Le renard libre dans le poulailler libre

RenardLibre

La bataille actuelle du logement pose un certain nombre de questions et de réflexions de fond la dépassant largement. En résumé, celles de la liberté de faire ce qu’on veut de son argent, du droit sacré à la propriété, et de l’intouchable loi du marché. Quel sens ont ces notions dans un monde aux limites de plus en plus tangibles ?

Nécessaires limites

Le simple bon sens nous fait accepter, trouver justifié et évident, de fixer des règles, des limites et des interdits à chacune de ces notions. Personne n’a le droit d’égorger son voisin, même avec un couteau acheté avec l’argent gagné à la sueur de son front. Personne n’a le droit de faire ce qu’il veut de la voiture dont il est propriétaire, ni rouler à 200 km à l’heure, ni transporter de la drogue avec. On a pas le droit non plus d’acheter les yeux ou les reins de quelqu’un, même s’il était d’accord pour cela, ou de faire ce qu’on veut de son appartement en secteur sauvegardé…

Ces limites vont devenir de plus en plus justifiées et nécessaires dans un monde dont les grands équilibres écologiques ont été bouleversés, dont les seuils critiques en matière de climat et de biodiversité sont franchis, où certaines matières premières et énergies non renouvelables connaissent des pics de production, et où l’explosion démographique est venue requestionner totalement les notions d’habitat, de consommation d’espace, de mobilité etc.

Dans ce monde là, le nôtre aujourd’hui et encore plus celui de nos enfants demain ; règles suffisamment contraignantes et limites clairement posées sont indispensables pour que la liberté des uns, leur droit à la propriété, et leur position dans le jeu de l’offre et de la demande ne viennent pas écraser la liberté, le droit à la propriété, ou au moins à l’usage, et la position des autres. Dans un monde fini, limité, on ne peut laisser à certains la liberté de prendre la part qu’ils veulent du gâteau, même s’ils ont l’argent qui leur permet de l’acheter, sous peine de voir les autres mourir de faim. Règles et limites doivent permettre d’assurer la sage consommation des ressources communes à l’Humanité, une production d’émissions de gaz à effet de serre compatible avec la viabilité de cette planète, une juste répartition de ces ressources, de l’espace et de tout ce qui n’est pas infini.

Les pourfendeurs de l’intérêt général

Certains refusent cette logique là.

Cela donne le recours juridique de multi-propriétaires et de lobbies divers contre le règlement sur la compensation adopté par la CAPB le 5 mars dernier, qui « qui viole le droit fondamental des propriétaires à disposer de leur bien au nom d’un intérêt général supérieur qui est celui du logement » comme le rappelait dans un communiqué de presse l’UNPLV (regroupant les principales plateformes comme Airbnb, Abritel, Le Boncoin, Poplidays etc. ). Ils revendiquent le droit de faire ce qu’ils veulent du logement dont ils sont devenus propriétaires, y compris de lui enlever sa fonction d’habitation pour la population locale, avec toutes les conséquences sociales et écologiques que cela suppose.

Cela explique le comportement de certains, qui parce que c’est LEUR argent, trouvent normal de faire délivrer un congé pour vente puis expulser la famille du logement qu’ils vont acheter pour en faire leur résidence secondaire, leur pied-à-terre en Pays Basque.

Cela semble autoriser certains propriétaires à violer la loi en délivrant des baux frauduleux de 8, 9 ou 10 mois à leurs locataires pour pouvoir louer leur bien à prix forts pendant la saison touristique. Alda, qui fait requalifier des dizaines de ces baux en bail 12 mois renouvelable automatiquement, permet ainsi à des salariés, des couples avec enfants en bas âge et même des retraités de ne pas devenir SDF pendant la période estivale. Un propriétaire, devant le tribunal, s’est ainsi défendu : « Vu que le locataire a signé ce bail, c’est qu’il était d’accord ». Ce à quoi lui a répondu le militant d’Alda qui défendait le locataire concerné (les juges autorisent l’association Alda à représenter les locataires qui le souhaitent) : « Donc si un patron propose à un chômeur sans ressources un emploi payé à la moitié du smic pour 60 heures hebdomadaires, vous trouverez cela normal et légal si la personne n’ayant d’autre choix possible pour survivre accepte ? ».

Et oui, il y a des règles qui encadrent la loi de l’offre et la demande, la loi du marché, et il faut les durcir au fur et à mesure que l’intérêt général n’est plus assuré. Il y a des limites au droit de propriété et il faut les renforcer au fur et à mesure où le droit au logement de certains n’est plus garanti. Personne ne doit avoir le droit de venir en Pays Basque, ni nulle part ailleurs, « faire ce qu’il veut de son argent », qu’il l’ait gagné « à la sueur de son front » ou qu’il en ait hérité.

Forum logement le 4 juin

J’imagine que ces réflexions traverseront les débats et échanges du Forum « Se loger au Pays – Herrian bizi » organisé le samedi 4 juin à Saint Pierre d’Irube par la plateforme du même nom, issue de la grande manifestation du 20 novembre 2021. Une assemblée générale constitutive y débattra le matin de la structuration de cette plateforme et de sa feuille de route pour les 2 ans qui viennent. Des ateliers participatifs travailleront l’après-midi à enrichir cette feuille de route.

Puis une table-ronde de haut niveau viendra clôturer la journée. Il y sera question de logement social, d’encadrement renforcé des loyers, de résidences secondaires et de l’impact de la compensation sur la situation du logement dans les villes qui l’ont mise en place dès 2018.

Bref, une journée à ne pas rater pour celles et ceux qui suivent de près le débat actuel sur le logement et veulent contribuer à la bataille qui se mène aujourd’hui pour imposer le droit de vivre et de se loger au Pays face à l’argent tout puissant, face à la prétention à faire ce qu’on veut de ses propriétés et face à la loi du marché affranchie de toute règle et de tout état d’âme.

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2 réflexions sur « Le renard libre dans le poulailler libre »

  1. Je ne pourrai pas venir le 4, je ne suis pas disponible, c’est bien dommage.

    Personnellement je suis locataire à Itxassou, j’ai trouvé (coup de chance) parce que je « suis d’ici » et que le propriétaire est « de la famille ».
    J’héberge depuis presque 1 an un ami, employé en restauration à 13 km, qui était en contrat saisonnier, et a signé un CDI. Il ne trouve pas à se loger décemment à des prix supportables même si son salaire est correct. Il n’est « pas d’ici » et d’origine étrangère.
    Quelle(s) possibilité(s) pour les personnes comme lui?

  2. Cette question des limites est de plus en plus « l’éléphant dans la pièce », le sujet que tout le monde voit de manière de plus en plus flagrante (climat, pollutions et pénuries) mais dont la prise en compte sérieuse causerait trop d’embarras. En l’occurence car elle vient remettre en question tout ce qui structure le monde moderne depuis le 18è siècle, à savoir la propriété privée et le commerce, et par extension la transformation en possessions vendables de nombreux pans des vies et des territoires qui auparavant n’étaient pas vraiment des possessions et étaient encore moins vendables. L’extractivisme fossile, la surexploitation des ressources et la spéculation immobilière en sont des variantes.
    Dans ce recours juridique contre le règlement sur la compensation on sent bien qu’ils ne sont pas fiers de ce qu’ils font, les arguments mis en avant sont uniquement d’ordre formel. Ils n’agissent pas au nom de l’avenir, au nom du bien commun, d’un intérêt collectif, rien de tout ça, ils se cachent juste derrière le droit à la propriété privée, dans une société où à peu près tous ses contrepoids institutionnels ont été démantelés.

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