Le grand chêne est tombé

Jakes Abeberri, 1971ko Aberri Eguna, Donibane Lohitzunen
Jakes Abeberri, 1971ko Aberri Eguna, Donibane Lohitzunen

La génération qui précéda de peu la mienne produisit au Pays Basque nord une série de personnages de haute taille physique et mentale : Ximun Duhour, Christian Laxague et Pierre Charritton à Hasparren, Michel Labéguerie à Cambo, Ximun Haran et Jakes Abeberry dans le BAB. Jakes Abeberry restait le dernier de ces grands chênes et seuls les ans ont eu raison de sa formidable résilience. Sa chute n’est certes pas restée inaperçue, contrairement à ce qui se passe en général avec les personnes âgées, le plus souvent oubliées des jeunes générations : il était un monument incontournable de la cause basque, toujours en mouvement jusqu’au dernier moment.

Je fis sa connaissance un soir d’avril 1961 à Cambo, chez Michel Labéguerie, dans la réunion mensuelle du jeune journal Enbata. Il y avait là Jakes Abeberry, Michel Burucoa, Michel Eppherre, Ximun Haran, Michel Labéguerie, l’abbé Pierre Larzabal curé de Socoa et moi donc, sautant dans le train en marche à la sortie de la gare, le dernier des sept fondateurs d’Enbata, aujourd’hui le dernier survivant, toujours un peu à la traÎne…

Depuis lors, pendant plus de soixante ans, j’ai toujours vu Jakes au premier rang des idées, des actions, des manifestations, des luttes en faveur de l’émancipation et de la promotion des Basques dans leur patrie, personnellement je dirais plutôt dans leur matrie, car Euskadi est heureusement dépourvue d’un appareil coercitif qui sacrifie ses enfants tous les vingt ans au dieu Mars, à la façon des empires, petits ou grands, qui ont besoin de s’asperger de sang frais pour sacraliser leur pouvoir.

Membre d’une fratrie d’exception, Jakes était un artiste viril et, dans toute sa vie publique, il a gardé la sobre élégance du chanteur vigoureux et du danseur élancé. Lutteur clairvoyant, je le verrais en boxeur classique, bien en ligne, au jeu de jambes efficace, allongeant des coups précis et secs ; lutteur ardent, il avançait sans cesse comme un battant au punch redoutable ; lutteur impeccable, toujours correct dans la polémique souvent vive, parfois véhément parce que passionné, je ne l’ai jamais entendu traiter de façon grossière ou déplacée ses adversaires et les nôtres ; lutteur infatigable, exigeant, il nous demandait les mêmes efforts que les siens dans l’action abertzale.

Un exemple difficile à suivre, mais qui nous a fait avancer au service de la cause basque. Outre un dynamisme constant, proche de l’activisme, il avait une grande force de persuasion et d’entraînement, servie par son éloquence bien connue et par sa plume brillante qui s’est illustrée sur deux générations, notamment dans ses éditoriaux d’Enbata.

Jakes était aussi un pédagogue qui a éveillé, convaincu, mobilisé, lancé, formé bien des jeunes, tant dans le groupe Oldarra que dans l’action politique. Il était également un stratège et la meilleure preuve en est la place qu’il a su donner aux Basques à Biarritz, la ville la plus cosmopolite et donc la plus débasquisée du Pays Basque.

Enfin ses talents d’organisateur sont bien connus, mais j’en apporterai tout de même deux exemples vers la fin de ce texte.

Son point faible et qui lui faisait mal, était son niveau insuffisant en euskara. Elevé dans la langue unique et prétendument universelle de la République Française, il finit par apprendre le basque jusqu’à le bien comprendre, mais sans arriver à le parler comme son jeune frère Jean- Claude « Koko ».

Pour finir mon propos, j’évoquerai trois grands souvenirs personnels que j’ai gardés de Jakes.

Premièrement : l’Aberri Eguna fondateur d’Itxassou le 15 avril 1963 lui doit en grande partie sa réussite brillante, son éclatant succès, à tel point que certains l’appelèrent « Abeberry Eguna ».

Deuxièmement : au début de juillet 1973 le mouvement flamand de Belgique invita une délégation du mouvement basque à sa fête nationale célébrée à Dixmude ; nous fîmes le voyage en autocar depuis Bayonne ; là aussi Jakes fut l’efficace organisateur et l’animateur dévoué du groupe.

Enfin le 25 avril 2010, lors de l’hommage qui lui fut rendu à sa grande surprise à Arcangues à l’occasion de ses 80 ans, je vois le vieux lutteur Jakes Abeberry au bord des larmes en recevant deux compagnons de route venus de Soule, cette Kabylie du Pays Basque où plongeaient en partie ses racines.

