langues régionales ou minoritaires, alors que l’Assemblée l’a ratifiée, avec des réserves bien connues, concernant le principe de la co-officialité de la langue et plus précisément tout ce qui pourrait porter atteinte à l’article 2 de la Constitution. (Exclamations sur plusieurs bancs du groupe Les Républicains.)
M. Marc Le Fur et M. Frédéric Reiss (LR). On l’a signée !
Mme Annie Genevard (LR). Et ratifiée !
Mme Marie-Françoise Bechtel (PS). Mais avec des réserves. En tout cas, juridiquement, on ne l’a pas rejetée.
La question qui nous est posée aujourd’hui est la suivante : un statut législatif est-il utile, opportun et nécessaire pour les langues régionales ? Pour ma part, je ne le crois pas.
Je tiens d’abord à dire que les langues régionales constituent une sorte de trésor de notre patrimoine, c’est un fait.
M. Marc Le Fur (LR). Très bien !
Mme Marie-Françoise Bechtel (PS). Chacun d’entre nous – et c’est mon cas – a des raisons personnelles d’être très attaché à sa langue régionale. Toutefois – j’y reviendrai à l’occasion de l’examen des amendements –, pour mieux définir, mieux soutenir, mieux mettre en valeur ce patrimoine, faut-il en faire porter tout le poids par l’enseignement, avec les difficultés qui sont les siennes ? Faut-il se fonder sur ce qui est présenté comme une demande des Français, alors que celle-ci est quelquefois suscitée par certains ?
Voilà les questions qui se posent, et ce ne sont plus de grandes interrogations de principe, parce qu’en refusant l’étonnante révision constitutionnelle qui nous avait été présentée il y a quelques mois, nous avons tranché la question, me semble-t-il. Néanmoins, surtout dans sa rédaction actuelle, l’utilité de cette proposition de loi pour défendre et promouvoir cette richesse que sont les langues régionales me semble plus que discutable.
Mme la présidente. La parole est à Mme Colette Capdevielle.
Mme Colette Capdevielle (PS). En ce qui me concerne, j’ai l’honneur d’être élue dans une circonscription où deux langues régionales sont parlées : l’occitan et le basque. Il est aussi envisagé, dans ma circonscription, de construire une école qui sera à la fois immersive et mixte, puisque y seront enseignés deux langues régionales, le basque et le gascon ; ce sera sans doute assez unique en France, et je crois à l’intérêt pédagogique de ce type d’école. Je veux donc défendre ici l’importance de l’enseignement des langues régionales, selon différentes formules mais le plus tôt possible, au choix des familles. J’insiste que le fait que cet enseignement doit intervenir le plus tôt possible ; c’est le cas au Pays basque, où des crèches immersives sont reconnues et financées par la caisse d’allocations familiales.
J’appelle l’attention du Gouvernement et de Mme la rapporteure, qui a beaucoup travaillé, sur un problème posé par l’article 1er tel qu’il est rédigé. Je raisonne à travers le prisme de la politique publique linguistique menée au Pays basque par l’Office public de la langue basque, opérateur chargé de cette question sans discontinuer depuis 2004 : pourquoi limiter l’enseignement de la langue régionale à une matière ? Un autre choix a été fait chez moi : celui d’un enseignement bilingue, immersif ou à parité horaire. Nous défendons donc l’enseignement des langues régionales et l’enseignement en langues régionales, parce qu’ils sont efficaces, parce que leurs résultats sont probants. Je donnerai quelques chiffres : 44 % des élèves scolarisés en maternelle le sont en langue basque, soit en immersif, soit en parité horaire, quelle que soit la filière ; 65 % des établissements du premier degré offrent une éducation en langue basque. Ainsi, nous possédons maintenant le recul nécessaire pour apprécier les apports du bilinguisme et du multilinguisme, particulièrement quand il intervient à l’âge de l’acquisition du langage oral, entre zéro et sept ans, lorsque les enfants sont des éponges et trouvent aisément leur place dans le système immersif.
Mme la présidente. Je suis saisie de deux amendements identiques, nos 73 et 115, tendant à supprimer l’article 1er.
La parole est à Mme Marie-Françoise Bechtel, pour soutenir l’amendement no 73.
Mme Marie-Françoise Bechtel (PS). Aujourd’hui, 300 000 élèves environ suivent une scolarité intégrant plus ou moins les langues régionales, parfois en immersion. Depuis une vingtaine d’années, plus de 600 postes ont été ouverts au CAPES – le certificat d’aptitude au professorat de l’enseignement du secondaire –, ce qui n’est pas négligeable. Le développement des langues régionales ici ou là – et certainement pas sur tout le territoire, car les besoins ne sont pas identiques partout – est bien une question de moyens, non de législation.
En outre, l’article 1er est entaché de contradictions. Si la langue régionale doit être érigée au rang des matières obligatoires d’une scolarité, cela ne relève pas de conventions entre l’État et les collectivités territoriales ; c’est l’un ou l’autre.
Surtout, l’adoption de cet article ferait aux langues régionales une place équivalente au français, aux mathématiques ou à l’histoire, alors que, à l’évidence, cet enseignement ne présente pas le même intérêt pour l’ensemble de familles et des enfants.
Au surplus, cette disposition conduirait soit à surcharger un peu plus les programmes, soit à réduire le temps consacré aux matières fondamentales, à l’heure où les carences de la scolarité française sont malheureusement soulignées.
Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Luc Laurent, pour soutenir l’amendement no 115.
M. Jean-Luc Laurent (PS). L’article 1er, qui prévoit que l’enseignement des langues régionales se fasse dans le cadre de l’horaire normal des écoles maternelles, élémentaires et secondaires, appelle plusieurs objections.
Sur le plan des principes, les langues régionales ne peuvent prétendre à aucune forme de co-officialité à l’école. Leur enseignement ne devrait être, au mieux, qu’optionnel.
En pratique, l’enseignement non obligatoire dans le cadre de l’horaire normal serait difficile à mettre en œuvre. Le législateur ne peut se contenter de renvoyer cette question aux enseignants, aux chefs d’établissements et aux directeurs d’écoles.
L’horaire normal scolaire étant strictement borné, son utilisation doit faire l’objet de choix clairs. En 24 heures hebdomadaires, on demande beaucoup à l’école, qui ne peut déjà pas tout faire. Elle doit d’abord assurer l’enseignement du français ainsi que l’initiation aux langues du monde. La non-concurrence entre les enseignements, affirmée par les promoteurs des langues régionales, se heurte à une évidente limite horaire.
Enfin et surtout, si je ne suis pas opposé aux langues régionales,…
M. François de Rugy. Vous l’êtes ! Assumez-le !
M. Jean-Luc Laurent (PS) …je considère qu’elles doivent être promues et soutenues dans le cadre de l’action culturelle, notamment celle des collectivités locales, en lien avec les associations. Leurs promoteurs doivent comprendre qu’ils ne trouveront pas le salut en forçant la porte de l’école et des institutions publiques.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission sur ces deux amendements identiques ?
Mme Annie Le Houerou, rapporteure. La commission y est évidemment défavorable.
L’ambition même de cet article est de mieux garantir le libre choix des familles pour que leurs enfants puissent accéder aux langues régionales. Il permettra, cela a été dit, d’intégrer l’enseignement des langues régionales dans l’horaire normal, donc de pouvoir dépasser l’heure et demie qui leur est aujourd’hui consacrée dans l’enseignement primaire.
Pour ce qui concerne le collège et le lycée, je vous rassure, monsieur Laurent, cette possibilité existe déjà puisque les langues régionales sont proposées en LV2 – langue vivante 2 –…
Mme Annie Genevard (LR). Et en LV3 !
Mme Annie Le Houerou, rapporteure. …et en LV3 – langue vivante 3. Elles sont donc naturellement intégrées à l’horaire normal.
Cet article innovant vise à donner un nouvel élan à la couverture territoriale de l’offre d’enseignement ; nous exprimons ainsi ici une volonté politique forte.
Je rappelle que, conformément à notre Constitution, cet enseignement demeure strictement facultatif pour les élèves. Il en va déjà ainsi pour l’enseignement du corse, modèle sur lequel nous nous sommes fondés.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Estelle Grelier, secrétaire d’État. L’article L. 312-10 du code de l’éducation prévoit déjà que l’enseignement des langues régionales peut être dispensé tout au long de la scolarité, selon des modalités définies par voie de convention entre l’État et les collectivités territoriales où ces langues sont en usage.
Toutefois, il nous faut maintenir sans modification la rédaction de l’article L. 312-11-1, issu de la loi du 22 janvier 2002 relative à la Corse, puisque celle-ci n’a pas prévu que l’enseignement de la langue corse nécessitait une convention entre l’État et la collectivité territoriale de Corse.
Mme Marie-Françoise Bechtel (PS). Il n’y a qu’à la demander !
Mme Estelle Grelier, secrétaire d’État. Imposer une telle convention aurait donc pour effet de restreindre les droits dont bénéficie la Corse depuis 2002.
Comme vous le savez, modifier une disposition spécifique à la Corse nécessite de consulter l’assemblée de Corse ; s’en passer serait inopportun.
C’est la raison pour laquelle le Gouvernement est favorable à ces deux amendements.
M. Richard Ferrand (PS) . Quel est ce coup de Trafalgar ?
M. Marc Le Fur. Les contradictions se multiplient !
Mme la présidente. Pardon ? Me confirmez-vous bien que le Gouvernement est favorable aux amendements de suppression de l’article 1er ?
Mme Estelle Grelier, secrétaire d’État. En effet, tel qu’il est rédigé, l’article emporte les conséquences que j’ai décrites. Le Gouvernement est donc favorable aux amendements présentés par Mme Bechtel et M. Laurent, visant à sa suppression.
Mme la présidente. La parole est à M. Paul Molac.
M. Paul Molac (PS). Pour ma part, je suis évidemment très défavorable à la suppression de cet article.
D’abord, cela a été rappelé, l’enseignement des langues régionales ne sera nullement obligatoire ; il restera facultatif, conformément à une décision du Conseil constitutionnel.
À ceux qui craignent des horaires surchargés, je réponds que ces langues sont enseignées dans l’horaire habituel. J’invite mes collègues qui en doutent à visiter des écoles bilingues : les élèves n’y souffrent pas d’une surcharge de cours ; c’est une question d’organisation pédagogique.
Quant à l’intérêt des familles, celles-ci peuvent refuser l’enseignement des langues régionales : il leur revient de définir leur intérêt et de savoir si elles veulent d’un tel enseignement ; ce n’est pas à nous d’en décider à l’avance.
Mme la présidente. La parole est à M. Marc Le Fur.
M. Marc Le Fur (LR). Les propos de la secrétaire d’État jettent un froid dans l’hémicycle. En mettant en cause l’article 1er de ce texte, le Gouvernement nous explique très clairement que les députés socialistes, leur président en tête – le premier signataire de la proposition de loi est M. Le Roux –, ont fait un travail plus que médiocre. (« Oh ! » sur les bancs du groupe socialiste, écologiste et républicain.)
M. Éric Straumann (LR). C’est la réalité !
M. Marc Le Fur. Remettre en cause l’article 1er d’un texte de loi, cela a tout de même un sens !
Et j’imagine que l’avis de la secrétaire d’État est tout à fait réfléchi, puisqu’elle le donne en présence du directeur du cabinet de la ministre de l’éducation nationale, de l’enseignement supérieur et de la recherche, que je salue – si nous n’avons pas l’honneur de la présence de la ministre, nous avons du moins celui de la présence de son directeur de cabinet, ce qui est presque préférable, lorsque l’on connaît la véritable hiérarchie dans les ministères… (Exclamations sur les sur les bancs du groupe socialiste, écologiste et républicain.)
M. Jean-Luc Laurent (PS). C’est déplacé ! J’espère, pour la France, que vous ne serez pas ministre !
M. Marc Le Fur. C’est la réalité : cela s’appelle la technocratie.
Mme la présidente. Monsieur Le Fur, je vous remercie de bien vouloir conclure.
M. Marc Le Fur (LR). Notre groupe est attaché à la liberté des parents de choisir les disciplines enseignées à leur enfant. Nous nous sommes battus, il y a bien longtemps, pour cette liberté, n’est-ce pas, chère Annie Genevard ? Nous sommes donc favorables à tout ce qui peut y concourir.
Et si la situation posait un ultime problème pour la Corse – ce que je peux entendre, madame la secrétaire d’État –, on pourrait imaginer que le Gouvernement dépose un sous-amendement afin d’exclure cette collectivité du dispositif. Voilà la solution que j’esquisse, car je suis là pour aider. (Rires sur les bancs du groupe socialiste, écologiste et républicain.)
M. Jean-Luc Laurent (PS). Moi aussi !
Mme la présidente. La parole est à Mme la rapporteure.
Mme Annie Le Houerou, rapporteure. Pour rassurer l’ensemble des députés, je confirme que la commission émet naturellement un avis défavorable sur ces deux amendements identiques de suppression.
Pour rassurer Mme la secrétaire d’État, j’indique que mon amendement suivant, no 61 rectifié, tend à préciser l’article 1er.
Mme Chantal Guittet (PS). Très bien !
(Les amendements identiques nos 73 et 115 ne sont pas adoptés.)
Mme Marie-Françoise Bechtel (PS). Lamentable !
Mme la présidente. La parole est à Mme Annie Le Houerou, pour soutenir l’amendement no 61 rectifié.
Mme Annie Le Houerou, rapporteure. Comme Mme la secrétaire d’État l’a expliqué, le dispositif de l’article 1er s’inspire des dispositions retenues en Corse pour l’enseignement primaire mais il en diffère, en ce qu’il repose sur un agrément, formalisé par une convention entre l’État et chaque région, ce que n’imposait pas l’article L. 312-11-1 issu de la loi relative à la Corse.
Pour éviter de devoir remettre en cause l’enseignement du corse, qui s’est développé depuis 2002 – car tel n’est pas l’objectif –, je suggère de préserver son fondement législatif, donc d’introduire dans le code de l’éducation un nouvel article rassemblant les dispositions proposées aujourd’hui. Afin de lever toute ambiguïté, nous rappelons que ces dernières seront sans préjudice pour le dispositif corse.
Pour autant, cette nouvelle disposition s’appliquera à la Corse, comme à toute collectivité à statut particulier exerçant, en vertu de la loi, les compétences dévolues aux régions. Cela lui permettra notamment d’étendre l’offre d’enseignement dans le secondaire. C’est l’objet de l’amendement suivant, no 62, qui répondra aux inquiétudes exprimées par Mme la secrétaire d’État.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Estelle Grelier, secrétaire d’État. En cohérence, avis favorable.
(L’amendement no 61 rectifié est adopté.)
Mme la présidente. Je suis saisie de trois amendements, nos 77, 78 et 49, pouvant être soumis à une discussion commune.
La parole est à Mme Colette Capdevielle, pour soutenir les amendements nos 77 et 78, qui peuvent faire l’objet d’une présentation groupée.
Mme Colette Capdevielle (PS). Ces amendements visent à élargir la portée du dispositif, actuellement trop restrictif. Sur nos territoires, les conventions ne sont pas uniquement conclues entre l’État et la région, mais également entre l’État et d’autres collectivités, voire des établissements publics de coopération intercommunale – EPCI. Ce sera d’ailleurs probablement bientôt le cas dans le Pays basque, avec une intercommunalité dans laquelle dix intercommunalités ont fusionné.
Ne mentionner que la région, ainsi que les collectivités d’outre-mer et la collectivité territoriale de Corse, comme le propose la commission, pourrait avoir un effet pervers : le retrait de certains départements ou communes des travaux en cours.
De plus, dans la continuité de la loi NOTRe et du renforcement des intercommunalités, il serait assez incompréhensible d’écarter les établissements publics de coopération intercommunale de cette réflexion.
L’article 104 de la loi NOTRe, cela a été dit, établit la promotion des langues régionales comme une compétence partagée, non comme une compétence pour laquelle la région serait de facto chef de file. Plusieurs expériences, notamment au Pays basque, ont montré que la région Nouvelle-Aquitaine n’est absolument pas chef de file sur cette compétence : celle-ci est parfaitement partagée entre l’État, la région, les départements et les communes. Ailleurs, comme le Grand Est, les départements d’Alsace, et non la région, sont moteurs sur cette question.
M. Éric Straumann (LR). Tout à fait !
Mme Colette Capdevielle (PS). Aussi, outre qu’elle est restrictive, cette disposition pourrait constituer un retour en arrière puisqu’elle obligerait à modifier des pratiques locales et alourdirait les procédures.
Pour ce qui est de l’amendement no 78, il importe de ne pas parler de la langue régionale comme d’une matière enseignée, puisque l’objectif est de promouvoir l’enseignement des langues régionales et en langue régionale.
Quant à l’amendement no 62 de Mme Le Houerou, qui vise à étendre le champ de la mesure à la collectivité territoriale de Corse – cela ne me pose aucune difficulté –, c’est une raison supplémentaire de faire droit à mes demandes, qui n’alourdissent en rien le dispositif mais répondent aux situations rencontrées sur le terrain.
M. Éric Straumann (LR). Bravo !
Mme la présidente. La parole est à M. Claude Sturni, pour soutenir l’amendement no 49.
M. Claude Sturni (LR). Cet amendement va dans le même sens que les précédents puisque, comme Mme la secrétaire d’État l’a dit, l’article L. 312-10 prévoit que les conventions soient signées entre l’État et les collectivités territoriales où ces langues sont en usage. On ne peut donc pas faire des régions les seules signataires. En outre, comme le dit le bon sens paysan alsacien, « Der wie ebs well, der soll es aw bezohle » : celui qui veut quelque chose doit aussi le payer. Dans le contexte actuel, on ne peut pas imaginer que seules les régions puissent promouvoir les langues régionales. Au contraire, nous aurons bien besoin des départements, des EPCI et des communes pour atteindre cet objectif.
M. Jean-Pierre Decool (LR). Très bien !
Mme Annie Le Houerou, rapporteure. Je comprends la logique de vos amendements, qui s’appuient sur l’article 104 de la loi NOTRe, lequel a maintenu la compétence partagée des collectivités territoriales sur les langues régionales ; c’est très important car elles ont des rôles importants et complémentaires à jouer. Je veux que chacun comprenne que nous ne bousculons pas cet équilibre, puisque nous laissons les compétences existantes inchangées, mais nous accordons ici une nouvelle prérogative aux régions, car seules ces dernières peuvent jouer un rôle efficace pour servir l’ambition poursuivie. (Exclamations sur les bancs du groupe Les Républicains.)
M. Éric Straumann (LR). Tout ça pour justifier vos grandes régions !
Mme la présidente. Veuillez écouter, s’il vous plaît !
Mme Annie Le Houerou, rapporteure. L’article L. 312-10 du code de l’éducation, auquel nous ne touchons pas, prévoit que l’enseignement des langues et cultures régionales est déployé dans le cadre de conventions entre l’État et toutes les collectivités. Celles-ci conserveront donc leurs facultés actuelles pour encourager cet enseignement.
