Le texte de la proposition de loi de Peio Dufau

Peio Dufau, le vendredi 10 janvier 2025 à Arbonne, Ferme Berrueta, présente sa proposition de loi visant à lutter contre l’hémorragie de foncier agricole, accompagné de représentants de la profession agricole et de représentants syndicaux.

Le 8 janvier, le député basque Peio Dufau déposait à l’Assemblée nationale une proposition de loi destinée à lutter contre la disparition des terres agricoles et à renforcer les pouvoirs des SAFER (Sociétés d’aménagement foncier et d’établissement rural). En particulier en augmentant leur pouvoir de préemption. Un nouveau droit soutenu entre autres par ELB et Lurzaindia et dont l’absence criante avait été révélée lors de lors de la vente de douze hectares de terres en nue-propriété, à Arbonne en septembre 2022. L’affaire fit grand bruit et permit alors, grâce à une formule juridique parfaitement légale, de vendre à 3 millions d’euros, une propriété dont les terres étaient évaluées à 100 000€.

Le texte de loi prévoit d’augmenter les zones où ce droit de préemption s’applique, en particulier sur les zones côtières ou urbaines tendues. Les SAFER auront désormais le pouvoir de visiter les terres mises en vente, afin d’évaluer correctement leur valeur réelle et leur potentiel agricole. Enfin, la proposition de loi que Peio Dufau cosigne avec Julien Dive (Droite républicaine), s’attaque au détournement d’usage des terres par leur transformation en terrains d’agrément qui réduit leur disponibilité pour les exploitations agricoles.

N° 805

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ASSEMBLÉE NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

DIX-SEPTIÈME LÉGISLATURE

Enregistré à la Présidence de l’Assemblée nationale le 21 janvier 2025.

PROPOSITION DE LOI

visant à lutter contre la disparition des terres agricoles et à renforcer la régulation des prix du foncier agricole,

(Renvoyée à la commission des affaires économiques, à défaut de constitution d’une commission spéciale dans les délais prévus par les articles 30 et 31 du Règlement.)

présentée par

M. Peio DUFAU, M. Julien DIVE, Mme Claudia ROUAUX, M. Thierry BENOIT, M. Benoît BITEAU, M. André CHASSAIGNE, M. Pascal LECAMP, M. David TAUPIAC, M. Stéphane TRAVERT, Mme Aurélie TROUVÉ, M. Inaki ECHANIZ, Mme Colette CAPDEVIELLE, M. Dominique POTIER, Mme Marie-José ALLEMAND, M. Gabriel AMARD, Mme Farida AMRANI, M. Joël AVIRAGNET, Mme Léa BALAGE EL MARIKY, M. Fabrice BARUSSEAU, M. Jean-Pierre BATAILLE, Mme Marie-Noëlle BATTISTEL, Mme Lisa BELLUCO, Mme Anaïs BELOUASSA-CHERIFI, M. Arnaud BONNET, M. Mickaël BOULOUX, M. Pierre-Yves CADALEN, M. Sylvain CARRIÈRE, M. Bérenger CERNON, M. Hadrien CLOUET, M. Paul-André COLOMBANI, Mme Josiane CORNELOUP, M. Jean-François COULOMME, M. Pierrick COURBON, M. Hendrik DAVI, M. Alain DAVID, M. Arthur DELAPORTE, M. Stéphane DELAUTRETTE, Mme Virginie DUBY-MULLER, M. Romain ESKENAZI, M. Denis FÉGNÉ, Mme Martine FROGER, M. Jean-Luc FUGIT, M. Perceval GAILLARD, M. Julien GOKEL, Mme Pascale GOT, M. Emmanuel GRÉGOIRE, M. David HABIB, M. Stéphane HABLOT, Mme Ayda HADIZADEH, Mme Catherine HERVIEU, Mme Mathilde HIGNET, Mme Chantal JOURDAN, M. Philippe JUVIN, Mme Marietta KARAMANLI, Mme Julie LAERNOES, M. Tristan LAHAIS, M. Abdelkader LAHMAR, M. Maxime LAISNEY, Mme Sandrine LE FEUR, Mme Nicole LE PEIH, Mme Karine LEBON, M. Stéphane LENORMAND, Mme Murielle LEPVRAUD, M. Gérard LESEUL, M. Benjamin LUCAS-LUNDY, M. Max MATHIASIN, M. Damien MAUDET, M. Paul MOLAC, M. Marcellin NADEAU, M. Philippe NAILLET, Mme Sandrine NOSBÉ, M. Hubert OTT, Mme Julie OZENNE, Mme Sophie PANTEL, Mme Constance DE PÉLICHY, M. Marc PENA, Mme Anna PIC, Mme Christine PIRÈS BEAUNE, Mme Marie POCHON, M. Christophe PROENÇA, M. Loïc PRUD’HOMME, M. Jean-Claude RAUX, Mme Sandra REGOL, Mme Mereana REID ARBELOT, Mme Sandrine RUNEL, M. Hervé SAULIGNAC, M. Charles SITZENSTUHL, M. Thierry SOTHER, Mme Violette SPILLEBOUT, Mme Sophie TAILLÉ-POLIAN, Mme Andrée TAURINYA, M. Matthias TAVEL, M. Boris TAVERNIER, Mme Céline THIÉBAULT-MARTINEZ, M. Jean-Louis THIÉRIOT, Mme Mélanie THOMIN, M. Emmanuel TJIBAOU, Mme Annie VIDAL, M. Stéphane VIRY, Mme Dominique VOYNET, Mme Estelle YOUSSOUFFA, députés.


