Partis de 24 communes, 1.300 manifestants se sont retrouvés à Bayonne pour dresser un mur enfermant symboliquement la Sous-Préfecture en réplique à l’enfermement indéfini de nos presos.
Organisée par Bake Bidea et Artisans de la Paix, la journée de mobilisation du 19 septembre a tenu ses promesses. Elle souhaitait marquer un changement de ton, frapper les esprits et interpeller l’Etat français sur la situation des prisonniers basques incarcérés en France. Et en particulier sur le sort de trois d’entre eux, Jakes Esnal, Frédéric Haramboure et Ion Parot dans leur 31e année de détention (lire aussi ci dessous). Condamnés à la réclusion perpétuelle, ils avaient appartenu au commando “Argala” d’ETA dans les années 80. Leurs demandes de remise en liberté conditionnelle sont systématiquement refusées par le Parquet national antiterroriste (le PNAT) qui invoque le risque de récidive en refusant de prendre en compte les avancées réalisées unilatéralement dans le cadre du processus de paix : cessez-le-feu définitif d’ETA en octobre 2011, son désarmement en avril 2017, auto-dissolution en mai 2018.
La journée a débuté dès le matin dans 24 communes de la Côte et de l’intérieur par des initiatives variées, puis a été suivie de trois opérations escargots convergeant vers Bayonne pour s’achever comme prévu, devant la sous-préfecture. Quelque 1300 personnes y étaient rassemblées alors qu’un mur de parpaings (tout un symbole !) bloquait l’entrée principale de l’édifice et qu’en façade, les grilles étaient obstruées par de grandes plaques de bois . Des dizaines de volontaires se sont mis à la tâche, des élus notamment parmi lesquels Jean René Etchegaray, président de la Communauté d’agglomération Pays Basque. L’administration préfectorale a laissé faire.
Obstacle à la paix
Les porte-parole de Bake Bidea et des Artisans de la Paix, Anais Funosas et Michel Berhocoirigoin, ont exhorté l’Etat à réagir face à une peine de mort qui ne dit pas son nom : “Le temps qui passe, la pédagogie… ne suffisent plus ! Une société unie dans sa diversité… ne suffit plus ! Le poids du passé empêche les pas pour l’avenir. L’unilatéralité exige l’implication des Etats : la refuser est irresponsable et criminel…”. Et d’ajouter : “Nous ferons sauter les verrous ! Il n’y a pas d’autres options ! Le parquet empêche toute avancée, tout espoir ! Accomplir sa peine jusqu’à la mort ? Non et Non ! L’attitude du parquet doit changer, il doit arrêter d’être un obstacle à la paix ! Il faut une politique pénale qui s’adapte au processus de paix et à la volonté des citoyens du Pays Basque dans tout sa diversité !”
Allusion a également été faite à Unai Parot, lui aussi membre du commando Argala, mais arrêté, jugé et condamné à plusieurs milliers d’années de prison en Espagne où la réclusion perpétuelle n’existe pas. La peine maximale y étant fixée à 30 ans, sa peine est désormais caduque. Mais Unai Parot purge une peine supplémentaire de 10 ans dans le cadre d’une autre affaire.
Comme un couperet
Il n’a pas fallu longtemps pour se confronter au mur véritable celui-là, dressé par le PNAT. En effet, la décision concernant la demande en appel de liberté conditionnelle présentée par Jakes Esnal, est tombée comme un couperet, à la date prévue du 24 septembre.
La décision concernant la demande en appel de liberté conditionnelle
présentée par Jakes Esnal,
est tombée comme un couperet,
à la date prévue du 24 septembre.
Le lendemain, environ 150 personnes se sont élevées contre ce parti pris absolu de fermeture manifesté par le Parquet national antiterroriste, lors d’un rassemblement place Louis XIV, à Saint-Jean-de-Luz. Nouveau refus donc sachant qu’en première instance la décision du tribunal avait été favorable et alors que l’attitude des juges antiterroristes finit par prendre une tournure aux accents très politiques.
Vient de paraître un ouvrage signé Giuliano Cavaterra intitulé Au coeur du conflit basque. Pourquoi des citoyens du Pays Basque Nord ont-ils intégré l’ETA ? évoquant entre autres, le parcours des quatre prisonniers de nationalité française vivant au Pays Basque, arrêtés en avril 1990, pour leur appartenance au commando Argala. L’auteur étend son sujet à l’évocation du contexte basque de l’époque jusqu’à la dissolution d’ETA en 2018. Le livre est préfacé par Béatrice Molle-Haran qui insiste sur le devoir de Mémoire incombant à tous et sur la nécessité de consolider une paix définitive entre tous.