L’article 1er de la proposition de loi va plus loin, en apportant une cohérence à l’offre d’enseignement, qui devra être proposé dans tous les lycées, collèges et écoles d’un territoire donné. Cela n’a de sens et d’efficacité qu’à l’échelle des bassins d’usage des langues.
M. Frédéric Reiss (LR). Donc de l’Alsace !
Mme Annie Le Houerou, rapporteure. C’est la convention qui définira les bassins d’usage des langues. Seules les régions ont la taille suffisante pour couvrir l’ensemble des établissements visés.
M. Éric Straumann (LR). Totalement absurde !
Mme Annie Le Houerou, rapporteure. En outre, je rappelle que les services de l’État sont eux-mêmes organisés à cette échelle, avec les recteurs de région académique.
M. Éric Straumann (LR). Et à quoi servent les recteurs des anciennes académies ?
Mme Annie Le Houerou, rapporteure. La région me paraît donc l’échelon le plus approprié pour répondre à cette mission. Toute autre solution ferait courir le risque d’aboutir à une carte fractionnée, suivant l’allant de chacune des collectivités ; cela se ferait au mépris de l’égalité de traitement des familles, qui, à nos yeux, doivent se voir proposer une offre homogène à l’échelle du territoire d’usage de chaque langue. C’est une question de cohérence.
M. Claude Sturni (LR). C’est incompréhensible !
Mme Annie Le Houerou, rapporteure. L’avis de la commission est donc défavorable sur ces trois amendements.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Estelle Grelier, secrétaire d’État. Reprenons l’article L. 312-10 du code de l’éducation, désolée de me répéter : « Cet enseignement peut être dispensé tout au long de la scolarité selon des modalités définies par voie de convention entre l’État et les collectivités territoriales où ces langues sont en usage. » Déjà, dans plusieurs régions, des conventions sont en train d’être discutées ou ont déjà été discutées avec des collectivités territoriales d’échelons divers. Selon le Gouvernement, ces amendements sont donc satisfaits.
M. Éric Straumann (LR). Mais non ! Tout ça, c’est pour justifier l’existence de ces régions qui ne servent à rien !
Mme Estelle Grelier, secrétaire d’État. Je demande donc leur retrait ; à défaut, l’avis du Gouvernement serait défavorable.
M. Éric Straumann (LR). Si cela continue, nous allons voter contre ce texte !
Mme la présidente. La parole est à Mme Marie-Françoise Bechtel.
Mme Marie-Françoise Bechtel (PS). Je suis un peu surprise d’entendre que l’on devra proposer un enseignement pour satisfaire les demandes des familles et que, lorsque les conventions seront passées, la langue sera enseignée. Quid des familles qui ne désireront pas recevoir cet enseignement ? (Exclamations sur de nombreux bancs du groupe socialiste, écologiste et républicain.)
M. Jacques Cresta (PS). Ce ne sera pas obligatoire !
Mme Chantal Guittet. Et ça existe déjà !
Mme Marie-Françoise Bechtel (PS). Nous revenons donc au cas corse, au sujet duquel le Conseil constitutionnel a indiqué qu’il n’y avait aucune obligation pour les familles. Tout ça pour ça, c’est un peu étrange. Pourquoi parler sans cesse de la demande des familles, si cela ne fonctionne qu’à sens unique ?
Mme Chantal Guittet. Je ne comprends pas cette argumentation.
Mme la présidente. La parole est à M. Marc Le Fur.
M. Marc Le Fur (LR). La position que viennent de prendre la rapporteure et la secrétaire d’État soulèvent des difficultés très sensibles dans plusieurs régions. Ainsi, le découpage que vous avez imposé aux Alsaciens fait qu’ils n’auront pas la liberté d’engager ce type de conventions. Il en est de même, dans le monde basque, comme notre collègue Capdevielle vient de le souligner. Et c’est un vrai souci en Loire-Atlantique, où l’on note un développement de l’enseignement du breton.
M. Thierry Benoit (radical centriste). Tout à fait.
M. Marc Le Fur (LR). On peut comprendre que la région des Pays de la Loire ne s’y intéresse pas, voire qu’elle regarde cela d’un œil un peu distant. Il serait donc logique que le département de la Loire-Atlantique puisse travailler avec la région Bretagne pour négocier une convention sur l’enseignement des langues régionales. Or vous êtes en train de l’interdire.
Mme Estelle Grelier, secrétaire d’État. Mais non !
Mme Annie Le Houerou, rapporteure. Pas du tout !
M. Marc Le Fur (LR). Soyons clairs : en cadenassant ce type de conventions, vous interdisez toute initiative. Laissez chacun agir ! Comme disait Mao, que cent fleurs s’épanouissent ! (Exclamations et rires sur les bancs du groupe socialiste, écologiste et républicain.) Pas Castro, Mao, mes chers collègues !
Mme la présidente. La parole est à Mme Marylise Lebranchu.
Mme Marylise Lebranchu (PS). Il faut savoir raison garder. Je rappelle que seules les communes et, par leur intermédiaire, les intercommunalités disposent de la clause de compétence générale ; ce n’est pas le cas des régions.
M. Éric Straumann (LR). Ni des départements !
Mme Marylise Lebranchu (PS). Ni des départements, en effet.
Nous avons instauré des conférences territoriales de l’action publique, les CTAP. Le lieu de conventionnement de toute compétence regardant chacune des régions – qui peuvent avoir, je vous le rappelle, des avis et des demandes différentes par rapport à l’État – est donc la CTAP.
D’autre part, je rappelle à M. Le Fur que, pour pallier l’existence de cette frontière, le Conseil culturel de Bretagne a acté son travail avec la Loire-Atlantique : pour ce qui concerne les langues, la convention a été déléguée à la région Bretagne, via le Conseil culturel.
M. Marc Le Fur (LR). Il ne pourra plus le faire !
Mme Marylise Lebranchu (PS). Honnêtement, il n’y a donc pas de souci. Si l’on veut organiser les choses de l’école primaire jusqu’au brevet de technicien supérieur et à l’enseignement supérieur, l’échelon pour discuter avec l’État, y compris de tout ce qui concerne les agendas, la formation des professeurs, etc., c’est la région. Et si la CTAP a été si ardemment défendue, notamment par une députée qui s’appelait Estelle Grelier, c’est précisément parce que cela permettait d’aller jusqu’à l’expérimentation. Il s’agit donc du bon échelon pour la discussion et pour la convention.
Mme Chantal Guittet (PS). Eh oui ! Mao ne connaissait pas les régions, monsieur Le Fur ! (Sourires.)
Mme la présidente. La parole est à M. Éric Straumann.
M. Éric Straumann (LR). Il suffit de lire le texte : « Dans le cadre de conventions entre l’État et les régions ». Si, demain, la région Grand Est ne souhaite plus soutenir les langues régionales – puisque les Alsaciens y sont minoritaires –, on ne pourra plus rien faire aux échelons inférieurs, que ce soit à celui du département ou à celui des structures intercommunales.
Mme Marylise Lebranchu. Mais non, ce n’est pas ça !
M. Éric Straumann (LR). La région pourra fixer d’autres priorités sans que les départements aient la possibilité d’intervenir.
Cela vide le texte de sa substance, au point que nous allons changer d’avis, je crois : nous n’allons pas voter en faveur d’un texte donnant le leadership à la région, laquelle pourra déterminer la politique linguistique à suivre sur l’ensemble de son territoire. Je ne pense pas que ce soit le bon échelon.
Mme la présidente. Maintenez-vous vos amendements, Mme Capdevielle ?
Mme Colette Capdevielle (PS). Je remercie Mme Lebranchu pour ses explications. Madame la secrétaire d’État, madame la rapporteure, j’ai bien compris que l’interrogation était levée pour les communes et les intercommunalités.
M. Éric Straumann (LR). C’est ridicule !
Mme Colette Capdevielle (PS). Mais quid des départements ? Peut-être ne disposent-ils plus des finances pour le faire ? Je retire mes amendements, puisque j’ai obtenu des réponses précises à mes interrogations, mais je n’en ai pas encore eu concernant la participation des départements aux conventions.
(Les amendements nos 77 et 78 sont retirés.)
Mme la présidente. La parole est à M. Claude Sturni, pour soutenir l’amendement no 49.
M. Claude Sturni (LR). D’abord, je voudrais dire que je ne le retirerai pas.
Je ne comprends pas l’argument de Mme Lebranchu, car la CTAP se réunit à l’initiative de la région et du préfet.
Mme Marylise Lebranchu (PS). Mais non !
Mme Annie Genevard (LR). Mais si !
M. Claude Sturni (LR). Écoutez : étant membre de la CTAP de la région Grand Est, je sais très bien qui la pilote et définit son ordre du jour. Une fois de plus, on constate, comme l’a souligné Marc Le Fur, que la région peut cadenasser un dispositif. S’agissant de la promotion des langues régionales, vous comprendrez l’émoi des Alsaciens.
M. Éric Straumann (LR). Eh oui ! C’est un recul !
M. Claude Sturni (LR). De surcroît, dans les deux départements du Bas-Rhin et du Haut-Rhin, nous bénéficiions jusqu’à présent d’une convention quadripartite selon laquelle les deux départements, l’ancienne région – j’ignore ce que la nouvelle région décidera – et l’État prenaient les décisions ensemble et mettaient en œuvre des moyens communs. Avec ce que contient cette proposition de loi, je ne vois pas comment nous pourrons continuer à développer la langue régionale et le bilinguisme franco-allemand dans nos deux départements.
Je l’ai dit tout à l’heure : je pense que nous pourrions converger vers des dispositions de bon sens ; à défaut, il nous faudra constater que nous ne pouvons pas voter cette proposition de loi.
(L’amendement no 49 n’est pas adopté.)
M. Claude Sturni (LR). Là, nous avons un gros problème !
M. Éric Straumann (LR). Ce n’est pas la peine de continuer à débattre !
Mme la présidente. La parole est à Mme Annie Le Houerou, pour soutenir l’amendement no 62.
Mme Annie Le Houerou, rapporteure. C’est un amendement de précision, reprenant les éléments que j’ai évoqués tout à l’heure au sujet de la collectivité territoriale de Corse.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Estelle Grelier, secrétaire d’État. Avis défavorable : le Gouvernement considère que nous reviendrions sur les dispositions du statut de 2002 sans avoir consulté préalablement l’assemblée de Corse. Des amendements similaires produisent les mêmes avis de la part du Gouvernement !
(L’amendement no 62 est adopté.)
Mme la présidente. La parole est à M. Frédéric Reiss, pour soutenir l’amendement no 55.
M. Frédéric Reiss (LR) Cet amendement s’inscrit dans le même esprit que le no 54, que j’ai défendu tout à l’heure. Si la proposition de loi relative à la promotion des langues régionales veut permettre à des enseignants de s’exprimer et de transmettre des savoirs en langue régionale, par exemple en utilisant la méthode immersive, il conviendrait de préciser que l’enseignement de certaines matières peut se faire en langue régionale.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Annie Le Houerou, rapporteure. La commission a voté contre cet amendement et j’émets un avis défavorable, en raison d’une divergence d’appréciation. Ce que propose l’article 1er, c’est bien d’étendre et d’homogénéiser l’enseignement des langues régionales, non de proposer l’enseignement d’autres disciplines en langue régionale. Une telle initiative serait en contradiction avec le caractère nécessairement facultatif de l’enseignement des langues régionales, à la différence des autres matières, qui doivent, sauf dans les établissements bilingues, être dispensés en français, de sorte que tous les élèves les acquièrent.
M. Frédéric Reiss (LR). C’est un recul !
M. Claude Sturni (LR). Après avoir tué l’Alsace, vous tuez l’alsacien !
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Estelle Grelier, secrétaire d’État. Comme je l’ai dit tout à l’heure, l’amendement est satisfait par l’article L. 312-10 du code de l’éducation. Je demande donc son retrait ; à défaut, l’avis du Gouvernement serait défavorable.
Mme la présidente. La parole est à M. Antoine Herth.
M. Antoine Herth (LR). Je voudrais mettre en perspective cet amendement, auquel nous sommes particulièrement attachés.
L’enseignement immersif permet par exemple d’enseigner les mathématiques dans la langue allemande – en l’occurrence, puisqu’il s’agit du support de l’enseignement de la langue régionale pour les deux départements alsaciens. Un tel enseignement donne aux jeunes une compétence technique très forte sur marché du travail allemand, qui est un débouché important pour eux.
Il me semble que nous pourrions nous retrouver sur l’idée que l’enseignement, l’éducation doivent donner des compétences ouvrant sur le marché du travail, afin de lutter contre le chômage endémique de la jeunesse française. Pour nous, en Alsace, c’est une évidence : en face, de l’autre côté du Rhin, il y a des jobs, il y a des emplois ; ils sont là, il suffit de les prendre, à condition, bien sûr, de maîtriser parfaitement les compétences techniques dans la langue allemande. Avec l’enseignement immersif, c’est possible, tandis qu’une autre façon d’aborder l’enseignement de la langue régionale ne permettrait pas d’atteindre un tel niveau de compétence.
M. Claude Sturni (LR). Très bien !
Mme la présidente. L’amendement no 55 est-il maintenu, M. Reiss ?
M. Frédéric Reiss (LR). Oui, madame la présidente.
(L’amendement no 55 n’est pas adopté.)
Mme la présidente. La parole est à Mme Chantal Berthelot, pour soutenir l’amendement no 106.
Mme Chantal Berthelot (PS). Pour faire court mais efficace, je voudrais revenir sur la notion de langue minoritaire. Nous avons beaucoup parlé de langues régionales mais, comme je l’ai signalé tout à l’heure, il existe une différence entre les langues de France et les langues régionales ou minoritaires.
En Guyane, douze langues sont reconnues comme langues de France, mais une seule est une langue régionale au sens académique du terme. Le fait que les onze autres langues, des ethnies bushinengués et amérindiennes, ne soient pas reconnues comme telles afin de pouvoir être enseignées à l’école, pose un vrai problème de cohésion sociale.
J’ai souligné ce vide juridique et j’aimerais, madame la secrétaire d’État, madame la rapporteure, que vous me rassuriez et que vous rassuriez les populations de Guyane sur le fait que les douze langues de France parlées en Guyane seront pleinement reconnues comme des langues régionales au sens académique du terme, en particulier par l’éducation nationale.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Annie Le Houerou, rapporteure. Comme je l’ai dit dans la présentation du texte, notre définition des langues régionales, qui s’appuie sur celle de la charte européenne et est reprise par le Conseil consultatif pour la promotion des langues régionales et de la pluralité linguistique interne, inclut les soixante-quinze langues de France. Retenir le concept de langue minoritaire reviendrait à inclure notamment les langues des migrants, ce qui n’est pas l’objet de cette proposition de loi. La commission a donc rejeté tous les amendements tendant à élargir le champ du texte aux langues minoritaires, afin de mieux concentrer son objet sur les langues régionales, telles que définies par la charte. En conséquence, j’émets un avis défavorable. Je précise que vous trouverez dans mon rapport la liste des langues considérées en France comme des langues régionales.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Estelle Grelier, secrétaire d’État. L’expression « langue régionale » ne recèle aucune ambiguïté juridique en droit français : elle n’exclut en rien certaines langues parlées sur une partie du territoire national, en l’espèce les langues parlées en Guyane autres que le créole guyanais – je vous lis mon argumentaire in extenso pour vous rassurer pleinement.
L’interprétation extensive que le droit français donne de la notion de langue régionale permet donc déjà de dispenser légalement des enseignements dans des langues comme le gallo ou les langues mosellanes en métropole, ou de nombreuses langues kanakes ou mélanésiennes en outre-mer.
Les collectivités territoriales de Guyane peuvent ainsi conclure avec l’État des conventions qui permettent l’enseignement des langues parlées sur ce territoire. Je vous renvoie, sur ce point, au rapport sur les langues de France que Bernard Cerquiglini avait remis au ministre de l’éducation nationale et à la ministre de la culture : il reconnaissait déjà les douze langues que vous venez d’évoquer.
L’amendement étant satisfait, l’avis du Gouvernement est défavorable.
Mme la présidente. La parole est à Mme Chantal Berthelot.
Mme Chantal Berthelot (PS). Je retire l’amendement.
(L’amendement no 106 est retiré.)
Mme la présidente. La parole est à M. Marc Le Fur, pour soutenir l’amendement no 8.
M. Marc Le Fur (LR). Il s’agit d’enseigner non seulement les langues régionales mais aussi la culture qui les accompagne. Chacune de nos régions est riche d’une histoire, d’une géographie, d’un certain nombre d’éléments souvent ignorés de nos compatriotes, en particulier des jeunes, à qui l’on doit donc les expliquer, comme on doit leur expliquer qu’ils appartiennent, par voie de conséquence, à une nation et à un continent, l’Europe. Loin de s’opposer, ces éléments se conjuguent, ils forment un système qu’il faut envisager de façon harmonieuse. Mais encore faut-il que soit enseignée à chaque enfant, au-delà de la langue, la fierté de la région dans laquelle il vit.
M. Thierry Benoit (radical centriste). Très bien !
Mme Marie-Françoise Bechtel (PS). C’est accueillant pour les autres !
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Annie Le Houerou, rapporteure. Là encore, il est défavorable. L’amendement se réfère à l’article L. 312-10 du code de l’éducation, lequel évoque l’enseignement non seulement des langues mais aussi des cultures régionales. J’ai choisi, avec cette proposition de loi, de me limiter à une formulation plus explicite, visant des enseignements de langues, les seuls qui puissent être légitimement intégrés aux horaires normaux. C’est pourquoi j’ai tendance à préférer la formulation retenue par la commission. Le code de l’éducation précisant que l’environnement des langues fait partie de leur enseignement – Mme la secrétaire d’État pourra peut-être le confirmer –, votre amendement est satisfait.
M. Marc Le Fur. Mais moi je ne le suis pas !
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Estelle Grelier, secrétaire d’État. L’article L. 312-10 du code de l’éducation, qui n’a désormais plus de secrets pour aucun d’entre nous, commence en évoquant « les langues et cultures régionales », expression qui figurait déjà dans la loi Haby de 1975. Votre amendement étant ainsi satisfait, monsieur Le Fur, je vous invite à le retirer, sans quoi l’avis du Gouvernement serait défavorable.
Mme la présidente. La parole est à M. Marc Le Fur.
M. Marc Le Fur (LR). Si la disposition que je propose est satisfaite, je ne vois pas pourquoi son inscription dans la loi pose difficulté. (Protestations sur plusieurs bancs du groupe socialiste, écologiste et républicain.)
Mme Estelle Grelier, secrétaire d’État. Évitons les lois bavardes !
M. Marc Le Fur (LR). Pourquoi la rédaction des deux articles ne pourrait-elle pas être de même nature, et reprendre l’expression « langues et cultures régionales » ?
Mme la présidente. L’amendement est-il retiré, monsieur Le Fur ?
