Spécificité de la Ve république, surtout depuis l’inversion du calendrier liée à la création du quinquennat, les législatives prolongent et solidifient le choix de la présidentielle. Seule inconnue, l’ampleur du résultat. D’autant qu’en l’espèce, la force politique du nouveau président est toute neuve, quasiment sans députés sortants et, pour l’essentiel, composée de citoyens sans mandat, issus de ce que, par commodité, l’on nomme société civile. Tout serait-il joué avant même l’ouverture de la campagne? En France peut-être, en Pays Basque sûrement pas, car, par la grâce de François Bayrou, qui a imposé ses candidats MODEM, ce vent nouveau ne soufflera pas sur nos trois circonscriptions. Ici la bataille est super-classique dans l’entrechoquement des vieux partis hexagonaux.
On peut, sans être un expert, plaquer la donne électorale de 2012 sur celle de 2017 où chacun retrouvera les siens. Pour répondre au renouvellement du personnel politique, En Marche-Bayrou nous propose, dans les deux circonscriptions de la côte, deux notables conseillers départementaux, maire de Cambo ou maire-adjointe d’Anglet dont l’un fut même suppléant de la très regrettée Michèle Alliot-Marie. Du tout neuf en effet. Et pour le Pays Basque intérieur, la société civile nous met en marche, au pas cadencé, un militaire en garnison à Bayonne. Emmanuel Macron, à sa manière, accorde ainsi au Pays Basque un statut particulier. Les abertzale devraient s’y sentir à l’aise.
Mieux, les trois candidats Euskal Herria Bai devraient bénéficier d’une notoriété découlant de leur reconduite du scrutin législatif de 2012 dans un paysage de plus en plus façonné par nos valeurs.
Déjà il y a cinq ans, EH Bai était la troisième force politique avec 9,78% derrière les deux grands partis français de gouvernement, le Parti socialiste et l’UMP.
Des mairies ont depuis basculé au rythme de l’enseignement de l’euskara, de la contre-société paysanne de Laborantza Ganbara, du réseau d’entreprises germées par Herrikoa, du syndicalisme basque ouvrier et paysan, d’Euskal moneta…
L’institution politico-administrative Pays Basque est devenue réalité. Bref, le chemin parcouru en cinq ans devrait servir de terreau fertile à nos candidats les 11 et 18 juin.
La nature de la 4ème circonscription, la basco-béarnaise, rend effectivement difficile l’élection abertzale, alors même que dans la partie basque on y fait les meilleurs scores. En revanche, nous pouvons entrevoir un parcours plein d’espoir dans la 6ème de la Côte. La qualité de notre candidat, Peio Etcheverry-Ainchart, dont le lecteur d’Enbata goûte l’humour, la vivacité de la plume et de l’esprit, qui déroule un parcours exemplaire d’élu d’opposition à la mairie de Saint-Jean-de-Luz, devrait tirer bénéfice de la multitude de candidatures et de la règle électorale d’accès au second tour. Rares seront les concurrents pouvant dépasser un score au-dessus des 12,5% des inscrits. Avec une participation traditionnellement autour des 60% de votants, il faudra donc disposer de 20 à 22% des suffrages exprimés. Si Peio élargit ses 10% de 2012, il lui sera possible de se retrouver deuxième dans l’ordre d’arrivée du premier tour, ce qui lui permettrait de concourir au second. L’enjeu, on le voit, est de taille pour la famille abertzale. Cela nous oblige tous à la mobilisation pour coller les affiches, tracter sur nos places, être assesseurs dans les bureaux de vote, assister aux réunions publiques, réveiller ceux qui sont d’accord mais ne bougent pas… Si nous en prenons conscience, un coup est possible.
Si notre choix abertzale est évidemment fait, force est de reconnaître l’évolution vers nos thèses des députés sortants, tous se représentant. Jean Lassalle, Sylviane Allaux et Colette Capdevielle ont, les trois, élaboré et voté le projet d’institution spécifique du Conseil des élus. Ils l’ont porté auprès de gouvernement de Jean-Marc Ayrault qui l’a refusé mais a ouvert la voie, dans le cadre de la loi NOTRe, à la création de l’EPCI Pays Basque qui a vu le jour en janvier dernier. Jean Lassalle en retrait, les deux députés PS ont été d’ardentes participantes aux votes, à 73%, des 158 conseils municipaux qui l’ont mis en place. Elles ont, en toute occasion, sur le terrain comme à l’Assemblée nationale, agi concrètement en faveur de l’euskara, du rapprochement des preso, des artisans de la paix… Cet engagement est d’autant plus méritoire qu’il contraste avec les anciens parlementaires, comme Alliot- Marie, indifférents, même hostiles, à nos démarches.
Enfin une remarque sur notre famille abertzale élargie. Jusqu’à quand, en Iparralde où la conquête du pouvoir basque n’existe pas, allons-nous nous présenter divisés, PNV / EH Bai, aux suffrages de nos concitoyens qui nous identifient dans le même univers du zazpiak bat? Chiche que nos médias basques feront pourtant le 11 juin l’addition de nos scores. Fasse que les voix PNV ne manquent pas à Peio pour atteindre le second tour.
Les thèses infusent ou sont partagées effectivement par nos 2 députées sortantes qui sont vaillament montées au front mais qui gardent précieusement leur étiquetage PS, surtout pour Mme Capdevielle qui n’a pas voulu signer la motion de censure contre la loi El Khomri, rendant cette motion caduque. Le courage a ses limites. Pour M. Lassalle, ses envollées lyriques parlent d’elles mêmes sur la profondeur de sa pensée. Mais milles excuses braves électeurs, sa langue avait fourché!
Pour ce qui est de la « grande famille » EH Bai-PNV, autant je peux être pour la convergence des luttes, autant à mon sens on ne peut pas tout mélanger non plus sous prétexte de grapiller des voix… et au risque d’en perdre d’autres.
Une fois de plus l’édito de Jakes Abeberri est brillant.
Une remarque cependant qui rejoint le commentaire de Xavier : Pas de « grande famille » EH Bai-PNV.
Le clivage gauche-droite est le clivage structurant de la politique. Sa négaciation est la négaciation même de la politique. En Hegoalde, le PP et le Psoe de Patxi Lopez s’étaient alliés pour empêcher le PNV de gouverner : on voit où en est le PSOE aujourd’hui.
EH Bai devrait davantage réfléchir à s’allier, en négociant et posant ses conditions avec la France Insoumise, et surtout Europe Ecologie les verts. (Et la France insoumise n’est pas que Mélenchon et le jacobisnisme français, un peu de nuance…)