EXPOSÉ DES MOTIFS

Mesdames, Messieurs,

Les récentes mobilisations des agriculteurs ont rappelé les difficultés persistantes que connaît le secteur agricole tout en soulignant son rôle indispensable pour notre société. L’agriculture assure en effet l’accès à une alimentation saine et variée, garantissant ainsi notre souveraineté alimentaire. Elle joue un rôle essentiel dans la vitalité de nos territoires, conserve une partie de notre patrimoine culturel, façonne nos paysages, et se trouve désormais au cœur du défi environnemental. Alors qu’elle subit les effets du changement climatique, l’agriculture offre aussi des solutions pour y répondre, en particulier à travers la gestion des terres.

La terre est en effet le socle de l’agriculture, et sa disponibilité conditionne largement la capacité de production. Préserver les terres agricoles est donc un enjeu crucial pour la survie de l’agriculture, d’autant plus que ces espaces sont de plus en plus convoités par l’urbanisation galopante. Chaque hectare alloué à d’autres usages est irrémédiablement soustrait à l’agriculture, affaiblissant notre capacité à nourrir la population et à maintenir une diversité d’exploitations viables.

Dans un contexte où le changement climatique pourrait déjà rendre 10 % des terres arables incultivables, la surface même des terres agricoles ne cesse de diminuer pour différentes raisons, à commencer par l’urbanisation. En 2023, l’Hexagone a ainsi perdu 13.000 hectares d’espaces agricoles au profit d’une expansion urbaine irréversible, soit plus que la superficie de la ville de Paris.

À cette artificialisation s’ajoute un phénomène plus insidieux, et encore plus important en termes de surface que l’étalement urbain : la consommation masquée du foncier agricole, lorsque des non agriculteurs acquièrent des terres et en modifient l’usage. Bien que ces terres conservent une certaine capacité d’exploitation, leur conversion d’usage en terres d’agrément réduit considérablement leur utilisation agricole. Chiffré pour la première fois cette année, le constat est alarmant : en 2023, entre 15 000 et 20 000 hectares ont été détournés de leur vocation agricole.

La crise sanitaire a intensifié cette tendance, amplifiant l’engouement pour les résidences secondaires et les maisons de campagne. L’intérêt croissant pour les espaces ruraux, stimulé par le télétravail et l’évolution des modes de vie, a rendu les terres agricoles d’autant plus attractives pour des acquéreurs non agricoles ayant un pouvoir d’achat conséquent. Ce phénomène accroît la pression sur le foncier agricole, fausse le marché et fragilise encore davantage les candidatures à l’installation agricole.

Des dispositifs de protection du foncier agricole existent, mais leur efficacité est aujourd’hui mise à mal par l’évolution du marché. Dès les années 1960, la France s’est dotée d’outils structurants que sont les sociétés d’aménagement foncier et d’établissement rural (SAFER) et le contrôle des structures, qui jouent un rôle déterminant dans la régulation du marché des terres agricoles. Toutefois, la hausse marquée des prix des fermes et des terres, en particulier dans les zones attractives ou à proximité des zones tendues, détourne de plus en plus d’hectares de leur vocation agricole sans que les SAFER ne disposent des moyens pour contrer cette spéculation foncière.

Aujourd’hui plus que jamais l’enjeu est de taille. Plus d’un quart des agriculteurs ont plus de 60 ans et d’ici 2030, plus de 5 millions d’hectares de terres agricoles changeront de main, ce qui pourrait accélérer la disparition des terres et des exploitations.