M. Marc Le Fur (LR). Non, madame la présidente, il est maintenu : nous sommes attachés à l’idée que tout un chacun doit savoir d’où il vient et connaître ses origines ; c’est ainsi que l’on peut vivre dans un univers apaisé.
(L’amendement no 8 n’est pas adopté.)
Mme la présidente. La parole est à Mme Annie Genevard, pour soutenir l’amendement no 40.
Mme Annie Genevard (LR). Il est défendu.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Annie Le Houerou, rapporteure. Il est défavorable car cet amendement affaiblirait considérablement le dispositif proposé en le rendant facultatif.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Estelle Grelier, secrétaire d’État. L’amendement est satisfait. Lorsque je siégeais sur les bancs de cette assemblée, monsieur Le Fur, je vous ai souvent entendu dire que, lorsque la loi est bavarde, l’oreille que lui prête le citoyen est plutôt discrète. J’ai retenu votre leçon : en l’espèce l’article L. 312-10 répond à presque toutes vos interrogations.
Mme Chantal Guittet. M. Le Fur n’est pas à une contradiction près !
M. Marc Le Fur (LR). Nos cultures ne sont pas des bavardages ! Ce sont des cultures populaires !
(L’amendement no 40 n’est pas adopté.)
Mme la présidente. La parole est à Mme Colette Capdevielle, pour soutenir l’amendement no 79.
Mme Colette Capdevielle (PS). Je propose justement de rendre la loi moins bavarde, en retranchant les mots « une matière » du deuxième alinéa de l’article 1er. Il s’agit de ne pas limiter l’enseignement d’une langue régionale à une matière optionnelle. L’idée des politiques linguistiques actuelles est au contraire de favoriser l’apprentissage des langues régionales et en langues régionales.
L’option en langue régionale se limite à une durée allant d’1 à 3 heures de cours par semaine. Au Pays basque, l’Office public de la langue basque a fait le choix, en partenariat avec l’éducation nationale et les collectivités territoriales, toutes partenaires, de mettre la priorité sur l’enseignement bilingue, qu’il soit immersif ou à quotité horaire paritaire ou mixte. Il ne faudrait pas que l’adoption de cet article se traduise par un retour en arrière au regard des acquis obtenus sur le terrain ces dernières années.
Je veux apporter un élément supplémentaire au débat. D’après les calculs des techniciens de l’Office public de la langue basque, un enseignement en immersion ne représente en moyenne que 15 % du temps éveillé de l’enfant ; le temps restant, consacré aux loisirs, à la télévision, à la famille ou aux amis, s’inscrit évidemment dans un environnement linguistique français. La précision doit nous faire relativiser la portée d’un enseignement en langue régionale, dont je vois bien qu’il fait peur à des collègues, certains d’entre eux redoutant même la disparition du français. Ce serait donc très loin d’être le cas : l’apprentissage en langue régionale favorise l’apprentissage de toutes les langues, qu’elles soient régionales ou non.
Le texte serait plus lisible une fois les mots « une matière » supprimés.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Annie Le Houerou, rapporteure. Défavorable, non par peur, mais parce que la langue régionale est bel et bien une « matière » et qu’il est inévitable qu’elle le demeure. Son enseignement étant, aux termes des décisions du Conseil constitutionnel, facultatif, il est impossible d’irriguer tous les enseignements par l’usage de cette langue : cela placerait les élèves qui refusent de suivre son enseignement dans une situation défavorable, et pourrait fragiliser la maîtrise du socle commun.
Il existe cependant, à côté de cet enseignement dit « extensif », un enseignement bilingue, dispensé soit à parité horaire, soit de manière immersive. Cet enseignement, facultatif lui aussi, ne sera nullement affecté par l’article dont nous discutons.
(L’amendement no 79, repoussé par le Gouvernement, n’est pas adopté.)
Mme la présidente. La parole est à M. Jacques Bompard, pour soutenir l’amendement no 65.
M. Jacques Bompard (extrême droite). Cet amendement est très ambitieux, pour deux raisons.
La proposition systématique et la volonté de lier la notion d’identité régionale avec la transmission de la langue est problématique.
Je pense aussi qu’il nous faut prévenir toute évolution future de la législation, faute de quoi elle risquerait d’inclure les caractères minoritaires. Si les langues régionales ont permis l’édification de notre pays, les influences mondialistes n’y sont pas souhaitables. Les langues minoritaires participent en effet d’un projet de destruction de notre identité nationale.
Pour conclure, je citerai Théodore Aubanel, qui évoquait l’amour entre une terre et ses habitants : « La terre, sa maîtresse est dure, mais il l’aime ; / Il lutte avec elle, l’empoigne et la tient dans ses bras / Tant, de l’aube à maintenant, que, puis, le soir, il est las. / À la nuit, qu’il revient, il baisse la tête dans un coin ».
Baissons la tête devant nos identités ! Si cet amendement vous paraît excessif, essayons d’amener l’État à encourager l’enseignement, tout en évitant d’altérer le texte au profit des langues minoritaires !
Mme Marie-Françoise Bechtel (PS). C’est le retour du latin !
(L’amendement no 65, repoussé par la commission et le Gouvernement, n’est pas adopté.)
Mme la présidente. La parole est à M. Marc Le Fur, pour soutenir l’amendement no 41.
M. Marc Le Fur (LR). Nous sommes soucieux de rendre effectif le droit à l’enseignement d’une langue régionale, mais encore faut-il lever un certain nombre d’obstacles, et l’un d’eux est la fameuse dotation horaire globale. Pour avoir été conseiller général et membre de conseils d’administration de collèges, je sais que cette question majeure se traduit en réalité par une hiérarchisation des disciplines. Actuellement conseiller régional et membre de conseils d’administration de lycées, je constate que rien n’a changé : un conseil d’administration peut placer la langue régionale au dernier rang des disciplines enseignées.
Cet amendement tend donc à préciser que la dotation horaire globale ne peut « servir de prétexte à une quelconque opposition ». La mesure, très simple, vise seulement à donner une traduction concrète à ce que nous voulons. Je ne vous fais aucun procès d’intention mais, si notre assemblée repousse cet amendement, toutes les bonnes idées émises dans notre hémicycle pourront par définition être retoquées par les établissements scolaires, en particulier les collèges et les lycées. Ils pourraient d’ailleurs le faire pour de bonnes raisons, liées à des contraintes, comme la préparation du baccalauréat – j’entends déjà les arguments soulevés par les enseignants, que les conseils d’administration feront leurs.
M. Claude Sturni. Très juste !
M. Marc Le Fur. Nous souhaitons simplement que ces arguments ne soient pas opposables à notre volonté de voir progresser les langues régionales.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Annie Le Houerou, rapporteure. Je veux rassurer M. Le Fur et l’inviter à voter pour l’article 1er tel qu’il est rédigé, après quoi les choses seront claires : les établissements ne pourront invoquer leur dotation horaire globale pour refuser de mettre en place des enseignements de langue régionale.
M. Claude Sturni (LR). Ce sont des vœux pieux !
Mme Annie Le Houerou, rapporteure. Lorsque les conventions avec les régions seront passées, l’État, signataire, devra déployer tous les moyens nécessaires à leur application.
M. Marc Le Fur (LR). Pourquoi ne pas l’inscrire dans le texte ?
Mme Annie Le Houerou, rapporteure. L’avis de la commission est donc défavorable.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Estelle Grelier, secrétaire d’État. Monsieur Le Fur, il n’existe aucun droit constitutionnel à l’enseignement des langues régionales, la révision constitutionnelle du 23 juillet 2008 n’y a rien changé.
L’article 1er de la présente proposition de loi ne saurait donc imposer à l’État de prévoir un enseignement de langue régionale dans chaque établissement situé sur un territoire où l’une ou plusieurs de ces langues sont en usage, et d’octroyer à ces établissements une dotation horaire leur permettant de mettre en place un tel enseignement.
M. Marc Le Fur. Mme la rapporteure a dit le contraire !
Mme Estelle Grelier, secrétaire d’État. Je dis ce que j’ai à vous dire, monsieur Le Fur.
Rappelons que la notion de dotation horaire globale ne figure pas dans la loi, même si, c’est vrai, elle est évoquée dans les discussions entre élus aux conseils d’administration des établissements scolaires. Les dispositions réglementaires du code de l’éducation font référence, quant à elles, à la dotation horaire globalisée ou à la dotation en heures d’enseignement.
Enfin, je ne puis résister à l’envie de vous faire observer que le meilleur moyen de favoriser des dotations horaires globales importantes est encore de créer des postes dans l’éducation nationale, ce que nous faisons depuis 2012. Nous comptons donc sur vous pour soutenir ce budget ambitieux pour la nation.
Mme Annie Genevard (LR). L’argument est facile ! Sans doute soufflé par le directeur de cabinet !
Mme Estelle Grelier, secrétaire d’État. L’avis du Gouvernement est défavorable.
Mme la présidente. La parole est à M. Marc Le Fur.
M. Marc Le Fur (LR). J’ai cru entendre que la commission et le Gouvernement avaient tous deux émis des avis défavorables, mais en se fondant sur des arguments complètement différents. Mme la rapporteure a déclaré que l’enseignement aura lieu sans difficulté. Mme la secrétaire d’État, elle, nous a expliqué que l’éducation nationale n’avait pas l’obligation constitutionnelle d’assurer l’enseignement des langues régionales au sein des établissements concernés, et que cette proposition de loi n’introduirait pas non plus la moindre obligation. Autrement dit, le présent article ne change rien. N’est-ce pas ce que vous êtes en train de nous expliquer, madame la secrétaire d’État ? Je veux que mes collègues de gauche l’entendent bien.
M. Gilles Lurton (LR). Absolument ! En somme, le texte ne sert à rien !
M. Marc Le Fur (LR). D’après ce que j’en avais compris, l’article 1er n’obligeait en rien les parents à imposer l’apprentissage d’une langue régionale à leurs enfants – ce que nul ne demande –, mais obligeait l’éducation nationale à donner cette faculté aux établissements. Or vous venez de dire le contraire. Cela mérite, me semble-t-il, une suspension de séance, afin que vous vous concertiez avec Mme la rapporteure, car vous dites l’une et l’autre des choses très différentes.
Mme la présidente. La parole est à Mme la secrétaire d’État.
Mme Estelle Grelier, secrétaire d’État. À question claire, réponse claire : l’enseignement dont nous parlons demeure facultatif.
M. Marc Le Fur (LR). Facultatif pour les parents, oui, mais l’éducation nationale doit-elle obligatoirement ouvrir cette possibilité ?
Mme Estelle Grelier, secrétaire d’État. L’école « peut dispenser » cet enseignement.
M. Marc Le Fur. Il n’y a donc aucune obligation. Au moins les choses sont-elles claires : cet article ne change rien !
(L’amendement no 41 n’est pas adopté.)
Mme la présidente. La parole est à M. Marc Le Fur, pour soutenir l’amendement no 9.
M. Marc Le Fur (LR). Ce qui vient de se passer est extrêmement grave : il n’y a donc rien dans cet article 1er. Il sonne creux ! On ne fait même plus semblant.
L’amendement no 9 a pour objet – nous avons déjà évoqué ce sujet tout à l’heure –, outre l’enseignement de la langue, d’encourager également, dans les différents niveaux scolaires – il ne s’agit plus uniquement ici du primaire –, celui de la culture, c’est-à-dire notamment de la géographie et de l’histoire. Faisons en sorte que ces matières prennent, pour nos jeunes compatriotes, un tour concret. L’idée régionale constitue un antidote – ou, en quelque sorte, une compensation – à la mondialisation. Il convient donc que la culture soit également associée, d’une manière ou d’une autre, à l’enseignement de la langue.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Annie Le Houerou, rapporteure. Il est défavorable : comme cela a déjà été dit tout à l’heure, l’enseignement de la civilisation et de l’histoire régionales sont intégrées dans les programmes de toutes les disciplines – Mme la secrétaire d’État a fait référence à l’article L. 312-10, que je ne relirai pas.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Estelle Grelier, secrétaire d’État. Monsieur Le Fur, comme vous le savez déjà, le contenu des enseignements relève du Conseil supérieur des programmes et pas du législateur. L’avis du Gouvernement est par conséquent défavorable.
Mme la présidente. La parole est à Mme Annie Genevard.
Mme Annie Genevard (LR). J’ai eu l’occasion, au cours de la discussion générale, de dire que cette proposition de loi, à l’exception de son article 2 – nous y reviendrons – ne change absolument rien, en tout cas pour l’enseignement. Il s’agit donc d’un texte absolument inutile.
Madame la rapporteure, madame la secrétaire d’État, vous évoquez le Conseil supérieur des programmes. Or il n’a pas abordé la question des langues régionales.
Mme Estelle Grelier, secrétaire d’État. C’est sa responsabilité !
Mme Annie Genevard (LR). Cela relève peut-être de sa responsabilité mais, à ma connaissance, il n’y a pas été question des langues régionales. Demandez donc au directeur de cabinet la ministre de l’éducation nationale, ici présent ce soir.
À cet égard, je voudrais souligner que nous examinons ici trois articles qui concernent l’éducation nationale et l’enseignement supérieur et abordent des questions de fond, en particulier l’article 2, auquel nous arriverons dans quelques instants. Malgré tout le talent de Mme la secrétaire d’État s’agissant des collectivités territoriales, la ministre compétente en matière d’éducation devrait tout de même être présente, et le fait que son directeur de cabinet soit parmi nous ce soir ne saurait compenser son absence. (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste, écologiste et républicain.)
Mme Chantal Guittet (PS). C’est honteux !
Mme la présidente. Madame la députée, le Gouvernement est représenté au banc par qui il le souhaite. Votre remarque est donc déplacée. (Exclamations sur les bancs du groupe Les Républicains.)
Mme Annie Genevard (LR). J’ai pris soin de relever la compétence de Mme la secrétaire d’État dans son domaine d’intervention.
M. Jean-Luc Laurent (PS). Sage précaution !
Mme la présidente. Certes, mais le Gouvernement est représenté par qui il souhaite.
(L’amendement no 9 n’est pas adopté.)
Mme la présidente. La parole est à M. Marc Le Fur, pour soutenir l’amendement no 11.
M. Marc Le Fur (LR). Il s’agit simplement de faire en sorte qu’une information soit dispensée aux familles au sujet de l’enseignement des langues régionales. Dans mon esprit, il s’agissait de les informer sur un dispositif. Or, si j’ai bien compris le propos de Mme la secrétaire d’État, il n’existe pas puisque l’État, par l’article 1er, ne s’oblige en rien.
Si les familles disposent d’une faculté d’inscription, encore faut-il qu’elles reçoivent une réponse – or on ne leur en donne pas. Cet amendement vise donc, d’une manière ou d’une autre, à leur dispenser une véritable information.
Combien de fois, en effet, n’a-t-on pas vu des familles aspirant à ce que leurs enfants profitent d’un enseignement dans leur langue régionale et qui, faute d’information, ne les inscrivent pas dans les établissements le proposant ? Évidemment, ces cas ne sont pas, dans les statistiques, comptabilisées comme refus d’inscription car il n’y a pas eu tentative d’inscription. Mais, pour qu’une inscription soit refusée ou acceptée, encore faut-il que les parents aient été préalablement informés de la possibilité d’inscrire leurs enfants : c’est du bon sens.
Mme Chantal Guittet (PS). C’est de la loi bavarde !
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Annie Le Houerou, rapporteure. Effectivement, c’est du bavardage. Monsieur Le Fur, votre amendement est satisfait par l’article L. 312-10 du code de l’éducation, qui prévoit cette information. Je salue les travaux du ministère, qui a publié un fascicule d’une exceptionnelle qualité montrant tous les avantages de cet enseignement. Avis défavorable.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Estelle Grelier, secrétaire d’État. Même avis.
(L’amendement no 11 n’est pas adopté.)
Mme la présidente. La parole est à M. Marc Le Fur, pour soutenir l’amendement no 47.
M. Marc Le Fur (LR). À ce stade de l’examen de l’article 1er, nous retrouvons le débat que nous avons eu tout à l’heure. Quand la région prend les choses en charge, et c’est heureusement le cas dans la majorité des situations, il n’y a pas de problème et tout se passe bien. Mais il n’en ira pas toujours ainsi, et ce pour des raisons diverses, parmi lesquelles il faut compter votre funeste découpage régional. Je propose donc de compléter l’article 1erpar la phrase suivante : « À défaut d’initiative des régions, les collectivités territoriales concernées peuvent passer avec l’État de telles conventions. »
Ce faisant, on prend acte du fait qu’une région ne s’intéresse pas à la question, parce qu’elle ne fait pas partie de ses sujets de prédilection, ce qui se comprend par exemple dans le cas de la région Grand Est ou dans celui de la région Nouvelle Aquitaine. On peut en effet comprendre que cette dernière ne s’intéresse pas à ce qui ne concerne qu’une fraction de son territoire, à savoir le Pays basque.
Quoi qu’il en soit, dans cette hypothèse, il faut que la collectivité la plus concernée, celle qui est la plus susceptible de se mobiliser, puisse le faire. Cela concerne également la Loire-Atlantique que l’on souhaite éloigner de la Bretagne, alors qu’elle lui est très liée, d’un point de vue culturel et historique. En Bretagne également on tient donc particulièrement au dispositif proposé.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Annie Le Houerou, rapporteure. Nous avons déjà eu le débat tout à l’heure. Avis défavorable.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Estelle Grelier, secrétaire d’État. Défavorable. J’apporte une précision qui relève particulièrement de mon portefeuille ministériel : la suppression de la clause générale de compétence par la loi NOTRe n’empêche pas les collectivités territoriales d’intervenir dans un certain nombre de politiques sectorielles – en l’espèce l’éducation, ainsi que le prévoit du reste l’article L. 312-10 du code de l’éducation.
M. Jean-Luc Laurent (PS). Tout à fait !
Mme la présidente. La parole est à M. Claude Sturni.
M. Claude Sturni (LR). Madame la secrétaire d’État, je n’arrive toujours pas à suivre votre raisonnement. Si ce que vous dites est vrai, à quoi sert l’article 1er, qui précise bien que l’enseignement de la langue régionale a lieu « dans le cadre de conventions entre l’État et les régions » ?
Mme Estelle Grelier, secrétaire d’État. C’est bien pour cela que j’y suis défavorable !
M. Claude Sturni (LR). Nous avons, tout à l’heure, noté une chose importante pour nous autres, élus alsaciens : après avoir tué la région Alsace en tant qu’institution, aujourd’hui vous voulez faire de même avec la langue alsacienne ! (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste, écologiste et républicain.)
M. Éric Elkouby (PS). C’est faux ! Ce que vous dites est inadmissible !
M. Éric Straumann (LR). Jacobins !
M. Claude Sturni (LR). C’est exactement ce qui va se passer. Imaginez, ne serait-ce qu’un instant, que la région Grand Est bascule un jour…
M. Jean-Luc Laurent (PS). Où ?
M. Claude Sturni (LR). …politiquement et s’offre à un parti extrémiste – nous n’avons pas été très loin, lors du dernier scrutin régional, de vivre un tel événement. Par définition, ce parti n’aurait aucune envie de continuer à soutenir les langues comme les cultures régionales.
