
d’Espagne.
Acheté à la demande du parti fin 1937, ce fut le siège de la délégation du gouvernement basque à Paris. Il en fut spolié en 1940 par les Franquistes, avec la complicité des autorités et d’une justice française sous influence. Sur fond de question nationale non résolue, 85 ans plus tard et une série de batailles judiciaires et politiques, le PNV reprend possession d’un bien chargé d’histoire et que se disputent deux peuples. A l’occasion de l’Aberri eguna 2025, nous présentons cet épisode aussi exceptionnel que méconnu de l’histoire de l’abertzalisme.
Un immeuble haussmannien de 1 309 m2, au cœur du XVIe arrondissement parisien, à deux pas du Pont de l’Alma et des Champs-Elysées, fut le siège de la Ligue internationale des amis des basques et de fait, de la délégation du gouvernement d’Euskadi en exil. Dès l’arrivée des Allemands à Paris en juin 1940, les autorités basques en furent dépouillées, sous la pression du gouvernement franquiste. Elles le récupèrent en 1944, pour peu de temps. En juin 1951 et après une longue bataille politique et judiciaire, la France ordonne l’expulsion par la force du lehendakari en exil José Antonio Agirre et de son équipe qui quittent l’hôtel particulier pour ne plus jamais y revenir.
En application de la loi sur la Mémoire démocratique votée en 2022, le bâtiment est récupéré par son propriétaire légitime, le PNV, qui avait acheté cet immeuble prestigieux en octobre 1937, au moment où la guerre civile espagnole tournait à son désavantage. Un décret d’application publié par le Journal officiel espagnol le 24 décembre 2024 reconnaît que des recherches exhaustives permettent d’affirmer sans aucun doute possible « que l’origine des fonds qui ont au départ permis d’acheter l’édifice ne pouvaient provenir du gouvernement basque, mais qu’ils furent réunis en 1936 par le PNV ». Avant même la constitution du premier gouvernement autonome.
Dans ce bâtiment spolié, l’Institut Cervantes
Cette formalité apparente du décret est la clef de la bataille que les jeltzale mènent sans relâche. Dès la transition démocratique, les différents gouvernements espagnols ont systématiquement refusé de restituer ces locaux à leurs propriétaires légitimes, au motif que l’achat avait été réalisé à partir de fonds provenant de la succursale de la Banque d’Espagne occupée par les autorités basques à Bilbao pendant la guerre. Selon eux, le bâtiment parisien appartenait au gouvernement autonome, simple « démembrement » du gouvernement espagnol. Les aléas de l’histoire, nous y reviendrons plus loin, faisaient que le PNV peinait à prouver la légitimité de sa demande, faute d’un titre de propriété en bonne et due forme, du fait des bouleversements liés à la défaite républicaine, puis à l’Occupation en France. Pour bien marquer sa main-mise, le gouvernement de Madrid a installé dans les locaux du 11 avenue Marceau, qui bénéficient de l’inviolabilité diplomatique, l’Institut Cervantes, en charge de la promotion de la langue espagnole, d’où le grand drapeau rouge et jaune qui flotte depuis des années sur son fronton.
« Pour bien marquer sa main-mise, le gouvernement de Madrid a installé dans les locaux du 11 avenue Marceau, l’Institut Cervantes, en charge de la promotion de la langue espagnole. »
L’Euzkadi buru batzar, instance dirigeante du PNV, se réjouit de la décision de 2024 et salue l’engagement de plusieurs dizaines de ses membres qui se sont acharnés pendant des décennies à maintenir vivante la nécessité de récupérer un lieu aussi chargé d’histoire et de symboles.
Qu’il nous soit permis d’évoquer ici la mémoire de l’historien et pionnier de l’abertzalisme en Iparralde, Eugène Goyheneche. Il parlait souvent du 11 avenue Marceau où, jeune homme, il milita tant et plus, pendant les « années terribles ».