L’année Amaiur

Amaiur

Il y a 500 ans, la bataille d’Amaiur changea le cours de la Haute Navarre qui en perdit privilèges et libertés séculaires. Le royaume fut incorporé à la Castille. Les Navarrais allaient à terme devenir citoyens espagnols.

500 ans que la Navarre “pleure” la fin de son indépendance ! Une ultime âpre bataille perdue, ancrée dans la mémoire collective navarraise, précipita le moment où cette terre orgueilleuse dut rentrer dans le rang. Défaite survenue le 19 juillet 1522, marquée d’une pierre noire dans une geste homérique où une armée de plusieurs milliers d’hommes mit à genoux les Navarrais restés fidèles aux rois légitimes de Navarre. Elle changea le cours de leur destinée dans cette Haute Navarre qui en perdit privilèges et libertés séculaires. Le royaume fut incorporé à la Castille. Les Navarrais allaient à terme devenir citoyens espagnols.

Deux congrès-colloques ont été récemment, l’occasion de remonter dans le temps. L’un d’eux, Nafarroako Loraldia fut organisé par l’association Zabalik, le 3 octobre 2020 à Saint-Palais, longtemps restée “capitale” de la partie bas-navarraise finalement rattachée au Royaume de France en vertu de l’Edit de Pau de 1620. Le second colloque auquel nous faisons allusion, s’est tenu le 3 mars 2022 à Hernani. Rencontre à l’initiative de Nabarralde Fundazioa et Hernani Erozten, dont l’objectif pouvait se résumer à ceci : “Remettre au jour ce que l’histoire nous avait caché”. En vertu de quoi, 2022 est bel et bien l’année d’Amaiur in situ.

Tombé dans la décrépitude

Amaiur/Maya, petit village voisin d’Elizondo. Quelque 200 habitants. Le 6 août programmation d’un spectacle dédié à “ceux qui nous trouverons”, Aurkituko gaztuzuenoi(1).

Le 16 juillet dernier, plusieurs dizaines de danseurs provenant de toute la Navarre, y ont exécuté une mémorable ezpata dantza (danse des épées), lors d’une rencontre solennelle et festive, propice à raviver les mémoires.

Le 25 juillet 1512 (soit dix ans avant l’ultime bataille d’Amaiur), le duc d’Albe accompagné de milliers d’hommes, avait fait son entrée triomphale dans Pampelune. Il avait sommé la ville de lui obéir, faute de quoi elle serait mise à sac. Notons pour la petite histoire, que dès le XIIe siècle, la famille de ce guerrier avait érigé sa propre tour devenue château imposant. Rien de tel pour la petite forteresse d’Amaiur qui, mentionnée pour la première fois au XIIe siècle, finit par s’écrouler. Le souvenir de la vaillance désespérée de ce dernier bastion condamné à la reddition, allait s’estomper inexorablement…

Des fouilles avec Aranzadi

Avec vue sur le Goramendi et ses 1071 mètres d’altitude, Amaiur n’offre plus que quelques éléments de murailles dégagées lors de fouilles lancées en 2006, avec la société Aranzadi. Selon les spécialistes de l’art militaire, Amaiur n’avait pas été conçu pour se prêter à l’usage massif de l’artillerie. Les fouilles ont révélé quelques indices permettant de retracer, autour d’une tour centrale, deux lignes de murailles dotées de tours de pierre et de bois, construites entre les XIIe et XVe siècles. Des éléments tels qu’appliques métalliques pour cuirasses et pointes de projectiles pour arbalètes ont aussi été retrouvés. D’innombrables pierres par contre, servirent à la reconstruction de l’église du village, à l’édification et la restauration d’altières bâtisses, dont la plupart jalonnent la rue principale. Parmi elles, se dressent deux maisons nobles, dont l’une accueillit la Garde Civile pendant des années, avant d’être transformée en bel hôtel rural aujourd’hui fermé.

Un obélisque de marbre

Au sommet du promontoire ? Un obélisque de marbre et pierre érigé en 1922, grâce à des dons et des offrandes provenant du voisinage, avec la participation d’institutions navarraises. Pris pour cible (à l’explosif) durant la dictature franquiste, l’obélisque fut restauré en 1982, par les villageois armés de pelles et truelles. Ceci, selon la formule du “travail entre voisins” ou si l’on préfère, le “travail communautaire”, auzolana en euskera, toujours répandu au Pays Basque.

L’obélisque arbore entre autres, un écusson comportant le damier que l’on retrouve presque partout sur les façades environnantes. De même que quatre plaques commémoratives, deux d’entre elles rendant hommage au dernier carré de combattants, en euskera et castillan. On y lira : “Napar askatunaren alde Amaiurko echarrian borroka egin zuten gizonai betiko argia 1522”, “A los hombres que en el castillo de Maya combatieron en pro de la independencia de Navarra luz perpetua 1522”. Lumière perpétuelle pour les derniers combattants de la liberté et de l’indépendance !

Le sentiment navarrais

De nombreux ouvrages ont été consacrés à la Navarre médiévale et aux châteaux qui jalonnaient ses frontières. Leur consacrant de longues années de recherches, l’historien Iñaki Sagredo en a répertorié plus d’une centaine ! Selon lui quelque 50 soldats résistèrent jusqu’au bout à Amaiur face à une armée réputée invincible ! Il déplore que les gouvernements navarrais successifs les aient (à de rares exceptions près), voués à l’abandon. Son dernier ouvrage s’intitule La batalla de Amaiur. La historia perdida de Navarra. (“La bataille d’Amaiur. L’histoire perdue de la Navarre”). Qu’en est-il de la mémoire historique autour d’Amaiur ? Force est de constater qu’au plan politique s’entend, elle n’est pas unanimement partagée dans la Navarre contemporaine. Les Navarrais sont, en effet, partagés entre ceux qui se sentent et se disent exclusivement Navarrais ou bien Navarrais-Espagnols. Navarrais- Basques… Tout ceci en vertu de clivages que les aléas de la vie politique contemporaine dans la Communauté forale de Navarre, mettent régulièrement en exergue. On a compris que la commémoration d’Amaiur 1522 plongeant ses racines au plus profond de l’essence navarraise elle-même, n’est en rien anodine. Elle nous parle aussi d’une guerre cruelle qui se livre sous nos yeux aux confins de l’Europe. Une guerre de possession ouverte par un Etat plus puissant que le voisin qu’il rêve d’annexer. 

(1) Le spectacle du 6 août, 21h30

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Une réflexion sur « L’année Amaiur »

  1. Une histoire qui mérite d’être sortie du silence.
    Bravo pour « les altières bâtisses ». Félicitations.

Les commentaires sont fermés.