M. Éric Straumann (LR). De toute façon, si on ne redécoupe pas, ou aura le Front national !
M. Claude Sturni (LR). Que se passerait-il, dans cette hypothèse ? Comme l’a dit Marc Le Fur, dans la mesure où c’est la région qui cadenasse tout le dispositif, d’un coup d’un seul, c’en serait terminé de l’enseignement de la langue régionale.
Cette proposition de loi n’a donc rien d’anodin ; elle est même très grave. Soyez donc très attentifs, mesdames et messieurs de la majorité – puisque ce texte émane de vos bancs – à ce que vous êtes en train de faire.
M. Éric Straumann (LR). C’est un recul dramatique !
Mme la présidente. La parole est à Mme Marylise Lebranchu.
Mme Marylise Lebranchu (PS). Je vous rappelle que, dans le cadre de la décentralisation – et Marc Le Fur le sait parfaitement –, toute compétence affectée à une collectivité territoriale mais qui n’est pas exercée de fait par celle-ci peut être assumée par l’État dans le territoire concerné : c’est ce que d’aucuns avaient appelé le transfert « élastique » de compétences. In fine, si une collectivité ne répond pas à ce pourquoi elle a été instituée, l’État doit reprendre la compétence concernée.
En outre, si vraiment vous adoptiez un tel schéma, imaginez donc ce qu’aurait à faire le conseiller territorial dont j’ai, ici ou là, entendu parler ?
M. Éric Straumann (LR). Ce sont les grandes régions qui sont une folie !
Mme Marylise Lebranchu (PS). Revenons donc à la raison : si la région n’exerce pas la compétence en question, l’État pourra, dans le cadre de la conférence territoriale de l’action publique – la CTAP – en appeler à la région ainsi qu’à ses partenaires.
M. Éric Straumann (LR). Ce texte est une tragédie : nous le ferons savoir !
Mme la présidente. La parole est à M. Éric Elkouby.
M. Éric Elkouby (PS). Nous n’entendons nullement tuer la langue alsacienne. D’ailleurs, nous n’avons pas de leçon à recevoir de votre part : c’est la majorité de droite du Sénat qui a rejeté le projet de loi constitutionnelle sur la charte européenne des langues régionales. (Exclamations sur les bancs du groupe Les Républicains.)
M. Éric Straumann (LR). Cela n’a absolument rien à voir, et nous le ferons savoir !
Mme la présidente. Mes chers collègues, calmez-vous ! Il n’est que vingt-trois heures vingt-cinq. (Sourires.)
M. Éric Elkouby (PS). Je tiens à le rappeler, même si je sais que cela vous embête quand on vous le dit.
M. Éric Straumann (LR). Pas du tout !
M. Éric Elkouby (PS). En outre, je ne comprends pas : à chaque prise de parole, chers collègues de l’opposition, vous dites que cette proposition de loi est inutile.
M. Éric Straumann (LR). Elle n’est pas inutile : elle marque un recul !
M. Éric Elkouby (PS). Or ce qui l’est, c’est votre attitude. En effet, au lieu de participer de manière constructive à une avancée, vous préférez prolonger inutilement les débats en multipliant les amendements déjà satisfaits par le droit existant.
M. Éric Straumann (LR). Pas du tout, on a envie d’aller se coucher !
M. Claude Sturni (LR). Et nous avons déposé des amendements constructifs !
Mme la présidente. La parole est à M. Gilles Lurton.
M. Gilles Lurton (LR). Madame la secrétaire d’État a, au début de l’examen de cette proposition de loi, donné un avis favorable à la suppression de cet article : cela prouve son inutilité totale.
(L’amendement no 47 n’est pas adopté.)
(L’article 1er, amendé, est adopté.)
Après l’article 1er
Mme la présidente. Je suis saisie de plusieurs amendements portant article additionnel après l’article 1er.
Monsieur Le Fur, je vous propose de défendre simultanément les amendements nos 3 rectifié et 15 rectifié.
M. Marc Le Fur (LR). J’y consens, madame la présidente, pour vous être agréable.
M. Antoine Herth (LR). N’en faites pas trop, quand même ! (Sourires.)
M. Marc Le Fur (LR). Je suis très sensible aux propos que notre collègue Colette Capdevielle a tenus tout à l’heure : effectivement, tout se passe au cours de la petite enfance. Il faut donc permettre aux jeunes enfants d’accéder rapidement à la langue régionale.
Cela était encore possible il y a quelques années, lorsqu’un enfant entrait à l’école maternelle, grosso modo à l’âge de deux ans. Ce n’est hélas plus le cas : les enfants ne sont désormais admis en maternelle, sauf quelques rares exceptions, qu’à l’âge de trois ans.
Je souhaite que, lorsque les parents le souhaitent, leurs enfants puissent, dans le cadre de ces dispositifs exceptionnels, intégrer une classe où ils seront initiés à une langue régionale. Je me place donc dans le droit fil de ce qu’a proposé Mme Capdevielle – encore faut-il toutefois que les enfants puissent entrer à l’école primaire avant l’âge de trois ans.
Tel est l’objet de ces deux amendements, nos 3 rectifié et 15 rectifié. Il s’agit, par rapport à d’autres secteurs de l’enseignement, d’un petit plus, mais si nous voulons que les langues régionales se transmettent – ce qui est malaisé dans le cadre familial, il faut l’admettre, notre rapporteure l’a fort justement rappelé, et j’en conviens –, il nous faut trouver des formules.
J’en propose une qui est favorable à l’école maternelle et qui permettrait, en outre, cette initiation précoce aux langues régionales.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Annie Le Houerou, rapporteure. Il est défavorable, même si je rejoins ce qui vient d’être dit : c’est effectivement au plus jeune âge que l’apprentissage des langues est le plus efficace. Cependant, le législateur a fait le choix, dans la loi du 8 juillet 2013 d’orientation et de programmation pour la refondation de l’école de la République, de renforcer, dans les quartiers difficiles, la scolarisation des enfants de moins de trois ans. Cet objectif impose que tous les efforts soient faits en sa faveur. Le cas des écoles en langue régionale n’est pas de même nature.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Estelle Grelier, secrétaire d’État. Monsieur Le Fur, vous voulez finalement substituer à la priorité sociale donnée à la scolarisation des enfants de moins de deux ans une priorité à l’enseignement des langues régionales.
M. Marc Le Fur (LR). Je ne substitue pas, j’ajoute !
Mme Estelle Grelier, secrétaire d’État. Certes, mais il s’agit en réalité d’une forme de substitution. L’avis du Gouvernement est donc défavorable.
(Les amendements nos 3 rectifié et 15 rectifié, successivement mis aux voix, ne sont pas adoptés.)
Mme la présidente. La parole est à M. Marc Le Fur, pour soutenir l’amendement no 16 rectifié.
M. Marc Le Fur. Il est défendu.
(L’amendement no 16 rectifié, repoussé par la commission et le Gouvernement, n’est pas adopté.)
Mme la présidente. La parole est à M. Marc Le Fur, pour soutenir l’amendement no 4 rectifié.
M. Marc Le Fur (LR). Nous abordons la question de la technique pédagogique dite de l’immersion. Cela n’empêche pas, bien évidemment, d’avoir pour objectif une maîtrise parfaite du français. Du reste, on constate, statistiquement, que cette maîtrise est on ne peut plus satisfaisante. Peut-être le bilinguisme est-il une chance – c’est d’ailleurs ce que disent un certain nombre de sociologues, qui insistent sur son impact positif en termes d’éveil de l’intelligence ainsi que des capacités cognitives.
La maîtrise du français est donc excellente dans ces écoles, et elle doit demeurer l’objectif prioritaire. Nonobstant cet objectif, le Conseil d’État a ajouté la contrainte de 50 % d’horaires réservés. Je considère pour ma part qu’elle ne doit pas nous lier. Si l’objectif est respecté, et la maîtrise du français satisfaisante, il n’y pas de raison d’ajouter une contrainte de moyens. Il faut donc, dans toute la mesure du possible, pouvoir déroger à cette règle si les pédagogues l’estiment nécessaire, sous réserve bien évidemment – j’y insiste – de la maîtrise du français, qui peut être testée et contrôlée.
Ce qui est très curieux, c’est que toutes les écoles enseignant les langues régionales sont très surveillées : il y a des inspections et des contrôles de toute sorte. J’imagine que le cabinet du ministre donne des instructions pour que tous ces gens-là soient surveillés de près. Puisqu’ils sont surveillés de près, on a les moyens de constater que l’enseignement du français est de qualité. Mettons donc un terme à cette règle dite des 50 %, qui n’obéit à aucune contrainte objective.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Annie Le Houerou, rapporteure. Défavorable, et je renvoie M. Le Fur à l’article 2, dont nous allons maintenant discuter.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Estelle Grelier, secrétaire d’État. Le premier point de votre amendement, monsieur Le Fur, est satisfait par l’article L. 312-10 du code de l’éducation.
Sur le second point, vous dites que rien n’interdit à ce stade de dépasser la parité horaire. Il y a une contrainte constitutionnelle que j’ai rappelée dans mon propos liminaire.
À l’occasion d’une décision de 2001, le Conseil constitutionnel, en se fondant sur le premier alinéa de l’article 2 de la Constitution, qui proclame que la langue française est la langue de la République, a rappelé sa jurisprudence constante selon laquelle l’usage du français s’impose aux personnes morales de droit public et aux personnes de droit privé dans l’exercice d’une mission de service public, et les particuliers ne peuvent se prévaloir dans leurs relations avec les administrations et les services publics d’un droit à l’usage d’une langue autre que le français, ni être contraints à un tel usage.
Pour le Conseil constitutionnel, il résulte de l’article 2 de la Constitution que l’usage d’une langue autre que le français ne peut être imposé aux élèves des établissements de l’enseignement public ni dans la vie de l’établissement ni dans l’enseignement des disciplines autres que celle de la langue considérée.
Dans une décision de 2002, le Conseil d’État a retenu que l’enseignement à parité horaire en langue française et en langue régionale était la limite extrême de ce qui peut être fait dans le service public, en évoquant la nécessaire primauté du français, qui doit en tout état de cause demeurer la langue de vie exclusive de l’établissement.
Pour ces motifs constitutionnels, je suis donc défavorable à votre amendement.
Mme la présidente. La parole est à M. Paul Molac.
M. Paul Molac (PS). Je prends la parole parce que cela me permettra de défendre en même temps l’article 2.
Le Conseil constitutionnel a exclu l’enseignement, madame la secrétaire d’État. Sinon, il n’y aurait pas moyen d’enseigner.
Pour le Conseil d’État, il s’est passé quelque chose d’intéressant. C’est le commissaire du gouvernement, qui était pourtant là pour défendre ce que proposait Jack Lang, c’est-à-dire l’intégration des écoles Diwan – écoles immersives, associatives et laïques – dans le service public, qui a déclaré qu’on ne pouvait pas dépasser les 50 %. Le Conseil d’État ne l’a pas suivi. Il a simplement considéré que cette méthode particulière – 100 % en langue régionale jusqu’au CE2, je le rappelle, le français étant introduit ensuite, et la langue de l’établissement étant la langue régionale, ce que nous ne proposons pas dans l’article 2 – relevait du domaine non pas réglementaire mais législatif. Il encourageait donc le ministre à faire une loi pour que la représentation nationale se prononce sur ce point. C’est ce que nous faisons aujourd’hui.
(L’amendement no 4 rectifié n’est pas adopté.)
Article 2
Mme la présidente. La parole est à Mme Marie-Françoise Bechtel, inscrite sur l’article 2.
Mme Marie-Françoise Bechtel (PS) Avec cet article, nous touchons au cœur de ce que sont les apprentissages effectifs et nécessaires des enfants dans une scolarité qui a connu une dégradation.
Je suis élue dans un département, l’Aisne, où il y a 16,7 % d’illettrés, contre 4 % en Île-de-France.
Je pose simplement la question, mes chers collègues : dans quel monde vivez-vous si vous croyez que les gens demandent que leurs enfants apprennent le picard à l’école ? Dans quel monde vivons-nous si nous ne comprenons pas que ce sont les savoirs fondamentaux que sont le français, l’histoire et la géographie qui permettent de remettre en marche l’ascenseur social, dont nous ne parlons pas alors qu’il devrait être notre objectif à tous ?
Mme Colette Capdevielle (PS). Cela n’a rien à voir !
Mme la présidente. La parole est à Mme Annie Genevard.
Mme Annie Genevard (PS). C’est là le caractère un peu miraculeux de ce débat récurrent sur les langues régionales : on voit des alliances assez improbables. Je rejoins en tous points ce qui vient d’être dit par Mme Bechtel. Je trouve cet article profondément dangereux…
M. François de Rugy (PS). Vous disiez tout à l’heure qu’il était inutile ! Il faudrait savoir !
Mme Annie Genevard (LR). …car chacun sait qu’on ne peut pas apprendre et maîtriser convenablement la langue française si l’on n’y consacre pas un temps d’apprentissage minimal.
Cet article propose de s’affranchir d’une durée minimale et je pense que c’est quelque chose de potentiellement préjudiciable. Là on parle bien de l’enseignement bilingue, pas d’enseignement immersif. L’enseignement bilingue doit au moins respecter une forme de parité mais l’apprentissage de la langue française doit être premier, parce que c’est tout de même elle qui est le plus largement partagée sur le territoire national, dans l’ensemble des autres disciplines et pour la vie courante et la réussite scolaire.
Je ne comprends pas la vocation de cet article. Je le trouve vraiment extrêmement dangereux. Pour moi, c’est le point qui bloque le plus. Pour le reste, j’ai eu l’occasion de le souligner, le texte ne fait que reprendre des dispositions législatives qui sont déjà dans différents codes.
Mme la présidente. La parole est à M. Jean Lassalle.
M. Jean Lassalle (non inscrit) Après tant et tant de débats sur la question, je pensais trouver en arrivant cette nuit une Assemblée nationale réunie enfin autour de sa langue nationale et de ses langues, qui constituent un patrimoine exceptionnel. Ce que j’entends me laisse penser que nous ne sommes peut-être pas encore arrivés au but.
Franchement, je ne comprends pas. Chaque majorité, avant d’être élue, déclare que l’on apprendra les langues dites régionales et puis, chaque fois, on trouve une bonne raison de botter en touche. Je le regrette. Heureusement qu’il y en a quelques-uns comme Marc Le Fur, qui ne change jamais d’idée (Sourires), moi-même – quelques autres aussi, je n’ai pas eu le temps de voir tous ceux qui étaient là.
Mme Colette Capdevielle. Forcément, vous venez d’arriver !
M. Jean Lassalle. Vous-même, madame la présidente, vous avez l’air bienveillante. (Rires.)
Mme la présidente. Je suis en dehors du débat !
M. Jean Lassalle (non inscrit). Je ne prendrai qu’un exemple que je connais bien – le mien. (Sourires.)
J’ai fait français en troisième langue, ce qui me vaut d’ailleurs un accent abominable, à couper au couteau, dont je n’ai jamais pu me départir, mais, que voulez-vous, nul n’est parfait. J’ai commencé à apprendre le béarnais alors que je ne me rendais même pas compte que j’apprenais une langue. C’était à la maison. Papa et maman me l’apprenaient joyeusement. Ensuite, j’ai appris l’espagnol parce que papa était berger en Espagne. C’était assez naturel. Quant au français, il considérait que c’était trop important pour qu’il entreprenne de me l’apprendre lui-même, c’était à des spécialistes de le faire. Finalement, j’ai appris les trois langues et je ne m’en suis pas porté plus mal.
M. Marc Le Fur (LR). Très bien !
M. Jean Lassalle. Suite au prochain numéro.
Mme la présidente. La parole est à M. François de Rugy.
M. François de Rugy (PS)). Soyons positifs : je voudrais saluer l’union assez large qui se dégage, et je propose à mes collègues de l’opposition que nous fassions un front commun sur cette question des langues régionales.
Marc Le Fur le sait très bien, j’ai le privilège, comme d’autres, d’avoir été député au cours de la précédente législature. Nous nous opposions aux mêmes inerties, nous avions les mêmes débats idéologiques, les mêmes promesses non tenues.
Là, nous avons l’occasion, en tant que députés, d’ouvrir un petit espace. Nous sommes bien conscients que ce n’est pas le modèle dont nous rêverions pour la promotion et le soutien aux langues régionales, la diversité linguistique, qui est une richesse pour la France. De même que nous défendons la francophonie à l’échelle mondiale parce que nous pensons qu’il n’y aurait rien de pire qu’une uniformisation du monde sous la langue anglaise, nous ne voulons pas qu’en France, il y ait une uniformisation sous la langue française. Alors que personne d’ailleurs ne revendique d’apprendre seulement une langue régionale, sans apprendre le français, nous revendiquons le droit à la diversité linguistique en France.
Nous savons bien qu’il y a ce verrou constitutionnel et, dans le débat, cela revient sans cesse. C’est pour une grande part d’ailleurs une question d’interprétation. Nous savons bien qu’il y a le Conseil d’État qui, comme souvent d’ailleurs, outrepasse largement ses prérogatives pour se lancer lui aussi dans des interprétations qui sont systématiquement restrictives dès qu’il s’agit de cette question. Et nous savons bien que c’est toujours la même chose sous les gouvernements successifs.
Marc Le Fur le sait bien, lors de la précédente législature, le Gouvernement avait promis une loi sur la promotion des langues régionales et c’est en répondant à une question orale sans débat qu’un membre du gouvernement, qui n’était absolument pas concerné par le sujet, a fini par reconnaître qu’il ne se passerait rien, toujours avec les mêmes arguments idéologiques.
L’article 2 est une ouverture, sur l’enseignement immersif notamment. Il faut absolument saisir cette occasion et le voter parce que ce sera un pas en avant pour nos langues régionales.
Mme la présidente. La parole est à M. Paul Molac.
M. Paul Molac (PS). Quand on est élevé dans une langue régionale dans son milieu familial et qu’on arrive à l’école, la plupart du temps, surtout si c’est une langue d’oïl comme le picard ou le gallo, au lieu de considérer que c’est une langue différente, on commence par vous dire que vous ne parlez pas bien français. C’est comme ça qu’on fait des illettrés, madame Bechtel.
Mme Marie-Françoise Bechtel. Dans quel monde vivez-vous ?
M. Paul Molac (PS). Le mépris, c’est ce que les enfants de ma génération et des générations précédentes ont vécu. Cette langue vise à nous en sortir.
Même dans les écoles immersives, madame Genevard, je vous rassure, les enfants ont d’excellents résultats en français, alors même qu’ils en font relativement peu.
Mme Colette Capdevielle (PS). Eh oui !
M. Paul Molac (PS). Ils ont en plus 100 % de réussite au bac. Ne vous inquiétez donc pas.
Mme Annie Genevard (LR). Combien d’élèves y a-t-il ?
