La pandémie a mis à nu les atouts et les faiblesses des différentes échelles territoriales en faisant émerger un nouvel intérêt pour le niveau local. L’occasion également de mesurer les ressources et les fragilités de notre territoire. Suite de l’article « Le monde d’après (1/2) ».
La situation sanitaire exceptionnelle que nous traversons laissera des transformations durables dont les orientations sont déjà perceptibles. L’une d’entre elles est le changement d’adhésion aux différentes échelles territoriales. Le mois dernier j’évoquais le devenir du niveau global et du niveau étatique. L’échelle locale connait quant à elle un regain d’intérêt sans commune mesure et place notre territoire face à de nouveaux enjeux.
Local is beautiful
Avec ses confinements respectifs et ses limitations de déplacements, la batterie de mesures sanitaires nous a contraints à vivre une expérience inédite de confrontation à la proximité ; au local.
L’espace d’un instant, nous sommes devenus des experts de nos environnements les plus proches, à commencer par notre kilomètre que nous avons fini par connaitre sous toutes ses coutures. Plus encore, ces contraintes de mobilité ont provoqué des changements comportementaux qui, bien que temporaires et partiels, ont permis de toucher du doigt des modes de vie radicalement différents : augmentation du temps libre, déplacements doux, approvisionnement alimentaire local, recomposition du lien social avec le voisinage…
Toutefois, le small n’a pas été beautiful pour tout le monde ; surtout lorsque la notion de proximité rimait plutôt avec celle de promiscuité. Partout, les habitants des centres urbains ont cherché une herbe plus verte pour passer les semaines de confinement. La désaffection, déjà ancienne, pour les grandes métropoles, a été considérablement exacerbée par la logique du “sauve-qui-peut” de la situation sanitaire. Simultanément, le désir pour un “ local” est devenu de plus en plus durable et palpable avec la dématérialisation et la déterritorialisation permise par la numérisation d’un grand nombre d’activités humaines.
Le Pays Basque Nord incarne aujourd’hui un des principaux réceptacles de ce désir de local. D’ordinaire, notre territoire ne manque pas d’attributs convoités. Si l’on ajoute à cela un taux d’incidence (hors période de vacances) clairement inférieur à la moyenne étatique, on y trouve toutes les raisons de son attractivité ces derniers mois.
La force de l’organisation collective
La pandémie a mis à nu les atouts et les faiblesses des différentes échelles territoriales en faisant émerger un nouvel intérêt pour le niveau local. Mais en faisant l’expérience de la proximité, en nous plaçant dans une telle dépendance à nos environnements de vie proches, elle a aussi permis de prendre une meilleure connaissance des ressources et des fragilités de nos territoires.
Malgré les défis posés par la situation sanitaire, la force d’auto-organisation du Pays Basque Nord s’est de nouveau illustrée. Le tissu d’initiatives citoyennes de notre territoire s’est très rapidement adapté au contexte, notamment en traversant la fenêtre numérique de nos logements, pour maintenir un lien collectif et préserver des activités essentielles dans nos quotidiens (culture, langue, enseignement, loisirs, information…).
Le cas le plus marquant provient du secteur agricole qui a connu un engouement sans précédent en direction des réseaux alimentaires en vente directe. Cet attrait indique la pertinence des réponses de proximité, mais aussi la rapidité des acteurs locaux à s’adapter à ce contexte. La réactivité du milieu paysan avec la mise en place de Lekukoa est d’ailleurs absolument exemplaire à ce niveau.
La vitalité de l’organisation collective sur notre territoire est un véritable atout dans ce type de situations. Elle permet d’apporter des réponses à échelle humaine, plus proches, plus adaptées, mais aussi plus rapides. Ici comme ailleurs, les premiers instants ont montré des réactions repliées sur les individus, ou leurs foyers, dans des situations de panique et d’incertitude, visant à s’assurer la sécurité des besoins primaires. Mais un des enseignements de cette crise revient à observer la rapidité avec laquelle ces premiers instincts ont laissé la place à des formes d’organisations collectives citoyennes et tout particulièrement en matière d’accès aux biens et services de première nécessité. L’intervention institutionnelle n’est finalement que le dernier maillon de cette chaîne de réponses qui, comme souvent, est d’abord initiée par des initiatives sociales. Au Pays Basque, les luttes de résistance ont donné les germes d’une résilience salutaire pour ce type de situations, ne serait-ce que parce que bon nombre d’organisations fonctionnaient déjà à l’échelle locale, hors des cadres étatiques qui ont exposé au grand jour leur lenteur, leur défaillance et leur inadaptation.
Au Pays Basque, les luttes de résistance ont donné les germes d’une résilience salutaire,
ne serait-ce que parce que bon nombre d’organisations fonctionnaient déjà
hors des cadres étatiques et de leur défaillance.
Les initiatives politiques
En comparaison avec les dispositifs centralisés, les initiatives politiques locales ont montré leur adéquation aux réalités du terrain. Toutefois, la progression nécessaire pour répondre aux besoins des habitants à la hauteur des enjeux à venir est encore colossale. L’expérience concrète de cette situation de crise a permis de mettre en exergue notre dépendance sur de nombreux sujets (santé, emploi, mobilité, alimentation, logement, transfrontalier, numérique…) qui nécessitent de passer à la vitesse supérieure en matière d’institutionnalisation du “local”. Si cet épisode sanitaire est effectivement un avant-goût des crises économiques, sociales, politiques et environnementales promises à se multiplier ; si l’extraordinaire devient ordinaire, alors la réalité que nous avons vécue ne peut que nous inviter à accroitre l’étendue des organisations alternatives, mais également la montée en compétence de nos institutions politiques locales.