La loi de 2014 avait pour objectif de renforcer l’intervention des SAFER, notamment via la préemption partielle. Cependant, peu de transactions bénéficient effectivement de ce mécanisme (1), la SAFER se voyant contrainte in fine de se positionner tout de même sur l’ensemble. La Fédération nationale des SAFER a récemment tiré la sonnette d’alarme concernant cet angle mort de la régulation foncière agricole, en dénonçant l’acquisition croissante de terres par des non agriculteurs, échappant ainsi à leur contrôle.

Actuellement, la pression populaire reste parfois le seul recours face à la conversion des terres agricoles en terres d’agrément lorsque la SAFER se trouve impuissante face à des transactions échappant à son droit de préemption.

Au vu de ces constats, il devient indispensable de prendre des mesures pour protéger les terres agricoles et les espaces ruraux, qui devraient être prioritairement destinés à notre sécurité alimentaire. Alors que la réforme foncière attendue par l’ensemble des acteurs se fait attendre, cette proposition de loi permet d’agir sans délai pour répondre aux besoins les plus urgents.

Cette proposition de loi vise à répondre à ces enjeux en renforçant les moyens d’action et de régulation de la SAFER.

L’article 1er permet de consolider le droit de préemption partielle de la SAFER. Cette dernière se voit octroyer le droit de demander la notification disjointe d’une maison d’habitation et de son jardin d’agrément afin de renforcer sa capacité à agir sur le foncier agricole.

L’article 2 permet d’étendre les droits de préemption de la SAFER dans les communes limitrophes des communes littorales et les communes de la zone tendue. Il habilite également le préfet à étendre ces dispositifs à d’autres communes lorsque les circonstances locales le justifient.

L’article 3 permet à la SAFER de visiter un bien avant d’exercer son droit de préemption. La désignation des biens, souvent sommaire, ne suffit pas à leur appréciation. Ce droit de visite donne à la SAFER les moyens d’obtenir une évaluation plus juste des biens mis sur le marché et renforce ainsi son expertise et sa capacité à réguler les prix.

L’article 4 gage la présente proposition de loi.

Article 1er

Le I de l’article L. 141 1 1 du code rural et de la pêche maritime est complété par une phrase ainsi rédigée : « Sous réserve du I de l’article L. 143 7, la société d’aménagement foncier et d’établissement rural peut demander que la notification de la cession à titre onéreux distingue les terrains à usage ou à vocation agricole des bâtiments d’habitation. La cession relative à ces bâtiments peut inclure un jardin d’agrément dont la surface ne peut être supérieure à cinq fois la surface développée de ces bâtiments, ainsi que des immeubles bâtis sur cette surface. »

Article 2

L’article L. 143 1 du code rural et de la pêche maritime est ainsi modifié :

1° La dernière phrase du deuxième alinéa est complétée par les mots : « sauf si ce changement a été effectué au cours des cinq années qui ont précédé l’aliénation et en violation des règles d’urbanisme applicables » ;

2° À la première phrase du troisième alinéa, après le mot : « environnement, », sont insérés les mots : « les communes limitrophes de celles ci et celles où est appliquée la taxe sur les logements vacants mentionnée au I de l’article 232 du code général des impôts » ;

3° À la première phrase du quatrième alinéa, après le mot : « environnement, », sont insérés les mots : « les communes limitrophes de celles ci et celles où est appliquée la taxe sur les logements vacants mentionnée au I de l’article 232 du code général des impôts » ;

4° Après la première phrase du quatrième alinéa, est insérée une phrase ainsi rédigée : « Le présent alinéa s’applique également aux communes désignées par le représentant de l’État dans le département dans des conditions et selon des critères fixés par décret. »

Article 3

L’article L. 143 8 du code rural et de la pêche maritime est complété par un alinéa ainsi rédigé :

« La société d’aménagement foncier et d’établissement rural peut demander à visiter le bien dans des conditions fixées par décret. »

Article 4

I. – La charge pour l’État est compensée à due concurrence par la création d’une taxe additionnelle à l’accise sur les tabacs prévue au chapitre IV du titre Ier du livre III du code des impositions sur les biens et services.

II. – La charge pour les collectivités territoriales est compensée à due concurrence par la majoration de la dotation globale de fonctionnement et, corrélativement pour l’État, par la création d’une taxe additionnelle à l’accise sur les tabacs prévue au chapitre IV du titre Ier du livre III du code des impositions sur les biens et services.

(1) En 2018, les SAFER ont effectué des préemptions partielles pour près de 10 % du total de leurs préemptions en valeur et près de 6 % en nombre d’actes.

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