M. Paul Molac (PS). L’article 2 vise simplement à permettre aux pédagogues de prendre le pouvoir et à faire au mieux dans l’intérêt des deux langues, évidemment dans l’intérêt du français aussi, parce que nous savons très bien que, pour réussir dans ce pays, il faut posséder le français, mais, quand on possède une seconde langue, on peut faire des comparaisons de grammaire, avancer. En fait, plus on connaît de langues, plus il est facile d’en apprendre d’autres.
Cette méthode vise donc tout simplement à mettre un peu de souplesse, ni plus ni moins, et toujours, par-dessus le marché, sous l’autorité de l’éducation nationale.
Mme la présidente. Je suis saisie de trois amendements, nos 34, 72 et 116, qui visent à supprimer l’article 2.
La parole est à Mme Annie Genevard, pour soutenir l’amendement no 34.
Mme Annie Genevard (LR). J’ai un curieux sentiment au fil de ces débats. C’est comme s’il y avait les tenants des langues régionales et ceux qui y sont opposés.
Mme Annie Le Houerou, rapporteure. C’est un peu ça !
Mme Annie Genevard (LR). Ce n’est pas du tout le sujet. Nous sommes tous, je crois, favorables aux langues régionales en ce qu’elles sont l’expression d’un patrimoine utile.
M. Jean-Luc Laurent (PS). Tout à fait ! C’est une bonne mise au point !
M. François de Rugy (PS). Dès qu’il faut passer aux actes, il ne se passe plus rien !
Mme Annie Genevard (LR). Sauf erreur de ma part, monsieur de Rugy, c’est bien sous la droite, en 2008, qu’a été inscrite dans la Constitution la mention des langues régionales.
M. François de Rugy (PS). J’ai mené la bataille avec Marc Le Fur ! Mais, après, il n’y a rien eu !
Mme Annie Genevard (LR). Reconnaissez au moins l’apport du précédent gouvernement sur ces sujets.
M. François de Rugy (PS). On ne vous a pas attendue pour le dire !
Mme Annie Genevard (LR). Il n’y a pas d’un côté ceux qui sont pour les langues régionales et, de l’autre, certains d’entre nous qui sont contre. Ce n’est absolument pas ça. Nous disons simplement que certaines dispositions ne sont pas utiles parce qu’elles figurent déjà dans le code de l’éducation et que l’article 2 est dangereux.
M. François de Rugy. Voilà : soit les mesures existent déjà, soit il ne faut pas les prendre ! C’est toujours la même chose !
Mme Annie Genevard (LR). Vous dites, monsieur Molac, que c’est sous le contrôle de l’éducation nationale. Pour peu qu’elle l’exerce ! Elle a supprimé les évaluations nationales.
M. François de Rugy. Oh !
Mme Annie Genevard (LR). Je regrette, on ne peut pas évaluer quelque chose qu’on ne contrôle pas.
Mme la présidente. La parole est à Mme Marie-Françoise Bechtel, pour soutenir l’amendement no 72.
Mme Marie-Françoise Bechtel (PS). Je me suis exprimée déjà sur l’esprit de cet amendement mais je voulais poser deux questions.
Je suis étonnée que, d’un côté, on nous parle de la demande des familles et que, de l’autre, on nous dise que les familles ne parlent pas la langue régionale. J’ai même entendu quelqu’un expliquer qu’il fallait forcer les enfants très jeunes à l’apprendre parce qu’ils ne la parlent pas en famille. Ou les familles le demandent parce que la langue régionale vit dans le foyer, ou il faut forcer les élèves à l’apprendre tôt parce que les familles le demandent alors qu’elles ne la parlent pas. J’avoue que je ne comprends pas très bien ce qui me semble être une contradiction.
M. François de Rugy (PS). Dites plutôt que vous ne voulez pas comprendre !
Mme Chantal Guittet (PS). Certains parents ont été empêchés de la parler, tout simplement !
Mme Marie-Françoise Bechtel (PS). Par ailleurs, je crois qu’il est tout à fait dangereux de fixer des objectifs qui ne sont pas accessibles, étant donné le niveau scolaire de beaucoup de jeunes Français. Il n’est pas correct de présenter les choses ainsi, dans le respect des objectifs assignés : c’est une sorte de salut que le vice rend à la vertu.
Quant au reste, comme je l’ai dit au préalable, je ne suis pas une ennemie des langues régionales, tant s’en faut. Je considère qu’elles sont un trésor de notre patrimoine. Mais ce n’est pas sur la malheureuse éducation nationale, qui a tant à faire pour redresser le niveau des écoliers de France et remettre en marche l’ascenseur social, qu’il faut faire peser la charge d’une demande des familles, laquelle existe tantôt et tantôt n’existe pas, et que l’on voudrait forcer, sans que les choses ne soient très claires, ni que les situations ne soient les mêmes dans les différentes régions de France.
Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Luc Laurent, pour soutenir l’amendement no 116.
M. Jean-Luc Laurent (PS). Cet amendement vise à supprimer l’article 2, dans la mesure où celui-ci propose la reconnaissance de l’enseignement bilingue « quelle que soit la durée d’enseignement » en français. Sauf erreur de ma part, le législateur a déjà reconnu la possibilité d’un enseignement bilingue. Les promoteurs des langues régionales proposent une surenchère, en apportant cette précision qui dénature l’article L. 312-10 du code de l’éducation.
M. Paul Molac (PS). Ce n’est pas de la surenchère, cela existe déjà !
M. Jean-Luc Laurent (PS). Cela nous place dans une situation particulièrement confuse, où l’enseignement optionnel se déroule pendant l’horaire normal et où l’enseignement bilingue peut tendre vers l’unilinguisme. Il y a une question à trancher. C’est pourquoi je propose de supprimer l’article 2.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission sur ces amendements de suppression ?
Mme Annie Le Houerou, rapporteure. Je tiens à préciser qu’il existe deux types d’enseignement bilingue : le simple et l’immersif. S’agissant des proportions, la technique d’enseignement immersif ne risque pas de faire courir quelque danger que ce soit à la langue française. Il est aujourd’hui dispensé auprès de 5 000 élèves seulement, ce qui est relativement limité. C’est un enseignement efficace.
Je tiens également à m’inscrire en faux contre l’idée que l’enseignement des langues régionales, en particulier quand il est immersif, est un obstacle à la maîtrise de la langue française. Cela a déjà été dit tout à l’heure. C’est même inscrit dans l’article, puisqu’il y est rappelé que l’enseignement bilingue doit se faire « dans le respect des objectifs de maîtrise de la langue française fixés par les articles L. 111-1 et L.121-3 ». La question de la parité horaire, et d’une limite à 49 % ou à 51 %, n’a donc pas de valeur pédagogique. Il faut laisser les enseignants faire leur métier et démontrer, comme c’est le cas aujourd’hui, que les enfants peuvent tout à fait maîtriser la langue française et apprendre une langue régionale. Avis défavorable.
M. Jean Lassalle. Très bien !
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Estelle Grelier, secrétaire d’État. Mesdames, messieurs les députés, il ne s’agit pas de savoir si nous sommes ou pas favorables à la promotion des langues régionales, ni de faire des projections sur la connaissance des langues régionales des uns et des autres au regard de leurs parcours – on ignore parfois les imprégnations de chacun. La jurisprudence et les décisions du Conseil d’État et du Conseil constitutionnel que j’ai déjà rappelés tout à l’heure, m’amènent à exprimer, par souci de cohérence, un avis favorable à la suppression de l’article 2. Les positions du Conseil constitutionnel et du Conseil d’État ne sont pas idéologiques, et le Gouvernement se sent dans l’obligation naturelle de les respecter et d’y souscrire.
Mme la présidente. La parole est à Mme Colette Capdevielle.
Mme Colette Capdevielle (PS). Pour rassurer les rédacteurs de ces amendements de suppression et Mme la secrétaire d’État, je vais leur soumettre un extrait d’un rapport d’évaluation de l’Office public de la langue basque qui a été fait par des inspecteurs du ministère de l’intérieur, du ministère de la culture et de la communication et du ministère de l’éducation nationale, soit par de dangereux nationalistes. Ce rapport, qui date du mois d’août 2016, s’intéresse à ce qui se passe au Pays basque : « Au collège, l’extension des disciplines enseignées en basque, au-delà de l’histoire-géographie, progresse mais ne permet pas encore d’atteindre la « parité horaire », sauf dans deux établissements. L’expérimentation de classes maternelles « immersives », dans l’enseignement public ou privé confessionnel, s’est développée et appellerait maintenant une évaluation qualitative avant que ce modèle soit diffusé plus largement. »
Il propose tout un ensemble de préconisations. Je tiens ce rapport interministériel à la disposition de Mme la secrétaire d’État, notamment, afin qu’elle voie dans quelle direction nous allons. C’était l’intérieur, la culture et l’éducation nationale qui travaillaient ensemble ! On peut refuser de voir les évidences. On peut refuser de voir ce qui se passe dans les territoires. Toutefois, l’évaluation qui est faite est positive. Nous voulons aller plus avant et diffuser ce modèle.
Quant à la jurisprudence, comme toutes les jurisprudences, elle est faite pour évoluer. C’est précisément ce que nous sommes en train de faire. Les cours de justice ne font que vérifier la conformité avec nos textes de loi. Nous sommes ici pour faire évoluer la loi, sans quoi nous ne servirions plus à rien.
Mme la présidente. La parole est à M. Marc Le Fur.
M. Marc Le Fur (LR). Je ne sais pas où en est la majorité, madame la présidente. Le texte émane toute de même du groupe majoritaire, or le Gouvernement est défavorable aux deux premiers articles, qui en sont les articles essentiels. C’est dire les perspectives qu’a ce gouvernement d’inscrire ce futur texte à l’ordre du jour du Sénat…
M. François de Rugy (PS). Les groupes du Sénat peuvent le faire ! Nous verrons ce que fera M. Retailleau, en particulier !
Mme Annie Le Houerou, rapporteure. Nous comptons sur votre force de persuasion, monsieur Le Fur !
M. Marc Le Fur (LR). Tout cela est la démonstration du délitement de votre majorité, comme on le voit sur d’autres sujets.
Je n’aime pas, madame Bechtel, l’argument de l’illettrisme. Il a été employé par M. Macron, le champion de Mme Ehrel, qui a qualifié d’illettrées les ouvrières de l’agroalimentaire. (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste, écologiste et républicain.) Il s’est ensuite excusé. À tout pécheur miséricorde, même si l’année de la miséricorde est terminée !
En tout état de cause, cet article est important et il est positif, à condition que nous l’enrichissions. Il permettrait de valider la technique de l’immersion.
M. Jean Lassalle. Très bien !
M. Marc Le Fur (LR). Aujourd’hui, si elle est pratiquée, elle est seulement tolérée. Elle ne concerne d’ailleurs pas que 5 000 enfants, madame la rapporteure : il y en a déjà 5 000 dans la seule Bretagne, au sein du réseau Diwan. Le total national est bien supérieur. Il faut donc faire adopter cet article. Mais si le Gouvernement a adopté une telle position, cela veut dire qu’il est hostile à l’immersion telle qu’elle existe aujourd’hui et telle qu’elle est pratiquée. Cela signifie très clairement que vous la remettez en cause et que, demain, vos inspecteurs aux ordres se déchaîneront contre la technique de l’immersion.
M. Jean-Luc Laurent (PS). Mais pas du tout ! C’est simplement dire que nous ne voulons pas aller plus loin !
M. Marc Le Fur (LR). L’immersion, c’est l’apprentissage de la langue, c’est l’usage de cette langue dans d’autres disciplines ainsi que dans la vie quotidienne, par exemple à la cantine. C’est cela qu’il faut que nous validions. Le bilinguisme est une chance, pas une difficulté. Ce qui est très curieux, c’est que, dans nos banlieues aisées, à l’ouest de Paris, nous favorisons le bilinguisme avec l’anglais, dans de nombreux établissements, et que cela ne pose aucun problème ! J’ai même entendu M. Le Roux nous expliquer que pour faire revenir…
Mme la présidente. Je vous prierais de conclure, monsieur Le Fur.
M. Marc Le Fur. C’est ça le sujet !
Mme la présidente. Assurément ! Mais c’est ça les deux minutes aussi… (Sourires.)
M. Marc Le Fur (LR). Pourquoi proposer des dispositifs pour la langue anglaise que l’on ne validerait pas définitivement pour nos langues régionales ?
(Les amendements identiques nos 34, 72 et 116 ne sont pas adoptés.)
Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Luc Laurent, pour soutenir l’amendement no 118.
M. Jean-Luc Laurent (PS). Cet amendement vise à supprimer le 2° de l’article L. 312-10 du code de l’éducation, pour une raison fort simple. La loi du 8 juillet 2013 a ouvert la possibilité d’un enseignement bilingue des langues régionales. Alors que cette disposition aurait dû être un point maximum, les auteurs de la proposition de loi – qui émane non pas du groupe socialiste, écologiste et républicain en tant que tel, mais de socialistes et d’écologistes, comme l’a dit la rapporteure elle-même dans sa présentation – s’appuient sur les difficultés concrètes pour revendiquer désormais un bilinguisme dans lequel le français pourrait être résiduel. Il importe de clarifier cette situation en supprimant la disposition visée.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Annie Le Houerou, rapporteure. Notre article prévoit bien évidemment que cet enseignement bilingue se fera dans le respect des objectifs de maîtrise de la langue française, je le répète. Avis défavorable.
(L’amendement no 118, repoussé par le Gouvernement, n’est pas adopté.)
Mme la présidente. La parole est à M. Marc Le Fur, pour soutenir l’amendement no 12.
M. Marc Le Fur (LR). Si je comprends bien, madame la rapporteure, votre souci, dans cet article, c’est de faire en sorte que l’immersion soit validée dans les textes et qu’elle cesse d’être tolérée comme c’est le cas aujourd’hui. Mais, pour qu’elle le soit, encore faut-il que nous parlions d’elle. Or l’article, tel qu’il est rédigé, n’emploie pas une seule fois le mot « immersion ». Mon amendement vise à clarifier les choses. La loi est faite pour être non pas ambiguë, mais claire. Il faut donc, très clairement, utiliser le mot « immersion » et dire que cette méthode pédagogique, qui est positive, est validée.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Annie Le Houerou, rapporteure. Défavorable.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Estelle Grelier, secrétaire d’État. Monsieur Le Fur, s’agissant de l’immersion, le Conseil d’État a déjà rendu sa décision. Il a expliqué qu’aller au-delà de la stricte parité constituait l’extrême limite de l’enseignement bilingue du français et d’une langue régionale. Je ne peux que vous dire cela. Vous nous expliquez ce qui se passe aujourd’hui dans vos territoires, mais ce n’est pas possible du point de vue constitutionnel.
M. Paul Molac (PS). C’est faux !
Mme Estelle Grelier, secrétaire d’État. Ce n’est pas pour vous contrarier que je vous rappelle cette décision. Avis défavorable.
Mme Annie Le Houerou, rapporteure. L’avis est identique, mais pas pour les mêmes raisons, on l’aura compris !
Mme la présidente. La parole est à M. Marc Le Fur.
M. Marc Le Fur (LR). Je ne comprends pas bien pourquoi notre rapporteure y est défavorable.
Mme Annie Le Houerou, rapporteure. Je considère qu’il est déjà satisfait.
M. Marc Le Fur. Il ne l’est pas, puisque vous n’utilisez même pas le mot « immersion » !
Mme Annie Le Houerou, rapporteure. C’est satisfait, puisqu’il est précisé « quelle que soit la durée d’enseignement dans ces deux langues ».
M. Marc Le Fur (LR). L’immersion, ce n’est pas simplement une question de durée ! Cela veut dire que la langue est utilisée pour d’autres disciplines. Par exemple, il ne s’agit pas d’enseigner seulement le breton, l’alsacien ou le basque, mais aussi d’enseigner d’autres disciplines dans ces langues. Ce doit également être la langue de la vie quotidienne. La meilleure façon de se faire comprendre, c’est d’utiliser le mot « immersion ». Madame la secrétaire d’État, dans cet amendement, je ne remets pas en cause la parité horaire, au contraire, puisque je propose d’insérer les mots : « , à parité ou par immersion, ». Je ne rouvre pas le débat de la parité : j’ai admis que vous n’en vouliez pas.
(L’amendement no 12 n’est pas adopté.)
Mme la présidente. Chers collègues, je vous précise qu’il nous reste soixante-six amendements et une heure de séance.
Vous gardez la parole, monsieur Le Fur, pour soutenir l’amendement no 13.
M. Marc Le Fur (LR). Il vise à préciser que, à partir du moment où l’on constate une demande suffisante, le ministère a l’obligation de créer une filière.
En l’absence d’une telle disposition, l’article 2 reste complètement théorique. Et comme le Gouvernement n’en veut pas, ce sera de fait le cas… En tout état de cause, il me semble logique d’octroyer la faculté d’ouvrir des filières si une demande suffisante est constatée.
Mme Marie-Françoise Bechtel (PS). C’est l’école du consommateur !
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Annie Le Houerou, rapporteure. Votre rédaction me paraît bien imprécise. Avis défavorable.
(L’amendement no 13, repoussé par le Gouvernement, n’est pas adopté.)
Mme la présidente. La parole est à M. Claude Sturni, pour soutenir l’amendement no 56.
M. Claude Sturni (LR). Il est défendu.
(L’amendement no 56, repoussé par la commission et le Gouvernement, n’est pas adopté.)
(L’article 2 est adopté.)
Après l’article 2
Mme la présidente. Je suis saisie d’un amendement, no 14, portant article additionnel après l’article 2.
La parole est à M. Marc Le Fur, pour le soutenir.
M. Marc Le Fur (LR). Il est défendu.
(L’amendement no 14, repoussé par la commission et le Gouvernement, n’est pas adopté.)
Article 3
Mme la présidente. La parole est à M. Jean Lassalle, inscrit sur l’article 3.
M. Jean Lassalle (non inscrit). J’espère que la tendance va s’inverser car une fois de plus, une fois de trop – je n’aurais pu l’imaginer ! –, on va encore rentrer chez nous sans avoir rien fait sur ce sujet qui intéresse bien plus nos compatriotes qu’on ne le croit.
M. Marc Le Fur. Tout à fait !
M. Jean Lassalle (non inscrit). J’ai aimé les propos de Mme Capdevielle, car au Pays basque, on a mené un travail sérieux, avec de véritables experts. Je ne rappellerai pas les conclusions auxquelles ils étaient parvenus, que ma collègue a parfaitement résumées. On ferait bien, de temps en temps, de lire les travaux réalisés par des spécialistes et des élus qui sont là depuis longtemps et qui essaient de faire avancer les choses.
Je voulais dire à ma collègue qui s’inquiète des 16,7 % d’analphabètes en Picardie que je connais des régions de France où ce taux atteint pratiquement 30 %. Mais quelqu’un peut-il raisonnablement penser que la faute en incombe aux malheureux Basques, Bretons, Gascons ou Alsaciens ? Il faut aller chercher bien plus loin les causes de ce problème, et nous les connaissons : nous n’avons plus de véritable système d’instruction publique, ni de transmission des savoirs.