Ami de soixante ans, repose en paix dans les montagnes éternelles, tu ne l’as pas volé. Merci pour tout !

Soutenez Enbata !

Indépendant, sans pub, en accès libre,
financé par ses lecteurs
Faites un don à Enbata.info
ou abonnez-vous au mensuel papier

Enbata.info est un webdomadaire d’actualité abertzale et progressiste, qui accompagne et complète la revue papier et mensuelle Enbata, plus axée sur la réflexion, le débat, l’approfondissement de certains sujets.

Les temps sont difficiles, et nous savons que tout le monde n’a pas la possibilité de payer pour de l’information. Mais nous sommes financés par les dons de nos lectrices et lecteurs, et les abonnements au mensuel papier : nous dépendons de la générosité de celles et ceux qui peuvent se le permettre.

« Les choses sans prix ont souvent une grande valeur » Mixel Berhocoirigoin
Cette aide est vitale. Grâce à votre soutien, nous continuerons à proposer les articles d'Enbata.Info en libre accès et gratuits, afin que des milliers de personnes puissent continuer à les lire chaque semaine, pour faire ainsi avancer la cause abertzale et l’ancrer dans une perspective résolument progressiste, ouverte et solidaire des autres peuples et territoires.

Chaque don a de l’importance, même si vous ne pouvez donner que quelques euros. Quel que soit son montant, votre soutien est essentiel pour nous permettre de continuer notre mission.


Pour tout soutien de 50€/eusko ou plus, vous pourrez recevoir ou offrir un abonnement annuel d'Enbata à l'adresse postale indiquée. Milesker.

Si vous êtes imposable, votre don bénéficiera d’une déduction fiscale (un don de 50 euros / eusko ne vous en coûtera que 17).

Enbata sustengatu !

Independentea, publizitaterik gabekoa, sarbide irekia, bere irakurleek diruztatua
Enbata.Info-ri emaitza bat egin
edo harpidetu zaitezte hilabetekariari

Enbata.info aktualitate abertzale eta progresista aipatzen duen web astekaria da, hilabatero argitaratzen den paperezko Enbata-ren bertsioa segitzen eta osatzen duena, azken hau hausnarketara, eztabaidara eta zenbait gairen azterketa sakonera bideratuagoa delarik.

Garai gogorrak dira, eta badakigu denek ez dutela informazioa ordaintzeko ahalik. Baina irakurleen emaitzek eta paperezko hilabetekariaren harpidetzek finantzatzen gaituzte: ordaindu dezaketenen eskuzabaltasunaren menpe gaude.

«Preziorik gabeko gauzek, usu, balio handia dute» Mixel Berhocoirigoin
Laguntza hau ezinbestekoa zaigu. Zuen sustenguari esker, Enbata.Info artikuluak sarbide librean eta urririk eskaintzen segituko dugu, milaka lagunek astero irakurtzen segi dezaten, hola erronka abertzalea aitzinarazteko eta ikuspegi argiki aurrerakoi, ireki eta beste herri eta lurraldeekiko solidario batean ainguratuz.

Emaitza oro garrantzitsua da, nahiz eta euro/eusko guti batzuk eman. Zenbatekoa edozein heinekoa izanik ere, zure laguntza ezinbestekoa zaigu gure eginkizuna segitzeko.


50€/eusko edo gehiagoko edozein sustengurentzat, Enbataren urteko harpidetza lortzen edo eskaintzen ahalko duzu zehaztuko duzun posta helbidean. Milesker.

Zergapean bazira, zure emaitzak zerga beherapena ekarriko dizu (50 euro / eusko-ko emaitzak, 17 baizik ez zaizu gostako).

Une réflexion sur « Le grand chêne est tombé »

  1. Jakes ABEBERRY vient de nous quitter, et les hommages sont unanimes.
    Je voudrais ajouter ici mon témoignage, concernant les débuts de notre association, l’association BERTTOLI, à URRUGNE.
    En 1987, un groupe de copains, très divers, mais motivés, désireux d’ouvrir a Urrugne un lieu convivial et festif avait fini par porter son choix sur la menuiserie de Dominique OSTIZ, notre Berttoli d’aujourdhui.
    Restait à trouver le financement, et les banques se méfiaient, très hostiles au financement d’un tel projet. J’ai expliqué à Jakes, alors directeur de la CGIB à Biarritz le sèrieux du projet. Et il nous permit de réaliser notre rêve.
    36 ans après, je dis: »Merci, Jakes ».

Les commentaires sont fermés.