Jean-Claude Gillet publie un livre sur le seul parti politique français qui entendit, reprit nos revendications pendant une trentaine d’années et même prit part “à la lutte pour l’émancipation nationale et sociale du peuple basque”.
Dirigeant du PSU aujourd’hui installé au Pays Basque et militant dans un parti abertzale, Jean-Claude Gillet révèle un aspect oublié de notre histoire politique. A partir des archives, des publications et de témoignages de militants, il offre un panorama des prises de position, des approches et des débats autour de la question basque, qui ont traversé le Parti socialiste unifié, de 1960 à 1990.
On ne connaît aujourd’hui cette formation qu’à partir du prisme un peu déformant de son leader, Michel Rocard, qui conserve aux yeux des abertzale l’immense mérite d’avoir pratiqué “l’art de la paix” en Kanaky. C’est méconnaître l’importance du PSU depuis les années 60, dans une France terriblement droitière et centralisée, à un moment où la gauche non communiste et éparpillée peinait à sortir de ses errements de la guerre d’Algérie.
A l’aile gauche du PS auquel il se rallia en partie plus tard, le PSU fut un exceptionnel laboratoire d’idées et d’innovations sociales, adversaire infatigable du conservatisme, des staliniens et de toutes les compromissions.
Mais l’objet du livre de Jean-Claude Gillet n’est pas là. L’auteur fait ici un relevé assez exhaustif des analyses et des informations parues sous l’égide du PSU sur la situation en Espagne, les luttes en Pays Basque, la question nationale et le droit des peuples à disposer d’eux-mêmes. Le PSU d’Iparralde, mais aussi les fédérations d’autres peuples, jouèrent en la matière un rôle déterminant.
L’auteur fait ici un relevé assez exhaustif
des analyses et des informations
parues sous l’égide du PSU
sur la situation en Espagne,
les luttes en Pays Basque
et le droit des peuples à disposer d’eux-mêmes.
Le PSU d’Iparralde, mais aussi les fédérations d’autres peuples,
jouèrent en la matière un rôle déterminant.
Reprenant à leur compte nombre de thèses et de revendications basques, même les plus radicales, y prenant part souvent, dans l’anti-répressif comme dans la vie associative, les membres du PSU ont su faire évoluer leur parti, y compris sa direction centrale. Il soutint le combat nationalitaire, dans ses aspects économiques et sociaux, linguistiques et éducatifs, en lien avec l’oppression de classe. Gageons qu’à l’inverse, le socialisme autogestionnaire qui fit florès à cette époque dans le mouvement abertzale, doit aussi beaucoup à l’influence de ce parti. Le collectif autogestionnaire Izan, mouvement charnière de l’abertzalisme au début des années 80, doit également à la sensibilité PSU, dans l’émergence de ses chantiers.
Dans le tohu-bohu et les égarements
Les débats et les points de vue des années 60-70 paraîtront étranges pour le lecteur de 2019, tant les questions idéologiques et les projets de société se sont aujourd’hui asséchés.
L’immense mérite de Jean-Claude Gillet est de nous en restituer l’ampleur et le contexte, en un temps marqué par la fin du franquisme en Espagne, la montée en puissance puis l’arrivée de la gauche au pouvoir en France. Périodes de changements de régime et de mutations propices aux (r)évolutions sociopolitiques, à l’espoir et aux idées nouvelles.
Nous mesurons au fil des pages l’intensité des débats à gauche en cette fin du XXe siècle, si marquée par la complexité, la confusion, la violence politique et la répression, l’émiettement des forces abertzale et leur incessante recomposition, au Nord comme au Sud de la Bidassoa.
Dans le tohu-bohu et les égarements, le PSU brille par sa lucidité. Des notions nées dans son orbite ou à son initiative, telles que le colonialisme intérieur, l’autogestion, la réparation historique —ce que la loi française a détruit, la loi française doit le reconstruire—, ou encore la nécessité d’une culture critique et désaliénante, gagneraient aujourd’hui à être revisitées. Le projet politique abertzale s’en trouverait sûrement vivifié, tant il est vrai qu’il n’y a “nul bon vent à qui n’a point de port destiné” (Montaigne).
Sans trop le savoir clairement, nous sommes issus, voire façonnés par les idées de cette époque dont le PSU fut un vecteur fondamental. En ce sens, l’action de ses militants n’aura pas été vaine. Jean-Claude Gillet, auteur d’ouvrages équivalents sur la Corse et la Catalogne Nord, égraine dans son livre une série d’interviews de membres du PSU d’Iparralde, à la démarche exemplaire. Pour la plupart, ils furent les compagnons de route, voire des acteurs importants du combat abertzale. Leur engagement sans faille n’a d’égal aujourd’hui que leur discrétion et leur modestie. Grâce à ce livre, ils ne tomberont pas totalement dans l’oubli. Leurs propos donnent à la démarche du PSU et à ce livre une émouvante épaisseur humaine.