De la même manière, on pourrait se demander pourquoi 92 % des résolutions prises à l’ONU sont rédigées en anglais, et seulement 1,5 % en français. Même les Espagnols sont devant nous, et les Chinois vont bientôt nous doubler.
C’est à un autre niveau que le français doit être défendu ; mais nous ne le défendons plus. Qui aurait pu croire, il y a un siècle et demi, que la langue de Shakespeare, exprimée en anglo-dollars, prendrait un jour le pas sur celle de Victor Hugo ? Nous avons 300 millions de locuteurs dans le monde ; les Anglais, 5 ou 6 milliards. Je ne comprends pas pourquoi on mélange les débats. Il s’agit ici du patrimoine national, de la défense de nos langues ; et ceux qui, à l’époque, parlaient le basque et le breton défendaient eux aussi, à leur manière, la France – comme ils l’ont toujours fait. Je ne comprends rien au débat de ce soir.
Mme la présidente. Je suis saisie de deux amendements, nos 37 et 74, visant à supprimer l’article 3.
La parole est à Mme Annie Genevard, pour soutenir l’amendement no 37.
Mme Annie Genevard (LR). Je propose de supprimer cet article. L’université française est déjà confrontée à des défis majeurs : un afflux massif d’étudiants, le problème lancinant de l’échec universitaire – 60 % des jeunes échouent en licence –,…
Mme Chantal Guittet (PS). En première année !
Mme Annie Genevard (LR). …sans oublier le cri d’alarme des enseignants universitaires, qui déplorent le niveau des étudiants. Alors il faut choisir ses combats, et il me semble que celui pour l’introduction et la reconnaissance des langues régionales à l’université n’est pas prioritaire pour l’enseignement supérieur.
Mme la présidente. La parole est à Mme Marie-Françoise Bechtel, pour soutenir l’amendement no 74.
Mme Marie-Françoise Bechtel (PS). Cet article est singulièrement rédigé – même s’il n’est pas le seul. D’abord, il n’appartient pas à l’État, ni au Gouvernement, ni au législateur de dire aux établissements d’enseignement supérieur qu’ils ont ou non la faculté de développer un enseignement ; c’est contraire à leur autonomie. En écrivant qu’ils peuvent contribuer au développement des langues régionales, on leur donne une permission qui correspondrait, en creux, à une prescription. Cela ne me semble pas compatible avec la Constitution.
Ensuite, que signifient ces conventions entre les universités et l’État, si ce n’est le fait qu’on veut financer particulièrement l’apprentissage des langues régionales à l’université, leur donnant par là un statut privilégié ? On arrive à une curieuse vision de la laïcité ! De même, dans l’enseignement secondaire, notamment en Bretagne, 33 % des enseignements sérieux de langue régionale sont assumés, comme par hasard, par l’enseignement catholique privé, qui fait l’objet d’un financement important de la collectivité publique.
M. Paul Molac (PS). En contrat d’association !
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Annie Le Houerou, rapporteure. Avis défavorable. Cet article, dans le respect de l’autonomie des universités, invite ces dernières à promouvoir les langues régionales.
Mme Marie-Françoise Bechtel (PS). Avec cette formulation, il n’est pas législatif !
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Estelle Grelier, secrétaire d’État. Sagesse. L’article L. 121-1 du code de l’éducation prévoit déjà que les établissements d’enseignement supérieur peuvent assurer une formation aux langues et cultures régionales. Ils bénéficient d’ailleurs de la personnalité morale et de l’autonomie pédagogique, administrative et financière, et peuvent conclure des conventions avec toute personne publique ou privée dans le respect du principe de spécialité, applicable à tous les établissements publics. L’enseignement des langues régionales fait déjà partie des missions des établissements d’enseignement supérieur.
(Les amendements identiques nos 37 et 74 ne sont pas adoptés.)
Mme la présidente. La parole est à Mme Chantal Berthelot, pour soutenir l’amendement no 107.
Mme Chantal Berthelot. Il est retiré.
(L’amendement no 107 est retiré.)
Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Luc Laurent, pour soutenir l’amendement no 119.
M. Jean-Luc Laurent (PS). Cet amendement vise à supprimer la mention « et en langues régionales ». En effet, s’il est tout à fait souhaitable que les établissements d’enseignement supérieur proposent des cours de langues régionales et que, d’un point de vue pédagogique, la possibilité d’enseigner les langues régionales en langues régionales peut parfaitement se comprendre, le choix de l’enseignement en langue régionale présuppose un public exclusivement local, alors que la vocation de l’enseignement supérieur doit être de permettre le brassage des étudiants, qui peuvent venir de toute la France – eh oui, mon cher François de Rugy ! –, sans les assigner à une identité régionale ou une origine. Un étudiant parisien peut très bien aller dans une université en Bretagne pour apprendre le breton,…
Mme Colette Capdevielle (PS). Cela arrive, en effet !
M. Jean-Luc Laurent (PS). …mais cela suppose que l’enseignement de cette langue soit accessible pour celui qui viendra prendre les cours. Et s’il ne parle pas le breton, le cours sera inefficace. Cet article souffre donc d’une incohérence totale.
Conformément à l’esprit et à la lettre de la Constitution, les langues régionales doivent être enseignées comme une richesse, mais non comme une expression identitaire. Ne cloisonnez pas les universités ! Encore une fois, un étudiant français qui ne parle pas le breton ou le basque peut très bien aller dans une université de cette région pour apprendre, connaître et avoir un diplôme, voire suivre des cours dans les langues régionales ; mais cela suppose qu’il puisse les comprendre, et donc que l’enseignement ne les assigne ni ne les exclue. Il y a une aberration dans cet article, que je propose de supprimer ; j’espère que vous aurez compris ce raisonnement de bon sens.
Mme Chantal Guittet. Moi je n’ai pas compris !
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Annie Le Houerou, rapporteure. Avis défavorable. C’est une rédaction d’ouverture : dans le cadre de l’autonomie des universités, on leur laisse cette possibilité.
M. Jean-Luc Laurent (PS). C’est une fermeture totale !
Mme Chantal Guittet (PS). Mais non !
(L’amendement no 119, repoussé par le Gouvernement, n’est pas adopté.)
Mme la présidente. La parole est à Mme Colette Capdevielle, pour soutenir l’amendement no 82.
Mme Colette Capdevielle (PS). Il s’agit d’insérer, après le mot « régions », les mots « les collectivités territoriales à statut particulier », pour ranger celles-ci parmi les potentiels signataires de ces conventions. Notez, en référence à l’article 1er, que dans le texte de l’article 3, on a prévu la possibilité de passer des conventions avec les collectivités.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Annie Le Houerou, rapporteure. C’est une précision utile. Avis favorable.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Estelle Grelier, secrétaire d’État. Même avis.
Mme la présidente. La parole est à M. Claude Sturni.
M. Claude Sturni (LR). J’aimerais comprendre pourquoi, dans cet article 3, on précise que toutes les collectivités peuvent financer les établissements. S’il s’agit d’alimenter les finances des universités, on peut le comprendre ; mais pourquoi le mentionner à cet endroit et non dans l’article 1er ?
M. Antoine Herth. Très juste !
(L’amendement no 82 est adopté.)
Mme la présidente. La parole est à M. Marc Le Fur, pour soutenir l’amendement no 21.
M. Marc Le Fur (LR). Je voudrais rassurer M. Laurent : nous avons beaucoup d’étudiants qui viennent de très loin – parfois du bout du monde – pour étudier nos langues. J’ai croisé une étudiante japonaise qui était très intéressée et très compétente en matière de langues régionales. Contrairement à ce que vous affirmez, la langue régionale n’est pas un élément de fermeture, mais d’ouverture ; c’est un centre d’intérêt !
L’article porte sur l’enseignement supérieur ; mais l’université comprend à la fois la formation et la recherche. Il me semble indispensable, dans cet article, d’évoquer cette dernière également.
M. Jean Lassalle. Très bien !
M. Marc Le Fur (LR). La recherche doit comprendre les langues régionales. C’est respecter la double compétence des universités que de l’évoquer. Cet amendement ne mange pas de pain puisqu’il correspond déjà à la pratique ; mais tant qu’à définir les objectifs universitaires, autant le dire explicitement.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Annie Le Houerou, rapporteure. C’est du bavardage.
M. Claude Sturni. Alors toute la proposition de loi relève du bavardage !
Mme Annie Le Houerou, rapporteure. L’amendement est satisfait : j’en demanderai le retrait. À défaut, avis défavorable.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Estelle Grelier, secrétaire d’État. Sur le fond, monsieur le député, la recherche universitaire couvre tous les champs de connaissance. Il n’y a pas lieu de mentionner spécifiquement la recherche sur les langues régionales ; elle est incluse dans la recherche tout court. C’est donc bien du bavardage. Avis défavorable.
(L’amendement no 21 n’est pas adopté.)
(L’article 3, amendé, est adopté.)
Après l’article 3
Mme la présidente. Je suis saisie de plusieurs amendements portant article additionnel après l’article 3.
La parole est à M. Paul Molac, pour soutenir l’amendement no 59.
M. Paul Molac (PS). Cet amendement de M. Naillet vise à ce que les écoles supérieures du professorat et de l’éducation – les ESPE – prennent en compte l’apprentissage des langues régionales, et qu’elles le proposent au maximum d’enseignants, afin que ceux-ci puissent comprendre ce qu’est l’enseignement bilingue et quels sont les bénéfices que peuvent en tirer les enfants.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Annie Le Houerou, rapporteure. Avis défavorable, à cause du risque d’induire, a contrario, que les autres établissements ne peuvent pas le faire, puisque la loi serait muette à leur propos. Ce serait regrettable. Je vous invite donc à vous rallier à l’article 3, qui confie cette mission à tous les établissements d’enseignement supérieur, sans distinction.
M. Paul Molac (PS). Je retire mon amendement.
(L’amendement no 59 est retiré.)
Mme la présidente. La parole est à Mme Sylviane Alaux, pour soutenir l’amendement no 88.
Mme Sylviane Alaux (PS). Mes chers collègues, avec cet amendement, je veux faire passer le message suivant : cessons l’hypocrisie ! Plusieurs études montrent que la maîtrise du français n’est en aucun cas affectée par celle d’une langue régionale, bien au contraire.
M. Marc Le Fur (LR). Très bien !
M. Antoine Herth. Très juste !
Mme Sylviane Alaux (PS). Il apparaît donc justifié que des aides publiques soient allouées aux établissements d’enseignement privé délivrant cet enseignement des langues régionales. Je voudrais, à ce propos, rappeler le rapport de juillet 2013 du conseiller d’État Rémi Caron, qui précisait que, pour vivre, ces écoles bénéficiaient de solutions de contournement à la loi. Mes chers collègues, nous avons aujourd’hui l’opportunité de faire cesser l’hypocrisie. Ne soyons pas frileux. Je le souligne à nouveau : les langues régionales ne sont pas un danger pour la République.
M. Jean Lassalle. Très bien !
Mme Sylviane Alaux (PS). La situation actuelle n’est satisfaisante ni pour l’État, ni pour les collectivités territoriales, ni pour les associations concernées. L’amendement proposé y porte remède. (Applaudissements sur certains bancs du groupe socialiste, écologiste et républicain et du groupe Les Républicains.)
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Annie Le Houerou, rapporteure. Ce n’est pas l’objet de cette proposition de loi. Je comprends parfaitement les objectifs des auteurs de l’amendement, mais j’émets un avis défavorable.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Estelle Grelier, secrétaire d’État. Madame la députée, il est curieux que la dispense en faveur de l’enseignement en langues régionales soit considérée comme un critère prioritaire au titre du financement. Cela aboutirait d’ailleurs à exclure un certain nombre d’écoles privées. Par ailleurs, votre amendement ne comporte pas de critères précis. Cet amendement contrevient manifestement au principe d’égalité. Avis défavorable.
M. Jean Lassalle. Doux Jésus !
Mme la présidente. La parole est à M. Paul Molac.
M. Paul Molac (PS). L’amendement, que j’ai cosigné, est clair : il vise les « établissements scolaires publics ou privés laïcs, gratuits, ouverts à tous et respectant les programmes nationaux ». On est tout à fait dans le cadre de la Constitution. On pourrait interpréter l’article 75-1 de la Constitution comme permettant d’assurer l’enseignement et la préservation des langues régionales, par dérogation à d’autres dispositions. C’est une position qui ne fait pas l’unanimité, mais telle est du moins celle qui est défendue dans cet amendement.
M. Marc Le Fur (LR). Très bien !
Mme la présidente. La parole est à M. François de Rugy.
M. François de Rugy (PS). Je soutiens moi aussi cet amendement. Madame la secrétaire d’État, on sait très bien pourquoi un réseau d’enseignement privé a été créé : tout simplement parce que les besoins qui se sont exprimés n’ont pas été satisfaits dans l’enseignement public, dans l’éducation nationale.
M. Jean Lassalle. Eh oui !
M. Thierry Benoit (radical centriste). Il s’est agi de pallier une carence !
M. François de Rugy (PS). Les parents – et les enfants aussi, d’ailleurs – ne demandaient pas mieux – je peux le dire sans aucune ambiguïté s’agissant de la Bretagne – que ces enseignements aient lieu dans le cadre de l’enseignement public. Il faut être encore plus précis et concret : c’est un ministre de l’éducation nationale de gauche, Jack Lang, qui avait signé un accord visant à intégrer progressivement ces classes dans l’enseignement public – je parle ici de la Bretagne. Le Conseil d’État a cassé cet accord. Il avait été saisi par des associations, au nom de la laïcité ; je me demande bien ce que ça vient faire là, puisque cet enseignement est totalement laïc. Voilà pourquoi on est obligé de soutenir cet enseignement. Il existe par ailleurs d’autres établissements d’enseignement privé sous contrat, qui ont beaucoup de moyens. L’amendement de Mme Alaux et de M. Molac va tout à fait dans le sens de la réalité, comme l’a dit Mme Alaux. Il faut cesser de faire preuve d’hypocrisie sur ces sujets. Mme Genevard incarne à la perfection ce discours ultra-conservateur, que Mme Bechtel a aussi tenu, en vertu duquel on ne doit pas développer les langues régionales dans notre pays.
M. Marc Le Fur et M. Claude Sturni (LR). C’est la secrétaire d’État qui dit cela !
M. François de Rugy (PS). Les tenants de ces idées commencent toujours leur propos en disant qu’ils n’ont rien contre les langues régionales, mais qu’il ne faut rien faire. Ils ajoutent qu’il ne faut pas adopter les seuls articles positifs et efficaces, et continuer à entretenir le dogme selon lequel, en France, il n’y a qu’une seule langue : les autres langues sont marginales et ne doivent pas être au cœur de l’enseignement.
M. Claude Sturni. C’est le discours du Gouvernement !
Mme la présidente. Veuillez conclure, mon cher collègue !
M. François de Rugy (PS). C’est toujours le même problème ! Chaque fois que l’on en parle, on revient à cela.
Mme la présidente. La parole est à Mme Annie Genevard.
Mme Annie Genevard (LR). Je ne peux pas admettre la virulence des propos de notre collègue M. de Rugy sur ce prétendu conservatisme relatif aux langues régionales.
M. François de Rugy (PS). C’est la réalité !
Mme Annie Genevard (LR). Absolument pas ! Nul n’a contesté, dans cet hémicycle, le bien-fondé de la reconnaissance des langues régionales.
M. François de Rugy (PS). Si ! Assumez !
Mme Annie Genevard (LR). Vous n’avez entendu personne contrevenir à ce principe ! Nous assumons simplement le fait que notre priorité consiste à mettre en place les conditions favorables à l’enseignement de la langue française. Oui, nous l’assumons !
M. François de Rugy (PS). Assumez d’être opposée à la diversité linguistique !
Mme Annie Genevard (LR). Si vous y voyez du conservatisme, c’est dommage. Je pense que l’on a encore beaucoup de chemin à faire pour permettre aux jeunes écoliers de France d’acquérir les fondamentaux qui leur manquent cruellement aujourd’hui.
Mme Chantal Guittet (PS). L’un n’empêche pas l’autre !
M. François de Rugy (PS). Assumez vos idées !
Mme la présidente. La parole est à Mme Marie-Françoise Bechtel.
Mme Marie-Françoise Bechtel (PS). Apparemment, l’objet de l’amendement est de contourner le seul article de la loi de 1850 qui subsiste, et qui, tel un butoir, interdit aux collectivités publiques de financer l’investissement des établissements privés. C’est une question très sérieuse. Je rappelle qu’en 1994 où, pour la dernière fois, a été voté un amendement…
M. François de Rugy (PS). Ça n’a rien à voir !
Mme Marie-Françoise Bechtel (PS). Pardonnez-moi, monsieur de Rugy : pour faire sauter le verrou de la loi Falloux, un million de personnes sont descendues dans la rue, dont une grande partie des électeurs des personnes qui siègent à ma gauche dans l’hémicycle.
M. Marc Le Fur (LR). Nous sommes cohérents : nous avons toujours été pour !
Mme Marie-Françoise Bechtel (PS). Un million de personnes dans la rue, et cela s’est arrêté là au Parlement.
M. François de Rugy (PS). Pensez-vous vraiment pouvoir mettre un million de personnes dans la rue pour un amendement comme celui-là ?
Mme Marie-Françoise Bechtel (PS). Monsieur de Rugy, je vous prie de me laisser terminer mon propos. Puisque vous m’avez mise en cause, je vais vous livrer une brève anecdote. J’étais chargée, en qualité de membre du cabinet du ministre de l’époque, de la négociation avec les écoles Diwan, en 1985 – cela ne remonte pas exactement à hier. L’État s’était arrêté à la proposition suivante, que je leur avais faite, s’agissant des investissements, et donc des locaux : ils pouvaient ouvrir des classes dans les bâtiments des écoles publiques, de manière à ce qu’ils n’aient pas à financer les investissements. Les représentants des écoles Diwan ont répondu par la négative au motif – je vous jure que c’est vrai, je ne l’ai jamais oublié – que les enfants, à la récréation, se mélangeraient. Telle est la réponse qui m’a été faite.
M. François de Rugy (PS). Arrêtez vos fantasmes !
Mme Marie-Françoise Bechtel (PS). Ce n’est pas un fantasme ! C’est une réalité. Monsieur de Rugy, veuillez ne pas m’interpeller sans cesse. Permettez-moi de vous dire qu’il s’agit d’une réalité qui a beaucoup compté dans ma réflexion sur ces sujets.
Mme la présidente. La parole est à Mme Chantal Guittet.
Mme Chantal Guittet (PS). Je serai brève, au regard de certains qui, ici, parlent beaucoup ! Il existe une règle claire : dès lors qu’un contrat est conclu avec l’État, les enseignants sont payés par l’État. Il suffit d’avoir des écoles sous contrat. Que les établissements soient privés ou publics, l’État rémunère les enseignants.
M. Jean-Luc Laurent (PS) On parle d’investissements, pas de fonctionnement !
Mme Chantal Guittet (PS). Je ne parle pas des investissements, car ce n’est pas l’objet du texte !
