Le président Macron va donc rempiler, non sans mal. Un moment, le vent du boulet l’a décoiffé, presque découronné. Lui a-t-il écorné le logiciel jupitérien ? C’est peu probable.
Qu’attendre de son second mandat ? A l’intérieur de la République, rien de bien nouveau à mon avis, et tant mieux si je me trompe. On l’avait d’abord pris pour un girondin, décentralisateur et transversal ; il s’est montré jacobin, champion de la verticalité olympienne, dans une Ve République déclinante mais dopée.
La monarchie républicaine se renforce de façon extravagante à chaque présidentielle, avec la complicité étonnamment naïve des Français qui poussent les candidats à s’occuper de tout dans le moindre détail.
Au dehors, le président Macron a continué brillamment la politique traditionnelle de la France, dans un esprit délibérément européen qui est son point fort, avec toutefois un bémol : il veut ériger l’Europe en puissance politique, mais en bon Français il n’est pas fédéraliste. Comment fera-t-il progresser un conglomérat de 27 États vers plus d’union dans la protection économique, écologique, sociale, militaire, diplomatique, avec une politique étrangère commune ou en tout cas convergente ? Quadrature du cercle et par suite probablement politique des petits pas, très éloignée de l’ambition proclamée…
Retour à la politique intérieure, avec d’abord nos affaires basques.
Au cours de son premier mandat le président Macron a déçu dans deux domaines : celui des langues dites “régionales” et celui de nos prisonniers de guerre. Pour ce qui est des langues, il déclarait le 20 mars 2018 à l’Institut de France : “Au fond nous sommes le seul pays de la Francophonie qui ne vit qu’en français… Il n’y a que les Français qui n’ont que le français…” Arrogance ? Plutôt ignorance de la vie réelle, dans ce domaine comme dans d’autres, peut-être par manque d’expérience politique sur le terrain. En travaux pratiques il s’est montré aussi restrictif à l’occasion de la loi Molac en faveur des langues régionales : cette loi étant votée par le Parlement au printemps 2021, 61 parlementaires de la majorité présidentielle mirent en cause son financement municipal auprès du Conseil Constitutionnel, celui-ci profita de l’aubaine pour interdire à ces langues la méthode immersive d’enseignement, la seule qui permette de les apprendre vraiment, et le président Macron s’empressa de signer cet oukase ultra-jacobin. De plus la loi Molac reste à la merci d’un éventuel pouvoir autoritaire qui pourrait l’abolir : la place des langues “régionales” dans la République française ne pourra être assurée durablement que par leur inscription dans un article efficient de la Constitution. Le président Macron s’impliquera-il dans cette démarche de salut public ? L’on peut en douter, mais a priori pourquoi ne le ferait-il pas ?
La place des langues “régionales”
dans la République française
ne pourra être assurée durablement
que par leur inscription
dans un article efficient de la Constitution.
Quant aux prisonniers basques, le président Macron déclarait à Biarritz lors de la préparation du G7 de juillet 1919 : “Le Pays Basque est pour moi un exemple de résolution de conflit et de sortie des armes. (…) Le devoir de l’État est d’accompagner le mouvement. Nous ne devons pas faire bégayer l’Histoire, il faut l’accompagner”... Cet accompagnement laisse à désirer quand deux Basques de citoyenneté française restent en prison après 32 ans de détention, par l’entêtement irrationnel d’un procureur de la République, avocat de l’État, qui n’a visiblement pas bien reçu le message présidentiel.
L’écologie non plus n’est pas le point fort du président Macron. Il s’est contenté du minimum au cours de son premier mandat. Fera-t-il mieux d’ici 2027 ? Il le faudrait absolument, car le temps presse et les besoins urgents dans tous les domaines, et pas seulement dans celui du climat.
Il ne manquera pas non plus de travail dans les autres grands dossiers mis en évidence par l’actualité : pouvoir d’achat et retraites, santé et vieillesse, paix en Ukraine et défense européenne, logement et maîtrise du foncier, enseignement et jeunesse, transition énergétique et transports, révolution agricole et environnementale, maintien du service public sur les différents territoires, coopération avec les pouvoirs intermédiaires…
Je crains que pour affronter ces énormes défis, le président Macron continue à faire trop confiance au progrès technologique, au bon vouloir des investisseurs privés et surtout à sa bonne étoile, aux dépens de la participation populaire, des collectivités territoriales et de l’initiative parlementaire…
Mon seul souhait serait de me tromper par excès de pessimisme.
Pour finir, une bonne nouvelle malgré tout : l’échec d’une droite populiste, démagogue, autoritaire, ultra-cocardière et xénophobe, à la compétence incertaine, coiffée au poteau par un européen convaincu. Quand même, près de la moitié des Français qui vote pour cette droite-là, c’est inquiétant ! Mais comme toujours, nos grands voisins du nord viendront nous donner des leçons d’ouverture et d’universalisme…