M. Jean-Luc Laurent (PS). Si !
(L’amendement no 88 n’est pas adopté.)
Mme la présidente. La parole est à M. Marc Le Fur, pour soutenir l’amendement no 23.
M. Marc Le Fur (LR). Cet amendement a pour objet de permettre aux établissements de sensibiliser aux langues et cultures régionales, de façon à ce que l’on passe de la théorie à la pratique. Cela vaut pour les enseignements en métropole comme en outre-mer : on oublie trop que l’on dispose d’un patrimoine considérable outre-mer, dans les Caraïbes, le Pacifique, l’océan Indien ; on bénéficie, à titre d’exemple, de la pluralité des langues créoles. Ce sont autant de chances pour le français, pour la diffusion de la francophonie, non seulement dans notre outre-mer, mais aussi dans les pays voisins. Pour toutes ces raisons, il faut encourager cette sensibilisation.
M. Jean Lassalle. Très bien !
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Annie Le Houerou, rapporteure. Je n’ai pas bien compris l’argumentation de M. Le Fur. Cet amendement concerne, selon ce que je lis, l’enseignement agricole public.
M. Marc Le Fur. En effet ! Je me suis trompé d’amendement.
Mme Annie Le Houerou, rapporteure. Il n’y a pas de raison d’inscrire le cas particulier que constitue cet enseignement dans le texte de loi. Je recourrai donc à la même argumentation que pour les ESPE. L’avis est donc défavorable.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Estelle Grelier, secrétaire d’État. Monsieur Le Fur, vous demandez l’inscription de cette précision dans le code rural et de la pêche maritime, ce qui ne nous apparaît pas indispensable, dès lors que les dispositions très générales de l’article L. 312-10 du code de l’éducation ont vocation à s’appliquer aux établissements d’enseignement agricole, qui constituent une composante du service public d’éducation et de formation, comme l’indique très précisément l’article L. 811-1 du code rural et de la pêche maritime. Cet amendement est donc satisfait, monsieur le député.
Mme la présidente. Retirez-vous votre amendement, monsieur Le Fur ?
M. Marc Le Fur (LR). Non, car les établissements d’enseignement agricole ne relèvent pas du ministère de l’éducation nationale. Ils sont distincts. Il faut donc apporter des précisions les concernant. Cela me semble assez logique. Vous ne voyez pas d’obstacle, je pense, à ce qu’on leur applique la même règle. L’enseignement agricole, cela compte, madame la secrétaire d’État !
Mme la présidente. La parole est à Mme la secrétaire d’État.
Mme Estelle Grelier, secrétaire d’État. L’enseignement agricole compte, mais tel n’est pas l’objet de votre amendement. Je vous répète qu’en vertu de l’article L. 811-1 du code rural et de la pêche maritime, l’enseignement agricole est une composante du service public d’éducation et de formation, lequel se voit appliquer l’article L. 312-10 du code de l’éducation. Par conséquent, la proposition que vous faites dans l’amendement est satisfaite par la conjonction des deux articles. Si vous ne retirez pas l’amendement, l’avis sera défavorable.
(L’amendement no 23 n’est pas adopté.)
Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Pierre Decool, pour soutenir l’amendement no 58.
M. Jean-Pierre Decool (LR). Cet amendement vise à ce que le flamand occidental soit reconnu comme une langue régionale enseignée conformément à l’article L. 312-10 du code de l’éducation. Il s’agit d’envoyer un signe concret, afin que le flamand occidental puisse être ajouté au Bulletin officiel no 33 du 13 septembre 2001. Cet amendement est au cœur de la proposition de loi dont nous discutons, qui est relative à la « promotion » des langues régionales. Je vous propose, ce soir, de faire la promotion du flamand occidental, qui a été oublié en 2001. Nous avons l’occasion unique de réparer cet oubli.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Annie Le Houerou, rapporteure. Je ne voudrais pas entrer dans une énumération législative des langues régionales. L’usage veut, aujourd’hui, comme cela a été dit, que l’on se réfère aux dispositions de la charte européenne des langues régionales ou minoritaires, qui concerne les langues « pratiquées traditionnellement sur un territoire d’un État par des ressortissants de cet État qui constituent un groupe numériquement inférieur au reste de la population de l’État ». Sur ce fondement, le Comité consultatif pour la promotion des langues régionales et de la pluralité linguistique interne a identifié en 2013 soixante-quinze langues régionales présentes en France, parmi lesquelles vous aurez la satisfaction de voir mentionner le flamand occidental. Ma réponse est donc la même que celle j’ai faite au sujet de la Guyane. À défaut de retrait de l’amendement, l’avis sera donc défavorable.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Estelle Grelier, secrétaire d’État. Mêmes motivations, même avis.
Mme la présidente. Monsieur Decool, retirez-vous votre amendement ?
M. Jean-Pierre Decool (LR). Non, je le maintiens, madame la présidente.
Mme la présidente. La parole est à M. Paul Molac.
M. Paul Molac (PS). Certes, la mesure proposée relève du domaine réglementaire et non législatif, mais voilà vingt ans qu’il est demandé à l’éducation nationale de prendre en compte le franco-provençal et le flamand occidental. Or l’éducation nationale refuse de le faire, quels que soient les gouvernements.
M. Marc Le Fur (LR). Eh oui !
M. Paul Molac (PS). Cela pourrait pourtant être fait rapidement.
(L’amendement no 58 n’est pas adopté.)
Mme la présidente. La parole est à Mme Colette Capdevielle, pour soutenir l’amendement no 80.
Mme Colette Capdevielle (PS). Je demande qu’il soit possible, quand les collectivités le souhaitent, d’aider à l’investissement pour la construction et la rénovation de locaux qui sont mis à la disposition d’établissements privés laïcs.
Je pars d’un constat : au Pays basque, la grande majorité des établissements proposant un enseignement immersif appartiennent à la fédération Seaska. Une trentaine d’établissements scolaires de statut privé sont liés à l’État par un contrat d’association. Dans la mesure où les dispositions relatives aux établissements privés s’appliquent à leur cas, ils ne peuvent être subventionnés. Or ces établissements, qui sont apparus récemment – au cours des années 1970 – dans notre paysage éducatif n’ont pas de patrimoine immobilier, mais ont un besoin d’investissement manifeste.
On se trouve depuis longtemps dans la situation d’ambiguïté énoncée précédemment par Mme Alaux : certaines collectivités publiques ont décidé d’accorder des subventions d’investissement, en dépassant la limite de 10 %, au moyen de montages juridiques complexes et, souvent, situés aux marges de la loi. C’est une situation qui a perduré, il faut le dire, grâce à une tolérance bienveillante de l’État, qui a souvent fermé les yeux. Soit on continue ainsi – après tout, pourquoi pas, puisque, apparemment, c’est ce que certains souhaitent, dans cet hémicycle, si je comprends bien –, soit on règle enfin cette question, car on estime ne pas pouvoir continuer à subir cette insécurité juridique. Tel est l’objet de mon amendement, car il va bien falloir que ce problème soit réglé, un jour, sur le plan juridique.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Annie Le Houerou, rapporteure. Je renvoie au commentaire que j’ai fait au sujet de l’amendement no 88 de Mme Alaux et de M. Molac. Pour les mêmes raisons, je donne un avis défavorable.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Estelle Grelier, secrétaire d’État. Comme vous le savez, madame la députée, le financement public de l’investissement des établissements d’enseignement privé, qu’ils soient liés ou non à l’État par un contrat, est aujourd’hui exclu dans le premier degré. Vous dites qu’il y a là un sujet juridique mais le problème semble réglé par la Constitution. Avis défavorable.
Mme la présidente. La parole est à Mme Colette Capdevielle.
Mme Colette Capdevielle (PS). Je prends acte du fait que l’État continue à faire la politique de l’autruche.
M. Marc Le Fur (LR). Quant à nous, nous voterons cet amendement !
(L’amendement no 80 n’est pas adopté.)
Mme la présidente. La parole est à Mme Colette Capdevielle, pour soutenir l’amendement no 81.
Mme Colette Capdevielle (PS). Je propose de réfléchir à l’élargissement des aides à l’investissement pour les collectivités qui le souhaitent. Le rapport que je demande doit permettre de voir comment cela fonctionne. Qu’on ouvre les yeux, qu’on regarde comment cela se passe : qui finance, comment, au prix de quel détournement de la loi. Qu’on essaie de dresser un état des lieux. Peut-être qu’ensuite les uns et les autres s’efforceront de débloquer la situation.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Annie Le Houerou, rapporteure. Avis défavorable, au motif que nous avons déjà de nombreuses demandes de rapport. Cette inflation me paraît excessive.
(L’amendement no 81, repoussé par le Gouvernement, est adopté.)
Mme la présidente. La parole est à M. Marc Le Fur, pour soutenir l’amendement no 18.
M. Marc Le Fur (LR). On constate que rien ne bouge sur l’enseignement immersif, vous l’avez dit vous-même, madame la secrétaire d’État. C’est pourquoi je souhaiterais qu’un rapport permette une mise à plat de cette affaire.
(L’amendement no 18, repoussé par la commission et le Gouvernement, n’est pas adopté.)
Mme la présidente. La parole est à M. Marc Le Fur, pour soutenir l’amendement no 19.
M. Marc Le Fur (LR). Nous avons désormais confirmation que la gauche est contre l’enseignement immersif. (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste, écologiste et républicain.)
M. Thierry Benoit (radical centriste).. M. Le Fur a toujours le mot pour rire !
M. Marc Le Fur (LR). L’amendement no 19 a trait au sujet majeur qu’est le recrutement des enseignants. En effet, tous les réseaux d’enseignement nous le disent : la difficulté est de recruter des enseignants à la fois formés dans la langue régionale et dans la discipline à enseigner – histoire, mathématiques, etc.
Un certain nombre de régions ont pris ce sujet à bras-le-corps. Ainsi la région Bretagne alloue des bourses aux étudiants qui se destinent à rejoindre ce type de réseaux d’enseignement, mais cela ne se résout pas tout.
Le but de cet amendement est de permettre une mise à plat s’agissant d’un véritable goulot d’étranglement. C’est par là qu’on cherche à interdire le développement de nos langues régionales. Nous avons besoin d’enseignants : encore faut-il leur permettre de rejoindre ces filières d’enseignement. L’intérêt de ce rapport serait de permettre cette mise à plat.
(L’amendement no 19, repoussé par la commission et le Gouvernement, n’est pas adopté.)
Mme la présidente. La parole est à M. Marc Le Fur, pour soutenir l’amendement no 6.
M. Marc Le Fur (LR). Aujourd’hui, beaucoup de familles voient leur demande d’enseignement d’une langue régionale rejetée. Il s’agit d’y voir un peu plus clair sur cette situation.
Il n’y a pas trop de problèmes dans les secteurs relativement denses, où l’offre est suffisante pour satisfaire la demande des familles, mais dans les secteurs aux limites des zones de langues régionales, il y a de vraies difficultés. J’imagine que tous ceux qui s’intéressent à ces sujets ont été sollicités dans leur permanence par des familles qui n’ont pas pu obtenir l’enseignement qu’elles souhaitaient pour leurs enfants.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Annie Le Houerou, rapporteure. Défavorable.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Estelle Grelier, secrétaire d’État. Je vous rappelle, monsieur le député, que je souscris à la jurisprudence Urvoas, qui nous invite à ne pas multiplier le nombre de demandes de rapport du Gouvernement au Parlement. Je crois me souvenir que vous en étiez vous-même un partisan lors de l’examen d’un certain nombre de textes.
S’agissant de l’allocation des moyens humains aux langues régionales, les responsables politiques que nous sommes ne peuvent que s’interroger : si ces enseignements existent c’est parce qu’il y a eu des recrutements importants depuis 2012. Les suppressions de postes que votre famille politique prévoit rendront certainement caduc l’objet même de tout rapport du Gouvernement au Parlement. Je ne pouvais pas ne pas vous le dire après cette série d’amendements.
Avis défavorable.
Mme la présidente. La parole est à M. Claude Sturni.
M. Claude Sturni (LR). La représentation nationale aurait quand même intérêt de temps en temps à s’appuyer sur des données précises. Au moment où nous voulons tous, sur ces bancs, promouvoir les langues régionales, le fait de demander un rapport ne me paraît absolument pas stupide, au contraire.
(L’amendement no 6 n’est pas adopté.)
Mme la présidente. La parole est à M. Marc Le Fur, pour soutenir l’amendement no 20.
M. Marc Le Fur (LR). Cet amendement évoque le problème très spécifique de la région Île-de-France. Certes, elle n’a pas de langue régionale en tant que telle, mais elle compte beaucoup d’habitants d’origines diverses qui aspirent à bénéficier d’un enseignement dans leur langue régionale – je pense notamment aux Franciliens originaires de l’outre-mer, mes chers collègues.
Chacun d’entre nous est confronté à ce type de demande. Il est vrai que c’est aussi un élément d’identité. Pourquoi l’interdire à nos concitoyens originaires de l’outre-mer ? Il y a bien eu une école Diwan à Paris, en plein XVe arrondissement, même si, pour des raisons diverses elle n’a hélas pas pu tenir.
En tout état de cause il y a là un sujet, d’où l’intérêt, non pas de modifier la règle mais d’y voir clair sur ce sujet aussi grâce à un rapport remis au Parlement.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Annie Le Houerou, rapporteure. Le sujet a son intérêt mais j’émets un avis défavorable.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Estelle Grelier, secrétaire d’État. Même avis.
(L’amendement no 20 n’est pas adopté.)
Avant l’article 4
Mme la présidente. La parole est à Mme Colette Capdevielle, pour soutenir l’amendement no 83.
Mme Colette Capdevielle (PS). Il s’agit simplement de compléter le titre en y adjoignant le terme : « Communication ».
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Annie Le Houerou, rapporteure. Avis favorable parce que cela correspond au contenu de l’article.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Estelle Grelier, secrétaire d’État. Cet article 4 nous semble inconstitutionnel à plus d’un titre. Il y a un risque d’inintelligibilité de la loi, du fait notamment de la contradiction que vous introduisez entre l’obligation et la convention. L’obligation faite à l’État dans le cadre d’une convention avec la région porte atteinte à l’article 72 de la Constitution et à la libre administration des collectivités territoriales, que nous chérissons tous.
Cet article pose donc un certain nombre de problèmes à la secrétaire d’État aux collectivités territoriales que je suis. Je suis donc défavorable à cet amendement.
(L’amendement no 83 est adopté.)
Article 4
Mme la présidente. Deux orateurs sont inscrits sur l’article 4.
La parole est à M. Jean Lassalle.
M. Jean Lassalle (non inscrit) Il faudra, un jour, qu’on arrive à discuter de certains sujets sur lesquels il me semble que nous ne sommes pas si éloignés.
Nous sommes tous attachés à la langue française mais les langues régionales font aussi partie du patrimoine dont nous sommes les délégataires et que nous devons transmettre.
On voit bien, comme à chaque fois, que ce débat traverse tous les groupes politiques. Je ne sais pas comment il faut faire pour arriver à démontrer que la langue française ne va pas bien et que, s’il n’y avait pas des hommes et des femmes très engagés dans les territoires, les langues régionales seraient en train de mourir. Or nous pourrions – et nous devrions – sauver l’une et les autres. Cela ne me paraît quand même pas très difficile.
M. Thierry Benoit (radical centriste). Très bien !
M. Jean Lassalle (non inscrit). C’est la raison pour laquelle je pense que ce serait un très grand bonheur pour la France de m’élire Président de la République. (Rires et exclamations sur les bancs du groupe socialiste, écologiste et républicain.) Je pense que je saurais trouver les mots pour réconcilier enfin le peuple français avec lui-même. Si je le réconcilie sur ce sujet-là, je le réconcilierai sur bien d’autres.
Il faudrait que je touche un mot là-dessus aux médias – vous pourriez peut-être le faire vous aussi, madame la présidente – qui ont complètement oublié que j’existais, qu’ils soient publics ou privés. Je souffre d’un ostracisme violent. Il y a des sondages d’opinion sur tout le monde, même sur ceux qui se sont présentés il y a quarante ou cinquante ans ou sur ceux qui se présenteront dans dix ans, sauf sur moi.
M. Thierry Benoit (radical centriste). C’est bon signe !
Mme Chantal Guittet (PS). Quel est le rapport entre votre candidature et l’article 4 ?
M. Jean Lassalle. Je me demande quand même si, au-delà des langues régionales, ce n’est pas tout simplement la démocratie et la pluralité qui souffrent, au pays des droits de l’homme.
Mme la présidente. La parole est à M. Marc Le Fur.
M. Marc Le Fur (LR). Je constate que le Gouvernement est opposé à l’article 1er, à l’article 2, à l’article 3, à l’article 4. Cela a le mérite de la cohérence mais, dans ces conditions, le texte ne va pas aller bien loin. Si votre majorité n’a pas réussi à passer un accord quelconque avec le Gouvernement sur un sujet qui est important pour nous tous mais qui n’est peut-être pas si compliqué que cela, cela veut dire qu’on fait semblant ce soir, que rien ne se passera du fait de la position du Gouvernement. Vous direz que c’est la faute à la droite, au Sénat, à je ne sais qui, alors que ce sera la faute au Gouvernement, qui s’oppose à chacun des articles.
Mme Chantal Guittet (PS). Si nous perdons du temps, c’est votre faute à vous !
Mme la présidente. Je suis saisie de trois amendements, nos 35, 75 et 120, visant à supprimer l’article 4.
La parole est à Mme Annie Genevard, pour soutenir l’amendement no 35.
Mme Annie Genevard (LR). M. Le Fur a anticipé ce que je voulais dire : on est en pleine tartufferie et ce texte n’a pas vocation à aboutir. Il est incompréhensible qu’un texte émanant de la majorité soit contesté par cette même majorité.
En faveur de la suppression de cet article, à l’argument massue et fort justifié avancé par Mme la secrétaire d’État, j’ajoute que l’étranglement financier des régions ne fait pas de la traduction en langue régionale de la signalétique et des documents de communication un objectif prioritaire.
J’ajoute également qu’avec les nouveaux périmètres, il est compliqué d’uniformiser une signalétique ou une communication institutionnelle dans une langue régionale qui ne serait parlée que dans une partie du territoire.
Mme la présidente. La parole est à Mme Marie-Françoise Bechtel, pour soutenir l’amendement no 75.
Mme Marie-Françoise Bechtel (PS). Nous allons encore plus loin dans le baroque ! À supposer que les collectivités locales ne puissent pas prévoir une signalétique en langue régionale sur les bâtiments publics ou les voies de circulation – je ne suis même pas sûre que ce soit le cas, car les exemples sont tout de même nombreux sur le territoire –, il n’est de toute façon pas possible de les obliger à le faire à la demande de la région sans porter atteinte au principe constitutionnel qui interdit toute tutelle d’une collectivité sur une autre. S’il s’agit de le faire par voie « conventionnelle ou contractuelle » – formule d’ailleurs tout à fait extraordinaire, comme si ce n’était pas la même chose ! –, une disposition législative n’est pas nécessaire.
Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Luc Laurent, pour soutenir l’amendement no 120.
M. Jean-Luc Laurent (PS). Outre la dimension constitutionnelle du problème avec la mise en cause du principe de libre administration des collectivités et de celui de non-tutelle d’une collectivité sur une autre, qui a été souligné par le Gouvernement – dont je partage le point de vue –, je tiens à souligner que cet article promeut finalement une co-officialité douce portant sur les inscriptions, la signalétique, la communication, dans un contexte où nous avons besoin de faire du commun et de préserver l’unité de la République.
Mme Annie Genevard. Très bien !
M. Jean-Luc Laurent (PS). Cela n’exclut pas de reconnaître et de faire vivre les langues régionales. Mais s’engager dans la direction que propose cet article 4, avec des opérations de marquage souvent très artificiel du territoire et de l’espace public, cela illustre parfaitement mon propos de la discussion générale : nous sommes dans une logique d’émiettement territorial, de détricotage de la France, ce qui est dommageable. Oui aux langues régionales mais place, d’abord, à ce qui est commun ! Les langues régionales s’inscrivent dans le champ culturel, pas dans celui d’un dépassement vers la co-officialité, comme y tend cet article 4.
M. Thierry Benoit (radical centriste). Oui aux langues régionales mais dans le silence…
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Annie Le Houerou, rapporteure. Je tiens simplement à rappeler que, si nous sommes là ce soir, c’est que la question des langues régionales ne fait pas l’unanimité et qu’il est tout à fait logique que des points de vue divergents se fassent jour ici. Je vous rappelle, monsieur Le Fur, que le Parlement n’est pas le Gouvernement et que nous sommes ici pour…
M. Thierry Benoit (radical centriste). Apporter notre pierre à l’édifice !
Mme Annie Le Houerou, rapporteure. …légiférer et donner un avis sur un texte qui, je l’espère, rassemblera la majorité de cet hémicycle.
M. Thierry Benoit (radical centriste). C’est pour cela que nous restons !
Mme Annie Le Houerou, rapporteure. Si nous faisons front commun et si nous allons relativement vite, nous pourrons conclure ce soir, ce que je souhaite. J’appelle chacun à…
M. Thierry Benoit. Accélérer !
Mme Annie Le Houerou, rapporteure. …s’exprimer, mais aussi à accélérer pour que nous puissions aller au bout de l’examen de cette proposition de loi, l’adopter, et que notre Assemblée nationale puisse témoigner ainsi d’une position claire sur cette question.
Bien évidemment, je ne suis pas favorable à ces amendements de suppression.
J’ajoute que les inscriptions en deux langues n’entraîneront pas un coût supplémentaire puisqu’elles seront effectives à la faveur de nouvelles installations ou de renouvellements.
Enfin, la rédaction de l’article respecte aussi le principe de libre administration des collectivités.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Estelle Grelier, secrétaire d’État. Avis favorable à ces amendements pour les deux raisons que j’ai indiquées : les principes de libre administration des collectivités territoriales et de non-tutelle d’une collectivité sur une autre, chéris par les collectivités territoriales, les élus et leurs équipes.
S’agissant de la question du coût, madame Genevard, je rappelle que 25 points de cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises – la CVAE – sont transférés aux régions, que les actions économiques des départements sont compensées à hauteur de 450 millions et qu’une part de TVA sera affectée à partir du 1er janvier 2018 à la suite de la suppression de la DGF, afin de renforcer leur autonomie financière, fortement altérée depuis 2009, date de la réforme de la taxe professionnelle.
Je préfère m’en tenir aux arguments de non-tutelle et de libre administration des collectivités. Avis favorable à ces amendements de suppression.
(Les amendements identiques nos 35, 75 et 120 ne sont pas adoptés.)
Mme la présidente. Je suis saisie d’un amendement, no 108, qui fait l’objet d’un sous-amendement no122.
La parole est à Mme Chantal Berthelot, pour soutenir l’amendement.
Mme Chantal Berthelot (PS). Il est défendu.
Mme la présidente. La parole est à Mme Annie Le Houerou, pour soutenir le sous-amendement no 122.
Mme Annie Le Houerou, rapporteure. Sous-amendement de précision qui vise à clarifier les responsabilités en fonction des collectivités territoriales. Je propose ainsi de compléter l’alinéa 4 par les mots : « exerçant les compétences dévolues par la loi aux régions » – en l’occurrence les collectivités territoriales de Corse, de Guyane et de Martinique.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Estelle Grelier, secrétaire d’État. Par cohérence avec la position du Gouvernement sur cet article, avis défavorable à l’amendement et au sous-amendement qui ne semblent ni utiles ni opportuns.
Sur le fond, je précise que la notion de région permet de viser les collectivités qui exercent les missions dévolues aux régions par le jeu de renvois en fonction des dispositifs inscrits dans le code général des collectivités territoriales.
Mme la présidente. La parole est à M. Frédéric Reiss.
M. Frédéric Reiss (LR). Madame la présidente, je m’étonne que plusieurs amendements n’aient pas été examinés alors qu’ils devaient l’être avant celui-ci.
Mme la présidente. La première version de la feuille jaune présentait une erreur. Nous allons en arriver aux amendements auxquels vous faite référence.
(Le sous-amendement no 122 est adopté.)
(L’amendement no 108, sous-amendé, est adopté.)
Mme la présidente. La parole est à M. Claude Sturni, pour soutenir l’amendement no 51.
M. Claude Sturni (LR). Cette inversion des amendements nous permet, en quelque sorte, d’y voir clair. Une fois de plus, les masques tombent : vous voulez que les régions s’occupent de tout. Faute de demande, il ne pourra plus y avoir d’initiative. Je comprends donc la position de Mme la secrétaire d’État et, pour le coup, je la partage. Je ne supporte pas l’idée d’une tutelle régionale alors même qu’en ce qui concerne les langues régionales, la loi NOTRe prévoyait un partage des responsabilités entre les différents niveaux de collectivités.
Vous avouerez, tout de même, que gérer la signalétique ou les besoins de signalétique depuis un siège régional pour couvrir je ne sais combien de départements – parfois dix ou quinze – revient sans doute à frôler le ridicule et, en tout cas, témoigne des limites de votre démonstration.
Cet amendement de repli vise modestement non à créer une obligation mais à substituer au mot : « assurent » les mots : « peuvent assurer », ce qui permet au moins de ne pas obliger quelqu’un, s’agissant des langues régionales – et comme l’a dit tout à l’heure ma collègue Annie Genevard –, à faire du côté de Reims quelque chose qui pourrait être pertinent en Alsace.
Quoi qu’il en soit, je suis très inquiet quant au devenir de cette proposition de loi. On comprend bien que tout le monde y va un peu de son affichage mais, in fine, cela nous conduira à une impasse.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Annie Le Houerou, rapporteure. Cet article n’enlève rien aux compétences des collectivités territoriales prévues par la loi NOTRe.
M. Claude Sturni. Si ! Il précise : « À la demande de la région » !
Mme Annie Le Houerou, rapporteure. Oui, des traductions pourront être demandées, que les services publics assureront sur tout ou partie du territoire et sur le périmètre d’usage défini au sein de la région. Cet amendement me paraît donc inutile.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Estelle Grelier, secrétaire d’État. Avis défavorable. Je comprends bien son objet, qui vise à réduire l’impact financier – notamment pour les collectivités – mais, à mon avis, il ne tire pas complètement les conséquences de votre point de vue sur la non-tutelle d’une collectivité sur une autre. Même s’il était adopté, une commune voulant disposer d’un panneau bilingue devrait tout de même passer à nouveau par la région, ce qui est une forme de tutelle d’une collectivité sur une autre.
Mme la présidente. La parole est à M. Gilles Lurton.
M. Gilles Lurton (LR). J’ai peut-être mal compris, mais il faut que les choses soient très claires car les conséquences du double affichage peuvent être importantes pour les collectivités. J’ai compris que la région déciderait, sur tout ou partie de son territoire, de procéder à un double affichage, ce dernier étant réalisé par les autres collectivités. Autrement dit, cela se ferait aux frais des communes, par exemple. Je souhaite que ce point soit précisé car ce n’est pas sans conséquences financières pour les collectivités.
M. Claude Sturni (LR). Il faut que la rapporteure réponde !
M. Gilles Lurton (LR). Il semble que personne ne m’ait écouté !
Mme la présidente. La parole est à Mme la secrétaire d’État.
Mme Estelle Grelier, secrétaire d’État. Je ne veux pas que vous pensiez ne pas être écouté, monsieur le député. Je crois avoir donné la réponse à votre question précédemment en évoquant la rédaction de l’article. En violation du principe de non-tutelle d’une collectivité sur un autre, il y aurait de fait, si cet article était adopté, tutelle de la collectivité régionale sur la collectivité communale, par exemple dans l’élaboration du panneau d’affichage bilingue. Je ne peux pas vous donner autre chose que l’interprétation du Gouvernement sur cet article et cet amendement.
M. Marc Le Fur. Il faut que la rapporteure dise ce qu’il se passe !
Mme la présidente. La parole est à Mme la rapporteure.
Mme Annie Le Houerou, rapporteure. Telle n’est pas notre interprétation du texte et tel n’est pas son esprit : nous ne revenons pas sur les compétences partagées dévolues aux collectivités ; pour autant, à la demande de la région, les services publics assurent sur tout ou partie de son territoire l’affichage de traductions de la langue française dans la ou les langues régionales.
M. Frédéric Reiss (LR). C’est dramatique ! On est en pleine contradiction !
Mme Annie Le Houerou, rapporteure. Je crois que le texte est clair.
Mme la présidente. La parole est à M. Gilles Lurton.
M. Gilles Lurton (LR). C’est très important, madame la rapporteure : pour vous, ce sera à la commune de financer le coût de la double inscription. Il faut le dire clairement, car c’est important. Je peux vous assurer que les communes vont vous bénir.
M. Marc Le Fur (LR). Ce texte n’a pas été travaillé !
Mme la présidente. La parole est à Mme la rapporteure.
Mme Annie Le Houerou, rapporteure. La loi NOTRe confère aux collectivités territoriales, dont les communes, la promotion des langues régionales. Elles pourront donc toujours le faire.
M. Claude Sturni (LR). Pourquoi le texte dispose-t-il que l’affichage se fait « À la demande de la région » ?
Mme Annie Le Houerou, rapporteure. On ne leur enlève pas cette compétence partagée.
(L’amendement no 51 n’est pas adopté.)
Mme la présidente. La parole est à M. Frédéric Reiss, pour soutenir l’amendement no 57.
M. Frédéric Reiss (LR). Plus nous avançons dans ce débat, et plus il devient évident que Marc Le Fur a eu raison de défendre une motion de renvoi en commission, tant les réponses qui nous sont faites deviennent contradictoires.
Aucune langue régionale ne peut se transmettre sans bénéficier d’un support dans l’espace public. Cet amendement veille néanmoins à garantir la clarté et la visibilité de cet affichage. Il vise à éviter le remplacement du français par la langue régionale sur les signalétiques, d’une part, et la traduction systématique en langue régionale, d’autre part.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Annie Le Houerou, rapporteure. Avis défavorable. Qui veut noyer son chien l’accuse de la rage. Nous avons déjà eu un long débat sur cette question et je vous invite donc, chers collègues, à prendre vos responsabilités : si vous souhaitez que ce texte puisse être adopté ce soir, essayez de faire preuve de concision, à la fois dans la défense de vos amendements et dans vos explications de vote. (Exclamations sur les bancs du groupe Les Républicains.)
M. Claude Sturni. Nous avons besoin d’explications !
Mme Annie Le Houerou, rapporteure. Pour ma part, je serai concise et j’émets un avis défavorable sur cet amendement.
(L’amendement no 57, repoussé par le Gouvernement, n’est pas adopté.)
Mme la présidente. La parole est à Mme Chantal Berthelot, pour soutenir l’amendement no 109.
Mme Chantal Berthelot (PS). Il est retiré.
(L’amendement no 109 est retiré.)
Mme la présidente. La parole est à M. Marc Le Fur, pour soutenir l’amendement no 48.
M. Marc Le Fur (LR). Il s’agit d’un amendement de précision, mais cette précision est importante, madame la présidente.
Permettez-moi de prendre l’exemple de la Bretagne : la signalétique routière y est maintenant bilingue, particulièrement dans l’ouest, et les collectivités, qu’il s’agisse des départements ou des communes, s’y sont mises sans problème. Le seul problème, ce sont les routes nationales, où il n’y a pas de panneaux bilingues. Les gens ne comprennent pas : quand ils roulent sur la route départementale, ils ont des panneaux bilingues, et quand ils passent sur la route nationale, ils n’en ont plus.
Ce n’est plus ici une question de tutelle. Il s’agit seulement d’harmoniser notre signalisation pour que, dans une même région, il y ait le même type de panneau sur toutes les routes. Cela me paraît assez simple et de bon sens.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Annie Le Houerou, rapporteure. Avis défavorable. Votre amendement est satisfait par le texte.
M. Marc Le Fur (LR). Mais non !
Mme Annie Le Houerou, rapporteure. Si, puisque les « voies publiques de circulation » désignent les routes, qu’elles soient nationales ou régionales.
M. Marc Le Fur. Il n’y a pas de routes régionales ! Vous devriez tout de même le savoir !
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Estelle Grelier, secrétaire d’État. Le Gouvernement est défavorable à cet amendement, par cohérence avec sa position sur l’article 4. Celui-ci dispose en effet que les services publics assurent l’affichage « À la demande de la région, par voie conventionnelle ou contractuelle », ce qui revient à créer une obligation et à établir une tutelle. En tant que secrétaire d’État chargée des collectivités territoriales, je ne veux pas sortir de cet hémicycle sans avoir exposé précisément ce qu’induit cette proposition de loi.
M. Gilles Lurton. Merci, madame la secrétaire d’État !
Mme la présidente. La parole est à M. Marc Le Fur.
M. Marc Le Fur (LR). L’État aura-t-il l’obligation, si la région le demande, de faire en sorte que les panneaux des routes nationales soient identiques à ceux des routes départementales ou communales ? Voilà la vraie question. Si vous parlez de convention, il n’y a pas d’obligation. J’aimerais vous entendre sur ce point, madame la rapporteure.
Ce texte ne sert à rien, c’est une bulle de savon qui est en train d’éclater ce soir !
Mme la présidente. La parole est à Mme la secrétaire d’État.
Mme Estelle Grelier, secrétaire d’État. Monsieur Le Fur, la question des moyens utilisés pour atteindre l’objectif, à savoir l’affichage sur tout ou partie du territoire, est accessoire. Il est écrit que les services publics « assurent » cet affichage, et non qu’ils « peuvent » l’assurer. On voit bien la différence entre ces deux formulations. Je suis désolée d’insister, mais tel est le cadre qui est a été défini par cette proposition de loi. Les choses seraient différentes s’il était écrit que les services publics « peuvent assurer » l’affichage : le rapport de force entre les collectivités serait différent. Mais, à ce stade, telle que la proposition de loi est rédigée, il existe un rapport de tutelle, ce qui nous pose d’ailleurs un problème constitutionnel, et une forme d’imposition de charge.
(L’amendement no 48 n’est pas adopté.)
Mme la présidente. La parole est à Mme Colette Capdevielle, pour soutenir l’amendement no 87.
Mme Colette Capdevielle (PS). Je propose, après les mots : « navigables, », d’insérer les mots : « dans les infrastructures de transport, », afin d’élargir le champ de cet article. À l’aéroport Biarritz Pays basque, par exemple, il n’y a pas un seul mot basque.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Annie Le Houerou, rapporteure. Cette précision me paraît utile : avis favorable.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Estelle Grelier, secrétaire d’État. En cohérence, défavorable.
M. Marc Le Fur (LR). Notre-Dame-des-Landes pourrait-il être écrit en breton ? (Sourires.)
(L’amendement no 87 est adopté.)
Mme la présidente. La parole est à M. Claude Sturni, pour soutenir l’amendement no 52.
M. Claude Sturni (LR). En vous écoutant il y a un instant, madame la secrétaire d’État, je me suis dit que j’étais de plus en plus en phase avec vous,…
Mme Estelle Grelier, secrétaire d’État. La discussion se termine donc mieux qu’elle n’avait commencé !
M. Claude Sturni (LR). …ou plutôt que vous étiez de plus en plus en phase avec moi. Vous avez en effet reconnu que, si mon amendement no 51, qui entendait substituer au mot : « assurent » les mots : « peuvent assurer », avait été adopté, cela aurait réglé un certain nombre de problèmes.
Mais mon amendement a été repoussé, et nous nous trouvons toujours dans une situation absurde. J’aimerais donc, madame la rapporteure, que vous m’expliquiez pourquoi vous avez inscrit dans le texte que l’affichage devait se faire à la demande de la région. Pourquoi avoir introduit cette mention à l’article 4 ? Je ne comprends pas et je voudrais une explication.
J’en viens à mon amendement no 52. En tant que maire d’Haguenau, très intéressé par la promotion de la langue régionale, je ne peux pas imaginer que je vais devoir me soumettre à une injonction de la région…
M. Gilles Lurton (LR). Très bien !
M. Claude Sturni (LR). …et que c’est elle qui va me dire comment je dois procéder. Je pense que je suis assez grand, et que mon conseil municipal sera assez grand, pour décider quels supports de communication institutionnelle devront être traduits.
M. Gilles Lurton. Absolument !
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Annie Le Houerou, rapporteure. Je répète que cela se fera à la demande de la région, dans un souci de cohérence. Il y aura une négociation, qui se traduira par une convention.
M. Claude Sturni (LR). Vous ne pouvez pas imposer cela aux communes !
Mme Annie Le Houerou, rapporteure. L’avis de la commission, sur cet amendement, est défavorable.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Estelle Grelier, secrétaire d’État. Sagesse.
Mme la présidente. La parole est à M. Frédéric Reiss.
M. Frédéric Reiss (LR). Je voudrais souligner que l’expression même de « principaux supports de communication institutionnelle » est très vague et laisse une grande place à l’interprétation, ce qui brouille le sens de cet article. Il faut faire confiance aux élus locaux, qui sont les premiers concernés. C’est pourquoi nous souhaitons supprimer les mots : « principaux supports de communication institutionnelle ».
(L’amendement no 52 n’est pas adopté.)
Mme la présidente. M. Molac m’a fait savoir qu’il retirait l’amendement no 93.
(L’amendement no 93 est retiré.)
(L’article 4, amendé, est adopté.)
Mme la présidente. Mes chers collègues, compte tenu de l’heure, je vais lever la séance. Il appartiendra donc à la conférence des présidents de fixer les conditions de la poursuite de la discussion de cette proposition de loi.
M. Marc Le Fur (LR). Quel gâchis ! C’est toujours la même chose quand il s’agit de débattre des langues régionales !
Une réflexion sur « Langues régionales et Assemblée Nationale »
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